mercredi 11 mars 2020

Dix ans d’expertises devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda





















26 années après le drame, l’histoire du génocide du Rwanda n’est connue que par sa version officielle. Ecrite par les vainqueurs, elle est répétée en boucle par des médias alignés sur la doxa imposée par le régime du général Kagamé.

Cette histoire officielle tient en trois points :

1) Le 6 avril 1994, les « extrémistes » hutu abattirent l’avion du président hutu Habyarimana.

2) Dans la nuit du 6 au 7 avril, ces mêmes « extrémistes » hutu firent un coup d’Etat afin de mettre en place le GIR (Gouvernement intérimaire rwandais), qui entreprit de déclencher le génocide des Tutsi, un génocide programmé de longue date.

3) Les forces tutsi du FPR furent alors contraintes de violer le cessez-le-feu en vigueur afin de sauver les populations du massacre.

Or, cette histoire est  fausse[1] car :

1) Les « extrémistes » hutu n’ont pas assassiné leur propre président.

2) Il n’y a pas eu de coup d’Etat dans la nuit du 6 au 7 avril, mais tout au contraire, tentative de respecter la légalité constitutionnelle par la formation d’un pouvoir civil.

3) Le FPR a déclenché son offensive dès l’annonce de la mort du président Habyarimana, donc plusieurs heures avant les premiers massacres. Sachant qu’il allait ethno-mathématiquement  (90% de Hutu et 10% de Tutsi) perdre les élections au terme de la période de transition, sa seule possibilité de parvenir au pouvoir était en effet une victoire militaire.

Face au montage historique visant à légitimer la prise de pouvoir du FPR par la force, la véritable histoire du génocide du Rwanda a été écrite, jour après jour, et cela durant près de 15 années devant les quatre Chambres du TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda), créé le 8 novembre 1994 par le Conseil de sécurité des Nations Unies.

Ce tribunal siégeant à Arusha, en Tanzanie, et qui a clôturé ses travaux  le 31 décembre 2015, a jugé 69 personnalités hutu. Lors de ces procès, des milliers de témoignages, des dizaines de milliers de documents écrits, sonores, photographiques ou filmés ont été produits et des dizaines de rapports d’expertise ont été présentés et défendus. Or, ceux qui prétendent parler du Rwanda n’ont jamais consulté ces archives, et quand ils les évoquent, ce n’est le plus souvent que par ouï-dire…

Et pourtant, au fil des audiences, une nouvelle version de l’histoire du génocide du Rwanda fut écrite qui est venue bouleverser sur trois points fondamentaux, à la fois l’état des connaissances que l’on avait en 1994, et l’entreprise de désinformation des officines alimentées par Kigali:

1) Aucune des quatre Chambres composant le TPIR n’a retenu la validité du cœur de l’histoire officielle, à savoir la préméditation du génocide. Selon les juges, l’Accusation ne fut en effet pas en mesure de démontrer que le génocide avait été programmé, le Procureur n’ayant pas apporté la preuve de l’existence d’une entente antérieure au 6 avril 1994 en vue de le planifier et de l’exécuter.

2) Le postulat de la planification envolé, quel fut donc le déclencheur de ce génocide ? Là encore, la réponse est très claire : devant les quatre Chambres du TPIR, il a été acté que ce fut la mort du président hutu Habyarimana, tué dans l’explosion de son avion abattu par deux missiles dont nous connaissons l’origine, les numéros d’identification ainsi que l’identité de ceux qui les tirèrent... Qui a donc ordonné cet attentat ? Sous la pression des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne, le TPIR n’eut pas l’autorisation d’enquêter sur ce crime. La seule certitude est que cet attentat ne fut pas commis par des « extrémistes » hutu…

3) Le 6 avril 1994, dès la nouvelle de la mort du président Habyarimana connue, les forces du général Kagamé ont lancé une offensive préparée depuis plusieurs semaines contre l’armée nationale rwandaise désemparée par la mort de son chef d’état-major tué lors de l’attentat, et dont l’armement avait été consigné par l’ONU dans le cadre du cessez-le-feu et des accords de paix. 

Expert assermenté devant le TPIR dans huit des principaux procès qui s’y sont tenus, j’ai préparé et rédigé huit rapports d’expertise que j’ai ensuite présentés et défendus devant les différentes Chambres entre 2002 et 2012.

Conservés dans les archives du TPIR, ces rapports n’étaient jusque-là accessibles qu’à un public plus que restreint. Aucun journaliste ou « expert » prétendant parler du Rwanda ne les a consultés. Et pourtant, ces huit rapports constituent des éléments essentiels à la compréhension en profondeur des tragiques évènements qui embrasèrent le Rwanda entre 1990 et 1994. Ils marquent également  autant d’étapes dans l’évolution de l’historiographie du génocide et ils permettent de comprendre le fonctionnement interne de cette énorme machine que fut le TPIR.

Regroupés dans un volume de 585 pages, ces huit rapports constituent un socle de connaissances en dehors duquel il est illusoire de prétendre parler du génocide du Rwanda d’une manière scientifique.



Table des matières

Chapitre I : L’affaire Bagosora (TPIR-98-41-T)

1. Les relations Hutu-Tutsi dans l’ancien Rwanda et jusqu’en 1990
2. La vie politique rwandaise de 1990 à 1994
3. Les 6, 7, 8 et 9 avril 1994
4. Les postulats d’A. Des Forges, les initiatives du général Dallaire et les hypothèses de F. Reyntjens.

Chapitre II : L’affaire Tharcisse Renzaho (TPIR-97-31-I)

1. Les mécanismes de l’écriture de l’histoire officielle du génocide du Rwanda
2. Le nouvel état des connaissances
3. L’enchaînement qui a conduit au génocide
4. La situation à Kigali. Que pouvait faire le préfet Renzaho ?

Chapitre III : L’affaire Jérôme-Clément Bicamumpaka (TPIR-99-50-T)

1. La vie politique rwandaise de 1962 à 1992
2. Les problèmes internes du MDR et du PL
3. Le GIR était-il légitime ?
4. Analyse du discours prononcé par JC Bicamumpaka devant le Conseil de sécurité de l’ONU le 17 mai 1994

Chapitre IV : L’affaire Protais Zigiranyirazo (TPIR-2001-73-T)

1. La thèse de la planification du génocide peut-elle être encore soutenue ?
2. Comment la diabolisation du régime Habyarimana fut-elle organisée ?
3. La stratégie du FPR pour la conquête du pouvoir peut-elle expliquer l’exacerbation des tensions et la perte des points de repère de toute une population ?

Chapitre V : L’affaire Edouard Karemera (TPIR-98-44-T

1. Le Rwanda entre démocratisation et guerre
2. Le génocide a-t-il été planifié ?
3. La planification de la tension par le FPR
4. De la nuit du 6 au 7 avril à la mi-Juillet 1994

Chapitre VI : L’affaire Innocent Sagahutu (TPIR-2000-56-T)

Préambule : Le passé militaire du capitaine Sagahutu
1. L’Acte d’Accusation contre le capitaine Innocent Sagahutu
2. L’état des connaissances dans la question des responsabilités de l’assassinat des Casques bleus belges et d’Agathe Uwilingiyimana

Chapitre VII : L’affaire Augustin Bizimungu (TPIR-2000-56-T)

Préambule : Un Acte d’Accusation en décalage par rapport à l’évolution de l’historiographie
1. Les fausses raisons de la guerre d’octobre 1990, de l’attaque du 5 juin 1992 et de celle du 8 février 1993
2. La Défense civile et la « définition de l’Ennemi » (ENI), les deux piliers de l’Acte d’Accusation
3. L’action du général Dallaire
4. Le général Augustin Bizimungu

Chapitre VIII : L’affaire Ildephonse Nizeyimana (TPIR-2000-55-PT)

1. Existait-il une identité « nordiste » ?
2. Quel était le poids et l’influence des « Nordistes » à Butare ?
3. Un capitaine, pouvait-il exercer « un contrôle, une autorité et une influence de facto et de jure sur l’ensemble des forces armées de la région » de Butare ?

Conclusion générale


Table des annexes

Annexe n°1 : Attestation par le Greffe du TPIR de la qualité d’expert de Bernard Lugan.

Annexe n°2 : Les jugements dans les affaires Bagosora, Zigiranyirazo, Bizimungu, Ngirumpatse et Karemera réduisent à néant le postulat du génocide programmé.

Annexe n°3 : Le TPIR refuse d’enquêter sur l’attentat déclencheur du génocide.

Annexe n°4 : L’emblématique affaire Emmanuel Ndindabahizi (TPIR-01-71).

Annexe n°5 : Quand Jean-Pierre Chrétien et Jean-François Dupâquier se comportent en spadassins du Procureur contre Ferdinand Nahimana (TPIR-99-52). Le mea culpa de l’association Reporters sans frontières.

Annexe n°6 : Quand Jean-Pierre Chrétien présente un rapport qu’il a si peu écrit…

Annexe n°7 : Un emblématique faux témoin de l’Accusation.

Annexe n°8 : Pour tenter de montrer que les FAR possédaient des missiles, l’Accusation viole le principe de neutralité, cependant que le porte-parole du TPIR commet ce qui pourrait s’apparenter à une forfaiture…


Pour obtenir le document au format PDF (585 pages/30 euros) :




[1] Voir à ce sujet mes livres dont :
- Rwanda : le génocide, l’Église et la démocratie, éditions du Rocher, 2001.
- François Mitterrand, l’armée française et le Rwanda, éditions du Rocher, 2005.
- Rwanda. Contre-enquête sur le génocide, éditions Privat, 2007.
- Rwanda : un génocide en questions, éditions du Rocher, 2014. 
Ces quatre livres marquent autant d’étapes dans la connaissance de l’histoire du génocide du Rwanda.

4 commentaires:

  1. Bonjour Mr. Lugan,
    Merci pour votre livre.
    J'ai quelques questions concernant Kagamé et le RPR : Comment analysez-vous son bilan à la tête du Rwanda? que ce soit dans le domaine économique, social et politique (la propagande de Kigali rapporte qu'il y a un miracle économique Rwandais)? La fracture entre les Hutu et les Tutsi a-t-elle été dépassée? Quelle était la situation économique et politique dans le Rwanda avant 1990-1994?
    Merci d'avance pour vos réponses, peut-être méritent-t-ils d'être analysées dans un numéro de l'Afrique réelle.
    Cordialement.

    RépondreSupprimer
  2. Sauf erreur il a réussi sur le plan linguistique. Après avoir quitté l'Organisation de la Francophonie le Ruanda a, contre toute logique historique et culturelle, été admis au Commonwealth. L'intitulé des ministères est encore en français (enfin bilingue) mais les ministres venus d'Ouganda (dans les fourgons de l'armée ougandaise où servait Kagamé officiellement jusqu'en mars 1994) comme leur chef parlent anglais aux fonctionnaires indigènes. Quant à la population de toutes ethnies, elle doit s'adapter à l'anglicisation des administrations ou elle est laissée pour compte - Stratediplo.

    RépondreSupprimer
  3. Cet ouvrage existe-t-il en broché ?

    RépondreSupprimer