Actualité :
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Economie :
L’impasse économique africaine
Génétique :
L’Afrique du Nord n’est pas arabe
Editorial de Bernard Lugan :
Misrata et l’anarchie libyenne
En Libye la guerre est désormais totale. Jusqu’à présent
tous se battaient contre tous dans un climat d’anarchie duquel aucune solution
ne pouvait émerger. Désormais, trois grands camps s’affrontent qui devraient
peu à peu engerber les multiples forces secondaires qui mettent le pays en
coupe réglée. Nous commençons donc à y voir plus clair car, c’est du rapport de
force qui va s’établir entre ces trois grandes composantes que sortira la paix
future et la reconstruction de la Libye.
1) En Cyrénaïque, depuis le début du mois de mai 2014, le
général Khalifa Haftar, a lancé l’Opération dignité contre les milices
islamistes. Aujourd’hui, il contrôle la région, à l’exception de la ville de
Derna. Après les derniers attentats dirigés contre les coptes et qui furent
téléguidés depuis Derna, le maréchal Sissi va appuyer encore davantage le
général Haftar, avec une priorité : liquider cette poche islamiste.
Le général Khalifa Haftar est issu de la tribu des Ferjany
dont le fief est la ville de Syrte, ville natale du colonel Kadhafi. Il fut
avec ce dernier, un des auteurs du coup d’Etat militaire qui renversa le roi
Idriss en 1969. S’il s’est ensuite brouillé avec son camarade, il n’a en
revanche jamais rompu les liens avec sa tribu, ce qui le place au cœur d’une
alchimie tribale stratégique située à la jonction de la Cyrénaïque et de la
Tripolitaine. Il est soutenu par l’Egypte, les Emirats arabes unis et la
Russie. Actuellement, il livre bataille dans le Fezzan afin d’isoler les forces
de Misrata (voir l’article consacré à la bataille de Brak page 3 de ce numéro).
2) A Tripoli, le GLUN (Gouvernement libyen d’union
nationale) est désormais disposé à s’entendre avec le général Haftar. C’est
pourquoi il est actuellement combattu par Misrata (Frères musulmans) qui serait
la grande perdante d’un accord GLUN-Haftar. Alliées à de multiples composantes
islamistes, les milices de Misrata occupent une partie de Tripoli, ce qui
provoque l’exaspération de la population. Pour mémoire, le 15 novembre 2013,
les miliciens de Misrata y avaient ouvert le feu sur une foule réclamant déjà
leur départ, faisant plusieurs dizaines de morts et des centaines de blessés.
3) Misrata, ville riche, puissante, fief des Frères
musulmans et tournée culturellement et politiquement vers la Turquie est une
sorte de corps étranger sur le littoral libyen. De tout temps, elle a mené une
politique autonome et, aujourd’hui, elle sent bien qu’elle risque d’être prise
en étau entre le général Haftar et un pouvoir tripolitain reconstitué. Bien que
soutenue par la Turquie et par le Qatar, sa position est fragile. Misrata a en
effet contre elle, outre la population de Tripoli, les milices de Zenten,
celles du djebel Nefusa, celles des Warfalla et les tribus de la région de Syrte qui n’ont pas
oublié le traitement ignominieux que ses membres réservèrent au colonel Kadhafi
après qu’ils l’eurent capturé.
Comme rien ne pourra être entrepris en Libye tant que la
puissance de Misrata demeurera intacte, les actuels combats de Tripoli doivent
donc être suivis avec attention. En effet, si les milices de Misrata étaient
chassées de la ville, une telle défaite marquerait un tournant dans le conflit
libyen car deux options seraient alors ouvertes :
1) Misrata accepte de négocier. La sortie de guerre
prendrait alors la forme d’un fédéralisme à trois têtes : Tripolitaine, Misrata
et Cyrénaïque. Le Fezzan des Toubou regarderait vers Benghazi et celui des Touareg vers Tripoli.
2) Misrata refuse de négocier. Toutes les forces de Libye
risquent alors de se coaliser contre elle et des comptes séculaires se
régleront alors.