dimanche 24 décembre 2023

Le torchon brûle entre le Mali et l’Algérie

La tension est actuellement forte entre le Mali et l’Algérie. Mercredi 20 décembre 2023 l’ambassadeur algérien à Bamako a été convoqué par la junte militaire au pouvoir. En retour, dès le lendemain jeudi 21 décembre, l’ambassadeur du Mali à Alger le fut au ministère algérien des Affaires étrangères.

Bamako reproche à Alger ses liens avec les « séparatistes » touareg ainsi que l’accueil fait  le mardi 19 décembre  par le président Abdelmaajid Tebboune à une délégation politico-religieuse malienne dirigée  par l’imam Mahmoud Dicko. Or, cet influent chef religieux d’ethnie peul est un opposant à la junte. Cela a pu faire penser à cette dernière qu’Alger tentait d’ouvrir un nouveau front au Mali afin de  donner de l’air à ses alliés touareg actuellement en difficulté militaire… Et pour ne rien arranger,  les 22 et 23 décembre derniers, le ministre malien des Affaires étrangères, M. Abdoulaye Diop a effectué une visite au Maroc, pays avec lequel l’Algérie a unilatéralement rompu ses relations diplomatiques au mois d’août 2021…

Derrière ces évènements récents, c’est en réalité un contentieux ancien et profond qui oppose Alger à Bamako. Et comme les deux pays partagent une frontière de 1400 kilomètres de long, et comme leurs populations touareg sont imbriquées, les évènements  y agissent en vases communicants.

Le problème est bien connu :

1) L’Algérie qui considère le nord du Mali comme le prolongement méridional de ses immensités sahariennes, et pour tout dire comme son « protectorat », s’est toujours impliquée dans les règlements des guerres touareg du Mali. Comme elle craint la contagion chez ses propres touareg, elle ne veut en effet en aucun cas que ces derniers se trouvent impliqués dans la poudrière malienne. Alger est ainsi le principal médiateur dans la question malienne depuis la signature en 2015 de l’Accord d’Alger entre Bamako et les  groupes armés touareg. Tout au contraire, la junte malienne considère que cet accord fait la part belle à ceux qu’elle qualifie, à juste titre d’ailleurs, de « séparatistes ». Pour l’historique de la question on se reportera à mon livre Histoire du Sahel des origines à nos jours.

2) L’Algérie a constamment entretenu des relations avec les mouvements touareg. Il est de notoriété que le chef historique des dernières insurrections, Iyad Ag Ghali, est lié à Alger. Sa famille réside en Algérie, et lui-même y a sa base arrière.

3) Alger se satisfaisait de voir le nord du Mali échapper au pouvoir de Bamako sans toutefois accéder à une véritable indépendance qui aurait pu donner des idées à ses Touareg. Tout au contraire, les militaires maliens ont un objectif  prioritaire qui est la reconquête du nord du pays. Une utopie jusqu’à ces dernières semaines. Or, l’intervention massive  du groupe Wagner a permis aux FAMA (Forces armées maliennes) de prendre Kidal, la « capitale » des Touareg vidée de sa population partie vers le désert et les frontières de l’Algérie. Dans l’attente d’une revanche…
 
Les intérêts de l’Algérie se trouvent donc opposés et confrontés à ceux de son allié historique, la Russie, pays qui lui fournit la quasi-totalité de son armement… Aussi, Alger tente actuellement un rapprochement avec Paris… Une affaire à suivre, mais de loin, maintenant que les protagonistes ont demandé le départ des forces françaises…

mercredi 20 décembre 2023

Après Colbert, la gauche française exige désormais que le maréchal Bugeaud soit effacé de la mémoire nationale

La nouvelle cible du wokisme institutionnel est désormais le maréchal Bugeaud. La mairie de Paris veut en effet débaptiser l’avenue qui porte son nom, dans le cadre du combat qu’elle mène pour la « décolonisation de l’espace public »…

La gauche française reproche également à Bugeaud le « massacre de la rue Transnonain » (l’actuelle rue Beaubourg) lors de l’insurrection parisienne des 13 et 14 avril 1834…alors que la brigade qu’il commandait n’y a pas participé puisqu’elle n’était pas sur zone… Mais les légendes gauchistes ont la vie dure…

Aussi haineux qu’incultes, les initiateurs de cette fureur épuratrice ignorent également que Bugeaud était opposé à la conquête de l’Algérie et que, s’il la fit, ce fut en soldat obéissant aux ordres du gouvernement. En effet, comme il le déclara en séance à la Chambre « l’obéissance est le premier devoir du soldat ».

(Pour tout ce qui concerne la désinformation au sujet de l’Algérie, et de son histoire, on lira mon livre Algérie histoire à l’endroit.)


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vendredi 1 décembre 2023

L'Afrique Réelle N° 168 - Décembre 2023

Sommaire

Analyse
Aux sources du « Mal algérien »
Dossier : Réflexions sur la question sahélienne
- Les Touareg vont-ils disparaître ?
- Mali : la cécité des décideurs français
- Ne pas oublier le « jihad business »
Histoire
Heia Safari : la Première guerre mondiale en Afrique orientale


Editorial de Bernard Lugan

La question du Sahel s’observe à travers la fragilité de ses Etats, l’action du jihadisme et l’omniprésence de la criminalité. Faute d’avoir inscrit ce constat d’aujourd’hui dans la longue histoire régionale, les décideurs politiques  occidentaux ont additionné les erreurs d’analyse.

Les clés de compréhension de la problématique sahélienne peuvent être  articulées autour de dix grandes questions :

1) Espace de contact et de transition, mais également rift racial entre l'Afrique « blanche » et l'Afrique « noire », le Sahel met en relation la civilisation méridionale des greniers ou Bilad el-Sudan (pays des Noirs), et celle du nomadisme septentrional, le Bilad el-Beidan (le pays des Blancs). 

2) Milieu naturellement ouvert, le Sahel est aujourd’hui cloisonné par des frontières artificielles, véritables pièges à peuples, dont le tracé ne tient pas compte des grandes zones de transhumance autour desquelles s’est écrite  son  histoire.

3) Les immensités sahéliennes sont le domaine du temps long dans lesquelles l’affirmation d’une constante islamique radicale est d’abord l’alibi de l’expansionnisme de certains peuples (Berbères almoravides au XIe siècle, Peul aux XVIIIe et XIXe siècles). 

4) A partir du Xe siècle, et durant plus d’un demi-millénaire, du fleuve Sénégal au lac Tchad, se succédèrent royaumes et empires (Ghana, Mali et Songhay), qui contrôlaient les voies méridionales d’un commerce transsaharien. Sur ces grands axes s’articulent les trafics d’aujourd’hui.

5) A partir du XVIIe siècle, les populations sédentaires furent  prises dans la  tenaille prédatrice des Touareg au nord et des Peul au sud.

6) A la fin du XIXe siècle, la conquête coloniale bloqua l’expansion de ces entités nomades et offrit la paix aux sédentaires. 

7) La colonisation libéra certes les sudistes de la prédation nordiste, mais, en même temps, elle rassembla razzieurs et razziés dans les limites administratives de l'AOF (Afrique occidentale française). 

8) Avec les indépendances, les délimitations administratives internes à l’AOF devinrent des frontières d'Etats à l'intérieur desquelles, comme ils sont les plus nombreux, les sudistes l’emportent sur les nordistes selon les lois de l’ethno-mathématique électorale.

9) La conséquence de cette situation fut qu’au Mali, au Niger et au Tchad, dès la décennie 1960, les Touareg et les Toubou qui refusaient d’être soumis à leurs anciens tributaires sudistes se soulevèrent. 

10) Dans tout le Sahel, prospérèrent ensuite les trafiquants. Puis, à partir des années 2000, les islamo-jihadistes s’immiscèrent avec opportunisme dans le jeu politique local, y provoquant la surinfection de la plaie ethno-raciale ouverte depuis la nuit des temps. Cette dernière est d’autant plus difficile à refermer que la région est une terre à prendre en raison de ses matières premières et de son rôle de plaque tournante de nombreux trafics. Avec, en arrière-plan, la suicidaire explosion démographique.

lundi 20 novembre 2023

mercredi 1 novembre 2023

L'Afrique Réelle N°167 - Novembre 2023

Sommaire

Actualité
Soudan : genèse de la guerre civile
Dossier
Pourquoi l’Afrique rejette-t-elle la démocratie ?
Histoire
- Quand l’Algérie était une colonie ottomane
- L’ Egypte et ses « Neuf arcs »


Editorial de Bernard Lugan

Pourquoi l’Afrique francophone rejette la démocratie
 
L’Afrique francophone rejette la démocratie car elle ne lui a apporté ni développement économique, ni stabilité politique et encore moins sécurité. 

Rappel : en juin 1990, lors de la Conférence franco-africaine de La Baule, François Mitterrand conditionna l’aide de la France à l’introduction du multipartisme. Résultat, toute l’Afrique francophone connut une cascade de crises et de guerres, le multipartisme y exacerbant l’ethnisme et le tribalisme jusque-là canalisés dans le parti unique. 

Ce fut alors le triomphe de l’ethno-mathématique électorale, les ethnies les plus nombreuses l’emportant dans les urnes sur les moins nombreuses. D’où une déstabilisation générale.
 
Comment avait-on pu croire qu’il était possible de transposer la démocratie parlementaire en Afrique alors que l’idée de Nation n’y est pas la même qu’en Europe ? Dans un cas l’ordre social repose en effet sur des individus, dans l’autre, sur des groupes. 

Si la démocratie électorale a échoué à régler les conflits africains, c’est bien en raison de l’inadéquation entre des réalités socio-politiques communautaires enracinées et un système politique importé à base individualiste. 
 
Plus encore, et nous sommes là en présence d’un tragique paradoxe puisque, à l’issue de certaines de ces guerres, les principes démocratiques au nom desquels elles furent déclenchées, se retrouvèrent bafoués. 
 
Le diktat démocratique ayant donc largement échoué, voilà pourquoi certains pays comme le Mali, le Burkina Faso, la Guinée, le Tchad, la Centrafrique ou encore le Niger se tournent désormais vers des pouvoirs autoritaires, régulièrement militaires. Ils abandonnent ainsi l’impératif de la « bonne gouvernance » tout en cherchant des modèles et des soutiens ailleurs que parmi les démocraties occidentales. Nous assistons donc là, à la fois à la fin d’un cycle et à un changement de paradigme. 
 
Un grand basculement est donc en cours en Afrique. Face à lui, les dirigeants européens, mais surtout français ont le choix entre deux options :
 
- Soit ne pas dévier de la ligne idéologique officielle et continuer à camper sur le préalable démocratique, ce qui relèverait d’une forme d’autisme politique et serait perçu en Afrique comme un véritable impérialisme idéologique.
 
- Soit prendre en compte avec réalisme les nouvelles orientations et aspirations du continent, ce qui passe par la fin de leur prétention à l’universalisme démocratique et sociétal.

lundi 30 octobre 2023

vendredi 27 octobre 2023

dimanche 15 octobre 2023

mercredi 4 octobre 2023

mardi 3 octobre 2023

lundi 2 octobre 2023

L'Afrique Réelle n°166 - Octobre 2023

Sommaire

Actualité
- Propositions pour une nouvelle politique africaine de la France
- Maroc : Tinmel rayée de la carte 
Dossier : Gabon
- Aux origines du Gabon
- Le Gabon indépendant
- La fin du clan Bongo ?
- Les Fang du Gabon
- Le Gabon et l’après pétrole
- La forêt au Gabon

Editorial de Bernard Lugan

La nouvelle politique africaine de la France devra passer par la prise en compte de trois réalités :

1) Les problèmes de l’Afrique sont démographiques, climatiques, économiques et ethno-politiques. La France n’est pas en mesure de les régler.

2) La lutte contre le terrorisme en Europe ne se livre pas au Sahel car les groupes terroristes sont étroitement sahélo-centrés et aucun attentat en France n’a été commis par eux. Quant à l’immigration, comme il est illusoire de penser qu’il est possible de la traiter dans des intérieurs africains en totale anarchie, c’est en Méditerranée qu’il faudra agir, et très vigoureusement.

3) L’Afrique ne compte pas pour l’économie française : moins de 5% du commerce extérieur français dont la moitié avec le Maroc, l’Algérie et la Tunisie. L’Afrique sud saharienne n’est pas un réservoir de matières premières pour la France car, dans sa totalité elle représente à peine 1,5% de toutes ces importations, pétrole, gaz, fer, uranium etc., compris. 
Quant à la zone CFA elle représente 0,79% de tout le commerce extérieur français. 

Pour la France, aujourd’hui comme hier durant la période coloniale (voir mon livre Pour répondre aux décoloniaux et aux terroristes de la repentance, l’Afrique n’est donc ni un débouché, ni un fournisseur « significatif ». Elle n’y a donc pas d’intérêts économiques nationaux à y défendre.

Ceci étant quatre grandes orientations devront être données à la nouvelle politique française :

1) Abandon de notre prétention à l’universalisme démocratique et sociétal. En effet, trois décennies après l’injonction faite à l’Afrique par François Mitterrand lors de son « discours de La Baule » le 20 juin 1990, la démocratie qu’il postulait être le remède aux maux du continent n’y a apporté ni développement économique, ni stabilité politique, et encore moins sécurité.

2) Comment imaginer pouvoir « développer » un continent qui, dans les années 2050 aura une population comprise entre 2 et 3 milliards d’individus (dont 90% au sud du Sahara), puis de plus de 4 milliards en 2100, soit 1/3 de la population mondiale ?

3) Ouverture de nouveaux partenariats avec les pays africains anglophones, là où nos relations ne sont pas « polluées » par la « culpabilisation » coloniale.

4) Abandon du Sahel et des zones africaines enclavées. En revanche, établissement ou renforcement de très sérieux et très solides partenariats avec l’Afrique du Nord et l’Afrique sud saharienne littorale.

En définitive, renouer avec la tradition maritime du XVIIIe siècle, en faisant des littoraux nos bases d’action et en laissant à ceux qui ne se sont pas encore « brûlé les ailes », la découverte des « subtilités » des intérieurs du « Continent mystérieux »…

mardi 26 septembre 2023

Au Niger, Monsieur le Président de la République, ce n’est pas Trafalgar, mais Fachoda plus la Bérézina. Une fois encore bravo à ceux qui vous conseillent !!!

Je dois  reconnaître une erreur. Dans mon communiqué en date du 15 août  dernier concernant le fiasco  de l’Elysée au Niger, j’écrivais « aujourd’hui Trafalgar, demain Fachoda ». La réalité est autre puisqu’il s’agit en réalité de « Fachoda plus Bérézina ».

Fachoda en  effet car nos très bons alliés et fidèles amis séculaires Etats-Uniens se sont une fois de plus totalement désolidarisés de la France. Et, comme toujours en pareil cas avec nos fiables et indéfectibles partenaires anglo-saxons, ces derniers ont « joué perso ». Ils ont ainsi négocié dans le dos de Paris avec la junte nigérienne afin de pouvoir conserver leur base d’Agadès !!! Résultat, nous partons sous les crachats, mais  eux restent avec leurs dollars !!!

Bérézina également car l’arrogance, la suffisance, la naïveté et d’abord l’incompétence des danseurs à claquettes qui conseillent l’Elysée, ont placé le contingent français du Niger dans une telle situation que le désengagement va automatiquement prendre la forme d’une retraite. Or, le Niger étant un pays enclavé, deux options sont possibles qui s’apparentent effectivement à une nouvelle Bérézina… mais sans le corps des Pontonniers… :

1) Vers le Tchad. Cela impliquerait de longs et lourds convois progressant à travers tout le Niger sous les attaques de civils poussés sur nos convois afin d’obliger nos forces à ouvrir le feu avec toutes les conséquences médiatiques que l’on peut imaginer…A moins naturellement de verser à la junte une très forte rançon…Sans compter que le Tchad est un cul-de-sac où, de plus, se posent les mêmes  problèmes de fond qu’au Niger et au Mali…et alors, quand ce pays explosera, car il va finir par exploser, par où évacuer nos forces ? La lecture d’une carte est à ce sujet instructive…

2) Vers le Bénin et la mer. Fort heureusement, le Bénin a, avec le Niger une frontière de 266 kilomètres à une distance relativement courte de nos bases de la région de Niamey. Mais, encore, faudrait-il que Cotonou accepte le transit, ce qui sera probablement le cas moyennant une fois encore « espèces sonnantes et trébuchantes », ainsi qu’avantages divers…

Dans tous les cas, le prestige de la France n’existant plus, il va donc falloir penser à redéfinir une politique africaine, question qui constituera d’ailleurs le  dossier principal du numéro du mois d’octobre de l’Afrique Réelle que les abonnés recevront le 1er octobre.

Mais, d’ores et déjà, le réel impose que nos futures orientations stratégiques en Afrique passent par un dégagement du Sahel où il n’y a que des coups à prendre - et où la France n’a pas d’intérêts comme cela est démontré toujours dans le même numéro d’octobre de l’Afrique Réelle-, et par un retour à la tradition maritime du XVIIIe siècle, c’est-à-dire en faisant des littoraux nos bases d’action.
Et surtout, en laissant à ceux qui ne s’y sont pas encore « brûlé les ailes », la découverte des subtilités politiques, économiques, ethniques et démographiques des intérieurs d’un continent que Stanley qualifiait de « mystérieux »…

lundi 25 septembre 2023

Nouveau livre de Bernard Lugan : Eloge du duel





















Présentation

Une société qui sait se tenir ne craint pas de recourir aux armes pour régler ses différends, d’homme à homme. La nôtre l’a oublié, au bénéfice des couards, qui n’ont plus à payer le prix de leur impudence, sinon en frais de justice. Il y a fort à parier que certains journalistes ravaleraient leurs provocations et montreraient une salutaire prudence si leurs écrits les engageaient sur le pré… L’Éloge du duel, loin de célébrer la force brute, est tout au contraire une invitation à revenir à une civilisation réglée par le code de l’honneur, faite d’hommes trempés comme l’acier et de femmes qui se battent seins nus. Universitaire et mousquetaire dans l’âme, Bernard Lugan retrace l’histoire de cette noble institution et défend les valeurs viriles contre les velléités castratrices du wokisme.
- Editeur : La Nouvelle Librairie
- 168 pages
- Disponible dans toutes les librairies

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samedi 16 septembre 2023

Mali, retour à la case départ…

Le point de départ de l’actuelle guerre qui embrase le Mali, le Burkina Faso et le Niger n’est pas l’islamisme, mais la question de l’irrédentisme touareg. Le conflit a éclaté au mois de janvier 2012 dans le nord du Mali quand des combattants touareg mirent en déroute les forces armées maliennes. Les insurgés se réclamaient alors du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad) qui avait été fondé au mois d’octobre 2011, deux ans donc après la fin de la quatrième guerre touareg. Le MNLA engerbait plusieurs mouvements touareg et son ossature était composée de membres de la tribu des Ifora qui avaient servi dans l’armée du colonel Kadhafi.

Avec le MNLA, en plus de la résurgence d’un conflit séculaire entre Touareg et sédentaires sudistes, c’était une nouvelle forme de revendication qui était formulée. Lors des quatre précédentes guerres, les Touareg s’étaient en effet battus pour obtenir plus de justice de la part de l’Etat malien dirigé par les sudistes. Au mois de janvier 2012, ils exigeaient tout autre chose, à savoir la partition du Mali et la création d’un Etat touareg, l’Azawad.

Or, pour des raisons classiques et plus qu’habituelles de rivalité entre sous-clans touareg, Iyad Ag Ghali, lui-même Ifora et chef des précédents soulèvements, avait été tenu à l’écart de la fondation du MNLA. N’acceptant pas cette éviction, il créa alors un mouvement rival dont les buts ethno-nationaux étaient les mêmes que ceux du MNLA. Mais, pour pouvoir exister, il le déclara islamiste. Début janvier 2013, Iyad Ag Ghali doubla le MNLA en lançant une offensive vers le sud, en direction de Mopti puis de Bamako. Le 8 janvier 2013 la ville de Konna fut prise et, le 11 janvier 2013, plusieurs colonnes se dirigeant vers le sud, furent « traitées » par des hélicoptères français. Le régime sudiste de Bamako fut alors sauvé d’une défaite annoncée, ce que les membres de la junte actuelle ont bien oublié…

Dès ce moment l’analyse française fut erronée. En effet, les « décideurs » français ne virent pas -ou refusèrent de voir- que l’islamisme n’était ici que l’habillage de la revendication touareg, qu’il n’était en quelque sorte que la surinfection d’une plaie ethno-raciale millénaire. Ceci fit que pour l’Elysée, Iyad Ag Ghali fut l’ennemi alors qu’en réalité il était la solution du problème et qu’il fallait prendre langue avec lui …Or, durant les années qui suivirent, la France refusa de comprendre cette réalité, le président Macron ordonnant même l’élimination de Iyad ag Ghali, ce que ce dernier  n’a pas oublié…

Or, avec le départ du Mali des forces françaises et de celles de l’ONU, le vrai problème, son cœur, est réapparu au grand jour, à savoir que ce n’est pas l’islamisme, mais l’irrédentisme touareg.  Entendons-nous bien, et je précise cela à l’attention de ceux qui  se font un plaisir de déformer mes propos, je ne parle ici que du seul nord Mali, non de la région des Trois frontières où la situation est différente car s’y superposent, ou s’emboitent, islamisme et problème peul.

En effet, et comme je n’ai cessé de l’écrire depuis des années, les abonnés à l’Afrique Réelle le savent bien, Iyad Ag Ghali qui est le chef historique des combattants touareg a constamment cherché à refaire l’unité des clans touareg autour de son leadership. Et il a réussi ! Les groupes armés touareg se sont en effet  regroupés dans le CSP-PSD (Cadre stratégique permanent- Pour la paix, la sécurité et le développement), qui inclut la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad), afin d’offrir un front commun face à l’armée malienne qui, avec l’appui jusque-là peu déterminant du groupe Wagner, tente de reprendre pied dans un Azawad dont elle avait été chassée en 2012.

Résultat, le 12 septembre dernier, à Bourem les forces armées maliennes ont subi une attaque meurtrière, là même où, au mois de janvier 2012, débuta la guerre qui est à l’origine de l’embrasement de toute la région. Quant à la ville de Tombouctou, elle est quasiment encerclée. Or, comme cette fois, les forces françaises ne viendront pas les sauver, les sudistes pourraient bientôt regretter d’avoir demandé le départ de Barkhane…

La longue histoire connait donc des résurgences naturellement ignorées par ceux qui prétendent définir la politique africaine de la France et qui portent la terrible responsabilité de l’humiliation que notre pays subit actuellement au Sahel et plus largement dans toute l’Afrique. Une longue histoire déroulée dans mon livre Histoire du Sahel des origines à nos jours.

jeudi 31 août 2023

L'Afrique Réelle n°165 - Septembre 2023

Sommaire

Actualité
Gabon : un coup d’Etat « familial » ?

Dossier : La question du Niger
- Les guerres touareg du Niger
- Les fronts du Niger
- Les tribus arabes du Niger
- Le suicide démographique du Niger
- L’uranium du Niger entre fantasmes et réalité


Editorial de Bernard Lugan

Singulier coup d’Etat que celui qui vient de se produire au Gabon où le cœur du système vient d’écarter sans violence, en douceur, son chef de file, marionnette devenue gênante pour sa propre survie… Rien de commun avec ce qui s’est produit au Mali, au Burkina Faso ou encore au Niger. Ici, pas de jihadisme, pas  de « main cachée » de la Russie, pas de rejet de la France, mais tout simplement une classique révolution de palais. Explications dans ce numéro. 

Au Niger  la junte est financièrement acculée car elle n’est pas en mesure de payer les salaires (voir page 17 du numéro). Pour la sauver, l’ancien président Issoufou (inspirateur du coup de force ?), joue de toutes ses relations afin de lui trouver des liquidités. Une forte délégation comprenant son propre fils s’est ainsi envolée pour la Guinée Equatoriale afin d’y demander une aide afin d’assurer soldes et salaires du mois d’août contre l’octroi de permis d’exploitation des ressources naturelles du Niger.

La situation sécuritaire du Niger est également catastrophique. S’étant privées du soutien aérien, logistique et blindé français, les FAN  (Forces armées nigériennes), abandonnent peu-à-peu le terrain aux terroristes qui leur infligent de lourdes pertes (17 morts le 15 août et 20 quelques jours plus tard).

Craignant la contagion, le Nigeria, le Bénin et la Côte d’Ivoire ont adopté une position anti-junte. Le Nigeria a ainsi coupé l’alimentation électrique du Niger. Quant à l’Algérie, inquiète, elle a un œil sur les mouvements touareg qui pourraient lui permettre d’établir un tampon avec l’Etat islamique.

Des dissensions sont apparues au sein de la junte entre le général Salifou Modi qui serait pro-russe, le général Barmou qui est l’homme des Américains - lesquels veulent absolument conserver leur base d’Agadès -, et le général Tchiani qui est « proche » de l’ancien président Issoufou dont le rôle dans le coup d’Etat est de plus en plus limpide. En plus de cela, le chef Touareg Kel Aïr, Ghissa Ag Boula, dirigeant historique des précédentes guerres touareg a appelé au soulèvement contre la junte.

Quatre scénarii pouvant se recouper sont désormais possibles :

1) Le mouvement s’essouffle et pourrit. Un règlement bancal est alors bricolé afin que personne ne perde la face.
2) L’attaque de l’ambassade ou le déferlement d'une foule incontrôlée sur la BAP (base aérienne projetée) française serait un scénario du type de celui d’Abidjan en 2005 obligeant les forces françaises à intervenir.
3) Un coup d’Etat dans le coup d’Etat.
4) Une intervention militaire de la Cedeao.

Pour comprendre les soubassements de la question du Niger, on se reportera à mon livre Histoire du Sahel des origines à nos jours.

mardi 29 août 2023

vendredi 18 août 2023

Mali et Niger : le réveil des Touareg ?

Au Mali et au Niger, deux signaux forts laissent entendre que les Touareg pourraient de nouveau faire parler d’eux.

Au Mali, les Touareg de la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad) ont quitté précipitamment Bamako au moment où, dans le nord du pays, appuyées par Wagner, les FAMA (Forces armées maliennes) tentent d’occuper les cantonnements abandonnés par l’ONU  (Minusma). Or, les Touareg qui les ont chassées en 2011 ne veulent pas de leur retour dans un territoire qu’ils considèrent comme libéré.  Ayant largement refait leur unité autour de leur chef historique Iyad ag Ghali, ils ressentent la volonté sudiste comme une menace existentielle à laquelle  ils s’opposeront.

Au Niger, Ghissa Ag Boula, un Touareg Kel Aïr qui appelle à la lutte contre le coup d’Etat militaire vient d’annoncer la création  d’un Conseil de Résistance pour la République afin de rétablir le président  Mohamed Bazoum. Or, comme l’est Iyad ag Ghali au Mali, Ghissa Ag Boula est un dirigeant historique des guerres touareg du Niger (1990 et 2007).

L’appel que vient de lancer Ghissa Ag Boula pourrait signifier que les Touareg du Niger, du moins ceux de l’Aïr, font cause commune avec les Arabes  de Mohamed Bazoum. Et si les Toubou du Niger se joignaient à ce mouvement, cela pourrait alors signifier que les peuples du nord feraient un front commun nordiste contre la junte militaire sudiste. Même s’ils ne totalisent qu’environ 12 % de la population du Niger, leur tradition combattante ferait que leur éventuelle entrée en guerre poserait de graves problèmes à une armée déjà bien en difficulté dans la région des trois frontières, à Tillabéry, et face à Boko Haram.

Tant au Mali qu’au Niger, la situation est donc à suivre. Mais à la lumière, non pas des fantasmes du « déficit de développement » ou de la nécessité de la « bonne gouvernance », notions largement hors-sol ici, mais de la longue histoire régionale écrite autour de ses constantes ethno-politiques. Ce que je montre dans mon livre Histoire du Sahel des origines à nos jours.

mardi 15 août 2023

Emmanuel Macron et l’Afrique : aujourd’hui Trafalgar, demain Fachoda…

Après le « Trafalgar » subi au Mali, au Burkina Faso et au Niger,  le président Macron est désormais menacé d’un nouveau « Fachoda » par nos « bons, solides et historiques alliés-amis » américains. Ces derniers viennent en effet de lui infliger un colossal camouflet en s’opposant de fait à une intervention de la CEDEAO au Niger, et en ouvrant un dialogue direct avec la junte. La raison en est triple :

1) Ne pas risquer de perdre la base stratégique d’Agadès d’où toute la région est sous surveillance américaine.
2) Eviter la venue de Wagner.
3) Ne pas être mêlé à une décision interventionniste qui ferait dévier sur les Etats-Unis le cyclone anti-français qui s’abat actuellement sur l’Afrique.
 
Voilà pourquoi, le 6 août dernier, Victoria Nuland, secrétaire d’Etat adjoint américaine a tenu à Niamey une longue réunion avec la junte militaire avec laquelle Paris refuse tout contact, adressant ainsi un soufflet supplémentaire à Emmanuel Macron toujours arc-bouté sur des postures idéologico-démocratiques et sur un interventionnisme hors-sol.

La « cerise sur le gâteau » serait maintenant que l’armée française soit contrainte de plier bagage et que les forces américaines soient au contraire autorisées à demeurer dans le pays…Un moderne « Fachoda » en quelque sorte…

La lourde et historique défaite diplomatique de la France était pourtant prévisible. Mais, pour l’éviter, encore eut-il fallu, comme je le montre dans mon livre  Histoire du Sahel des origines à nos jours, prendre en compte le réel, à savoir la longue histoire régionale, celle de ses peuples et du milieu sur lequel ont prospéré leurs sociétés.

Au lieu de cela, et tout au contraire, biberonnés à l’ « air du temps », les petits marquis qui ont la prétention de définir la politique africaine de la France, ont affiché leur morgue, leur suffisance, leur idéologie… et en définitive leur insondable nullité…  

mercredi 9 août 2023

mercredi 2 août 2023

Après le Mali et le Burkina Faso… aujourd’hui le Niger… et demain le Tchad…

Les évènements du Niger étant la suite logique de la catastrophique politique africaine de la France - de Nicolas Sarkozy à Emmanuel Macron sans oublier naturellement François Hollande-, il faudra bien que ceux qui l’ont décidée rendent enfin des comptes. Comment est-il en effet possible qu’un conflit ethnique ayant éclaté en 2011 au nord-est du Mali et qui était à l’origine limité à une seule fraction touareg, ait pu, de fil en aiguille, se transformer en un embrasement régional échappant désormais à tout contrôle et dont la conséquence la plus visible est l’éviction de la France de la région sahélienne ?
 
En raison de l’avalanche d’erreurs politiques et sociétales, et comme je n’ai cessé de l’annoncer depuis 2011, l’échec de la France au Sahel était hélas une certitude (voir à ce sujet mon livre Histoire du Sahel). Un échec politique un temps masqué par les réussites de nos Armées au prix du sacrifice de plusieurs dizaines des meilleurs enfants de France tombés à la place de déserteurs africains ayant préféré venir bénéficier en France des largesses de l’ « odieuse » ancienne puissance coloniale que de défendre leurs pays respectifs.
 
Corsetés par leur idéologie, les responsables français ont voulu qu’en Afrique, le droit des Peuples s’efface devant les « droits de l’Homme », les chimères de la « bonne gouvernance » ou le surréaliste  « vivre ensemble ». Sans parler des provocations LGBT et de ses variantes vues en Afrique comme autant d’abominations et qui ont achevé de faire perdre à la France l’estime et le respect des Africains.
Privilégiant les analyses économiques et sociales, aveuglés par l’impératif de l’impossible « développement », les décideurs français ont refusé le réel, oubliant les sages recommandations faites en 1953 par le Gouverneur de l’AOF : « Moins d’élections et plus d’ethnographie, et tout le monde y trouvera son compte ». 
 
Incultes historiquement, les « petits marquis » sortis de Sciences-Po ou de l’ENA qui prétendent parler de l’Afrique, n’ont pas vu qu’à la fin du XIX° siècle, la colonisation qui libérait les sudistes de la prédation nordiste, rassemblait en même temps dominés et dominants dans de communes limites administratives. Avec les indépendances, ces délimitations internes de l’ancienne AOF devenues frontières d'Etats, les lois de l’ethno-mathématique électorale y donnèrent automatiquement le pouvoir aux sudistes puisque leurs femmes avaient été plus fécondes que celles des nordistes. D’où, au Mali, au Niger et au Tchad, dès les années 1960-1965, les nordistes qui refusaient d’être soumis à leurs anciens tributaires sudistes se soulevèrent. La guerre qui a éclaté en 2011 - donc avant toute présence russe-, et qui se déroule sous nos yeux, en est la résurgence.
 
Face à ce réel qu’ils ne comprenaient pas, ou qu’ils refusaient de voir, confondant causes et conséquences, les irresponsables qui définissent la politique africaine de la France ont naturellement fait une erreur de diagnostic. Ils ont ainsi parlé de danger islamiste alors que nous étions clairement en présence d’une plaie ethno-raciale millénaire surinfectée par l’islamisme contemporain.
En conséquence de quoi, la stratégie française reposa sur « l’essentialisation » de la question religieuse, tout bandit armé, tout porteur d’arme et tout trafiquant étant péremptoirement qualifié de « jihadiste ». L’erreur était grande car, dans la plupart des cas, nous étions en présence de trafiquants se revendiquant du jihadisme afin de brouiller les pistes, et parce qu’il est plus valorisant de prétendre combattre pour la plus grande gloire du Prophète que pour des cartouches de cigarettes ou des cargaisons de cocaïne. D’où la jonction entre trafic et religion, le premier se faisant dans la bulle sécurisée par l’islamisme. 
Face à l’engerbage de revendications ethniques, sociales, mafieuses et politiques, opportunément habillées du voile religieux, avec des degrés différents d’importance de chaque point selon les moments, la politique française fut donc à la fois figée et incohérente.

Au Niger où plusieurs conflits se déroulent, tant à l’ouest qu’au sud-est, la situation fut encore compliquée par le fait que le président Mohamed Bazoum est Arabe. Il est en effet membre de la tribu libyenne des Ouled Slimane (Awlad Sulayman) qui a des diverticules au Tchad et dans le nord-est du Niger.
Là encore, un minimum de connaissance historique aurait appris aux « danseurs à claquettes » qui prétendent définir la politique africaine de la France, que cette puissante tribu éclata en deux dans les années 1830 quand le pouvoir ottoman décida de reprendre effectivement le contrôle de la Régence de Tripoli. Or, les Ouled Slimane, tribu makhzen fidèle aux Karamanli renversés par les Turcs, entra en dissidence (voir à ce sujet mon livre Histoire la Libye).
La Porte ottomane ayant eu la main lourde dans la répression du soulèvement, une partie de la tribu émigra au Tchad et au Niger où elle participa au grand mouvement de prédation nordiste à l’encontre des sédentaires sudistes, ce qui a laissé des traces dans la mémoire collective.
Au Niger où les Ouled Slimane constituent moins de 0,5% de la population, et où ils sont considérés comme des étrangers, le fait que l’un des leurs parvienne à la Présidence était mal ressenti. Et, circonstance aggravante, les Ouled Slimane sont vus comme des amis de la France depuis qu’en 1940-1941, ils ont opportunément suivi la colonne Leclerc dans son opération de conquête du Fezzan italien, action ayant démarré au Tchad et au Niger. Ce fut d’ailleurs à cette occasion que certaines fractions des Ouled Slimane retournèrent en Libye où, depuis, elles se heurtent aux Toubou qui occupent leurs anciens territoires abandonnés après l’exode du XIX° siècle. 
 
Alors qu’il eut fallu confier la politique africaine de la France à des hommes de terrain héritiers de la « méthode Lyautey » et de l’approche ethno-différentialiste des anciennes « Affaires indigènes », elle a, hélas, été gérée par les insignifiants et prétentieux butors qui portent la terrible responsabilité de l’échec français en Afrique. 
Un échec qui n’est d’ailleurs pas totalement consommé puisqu’il reste encore le Tchad dont le tour viendra tôt ou tard… inexorablement… Et toujours pour les mêmes raisons…
 
En plus de tout cela, au lieu de s’interroger sur leurs erreurs, ajoutant la naïveté à l’incompétence, les dirigeants français tentent maintenant de s’exonérer de leurs responsabilités en montrant la « main russe »…. Comme si, étant en guerre contre l’OTAN, la Russie allait laisser passer l’occasion qui lui était offerte de s’engouffrer dans l’abîme béant de la nullité française pour ouvrir un front africain sur les arrières de ceux qui la combattent sur le front européen… Le discours du président Poutine lors du dernier sommet russo-africain de Saint-Pétersbourg fut d’ailleurs très clair à ce sujet.
 
La déficience des dirigeants français s’exprime jusque dans leur absence de réaction face au mensonge du prétendu « pillage » des ressources du Niger. L’on attendrait en effet des « chapons » qui parlent au nom de la France, une claire déclaration indiquant que cette dernière n’a pas d’intérêts dans ce pays désertique -le Mali ne l’est en revanche qu’en partie-, condamné à succomber sous sa suicidaire démographie polygamique. Un Niger dont, n’en déplaise à l’ineffable Sandrine Rousseau qui a osé affirmer que la France en dépendait pour son uranium, alors que le pays ne représente aujourd’hui, et au mieux, à peine 10% des besoins français… et qu’il est, et de beaucoup, plus facile et moins onéreux de se fournir ailleurs de par le monde.
Sans parler des gisements français dont les écologistes ont fait interdire l’exploitation par la Loi…

samedi 29 juillet 2023

L'Afrique Réelle n°164 - Août 2023

Sommaire :

Actualité
- Des errements de l’afrocentrisme aux nuées du panafricanisme
- Sahel : islam enraciné contre islam wahhabite

Dossier : Le contentieux algéro-marocain
- La « question des confins » ou comment la France amputa le Maroc au profit de l’Algérie
- L’Algérie indépendante renie la signature du GPRA au sujet des rectifications frontalières
- La « Guerre des sables »  (octobre-novembre 1963)


Editorial de Bernard Lugan : 

Afrocentrisme, la résistance de l'Egypte

Au moment où en Europe, aux Etats-Unis, au Canada, en Nouvelle-Zélande et en Australie, en réalité dans tout le monde blanc « occidental », l’univers slave étant pour le moment épargné, les élites ont capitulé devant les délires et les diktats des afrocentristes, la résistance semble venir d’Egypte.

Soumis et mentalement émasculés, les « Blancs occidentaux » ont déjà admis qu’un homme pouvait accoucher. Alors pourquoi n’accepteraient-ils pas de reconnaître que la « blonde Athéna aux yeux bleu clair » était en réalité une reine noire africaine et que ce furent des Noirs et non Colomb, qui découvrirent l’Amérique ?

En Egypte où la population a semble t-il encore une colonne vertébrale, ces provocations ne passent pas. 
La colère est ainsi très forte contre un film américain ayant osé montrer Cléopâtre sous les traits d’une femme noire. 
Plus généralement, le monde scientifique est «_vent debout » contre le courant afrocentriste qui affirme que l’ancienne Egypte était « nègre ». Pour les afrocentristes, toute l’Afrique, Afrique du Nord, comprise, était peuplée par des Noirs avant que des envahisseurs, à savoir des Berbères Blancs, n’aient génocidé ces primo-habitants noirs de la rive sud de la Méditerranée...

Toujours à la différence de leurs homologues occidentaux, les dirigeants égyptiens qui ne capitulent pas devant ces falsifications historiques, ont décidé de contre-attaquer. 
Ainsi, le journal Le Monde en date du 22 juin 2023 publie un article intitulé «_Une exposition aux Pays-Bas, jugée afrocentriste, fait polémique ». De fait, l’exposition qui avait pour titre « Kemet », nom que les afrocentristes donnent à l’Egypte, était clairement destinée à faire croire au public hollandais que l’ancienne Egypte était « nègre »[1].

Or, dans cet article, nous apprenons que « Les autorités égyptiennes n’ont pas apprécié et ont dénoncé cette falsification de l’histoire ». 

Tout naturellement acquis à l’idéologie woko-décoloniale, les responsables du musée dénoncent quant à eux « un regain de racisme antinoir en Egypte ». Ce faisant, les voilà ralliés aux postulats farfelus de l’afrocentrisme devenus autant de « vérités » prospérant dans la négation du réel et le refus de reconnaître la différence de nature entre fait et mythe…


[1] Pour la réfutation de cette imposture scientifique, on se reportera aux numéros de juin et de juillet 2023 de l’Afrique Réelle et à mon livre Pour répondre aux décoloniaux.

vendredi 21 juillet 2023

L’ « assimilation », vieille utopie pour une France devenue « colonie de ses colonies »…

Trois semaines après les dévastations subies par la France, tétanisés devant un réel qu’ils niaient et qui a fini par leur  exploser au visage, les responsables politiques n’ont qu’un remède à proposer : l’« ASSIMILATION ». Vieil avatar de l’utopie universaliste, cette nuée ne permettra évidemment pas de transformer ceux qui « niquent la France » en Français de cœur… Retour sur l’histoire.
 
En 1937, le Manifeste du PPA (Parti populaire algérien) qualifiait l’assimilation « d’utopie chimérique (car) nous ne serons jamais Français, ni par la race, ni par la langue, ni par la religion ».
 
En 1945, Edouard Herriot, grande conscience « humaniste » disait que l’ « assimilation » ferait de la France « la colonie de ses colonies ».
 
Le général de Gaulle dont toute la classe politique française se réclame aujourd’hui, considérait pour sa part  l’« assimilation » comme « un danger pour les Blancs, une arnaque pour les autres » dont la conséquence ferait que « Colombey-les-Deux-Eglises (deviendrait) Colombey-les-Deux-Mosquées ! »
 
Durant la période coloniale la France tenta une politique d’ « assimilation ». Son postulat était que, grâce à la diffusion de la culture et de la langue française, colonisés et colonisateurs coaguleraient au sein d’une même nation sous les plis du drapeau tricolore…et pour la plus grande gloire de la République française universelle…
 
L’échec fut à la hauteur de l’illusion. Cependant, aucune leçon n’en fut tirée puisque la classe politique française parle de nouveau d’« assimilation ».
Or :
 
- Comment « assimiler » une déferlante migratoire devenue majoritaire sur une partie du territoire français et qui impose peu-à-peu ses normes vestimentaires, alimentaires, culturelles, juridiques et religieuses sur l’ensemble du pays?
 
- Comment oser parler d’ « assimilation » quand, par leurs déclarations irresponsables au sujet de la colonisation, François Hollande et Emmanuel Macron ont humilié la France, ne donnant ainsi guère envie aux « citoyens du monde » de s’y assimiler ?
 
- Comment imaginer que la solution est l’ « assimilation » quand la France qui accueille, nourrit, habille, soigne, loge et éduque des millions d’étrangers, est présentée comme une nation « génétiquement esclavagiste et raciste » ?
 
- Comment les partisans de l’ « assimilation » vont-ils concrètement proposer leur « martingale » à des groupes animés par un sentiment à la fois revanchard et conquérant ? Notamment à Madame Houria Bouteldja qui ne craint pas de dire que :
 
« Notre simple existence, doublée d’un poids démographique relatif (1 pour 6) africanise, arabise, berbérise, créolise, islamise, noirise, la fille aînée de l’Eglise, jadis blanche et immaculée, aussi sûrement que le sac et le ressac des flots polissent et repolissent les blocs de granit aux prétentions d’éternité (…) ».
 
- Comment assimiler des francophobes assumés, dont Madame Hafsa Askar, vice-présidente du syndicat étudiant UNEF, qui a osé dire le 15 avril 2019, jour de son incendie :
 
« Je m’en fiche de Notre-Dame de Paris, car je m’en fiche de l’histoire de France…Wallah  …on s’en balek (traduction : on s’en bat les c…), objectivement, c’est votre délire de petits blancs ».
 
Une Hafsa Aksar qui a également pu déclarer sans être immédiatement traduite devant les tribunaux :
- « On devrait gazer tout (sic) les blancs (resic) cette sous race.
- « Tout ce que j’ai à dire c’est les blancs ( sic) arrêtez de vous reproduire ».
- « Non à la mixité avec les blancs (sic)»
- « Je suis une extrémiste anti-blanc »
- « Le monde serait bien mieux sans les blancs (sic) » etc.,
 
- Comment les héritiers des « Lumières » qui gouvernent la France en la conduisant avec application sur les pentes de la disparition peuvent-ils parler d’« assimilation » quand ceux qu’ils prétendent « assimiler » rejettent leurs dogmes fondateurs, qu’il s’agisse des « valeurs de la République », des « droits de l’homme », du « vivre ensemble » ou de la « laïcité » ?
 
La vérité est que ceux qui croyaient aux chimères du sacro-saint laïcisme républicain ne voient pas que leur idéologie est morte. Prisonniers de l’immédiat, sans mémoire, sans culture et sans courage, ils ne voient pas qu’un cycle s’achève et qu’un nouveau émerge dans le chaos.
Aux porteurs des forces créatrices de saisir cette opportunité historique pour imposer un salutaire changement de paradigme. Autrement, les civilisations étant mortelles, la population indigène, celle qui a créé la France devra s’adapter au changement anthropologique en cours. Donc accepter de ne plus être chez elle sur la terre de ses ancêtres… Comme les Serbes au Kosovo…

Pour approfondir on se reportera à  mes livres :
- Répondre aux décoloniaux, aux islamo-gauchistes et aux terroristes de la repentance. 
- Colonisation l’histoire à l’endroit, comment la France est devenue la colonie de ses colonies.

Offre spéciale pour les deux livres

- France métropolitaine : 55 euros au lieu de 68 euros (port colissimo inclus) 
- UE : 65 euros
- Reste du monde : 90 euros.

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samedi 1 juillet 2023

L'Afrique Réelle n°163 - Juillet 2023

Sommaire

Actualité
- Mayotte, le Lampedusa  français de nouveau et comme toujours en situation insurrectionnelle…
- Nigeria : Le jihad pastoral du Middle-Belt

Dossier :
La civilisation grecque aurait-elle été créée par des Africains ?

- Martin Bernal, la caution blanche des afrocentristes
- Black Athena : une arme idéologique
- Les Grecs étaient-ils noirs de peau ?

Histoire
Abd el-Kader fut-il l’ « Unificateur de l’Algérie » ?


Editorial de Bernard Lugan

Les délires de l’afrocentrisme

Quand de la « blonde Athéna aux yeux bleu clair », les afrocentristes prétendent faire une « négresse », le moins averti s’aperçoit qu’on se paie sa tête. Et pourtant, c’est ce que soutient dans son livre Black Athena, l’Américain Martin Bernal, le pendant blanc de l’afrocentriste Cheick Anta Diop dont nous avons analysé les écrits dans le précédent numéro de l’Afrique Réelle.

Il est affligeant de devoir réfuter de telles stupidités, mais, la marche pour le moment inexorable de l’afrocentrisme, du décolonialisme et du wokisme, oblige à le faire afin de ne pas laisser le terrain à ceux dont le but est la déconstruction systématique de notre civilisation. Afin de mieux nous asservir.

Nous savons pourtant fort bien à quoi ressemblaient les anciens Grecs. Nous le savons par la statuaire, par une foule de documents figurés, de témoignages littéraires, et notamment les traités de physiognomonie. A supposer que les Proto-grecs du IIe millénaire aient été colonisés par des Egyptiens postulés être des « Nègres », il n’en est donc rien résulté du point de vue physique… Qu’ils aient le fin visage de Platon ou celui, plus grossier, de Socrate, les Grecs ne ressemblaient pas plus à des Egyptiens que leurs temples à des pyramides, ou leurs cités à leur monarchie théocratique.
Acculés devant le vide de son néant historique par les spécialistes de toutes les disciplines concernées, Bernal a eu recours à un procédé bien peu scientifique mais constamment utilisé par les afrocentristes : il a accusé de racisme les spécialistes de la Grèce classique lesquels auraient écarté toutes les preuves africaines qui, lors de leurs découvertes seraient venues en contradiction du schéma des origines indo-européennes de la Grèce.

En dépit de ses immenses richesses en hydrocarbures, le Nigeria, quadrilatère artificiellement découpé par la colonisation britannique, n’en finit pas de mourir. 
En plus du nord-est du pays où sévissent Boko Haram et l’Etat islamique (EIAO), une autre guerre sanglante se déroule au Nigeria, dans la région du Middle-Belt, avec pour épicentre la ville de Jos.

Historiquement, la région constitue un front historique entre sultanats nordistes esclavagistes et populations sédentaires qui, aux XVIIIe et XIXe siècles, subirent les raids des premiers. Et qui voient dans les actuelles migrations des Peul-Fulani un retour aux temps anciens, d’avant la colonisation libératrice. La région forme également une ligne de faille religieuse entre un islam septentrional en pleine expansion et des christianismes sur la défensive.
Les affrontements sanglants qui s’y déroulent sont clairement le prolongement de ceux de l’époque précoloniale. Ils sont inscrits dans la longue durée ethnique régionale. 
En réalité, ici comme partout ailleurs au Sahel, nous assistons à la reprise d’un mouvement historique en direction du monde soudanien, mouvement qui fut provisoirement bloqué par la colonisation. On, lira à ce sujet mon livre « Histoire du Sahel ».

vendredi 16 juin 2023

Qui doit « rendre des comptes » ? La France à l’Algérie, ou les dirigeants algériens à leur peuple pour avoir pillé et ruiné l’Algérie ?

L’Algérie vient donc de décider de rétablir le couplet de son hymne national demandant à la France de « rendre des comptes ». Pourquoi ? La réponse est pourtant claire : comme à chaque fois que les dirigeants algériens vitupèrent contre la France, c’est parce que leur pays traverse une grave crise.
C’est très exactement le cas aujourd’hui avec la marche de l’Algérie vers la faillite, et voilà donc pourquoi le « Système » prédateur sort son joker habituel qui est l’insulte à la France.
 
Retour sur le naufrage algérien :
 
1) Faute de diversification, l’économie rentière algérienne est quasi totalement dépendante des hydrocarbures qui représentent environ 90% des exportations nationales. Or, tant que la tendance des cours sera baissière, les revenus le seront donc également et automatiquement.

2) Les réserves de change se sont effondrées, passant de 193 milliards de dollars début 2014, à 66,1 mds fin mars 2023 (FMI).

3) Dans le même temps, la dette publique du pays a considérablement augmenté, passant de 7,7 % du PIB fin 2014, à 52,4 % fin 2022 (FMI).

4) Le déficit budgétaire représentait 12,3 % du PIB en 2022 (Banque mondiale).

Dans ces conditions, quel avenir attend l’Algérie ?

Une chose est certaine : comme le pays n’a toujours pas lancé une véritable politique de diversification, s’il ne bénéficie pas d’une « divine surprise » qui serait une envolée des cours des hydrocarbures, ses réserves de change vont donc continuer à baisser au rythme de plusieurs milliards de dollars par an. 

Pour deux principales raisons :

1) Les prix des hydrocarbures reviennent au niveau qui était le leur avant la guerre en Ukraine, et même globalement en dessous, du fait de la montée en puissance des énergies renouvelables

2) Les réserves algériennes en hydrocarbures stagnent, cependant que le volume des exportations baisse en raison de la hausse de la consommation intérieure.
 
Le calcul est donc vite fait, et il l’a été par le FMI. Avec des réserves de change qui atteignaient 66,1 milliards de dollars fin mars 2023, et en supposant une baisse annuelle des réserves ramenée à seulement 10 milliards de dollars par année, contre presque 14 milliards sur la période 2018-2021, en 2028, l’Algérie ne devrait plus pouvoir couvrir que quatre mois d’importations. Une situation de faillite, et un scénario semblable à celui qu’a connu le Venezuela, avec toutes les conséquences politiques et géopolitiques d’un tel cataclysme.
 
L'Algérie est donc dans la nasse car, quoique ne produisant rien, elle est cependant condamnée à continuer d'importer afin de nourrir, soigner et habiller une population à la suicidaire croissance, et cela, afin de tenter d’éviter l’inéluctable explosion sociale annoncée. D'autant plus que, même les productions traditionnelles (dattes, oranges, semoule pour le couscous) étant insuffisantes, leur volume d'importation est toujours en augmentation.
L’Algérie va donc, tôt ou tard, devoir rétablir les licences d’importation pour freiner les achats à l’étranger. Avec plusieurs conséquences qui vont être de pénaliser encore davantage des pans entiers de l’économie, tout en amplifiant  les trafics et le marché noir.
Le plus grave pour la stabilité politique est que l’Algérie va également devoir couper dans les transferts sociaux qui atteignent en moyenne plus de 70 milliards de dollars par an, soit environ 30% du PIB. Le risque d’explosion sociale est donc immense car l'Etat-providence algérien va être condamné à prendre des mesures impopulaires comme la suspension des recrutements de fonctionnaires, l’abandon de projets sociaux indispensables, de projets transport comme de nouvelles lignes de tramway ou la réfection de voies ferrées. Sans parler de l’obligation de réduire un colossal budget de l’armée uniquement destiné à l’absurde guerre que l’Algérie mène contre le Maroc à travers le Polisario.
 
L’Etat algérien ira-t‘il cependant jusqu’à oser toucher aux 6% du budget de l’Etat alloués à l’« Organisation nationale des moudjahidines » (ONM), soit davantage que le budget des ministères de l'Agriculture et de la Justice…. ? L’on peut en douter car cette organisation sangsue constitue l’ultime socle du « Système » alors que, selon l’ancien ministre Abdeslam Ali Rachidi « tout le monde sait que 90% des anciens combattants, les moudjahidine, sont des faux » (El Watan, 12 décembre 2015)…
 
Plutôt que de demander des comptes à la France, c’est le peuple algérien qui, tôt ou tard, va en demander à des dirigeants qui, depuis 1962, ont pillé les richesses du pays après avoir dilapidé le colossal héritage laissé par la France.
 
Une chose est cependant positive dans les insupportables attaques portées contre la France dans la mesure où, pour l’opinion française, la coupe est désormais pleine. Résultat, la parole se libère comme les déclarations d’Edouard Philippe en sont une éloquente illustration...
 
Pour l’exposé et les réfutations de la fausse histoire sur laquelle l’Algérie fonde ses accusations contre la France, on se reportera à mon livre : « Algérie l’histoire à l’endroit »

mercredi 7 juin 2023

Sénégal : l’affligeante lecture journalistique de la crise

Rarement avares de schématisations et d’analyses médiocres, les médias français viennent de se surpasser à propos de la crise que traverse actuellement le Sénégal et des émeutes sanglantes qui en ont découlé ces dernières semaines. Pour eux, l’explication est simple : il s’agit du rejet par la jeunesse d’un président tentant de se maintenir au pouvoir à travers un 3° mandat, et qui, pour y parvenir, aurait fait disqualifier son jeune  opposant épris de démocratie par une justice aux ordres. Le tout sur fond de crise économique et sociale.

Affligeante de superficialité, une telle présentation fait l’impasse sur le mal profond qui mine le Sénégal. Longtemps exception en Afrique, ce pays voit en effet aujourd’hui son système politique arriver à la fin d’un cycle à travers l’essoufflement du mythe de l’Etat supra ethnique. Et cela, les butors médiatiques français ne l’ont naturellement pas vu…

Explications :

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mercredi 31 mai 2023

L'Afrique Réelle n°162 - Juin 2023

Sommaire

Numéro spécial :
L’afrocentrisme entre mythes et mensonges

- A l'origine de l'afrocentrisme se trouve cheikh Anta Diop
- Les Européens sont-ils les descendants de migrants africains ?
- Les anciens Egyptiens étaient-ils des « Nègres » ?
- La génétique contre l’afrocentrisme
- L’Egypte est-elle la matrice des cultures africaines ?
- L’Amérique aurait-elle été découverte par des Noirs ?


Editorial de Bernard Lugan

Le premier homme était noir. L’ancienne Egypte était « nègre »,  Cléopâtre avait la peau noire. Toutes les inventions primordiales ont été faites par les Egyptiens, donc par des Noirs. La civilisation égyptienne-noire est donc à l’origine de toutes les évolutions intellectuelles et technologiques, notamment l’électricité produite par les pyramides qui étaient en réalité des centrales électriques. Les Noirs Africains ont découvert l’Amérique avant Colomb, ils sont à l’origine de la civilisation maya et ils ont appris la momification aux Inca… etc… etc…

Voilà quelques-unes des calembredaines constituant le « corpus doctrinal» de l’afrocentrisme. Hérité des postulats aussi « pittoresques » que fantasmagoriques de Cheick Anta Diop, son origine est l’Amérique, notamment les campus des Etats-Unis. Hantés par l’enfer de leur histoire, des intellectuels afro-américains y ont inventé l’afrocentrisme, mirage leur permettant d’enfouir leurs frustrations dans le refuge de l’imaginaire. 

Avec l’afrocentrisme et ses dérivés, nous ne sommes cependant pas face à de simples élucubrations produites par des illuminés. C’est en effet une idéologie cohérente dans son enfermement doctrinal présentée comme l’alternative à l’histoire officielle postulée être l’instrument de domination de l'homme blanc. Une idéologie raciale abreuvée au mythe d’une « nation africaine » dont l’histoire grandiose aurait été occultée à la suite d’un « complot raciste » de la science historique blanche-coloniale. 

Aujourd’hui, à l’ère du wokisme et des décoloniaux (voir à ce sujet mon livre Pour répondre aux décoloniaux), pour une partie des intellectuels afro-américains et africains, les postulats farfelus de l’afrocentrisme sont devenus autant de vérités prospérant dans la négation du réel. Ceux qui y adhèrent refusent de reconnaître qu’il existe une  différence de nature entre fait et mythe.

Pour les afrocentristes et les décoloniaux, l’histoire n’est en effet pas une science avec ses règles, ses lois, sa méthodologie, mais un outil de l’impérialisme blanc colonial, un complot destiné à abaisser les Noirs afin de faire oublier qu’ils furent les moteurs de l’histoire humaine.

Afin de répondre à l’histoire blanche-coloniale, l’ « histoire » écrite par les afrocentristes et les décoloniaux prétend rétablir la vérité. Or, elle n’est en réalité qu’une tentative d’affirmation  de visions valorisantes permettant de dépasser les frustrations de groupes déchirés par leurs complexes existentiels. 

Voulant justifier leurs postulats, les afrocentristes et les décoloniaux ont donc définitivement renoncé à l’histoire science. Toute critique de leurs élucubrations est interdite car considérée comme « raciste » par les afrocentristes. Cela leur permet donc de mettre un terme au débat, tant  leurs  contradicteurs sont aussitôt désarmés et paralysés par une telle accusation…

lundi 22 mai 2023

François Mitterrand et Vladimir Poutine : deux visions contradictoires de l’avenir de l’Afrique

Le 20 juin 1990, dans son fameux discours prononcé à La Baule lors du 16° sommet franco-africain, François Mitterrand
 déclara que c’était par déficit de démocratie que le continent ne parvenait pas à se « développer ». En conséquence de quoi, il conditionna désormais l’aide de la France à l’introduction du multipartisme.

Le résultat fut que, dans toute l’Afrique francophone, la chute du système de parti unique provoqua une cascade de crises et de guerres, le multipartisme y exacerbant l’ethnisme et le tribalisme jusque-là contenus et canalisés dans le parti unique. Avec pour conséquence le triomphe électoral des ethnies les plus nombreuses, ce que j’ai baptisé il y a plus de trois décennies d’ « ethno-mathématique électorale ».

L’échec fut donc total car le postulat français qui était que les élections allaient permettre de dégager un consensus « national » entre les factions ethno-politiques ne fut pas vérifié. En effet, non seulement la démocratie a échoué à régler les conflits africains, mais plus encore elle les a nourris. Trois exemples :

1) Au Sahel, comme ils sont minoritaires, les nordistes qui sont assurés de perdre les élections sont donc exclus du pouvoir par les urnes. Pour eux, la « solution » électorale n’est donc qu’une farce puisqu’elle ne fait que confirmer à chaque scrutin les pourcentages ethniques, donc leur subordination démocratique aux sudistes (voir mon livre Histoire du Sahel des origines à nos jours).

2) Au Rwanda où les Tutsi forment 10% de la population et les Hutu 90%, sous la pression de la France, le président hutu Habyarimana fut contraint d’accepter le multipartisme.  Or, ce système fit remonter au grand jour les profondes fractures de la société rwandaises jusque-là engerbées au sein du parti unique. Le résultat fut une atroce guerre civile suivie du génocide de 1994 à l’issue duquel les Tutsi du général Kagamé qui n’étaient pourtant toujours que 10% de la population, reprirent par les armes un pouvoir perdu par les urnes trois décennies auparavant. Ici, la démocratie a donc débouché sur le chaos, puis sur un génocide ( voir mon livre Rwanda, un génocide en questionset finalement sur la déstabilisation de toute la région des Grands Lacs et du Kivu .

3) En Libye, après y avoir provoqué l’anarchie, la France, ses alliés de l’Otan et ses partenaires de l’UE ont prétendu reconstruire le pays à partir d’un préalable électoral. Or, ce dernier est  inapplicable car il se heurte de front au système politico-tribal, les tribus libyennes ayant en effet leurs propres règles internes de fonctionnement qui ne coïncident pas avec la démocratie occidentale individualiste fondée sur le « One man, one vote »(Voir mon livre Histoire de la Libye des origines à nos jours).

La Russie de Vladimir Poutine a très exactement pris le contre-pied du « diktat » démocratique de François Mitterrand. A la différence du président français, elle considère en effet, et tout au contraire, que la cause des blocages de l’Afrique n’est pas le manque de démocratie, mais son instabilité politique…Une instabilité largement provoquée par cette même démocratie...

Aujourd’hui, de plus en plus nombreux sont les pays africains qui font la même analyse. Voilà les raisons de l’éviction de la France, un phénomène qui s’inscrit dans le cadre du grand basculement en cours et que les dirigeant français, englués dans leurs concepts universalistes n’ont pas vu venir. En Afrique, comme d’ailleurs un peu partout dans le monde, nous assistons en effet à la fois à la fin d’un cycle, et à un changement de paradigme.