dimanche 29 décembre 2013

Pour terminer l’année en souriant…

C’est Libération dans son édition du 29 décembre 2013 qui nous l’apprend : le conflit qui ensanglante le Soudan du Sud est « plus une rivalité de mafieux qu’un conflit ethnique ». Nous voilà donc renseignés nous qui avions naïvement cru que les nilotiques Dinka massacraient les nilotiques Nuer et que tous faisaient tomber leurs machettes sur les occiputs des nilo-sahariens Murle cependant que les Nuba en voulaient aux Dinka de ne pas les avoir rattachés au Soudan du Sud …
Nous voilà d’autant plus informés que c’est un spécialiste de la question qui l’affirme dans les colonnes d’un quotidien subventionné par nos impôts et qui aurait depuis longtemps disparu des kiosques dans une économie concurrentielle. Ce spécialiste qui a pour nom Marc Lavergne et qui est chercheur au Groupe de recherches et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient du CNRS a longtemps vécu au Soudan. Il sait donc de quoi il parle. Comme Jean-Pierre Chrétien, autre éminent membre du CNRS qui, lui, a longtemps vécu au Burundi, et pour qui Tutsi et Hutu sont des fantasmes racialisants inventés par les missionnaires et les colons.  

En plus de sa profonde connaissance de la région, Marc Lavergne sait ne pas être prisonnier d’un paradigme. Le 16 juillet 2004, il expliquait ainsi que « le conflit du Darfour n’est pas racial ». Quant aux janjawid qui massacraient les populations, ils n’étaient rien d’autre que des victimes. En effet ces « miliciens sont tout simplement des gens prolétarisés. Ils se retrouvent sans travail, le gouvernement  les arme et leur dit vous pouvez faire ce que vous voulez, voler, piller ».
Si j’avais connu cette explication aussi lumineuse qu’éclairante, je n’aurais pas induit en erreur mes stagiaires de l’Ecole de Guerre auxquels j’ai stupidement tenté d’expliquer la mosaïque ethno-raciale de la région tchado-soudanaise et les raisons de son délitement. Je vais donc immédiatement et rétroactivement baisser la note de ce lieutenant-colonel tchadien qui avait brillamment exposé à ses camarades la question des relations complexes entre les peuples vivant dans toute la région comprise entre le Darfour et l’est du Tchad. 

Marc Lavergne a une autre qualité et elle est rare chez un chercheur de sa classe : il sait parler aux enfants. Le 25 septembre 2013, lors de l’émission France info junior, il trouva ainsi les bonnes formules pour expliquer la Somalie à son jeune public avide d’explications.
Question d’un enfant : « est-ce que c’est vrai que les Shebab ont tué un agent secret français ? »
Réponse du chercheur au CNRS : « Ah ben ça j’en sais rien ! Y a un agent français qui a été effectivement pris en otage parce que c’est les risques du métier. Il essayait de les espionner, de comprendre ce qu’ils voulaient faire, il s’est fait attraper et puis il est mort entre les mains des gens qui l’avaient pris… »
Les membres de la DGSE qui risquent quotidiennement leur vie pour désamorcer en amont les menaces terroristes pesant sur nos peuples apprécieront…

Autre question d’un enfant : « qui sont les pirates somaliens ? »
Réponse du spécialiste du CNRS : « Les pirates c’est aussi des jeunes qui n’ont pas de travail. Autrefois ils étaient pêcheurs et puis maintenant il n’y a plus de poissons dans la mer parce que les bateaux usines japonais qui viennent et attrapent tous les poissons, donc il faut bien qu’ils trouvent une raison et un moyen de vivre et ils attaquent des bateaux ».
Conclusion, les pirates, comme les janjawid, sont pareillement des victimes…

Pour être complète, la réponse de l’éminent membre du CNRS aurait mérité de mentionner le réchauffement climatique, le trou dans la couche d’ozone, la responsabilité des moteurs diesel et naturellement et avant toutes choses, le péché colonial.

A travers cette petite « taquinade », c’est le naufrage de l’africanisme français qui est mis en évidence. En France, au nom de l’universalisme et de la négation des différences, le réel ethno-racial est soit nié, soit édulcoré. Certes, tout n’est pas ethnique, mais rien ne peut être expliqué sans lui. Les chercheurs du CNRS peuvent s’affranchir de cette évidence. En cas d’erreur d’analyse, il y aura en effet toujours des militaires pour aller les récupérer au milieu d’ethnies dont ils niaient l’existence. Mais si les militaires font un mauvais diagnostic, ce ne seront pas les chercheurs du CNRS qui iront les libérer… C’est pourquoi ils sont condamnés au réalisme.

Bernard Lugan
29/12/2013

lundi 23 décembre 2013

L’intervention en RCA peut-elle réussir ?


Avec les socialistes nous vivons un éternel recommencement : les moyens militaires sont toujours amputés, le réel n’est jamais pris en compte et les interventions sont décidées au pic des crises... L’exemple de la RCA illustre cette constante. A l’heure où ces lignes sont écrites, la situation y est la suivante :

1) La France a contre elle la minorité  musulmane vivant dans le sud du pays. instrumentalisée par la Séléka, elle accuse l’armée française de partialité. Quant à la majorité sudiste chrétienne elle reproche à nos forces, soit de ne pas la protéger, soit de ne pas lui permettre de se venger…

2) Le conflit qui était ethnique au départ devient peu à peu religieux, engerbant en quelque sorte les composantes ethniques régionales avec tous les risques internationaux qu’une telle évolution implique.

3) Une guerre dans la guerre menace car le contingent tchadien réprime les chrétiens cependant que les contingents issus d’autres parties de l’Afrique matraquent les musulmans

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samedi 21 décembre 2013

Le gros mensonge de Nelson Mandela

Un communiqué du SACP (South African Communist Party) en date du 6 décembre 2013 nous apprend officiellement ce dont l’on se doutait, mais qui n’avait jamais été réellement établi, à savoir que le « camarade Nelson Mandela » était un haut dirigeant communiste puisqu’il « (…) ne faisait pas seulement partie du SACP, mais également de son Comité central ».
Pourquoi a-t-il toujours démenti, tant oralement que par écrit, avoir été membre du SACP ? Pourquoi donc a-t-il menti ?

Un retour en arrière s’impose. En 1960, quand Nelson Mandela fut nommé-coopté au Comité central du SACP, le monde était en pleine « guerre froide » et les soviétiques avaient décidé de menacer la route du Cap, vitale pour ce qui était alors l’ « Occident », en déstabilisant le pays qui en était le gardien, à savoir l’Afrique du Sud. Pour l’URSS, la lutte contre l’apartheid fut le moyen de populariser cette stratégie en lui donnant un « habillage » moral. La mission que le KGB confia alors à Nelson Mandela, fut de prendre le contrôle de l’ANC au profit du SACP en évinçant la vieille garde réformiste et non-violente qui le contrôlait, afin de lui faire adopter  la lutte armée.

Aidé par Yossef Mashel Slovo, dit Joe Slovo, un officier supérieur du KGB, Nelson Mandela s’acquitta parfaitement de ces deux missions. Il réussit ainsi à imposer la création de l’Umkhonto we Sizwe, l’aile militaire et terroriste de l’ANC dont il fut le premier chef. Il transforma également l’ANC en une simple courroie de transmission du SACP. En 1989, sur les 30 membres de son comité directeur, quatre ou cinq revendiquaient ainsi officiellement leur appartenance au SACP cependant que plus d’une vingtaine étaient des membres clandestins du parti ayant reçu l’ordre de cacher leur appartenance afin de ne pas effaroucher les « compagnons de route » et les « idiots utiles ». 

Le SACP a donc brisé un secret jusque là bien gardé et cela, au risque d’écorner le mythe Mandela. Pourquoi?
La réponse est d’une grande simplicité : le SACP est politiquement en perdition car il est perçu par les Noirs comme un parti archaïque « blanc » et « indien ». Or, depuis 1994, la vie politique sud-africaine repose sur un partage du pouvoir, donc des postes et des prébendes, entre l’ANC, le syndicat Cosatu et le SACP. Il s’agit de l’Alliance tripartite. Cette rente de situation est aujourd’hui fortement contestée par de nouvelles forces politiques noires demandant que les « dépouilles opimes » étatiques soient repartagées à la lumière de la véritable représentativité des uns et des autres. Afin de tenter de conserver sa place au sein de l’Alliance tripartite, le SACP à bout de souffle a donc révélé que le « grand homme » était un de ses dirigeants…
Ce misérable calcul boutiquier aura du moins un grand avantage car il permettra peut-être d’ouvrir les yeux à ceux qui pleurent un Nelson Mandela pacificateur-rédempteur alors qu’il était en réalité un agent du KGB, une « taupe communiste » dans le vocabulaire de la « guerre froide »…
Je souhaite donc un  bon réveil après l’hypnose à ceux qui ont cru voir en lui le messie d’une nouvelle religion universelle[1].

Bernard Lugan
21/12/13

[1] Cette question sera développée dans le numéro de janvier 2014 de l’Afrique Réelle que les abonnés à jour d’abonnement recevront vers le 5 janvier.

vendredi 6 décembre 2013

Nelson Mandela : l’icône et le néant

Né le 18 juillet 1918 dans l’ancien Transkei, mort le 5 décembre 2013, Nelson Mandela ne ressemblait pas à la pieuse image que le politiquement correct planétaire donne aujourd’hui de lui. Par delà les émois lénifiants et les hommages hypocrites, il importe de ne jamais perdre de vue les éléments suivants :

1) Aristocrate xhosa issu de la lignée royale des Thembu, Nelson Mandela n’était pas un « pauvre noir opprimé ». Eduqué à l’européenne par des missionnaires méthodistes, il commença ses études supérieures à Fort Hare, université destinée aux enfants des élites noires, avant de les achever à Witwatersrand, au Transvaal, au cœur de ce qui était alors le « pays boer ». Il s’installa ensuite comme avocat à Johannesburg.

2) Il n’était pas non plus ce gentil réformiste que la mièvrerie médiatique se plait à dépeindre en « archange de la paix » luttant pour les droits de l’homme, tel un nouveau Gandhi ou un nouveau Martin Luther King. Nelson Mandela fut en effet  et avant tout un révolutionnaire, un combattant, un militant qui mit « sa peau au bout de ses idées », n’hésitant pas à faire couler le sang des autres et à risquer le sien.
Il fut ainsi l’un des fondateurs de l’Umkonto We Sizwe, « le fer de lance de la nation », aile militaire de l’ANC, qu’il co-dirigea avec le communiste Joe Slovo, planifiant et coordonnant plus de 200 attentats et sabotages pour lesquels il fut condamné à la prison à vie.

3) Il n’était pas davantage l’homme qui permit une transmission pacifique du pouvoir de la « minorité blanche » à la « majorité noire », évitant ainsi un bain de sang à l’Afrique du Sud. La vérité est qu’il fut hissé au pouvoir par un président De Klerk appliquant à la lettre le plan de règlement global de la question de l’Afrique australe décidé par Washington. Trahissant toutes les promesses faites à son peuple, ce dernier :

- désintégra une armée sud-africaine que l’ANC n’était pas en mesure d’affronter,
- empêcha la réalisation d’un Etat multiracial décentralisé, alternative fédérale au jacobinisme marxiste et dogmatique de l’ANC,
- torpilla les négociations secrètes menées entre Thabo Mbeki et les généraux sud-africains, négociations qui portaient sur la reconnaissance par l’ANC d’un Volkstaat  en échange de l’abandon de l’option militaire par le général Viljoen[1].
  
4) Nelson Mandela n’a pas permis aux fontaines sud-africaines de laisser couler le lait et le miel car l’échec économique est aujourd’hui  total. Selon le Rapport Economique sur l’Afrique pour l’année 2013, rédigé par la Commission économique de l’Afrique (ONU) et l’Union africaine (en ligne), pour la période 2008-2012, l’Afrique du Sud s’est ainsi classée parmi les 5 pays « les moins performants » du continent sur la base de la croissance moyenne annuelle, devançant à peine les Comores, Madagascar, le Soudan et le Swaziland (page 29 du rapport).
Le chômage touchait selon les chiffres officiels 25,6% de la population active au second trimestre 2013, mais en réalité  environ 40% des actifs. Quant au revenu de la tranche la plus démunie de la population noire, soit plus de 40% des Sud-africains, il est aujourd’hui inférieur de près de 50% à celui qu’il était sous le régime blanc d’avant 1994[2]. En 2013, près de 17 millions de Noirs sur une population de 51 millions d’habitants, ne survécurent que grâce aux aides sociales, ou Social Grant, qui leur garantit le minimum vital.

5) Nelson Mandela a également échoué politiquement car l’ANC connaît de graves tensions multiformes entre Xhosa et Zulu, entre doctrinaires post marxistes et « gestionnaires » capitalistes, entre africanistes et partisans d’une ligne « multiraciale ». Un conflit de génération oppose également la vieille garde composée de « Black Englishmen», aux jeunes loups qui prônent une « libération raciale » et la spoliation des fermiers blancs, comme au Zimbabwe.

6) Nelson Mandela n’a pas davantage pacifié l’Afrique du Sud, pays aujourd’hui livré à la loi de la jungle avec une moyenne de 43 meurtres quotidiens.

7) Nelson Mandela n’a pas apaisé les rapports inter-raciaux. Ainsi, entre 1970 et 1994, en 24 ans, alors que l'ANC était "en guerre" contre le « gouvernement blanc », une soixantaine de fermiers blancs furent tués. Depuis avril 1994, date de l’arrivée au pouvoir de Nelson Mandela, plus de 2000 fermiers blancs ont été massacrés dans l’indifférence la plus totale des médias européens.

8) Enfin, le mythe de la « nation arc-en-ciel » s’est brisé sur les réalités régionales et ethno-raciales, le pays étant plus divisé et plus cloisonné que jamais, phénomène qui apparaît au grand jour lors de chaque élection à l’occasion desquelles le vote est clairement « racial », les Noirs votant pour l’ANC, les Blancs et les métis pour l’Alliance démocratique
  
En moins de deux décennies, Nelson Mandela, président de la République du 10 mai 1994 au 14 juin 1999, puis ses successeurs, Thabo Mbeki (1999-2008) et Jacob Zuma (depuis 2009), ont transformé un pays qui fut un temps une excroissance de l’Europe à l’extrémité australe du continent africain, en un Etat du « tiers-monde » dérivant dans un océan de pénuries, de corruption, de misère sociale et de violences, réalité en partie masquée par quelques secteurs ultraperformants, mais de plus en plus réduits,  le plus souvent dirigés par des Blancs.

Pouvait-il en être autrement  quand l’idéologie officielle repose sur ce refus du réel qu’est le mythe de la « nation arc-en-ciel » ? Ce « miroir aux alouettes » destiné à la niaiserie occidentale interdit en effet de voir que l’Afrique du Sud ne constitue pas une Nation mais une mosaïque de peuples rassemblés par le colonisateur britannique, peuples dont les références culturelles sont étrangères, et même souvent irréductibles, les unes aux autres.
Le culte planétaire quasi religieux aujourd’hui rendu à Nelson Mandela, le dithyrambe outrancier chanté par des hommes politiques opportunistes et des journalistes incultes ou formatés ne changeront rien à cette réalité.

Bernard Lugan
06/12/13

[1] Voir mes entretiens exclusifs avec les généraux Viljoen et Groenewald  publiés dans le numéro de juillet 2013 de l’Afrique réelle  www.bernard-lugan.com
[2] Institut  Stats SA .

L'Afrique Réelle n°48 - Décembre 2013


























Sommaire

Actualité :
- Sahel : La France seule et sans moyens
- Nigeria-Cameroun : le continuum ethno-religieux de Boko Haram

Economie :
Afrique du Sud : vers la catastrophe économique

Dossier :
Le Rwanda peut-il renoncer au Kivu ?

- La mainmise du Rwanda sur le Kivu (1996-2002)
- La seconde guerre du Kivu (2007-2009)
- La troisième guerre du Kivu et la fin du M23 (2012-2013)

Editorial de Bernard Lugan

Les élections comme seul remède ?

Elections, encore les élections, toujours les élections, rien que les élections !!! 
Hier en Côte d’Ivoire et en Libye, aujourd’hui au Mali et demain en RCA, les Diafoirus européens et américains n’ont qu’un seul remède à proposer : les élections. Or, cette version politique de la saignée ou du clystère chers aux médecins de Molière n’a jamais résolu le moindre problème africain ; quand elle ne l’a pas aggravé. Pour deux principales raisons :

1) Partout en Afrique les élections étant des sondages ethniques grandeur nature, chaque scrutin enfonce le pays dans la crise ethno-politique.

2) Les élections imposées à l’Afrique reposent sur une philosophie politique fondée sur l’individu alors que les définitions sociales et religieuses africaines sont fondées sur la communauté. Nous sommes donc en présence d’une incompatibilité philosophico-politique que l’actuelle fuite en avant démocratique ne fera pas disparaître.

La solution passe par le retour au réel ethnique et donc par l’abandon du postulat universaliste qui le nie. Mais pour cela, encore faudrait-il que les nantis du Nord cessent de vouloir imposer leur philosophie universaliste à l’Afrique, ce qui passe par l’abandon de l’idée du « village-terre » et l’acceptation de la réalité identitaire.
Combien faudra t-il encore de guerres et de massacres pour que les idéologues européens et américains admettent que les Africains ne sont pas des Européens pauvres à la peau noire, mais les héritiers de vieilles civilisations n’ayant pas vocation à devenir des « nègres-blancs ».

Après les guerres des années 1985-2000, une profonde recomposition ethno-politique s’est produite dans la région des Grands Lacs autour de deux pôles, l’Ouganda de Yoweri Museveni et le Rwanda de Paul Kagame.
Depuis 1996, le Rwanda occupe le Kivu congolais dans l’indifférence générale. Or, depuis plusieurs mois, en raison des exactions commises par les diverses milices qui se combattent dans la région, la communauté internationale a décidé de faire pression sur le Rwanda pour qu’il cesse son aide au M23, mouvement né à Kigali, porté à bout de bras par le régime du général Kagamé et composé d’anciens de son armée.

Aujourd’hui, le Rwanda est confronté à une nouvelle réalité qui est la question de l’éventuelle reconstruction d’un Etat congolais. Or, une telle politique qui remettrait en cause son « protectorat » de fait sur l’immense partie de la RDC qui s’étend du lac Albert au Nord jusqu’au lac Tanganyika au Sud serait mortelle pour le Rwanda qui « tire » 50% de son budget du pillage de cette région. Comme le pays ne peut vivre sans le Kivu, Paul Kagamé va donc tout faire pour torpiller la tentative de reconstruction d’un Etat congolais contrôlant l’ensemble de son territoire.

dimanche 1 décembre 2013

Mali : la France entre l’enclume sudiste et le marteau nordiste


Le 27 novembre, et pour la première fois depuis le début de l’opération Serval, une manifestation anti-française s’est déroulée au Mali, à Bamako, aux cris de « A bas la France ».

Ces Maliens bien peu « reconnaissants » de ce qui a été fait pour eux  font à la France un reproche de fond : interdire à leur armée de se repositionner à Kidal, au cœur du pays touareg. Or, durant la campagne de l’Azawad, notamment lors des combats dans les Iforas, les forces françaises furent renseignées par les Touareg du MNLA contre la promesse de ne pas laisser l’armée malienne se repositionner à Kidal…
Culbutés par les Touareg, les militaires maliens qui se sont enfuis vers Bamako fin 2011-début 2012, veulent aujourd’hui profiter du bouclier français pour prendre leur revanche et réoccuper la totalité du territoire national, ce que les Touareg refusent. Le 30 novembre dernier, le MNLA, rejoint par le MAA (Mouvement arabe de l’Azawad) et par le HCUA ( Haut conseil pour l’unité de l’Azawad) a d’ailleurs déclaré qu’il reprenait la guerre contre l’armée malienne.
Nos forces vont donc se trouver prises entre deux feux. Comme en Côte d’Ivoire avec Laurent Gbagbo, ceux que nos éléments sauvèrent dans un premier temps, risquent donc de devenir des ennemis qui nous reprocheront de ne pas les laisser rétablir la souveraineté nationale sur l’ensemble du pays. Une aide salvatrice se transformera donc en entreprise néo-coloniale… et la France devra une fois de plus payer l’incohérence de sa politique !

Comme il fallait s’y attendre, et comme je n’ai cessé de le dire dans tous mes communiqués consacrés au Mali (voir l’historique de ce blog et surtout les numéros de l’Afrique réelle traitant cette question), le problème de fond n’a pas été réglé par l’Opération Serval car il n’est pas militaire. Il n’est pas davantage islamiste, le jihadisme n’étant que la surinfection d’une plaie ethnique millénaire. La question est ethno-politique car le sahel, monde contact entre les civilisations sédentaires des greniers au Sud, et l’univers du nomadisme au Nord, est un Rift racial le long duquel, et depuis la nuit des temps, sudistes et nordistes sont en rivalité pour le contrôle des zones intermédiaires situées entre le désert et les savanes.

Les élections ne résoudront donc évidemment pas cette réalité géo-ethnographique. Elles ne feront que confirmer la mathématique ethnique locale, l’ethno-mathématique selon ma formule qui me fut tellement reprochée par les butors de la bien-pensance universaliste, mais qui est désormais reprise par les plagiaires qui « pompent » littéralement mes analyses sans jamais me citer[1]
Dans mon communiqué en date du 14 novembre 2012, j’écrivais ainsi que l’intervention au Mali ne devait pas être construite comme une synthèse entre divers courants, à l’image de ce qui se fait lors des congrès du parti socialiste. Il fallait certes des objectifs militaires clairs -et l’armée française a parfaitement rempli sa mission à cet égard-, mais avant tout une vision politique cohérente et réaliste, à savoir la définition d’un nouvel équilibre entre le nord et le sud du pays.
Après avoir bloqué les colonnes d’Ansar Eddine qui fonçaient sur Bamako, il fallait donc conditionner nos opérations de reconquête de Gao et de Tombouctou à l’acceptation par les autorités maliennes de l’impératif d’un changement constitutionnel qui aurait une fois pour toutes réglé le problème nord-sud.

Au lieu de cela, les cerveaux à nœud qui inspirent la politique africaine de la France sont restés englués dans leurs dogmes universalo-démocratiques, refusant de voir que les nordistes ne sont pas les sudistes, que les élections n’ont jamais réglé en profondeur les problèmes ethniques africains et qu’en définitive,  nous n’avons fait que repousser le problème.
Mais qu’importe, puisque les militaires français sont sur place pour solder leurs continuelles erreurs…

[1] Deux exceptions notables, JD Merchet dans son blog secret-defense et Frédéric Pons dans Valeurs Actuelles. Pour les autres, la ligne de conduite est : Lugan sert de banque de données, mais il ne faut pas le citer afin d’éviter de faire « pleuvoir  grenades et gravats » sur sa petite carrière…