Le 6 octobre 2020, après
avoir été présenté en Conseil des ministres et approuvé à
l’unanimité
par l
es commissions de la
culture et des affaires étrangères, l’Assemblée nationale
a adopté à l’unanimité des
présents (où étaient les députés du RN et ceux de la « droite de
conviction » ?), le scandaleux projet de loi n°3221 sur rapport
de M. Yannick Kerlogot, dérogeant au principe d’inaliénabilité du patrimoine
national.Composée de deux articles, cette loi
stipule qu’à compter de l’entrée vigueur du texte, 26 œuvres d’art provenant du
trésor du grand chef esclavagiste Béhanzin, roi d’Abomey (voir à ce sujet mon
livre « Esclavage, l’histoire à l’endroit ») conservés
au musée du quai Branly, cesseront de faire partie des Collections nationales.
Or, il faut savoir que ce texte a été présenté en procédure accélérée, en loi
d’exception, et non en loi de portée générale, ce qui signifie qu’il ne passera
qu’une seule fois devant les deux chambres. Où était donc l’urgence en ces
« temps de guerre » contre le terrorisme islamiste et le Covid ?
Cette loi qui déshonore
ceux qui l’ont votée mais également ceux qui, par leur absence se sont rendus
complices du vote alors qu’ils n’ignoraient pas que sa discussion allait venir
en séance, concrétise une promesse unilatérale faite par Emmanuel Macron le 28
novembre 2017 quand, lors d’une visite d’Etat au Burkina Faso, il déclara : « D’ici à cinq
ans, je veux que les conditions soient réunies pour des restitutions
temporaires ou définitives du patrimoine africain à l’Afrique ».
Allant vite en besogne, et en
violation flagrante du principe d’inaliénabilité des biens inscrits aux
Inventaires nationaux, le 17 novembre 2019, à Dakar, le « sabre d’el-Hadj
Omar » fut remis au président sénégalais Macky Sall - d’ethnie toucouleur
comme el-Hadj Omar -, par le Premier ministre français Edouard Philippe. Or,
cette arme qui, soit dit en passant, n’a rien d’africain puisqu'il s’agit d’un
sabre d’infanterie de l’armée française modèle
1821 forgé à Kligenthal, en Alsace, honore la mémoire d’un
conquérant « sénégalais » qui mit en coupe réglée et vendit comme esclaves les ancêtres de 90% de la
population de l’actuel Mali…et d’une partie de celle du Burkina Faso...Un beau
geste de paix dans l’actuel contexte de jihadisme…
Dans la foulée de sa
visite au Burkina Faso,
le président Macron demanda un rapport
sur les « restitutions » à Felwine Sarr de l’Université de St-Louis
du Sénégal et à Bénédicte Savoy, historienne de l’Art et militante engagée que
la sénatrice Catherine Morin-Desailly qui fut présidente de la commission de la
culture au Sénat qualifie d’ « activiste ».
Rendu le 23 novembre 2018, le rapport
proprement surréaliste tant il est caricatural par son aveuglement idéologique et son
ignorance historique, recense 46.000 (!!!) œuvres africaines qui devraient être
« restituées » sur les 90.000 conservées dans les musées français ….
Dans ce rapport, l’on peut lire que
« les collections africaines conservées dans les musées occidentaux (sont)
une frustration née de la colonisation (… et) une sorte de totem de cette
souffrance ». Pour Bénédicte Savoy, toute œuvre d’art africaine conservée
en France et plus généralement en Europe est en effet postulée être le produit
d’un pillage…
Une telle impudence a entraîné la vive
réponse d’Hermann Parzingzer, président de la Fondation du patrimoine prussien
qui gère de très nombreuses collections africaines et qui a qualifié le rapport
« de jargon dominé par une idéologie d’expiation et de pénitence ».
Cette
présomption de « pillage » va donc contraindre les musées
français à démontrer le caractère « légal » des acquisitions. Mais
comment établir la traçabilité des achats, des échanges, des commandes datant
parfois de plusieurs siècles, et des dons de collectionneurs, ces derniers
constituant plus de 50% des collections ?
Alors que l’on attendait une vive réaction
du Sénat, le 4 novembre 2020, ce dernier, tout en protestant, a lui aussi voté
à l’unanimité (où étaient les sénateurs RN et ceux de la « droite de conviction ?),
se contentant d’amender le texte en changeant simplement le mot
« restitution » signifiant « rendre quelque chose que l’on
possède indûment » par « retour »… Une grande marque de « virilité » qui constitue une
garantie pour l’avenir de nos musées…
La boite de pandore ayant été imprudemment
et idéologiquement ouverte par Emmanuel Macron, cinq pays africains se sont
immédiatement engouffrés dans la brèche offerte par la loi, en réclamant dès à
présent 13.000 objets qui sont pourtant autant de biens inaliénables du
patrimoine français.
Mais plus encore, de nuit, en
catimini, quasi clandestinement, la couronne du dais de la reine
Ranavalona conservée au musée de l’Armée
depuis 1910 et qui n’est pas une prise de guerre, mais le don d’un particulier,
a été « restituée » à Madagascar. Qui avait autorité pour autoriser
une telle sortie d’un bien inaliénable inscrit aux Inventaires nationaux ?
Qui a donné l’ordre de cette inadmissible spoliation ?
Quelle association habilitée osera
porter l’affaire devant les tribunaux afin que toute la lumière soit faite sur
ce scandale ? D'autant plus que la convention de l’UNESCO de 1970
concernant les œuvres d’art conservées dans les musées n’est pas rétroactive.
Précision ne manquant pas de
« sel », la couronne de la reine Ranavalona, une superbe pièce en
vermeil ornée de sept fers de lance représentant les sept maisons princières et
surmontée d’un aigle était conservée dans le palais d’Andafiavaratra à
Antananarivo… où elle a été volée en 2011…
La « restitution » des
œuvres d’art à l’Afrique est donc un gage de pérennité… Nous l’avons d’ailleurs
observé avec les manuscrits de Tombouctou détruits par les jihadistes ou avec
le pillage des collections du musée de Butare au Rwanda au moment du
génocide… Si toutes ces collections avaient été abritées dans des musées
européens, elles existeraient encore...