En ces temps de repentance et d’ethno-masochisme,
puisque ceux qu’il est difficile de désigner autrement que par le terme d’ennemis,
vu leur comportement à l’égard de la France, s’amusent à jongler avec le
contexte historique, alors, faisons de même.
L’Algérie aux abois économiquement, ruinée par les
profiteurs du Système qui depuis 1962 se sont méthodiquement engraissés en
pillant ses ressources, a donc l’outrecuidance de demander des excuses à la
France. Pourquoi pas d’ailleurs, puisque, comme le disait Etienne de la Boétie : « Ils ne
sont grands que parce que nous sommes à genoux » ?
Des excuses donc pour avoir tracé en
Algérie 54 000 kilomètres de routes et pistes (80 000 avec les pistes
sahariennes), 31 routes nationales dont près de 9000 kilomètres goudronnés, construit
4300 km de voies ferrées, 4 ports équipés aux normes internationales, 23 ports
aménagés (dont 10 accessibles aux grands cargos et dont 5 qui pouvaient être
desservis par des paquebots), 34 phares maritimes, une douzaine d’aérodromes
principaux, des centaines d’ouvrages d’art (ponts, tunnels, viaducs, barrages
etc.), des milliers de bâtiments administratifs, de casernes, de bâtiments officiels,
31 centrales hydroélectriques ou thermiques, une centaine d’industries
importantes dans les secteurs de la construction, de la métallurgie, de la
cimenterie etc., des milliers d’écoles, d’instituts de formations, de
lycées, d’universités avec 800 000 enfants scolarisés dans 17 000
classes (soit autant d’instituteurs, dont deux-tiers de Français), un hôpital
universitaire de 2000 lits à Alger, trois grands hôpitaux de chefs-lieux à
Alger, Oran et Constantine, 14 hôpitaux spécialisés et 112 hôpitaux
polyvalents, soit le chiffre exceptionnel d’un lit pour 300 habitants. Sans
parler d’une agriculture florissante laissée en jachère après l’indépendance, à
telle enseigne qu’aujourd’hui l’Algérie doit importer du concentré de tomates,
des pois chiches et jusqu’à la semoule pour le couscous…
Or,
tout ce que la France légua à l’Algérie en 1962 fut construit à partir du
néant, dans un pays qui n’avait jamais existé et dont même le nom lui fut donné
par le colonisateur... Tout avait été payé par les impôts des Français. En
1959, toutes dépenses confondues, l’Algérie engloutissait ainsi 20% du
budget de l’Etat français, soit davantage que les budgets additionnés de
l’Education nationale, des Travaux publics, des Transports, de la
Reconstruction et du Logement, de l’Industrie et du Commerce ! (Voir à ce
sujet mon livre Algérie l’Histoire à l’endroit).
L’Algérie a exigé, et sur ce point
comment ne pas être d’accord avec elle, que la France lui restitue les cranes
de combattants vaincus par l’armée française lors de la conquête. Mais alors,
quid des restes des dizaines de milliers d’esclaves européens dont des milliers
de Français enlevés en mer ou par des razzia littorales, morts en Algérie et
enterrés dans la banlieue d’Alger dans ce qui, avant la conquête était désigné
comme le cimetière des chrétiens ? C’est
en effet par dizaines de milliers que des hommes, des femmes et des enfants
européens furent pris en mer ou enlevés à terre par les pirates barbaresques. De 1689 à 1697, Marseille perdit ainsi 260 navires ou
barques de pêche et plusieurs milliers de marins et de passagers, tous ayant
été réduits en esclavage. En 1718, la
comtesse du Bourk, ses enfants et ses domestiques qui avaient embarqué à Sète pour
rejoindre via Barcelone son mari ambassadeur en Espagne furent capturés en mer.
La petite Marie-Anne du Bourk alors âgée de 9 ans, fut rachetée en 1720.
Grâce aux rapports des pères des Ordres religieux dits de « rédemption des captifs », qu’il s’agisse de l’Ordre des Trinitaires fondé par Jean de Matha et Félix de Valois, ou des Pères de la Merci, les Mercédaires, un ordre religieux fondé par Pierre Nolasque, nous connaissons les noms de milliers d’esclaves rachetés, ainsi que leurs villes ou villages d’origine, cependant que, faute de moyens, des dizaines de milliers d’autres ne le furent pas et moururent dans les chaînes.
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Pères de l’Ordre des Trinitaires négociant le rachat d’esclaves français à Alger au début du XVIIe siècle. |
En 1643, le Père Lucien Héraut, prêtre de l’Ordre de la Trinité et Rédemption des Captifs, rentra en France avec 50 malheureux Français qu’il venait de racheter aux esclavagistes algérois. Faute de moyens, la mort dans l’âme, il avait laissé derrière lui plusieurs milliers d’autres Français, sans compter les milliers d’esclaves appartenant aux autres nations européennes enlevés en mer ou sur le littoral.
Dans une lettre d’une grande puissance de témoignage
adressée à Anne d’Autriche, Reine-Régente du royaume de France, le père Héraut
se fit l’interprète des captifs, s’adressant à la reine en leur nom, afin de lui
demander une aide financière pour les racheter. Une lettre qui devrait clore
les prétentions et les exigences d’excuses des descendants des esclavagistes
algérois : « Larmes et clameurs des Chrestiens françois de
nation, captifs en la ville d’Alger en Barbarie, adressées à la reine régente,
par le R. P. Lucien Heraut, Religieux de l’Ordre de la Trinité et Rédemption
des Captifs, 1643.
« (…) ainsi qu’il arrive ordinairement aux
vassaux de vostre Majesté, qui croupissent miserablement dans l’horrible
esclavage (…) cette mesme necessité addresse aux pieds de sa clemence et
Royalle bonté, les larmes et soupirs de plus de deux milles François de nation Esclaves en la seule
ville d’Alger en Barbarie, à l’endroit desquels s’exerce les plus grandes
cruautés que l’esprit humain puisse excogiter, et les seuls esprits infernaux
inventer.
Ce n’est pas, Madame, une simple exaggeration (…) de
ceux, qui par malheur sont tombés dans les griffes de ces Monstres Affricains,
et qui ont ressenty, comme nous, leur infernalle cruauté, pendant le long
sejour d’une dure captivité, les rigueurs de laquelle nous experimentons de
jour en jour par des nouveaux tourments: la faim, le soif, le froid, le fer, et
les gibets (…) mais il est certain que les Turcs et Barbares encherissent
aujourd’hui par-dessus tout cela, inventans journellement de nouveaux
tourments, contre ceux qu’ils veulent miserablement prostituer, notamment à
l’endroit de la jeunesse, captive de l’un et l’autre sexe, afin de la corrompre
à porter à des pechés si horribles et infames, qu’ils n’ont point de nom, et
qui ne se commettent que parmys ces monstres et furies infernales et ceux qui resistent
à leurs brutales passions, sont écorchez
et dechirez à coup de bastons, les pendants tous nuds à un plancher par les
pieds, leur arrachant les ongles des doigts, brullant la plante des pieds avec
des flambeaux ardents, en sorte que bien souvent ils meurent en ce
tourment. Aux autres plus agés ils font porter des chaisne de plus de cent
livres de poids, lesquelles ils traisnent miserablement partout où ils sont
contrains d’aller, et apres tout cela si l’on vient à manquer au moindre coup
de siflet ou au moindre signal qu’ils font, pour executer leurs commandements,
nous sommes pour l’ordinaire bastonnez sur la plante des pieds, qui est une
peine intollerable, et si grande, qu’il y en a bien souvent qui en meurent, et
lors qu’ils ont condamné une personne à six cent coups de bastons, s’il vient à
mourir auparavant que ce nombre soit achevé, ils ne laissent pas de continuer
ce qui reste sur le corps mort.
Les empalements son
ordinaires, et le crucifiment se pratique encore parmy ces maudits barbares, en cette sorte ils attachent le pauvre
patient sur une manière d’echelle, et lui clouent les deux pieds, et les deux
mains à icelle, puis après ils dressent ladite Eschelle contre une muraille en
quelque place publique, où aux portes et entrées des villes (…) et demeurent
aussi quelque fois trois ou quatre jours à languir sans qu’il soit permis à
aucun de leur donner soulagement.
D’autres sont écorchez tous
vifs, et quantitez de bruslez à petit feu, specialement ceux qui blasphement ou
mesprisent leur faux Prophete Mahomet, et à la moindre accusation et sans autre
forme de procez, sont trainez à ce rigoureux supplice, et là attachez tout nuds avec une chaine à un poteau, et un feu lent tout
autour rangé en rond, de vingt-cinq pieds ou environ de diametre, afin de faire
rostir à loisir, et cependant leur servir de passe-temps, d’autres sont accrochez aux tours ou portes
des villes, à des pointes de fer, où bien souvent ils languissent fort
long temps.
Nous voions souvent de
nos compatriots mourir de faim
entre quatre murailles, et dans des trous qu’ils font en terre, où ils les
mettent tout vif, et perissent ainsi miserablement. Depuis peu s’est pratiqué
un genre de tourment nouveau à l’endroit d’un jeune homme de l’Archevesché de
Rouen pour le contraindre a quitter Dieu et nostre saincte Religion, pour
laquelle il fut enchaisné avec un cheval dans la campagne, l’espace de
vingt-cinq jours, à la merci du froid et du chaud et quantitez d’autres
incommoditez, lesquelles ne pouvant plus supporter fit banqueroute à notre
saincte loy.
Mille pareilles cruautez font apostasier bien souvent
les plus courageux, et mesme les plus doctes et sçavants : ainsi qu’il
arriva au commencement de cette presente année en la personne d’un Père Jacobin
d’Espagne, lequel retenu Captif, et ne pouvant supporter tant de miseres, fit
profession de la loy de Mahomet, en laquelle il demeura environ six mois,
pendant lesquels (…) il avoit scandalisez plus de trente mille Chrestiens esclaves de toutes nations
(…) il se resolu à estre brullé
tout vif, qui est le supplice ordinaire de ceux qui renoncent à Mahomet (…)en
suite deqoy il fut jetté en une prison obscure et infame (…) Le Bascha le fit
conduire au supplice(…) il fut
rosty à petit feu un peu hors de la ville près le Cimitiere des
Chrestiens.
Nous n’aurions
jamais fait, et nous serions trop importuns envers votre Majesté, de raconter
icy toute les miseres et calamitez que nous souffrons : il suffit de dire
que nous sommes icy traittez comme
de pauvres bestes, vendus et revendus aux places publiques à la
volonté de ces inhumains, lesquels puis apres nous traittent comme des chiens,
prodiguans nostre vie, et nous l’ostans, lors que bon leur semble (…).
Tout cecy,
Madame, est plus que suffisant pour émouvoir la tendresse de vos affections
royales envers vos pauvres subjets captifs desquels les douleurs sont sans
nombre, et la mort continuelle dans l’ennuy d’une si douleureuse vie (…), et
perdre l’ame apres le corps, le salut apres la liberté, sous l’impatience de la
charge si pesante de tant d’oppressions,
qui s’exercent journellement en nos personnes, sans aucune consideration de
sexe ny de condition, de vieil ou du jeune, du fort ou du foible :
au contraire celuy qui paroist delicat, est reputé pour riche, et par
consequent plus mal traitté, afin de l’obliger à une rançon excessive, par lui
ou par les siens (…) nous implorons sans cesse, jettant continuellement des
soupirs au Ciel afin d’impetrer les graces favorables pour la conservation de
vostre Majesté, et de nostre Roy
son cher fils, destiné de Dieu pour subjuguer cette nation autant perfide que
cruelle, au grand souhait de tous les Catholiques, notamment de ceux qui
languissent dans ce miserable enfer d’Alger, une partie desquels ont signé
cette requeste en qualité, Madame, de vos
tres humbles, tres obeyssants, tres fidels serviteurs et vassaux les plus
miserables de la terre, desquels les noms suivent selon les Dioceses et
Provinces de votre Royaume. »
Le numéro du
mois de septembre de l’Afrique Réelle sera un numéro spécial consacré à
la repentance et à l’esclavage et, le 1er septembre, je publierai un livre
intitulé Esclavage, l’histoire à l’endroit, une arme de
réfutation de la doxa culpabilisatrice. Les lecteurs de ce blog et les
abonnés à la revue seront informés dès sa parution.
Bernard Lugan