Né le 3 septembre 1936, diplômé
de l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr et de l’école d’application de
l’artillerie de Châlons-sur-Marne, Zine el-Abidine Ben Ali fut chargé par le président Bourguiba de
la création de la direction de la sécurité militaire qu’il dirigea de 1964 à
1974. Il eut ensuite une carrière diplomatique comme attaché militaire au Maroc
puis en Espagne.
Au mois de janvier 1978, la
Tunisie étant alors en pleine insurrection, il fut rappelé pour être nommé chef
de la Sûreté générale, poste qu’il occupa jusqu’en 1980. Puis il redémarra une
carrière diplomatique comme ambassadeur en Pologne.
Après les graves émeutes du mois
de janvier 1984, il fut de nouveau rappelé. Tout alla ensuite très vite
puisque, le 23 octobre 1985, il fut nommé ministre de la Sûreté nationale, puis
ministre de l’Intérieur le 28 avril 1986. Il devint ensuite le secrétaire général adjoint du PSD (Parti socialiste destourien). Enfin, au
mois de mai 1987, sous le gouvernement de Rachid Sfar, il fut nommé ministre
d’Etat chargé de l’intérieur. Sa nomination comme secrétaire général du PSD en
fit le dauphin du président Bourguiba. Le 2 octobre 1987, ce dernier le nomma
Premier ministre.
Un mois plus tard, le 7 novembre
1987, appuyé sur l’expertise de sept médecins qui attestèrent de son incapacité
mentale, le général Ben Ali déposa Habib Bourguiba.
A l’époque, comme la Tunisie
était menacée d’effondrement, avec toutes les conséquences géopolitiques qui en
auraient découlé, l’accession au pouvoir du général Ben Ali fut unanimement
saluée. Sous sa ferme direction, la subversion islamiste fut jugulée et la
Tunisie devint un pays moderne attirant les investisseurs étrangers.
Se présentant comme le fils
spirituel de son prédécesseur, le général Ben Ali multiplia les gestes
d’ouverture démocratique. Le 25 juillet 1988, il abrogea ainsi la présidence à vie,
limita la présidence à trois mandats, imposa la limite d’âge de 65 ans pour les
candidats aux élections présidentielles et légalisa plusieurs partis
politiques. En 1989, il transforma le PSD en RCD (Rassemblement constitutionnel et démocratique).
Il fut pour une première fois élu
à la présidence de la République le 2 avril 1989, et étant seul candidat, il
recueillit plus de 99% des voix.
En 1991 le gouvernement fit état
de la découverte d’un plan islamiste visant à la prise du pouvoir et les
enquêteurs mirent au jour d’importantes ramifications dans la police et dans
l’armée. Des procès eurent lieu durant l’été 1992. Le parti islamiste
clandestin Ennahdha fut démantelé et
son chef, Rachid Ghannouchi se réfugia à
Londres d’où il organisa la subversion qui allait finir par emporter le régime
vingt ans plus tard.
Réélu à la présidence de la
République en 1994, puis en 1999, le général Ben Ali fut attaqué de toutes
parts en dépit des remarquables réussites économiques de la Tunisie. Même si de
fortes disparités sociales existaient toujours, en vingt ans, le régime Ben Ali
réussit en effet à transformer un Etat du tiers monde en un pays moderne
attirant capitaux et industries, en un pôle de stabilité et de tolérance dans
un monde nord-africain souvent chaotique.
Les Tunisiens qui étaient en
quelque sorte devenus des « privilégiés » n’acceptèrent alors plus de
voir leur expression politique muselée et ils réclamèrent des évolutions
démocratiques. A partir de l’année 2000, la contestation des intellectuels prit
alors de l’ampleur, cependant que le
président, mis sous influence par le clan affairiste gravitant autour de
sa seconde épouse, perdait de sa popularité.
Au début de l’année 2000, le
journaliste Taoufik Ben Brik entama une
grève de la faim qui eut un énorme retentissement médiatique en Europe.
Au même moment, les islamistes se montraient de plus en plus combatifs. Ainsi
le 11 avril 2002, quand ils firent exploser un camion piégé devant la synagogue
de la Ghriba à Djerba, tuant 19 personnes dont 14 touristes allemands.
C’est dans ce contexte de danger
islamiste que le président Ben Ali ralentit ou même revint sur le processus de
démocratisation qu’il avait initié. Mais, ce faisant, il accéléra encore
davantage la désaffection des élites citadines envers son régime.
Le 26 mai 2002, par référendum,
les Tunisiens approuvèrent que l’âge limite de candidature à la présidence de
la République soit repoussé à 75 ans et que les mandats présidentiels ne
soient plus limités à trois, ce qui permit au président Ben Ali de se faire
élire pour un quatrième mandat le 24 octobre 2004. Après les assurances données
en 1987, il venait donc de rétablir en quelque sorte la présidence à vie.
A partir de ce moment, la
contestation s’amplifia et les élites « bourgeoises » qui avaient
profité de l’essor économique du pays rompirent avec le régime, cependant que
la répression se durcissait au fur et à mesure de la montée des périls
islamistes.
Le 17 décembre 2010, un évènement
a priori secondaire qui se produisit à Sidi Bouzid mit le feu aux poudres. Il
s’agissait de l’immolation par le feu d’un vendeur à la criée qui refusait
d’être rançonné par la police. Or, cet homme qui était un chômeur diplômé
devint le symbole de la révolte de tout un peuple.
Le 28 décembre, n’ayant pas pris
la mesure du mouvement, le président Ben Ali s’exprima à la télévision et parla
des manifestants comme d’une « minorité d’extrémistes», ce qui amplifia
encore la révolte qui devint une révolution.
Cette dernière réussit car elle
fut la synthèse de tous les mécontentements : révolte contre l’arbitraire
de la police, révolte contre les inégalités sociales et révolte des nantis pour
des droits démocratiques. A ces trois éléments, et les utilisant avec habileté,
les islamistes donnèrent une cohésion et une organisation qui emporta le régime
sous les applaudissements béats de l’internationale des médias -notamment
français-, qui eut, comme de coutume, un rôle quasiment militant.
Ayant perdu le contrôle de la
situation, le président Ben Ali fut finalement trahi par l’armée, donc par les
siens, et le 14 janvier 2011, après 23 ans de pouvoir, il fut mis dans un avion
par le haut état-major et envoyé en exil en Arabie saoudite où il est mort
le 19 septembre dernier.
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