vendredi 1 novembre 2024

L'Afrique Réelle n°179 - Novembre 2024

Sommaire

Numéro spécial : Le Sahel après le retrait français
- L’explosion de l’insécurité
- Les trois juntes et la Russie en difficulté
- Les trafics
- Le suicide par la démographie
- La question Touareg à l’origine de tout
- La tension entre l’Algérie et le Mali


Editorial de Bernard Lugan

Le Sahel après le retrait français

Après la mort de 52 des meilleurs enfants de France tombés pour défendre des Maliens et des Nigériens préférant émigrer en France plutôt que se battre pour leurs pays respectifs, que devient le Sahel depuis le retrait français des années 2022 et 2023 ? 
La région est en effet sortie de l’actualité française, d’une part parce que l’Ukraine et le Moyen-Orient attirent tous les regards ; d’autre part, en raison de la situation intérieure hexagonale. Or, à bas bruit, se poursuit l’extension des territoires contrôlés par les islamistes, par les trafiquants de drogue et par les passeurs de migrants. 

Avec des moyens dérisoires à l’échelle du gigantesque théâtre d’opérations saharo-sahélien, - plus de 8 000 000 km2 de désert et plus de 3 000 000 km2 de Sahel -, Barkhane, qui n’était que de passage, n’était évidemment pas en mesure de refermer ces plaies ethno-raciales ouvertes depuis la nuit des temps et qui sont à la base des guerres actuelles. 
Aujourd’hui, les Russes comprennent à leur tour qu’ils ne peuvent agir sur les constantes millénaires qui conditionnent les définitions politico-sociales  régionales. Ils ne peuvent pas davantage résoudre les problèmes liés à la démographie, à la sous-administration et à l’inexistence d’Etats sans profondeur historique qui associent tout à fait artificiellement des Nord blancs et des Sud noirs immémorialement antagonistes. 
L’ignorance des constantes ethno-historico-politiques régionales et d’un milieu dans lequel les populations ont une tradition de violence en raison de la concurrence pour les maigres ressources en eau ou en pâturages, a fait qu’un conflit localisé à l’origine au seul nord-est du Mali, limité à une fraction touareg, et dont la solution passait par la satisfaction de revendications politiques légitimes de cette dernière, s’est transformé en un embrasement régional échappant désormais à tout contrôle. 

Un désastre qui s’explique par une erreur originelle de diagnostic. La polarisation sur le jihadisme fut en effet l’alibi servant à masquer la méconnaissance des décideurs français, doublée de leur incompréhension de la situation. Comme je n’ai cessé de le dire et de l’écrire depuis au moins deux décennies, le jihadisme saharo-sahélien est en effet, et d’abord, la surinfection de plaies ethniques séculaires et même parfois millénaires. 
Or, comme il vient d’être dit, nul n’étant en mesure de cautériser ces dernières, les malheureuses populations continueront donc à vivre dans la terreur. 

N’en déplaise aux tueurs de mémoire, nous assistons bien en réalité au retour à la longue durée régionale. Une situation qui avait été mise entre parenthèses entre les années 1890 et 1960, durant  la brève parenthèse coloniale, quand la France s’est ruinée avec application pour assurer la paix aux populations, pour les soigner, pour les nourrir, pour  tracer des routes, lancer des ponts, bâtir  dispensaires, hôpitaux, écoles…

mercredi 30 octobre 2024

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5 livres de Bernard Lugan à prix réduits















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Attention : nos bureaux seront fermés à partir du 13 décembre et toute commande reçue après cette date sera livrée début janvier 2025

dimanche 13 octobre 2024

17 octobre 1961 à Paris, un « massacre » réel ou inventé ?

Chaque année, à l’approche du 17 octobre, les amis du FLN, les héritiers des « porteurs de valises » et les différents courants de la gauche, unis pour la circonstance, investissent les médias avec la commémoration du « massacre » opéré par la police française lors de la manifestation algérienne interdite du 17 octobre 1961 à Paris. Cette année, ils vont encore plus loin, exigeant sa « pleine reconnaissance comme crime d’Etat », ainsi qu’il est écrit dans le communiqué de la Ligue des Droits de l’Homme en date du 10 octobre 2024 :
 
« Le crime d’Etat que constitue, à la fin de la guerre d’Algérie, le massacre du 17 octobre 1961, en plein Paris, de plusieurs centaines d’Algériens qui refusaient d’obéir à un couvre-feu discriminatoire et anticonstitutionnel a été nié et dissimulé par le pouvoir politique en France pendant une trentaine d’années. Cet événement n’a commencé à émerger dans la mémoire collective qu’au milieu des années 1980 et il est l’objet depuis, dans toute la France, de commémorations de plus en plus nombreuses. Pourtant, malgré un communiqué du président François Hollande, en octobre 2012, et un geste du président Emmanuel Macron, en octobre 2021, sa pleine reconnaissance comme crime d’Etat n’est toujours pas intervenue ».
 
Ce communiqué étant le parfait résumé de la re-écriture de l’histoire de cette manifestation, je livre ici un contre-argumentaire qui permettra de ne pas rester sans voix face aux mises en accusation qui vont une fois encore s’abattre sur les Français aux approches de la date du 17 octobre[1].
 
Rappel du contexte et du déroulé de la manifestation
 
La guerre d'indépendance algérienne se fit également en métropole, y provoquant des milliers de morts. Pour la période du 1° janvier 1956 au 23 janvier 1962, 10 223 attentats y furent ainsi commis par le FLN. Pour le seul département de la Seine, entre le 1° janvier 1956 et le 31 décembre 1962, 1433 Algériens opposés au FLN furent  assassinés et 1726 autres blessés (Valat, 2007 :27-28). Au total, de janvier 1955 au 1° juillet 1962, en Métropole, le FLN assassina 6000 Algériens et en blessa 9000. Face à ces actes de terrorisme visant à prendre le contrôle de la population algérienne vivant en France, le 5 octobre 1961, un couvre-feu fut imposé à cette dernière afin de gêner les communications des réseaux du FLN et l’acheminement des armes vers les dépôts clandestins.
En réaction, acculé, le 17 octobre 1961, le FLN décida de manifester. La manifestation ayant été interdite, elle se déroula donc en violation de la loi et avec violence. Assaillis de toutes parts, 1658 hommes des forces de l’ordre rassemblés en urgence, et non 7000 comme cela est avancé sous la plume de militants autobaptisés « historiens », sont accusés d’avoir « massacré » 300 manifestants et d’en avoir jeté des dizaines à la Seine.

La fabrication d’un « massacre »

Or, cette présentation ne correspond pas à la réalité. En effet, si la répression policière de cette manifestation interdite fut « musclée », se traduisant par plusieurs centaines de blessés, souvent graves, par plusieurs milliers de conduites au poste, par plusieurs centaines de gardes à vue, peut-on pour autant parler de massacre ? Oui, s’il y eut de nombreux morts, non si elle n’en n’a pas fait.
 
Pour le savoir, il est nécessaire de reprendre la genèse de la fabrication de ce « massacre ». Comme l’écrit justement la Ligue des Droits de l’Homme dans son communiqué cité au début de cette mise au point,  « Cet événement n’a commencé à émerger dans la mémoire collective qu’au milieu des années 1980 », et il a été primitivement reconstruit à partir de trois livres :
 
1) Celui d’Ali Haroun publié en 1986 est particulièrement intéressant car il s’agit d’un recueil de souvenirs et de témoignages rédigés par d’anciens responsables de la fédération du FLN en France. Ce livre en partie apologétique ne peut donc être accepté comme source utilisable qu’après une profonde critique historique.
 
2) Celui de Jean-Luc Einaudi publié en 1991 porte sur la manifestation du 17 octobre 1961 à Paris. L’auteur, un militant marxiste, ancien maoïste, n’ayant aucune formation historique, piétine avec  constance tout ce qui se rapproche de la méthode scientifique. Voilà ce qui explique ses nombreuses errances méthodologiques qui seront mises en évidence plus loin, mais qui, étonnament, servent toujours comme argumentaire aux partisans de la thèse du « massacre ».
 
3) S’appuyant sur Haroun et Einaudi, deux universitaires britanniques, House et MacMaster, publièrent en 2008 un livre militant car il passe sous silence la guerre atroce que se livrèrent le FLN et le MNA de Messali Hadj, ce qui leur permet d’attribuer aux forces de police la totalité des Nord-Africains tués en France. Comme l’a montré Jean-Luc Brunet (2008), rarement un livre à prétention scientifique et écrit par des universitaires aura à ce point dérogé aux règles élémentaires de la déontologie historique.
 
Des auteurs de second rang et des journalistes suivistes paraphrasèrent ensuite ces trois ouvrages, répétant les mêmes arguments pourtant réduits à néant par les travaux historiques comme cela va être démontré dans les lignes qui suivent.
Dans ces publications, l’on retrouve en effet toujours les mêmes chiffres, toujours les mêmes cadavres inventés, et toujours une constante inflation du nombre de morts (jusqu’à 325 manifestants tués), des dizaines jetés à la Seine et noyés, etc.
Or, et il est essentiel de souligner ce point, les auteurs de ces livres jouent sur les dates en additionnant régulièrement les décès des Algériens antérieurs et postérieurs au 17 octobre. Pour eux, tout Algérien mort de mort violente durant le mois d’octobre 1961 est par postulat une victime de la répression policière.
 
Autre élément du dossier, les « noyades » dans la Seine dont nous savons qu’elles furent largement « inventées » le 31 octobre, donc postérieurement à la manifestation du 17 octobre, dans un tract du FLN repris et popularisé par le parti communiste qui en fit une « vérité » devenue aujourd’hui histoire officielle.
D’ailleurs, du 1er au 31 octobre 1961, sur 90 cadavres de « N.A » (Nord-africains selon la terminologie de l’époque), conduits à l’Institut Médico-Légal, 34 avaient été retirés de la Seine ou de la Marne, notamment aux barrages de Suresnes et de Bezons. Or, les enquêtes policières ont montré qu’il s’agissait pour la plupart de meurtres commis par le FLN contre des Algériens partisans de l’Algérie française ou bien qui avaient refusé de lui payer l’« impôt de guerre ».
 
La déconstruction du « massacre »
 
Cette histoire orientée des « massacres » du 17 octobre 1961 fut déconstruite en plusieurs étapes :
 
1) En 1998, le Premier ministre de l’époque, le socialiste Lionel Jospin, constitua une commission présidée par le conseiller d’Etat Dieudonné Mandelkern[2] qui fut chargée de faire la lumière sur ces évènements. Fondé sur l’ouverture d’archives jusque-là fermées, le rapport remis par cette commission concluait :
 
« Pour la période comprise entre le 17 octobre et le 31 décembre 1961, 88 corps de Nord-Africains (des FMA pour la plupart[3]), sont entrés à l’IML. De l’avis de la mission, le cas de 25 de ces cadavres appelle une analyse plus poussée. Pour ces cadavres, en effet, la date présumée de la mort ou ses circonstances, telles qu’elles ressortent du registre d’entrée, complété, le cas échéant, par les enquêtes de la police judiciaire, ne permettent pas d’exclure tout lien avec les manifestations. »
 
On notera la prudence des rédacteurs du rapport et l’on relèvera que 22 de ces 25 morts ont fait, à l’époque, l’objet d’enquêtes judiciaires[4], et qu’aucune d’entre elles n’a conclu à une relation avec la manifestation interdite du 17 octobre.
 
2) Le 5 mai 1999, Jean Géronimi, avocat général à la Cour de cassation remit un rapport demandé par le ministre de la Justice, Madame Elisabeth Guigou, dans lequel il donne un chiffre de 48 morts de Nord Africains, non pas pour le 17 octobre, mais pour tout le mois d’octobre 1961. Ce rapport n’a donc pas grand intérêt pour les historiens car il englobe tous les Algériens morts durant cette période, qu’il s’agisse des victimes du FLN, notamment ce commerçant ayant ouvert sa boutique en dépit des ordres de fermeture ou même  de certaines morts naturelles sur la voie publique. Ce même rapport donne le chiffre de 246 Algériens morts de mort violente durant toute l’année 1961, dont 141 avant le 17 octobre et 72 après le 19 octobre, 33 n’ayant pu être identifiés. Là encore, nous sommes loin des chiffres assénés par les amis du FLN
 
3) En 1999, Jean-Paul Brunet, universitaire spécialiste de la période contemporaine, publia un livre très documenté qui fit voler en éclats la thèse de Jean-Luc Einaudi (1991). Après inventaire dressé par la commission Mandelkern, Jean-Paul Brunet fut en effet autorisé à travailler sur les archives de la préfecture de police se rapportant aux évènements du mois d’octobre 1961 et cela, sans devoir attendre le délai légal de soixante-ans.
En 2003, Jean-Paul Brunet publia un nouveau livre dans lequel il acheva de réduire à néant l’argumentaire et la méthodologie de Jean-Luc Einaudi (1991, 2001). Reprenant à la source les éléments sur lesquels repose son écriture  de l’histoire du 17 octobre 1961 :
 
1) Il démontre que le prétendu rapport de police faisant état de 140 morts le 17 octobre, document qui sert de point de départ à Einaudi et consorts n’a jamais existé.
 
2) Il reprend la liste des morts que publie Einaudi, montrant que la majorité des décès cités remonte à des dates antérieures à la manifestation du 17 octobre.
 
3) Il montre comment Einaudi a « arrangé » les chiffres en additionnant les cadavres non identifiés reçus à l’IML (Institut médico-légal, la Morgue) au nombre des disparus, et à celui des Algériens transférés administrativement en Algérie après qu’ils eurent été arrêtés le 17 octobre.
 
4) Il établit qu’Einaudi a compté plusieurs fois les mêmes individus dont il orthographie différemment les noms.

5) Il réduit à néant le postulat des dissimulations de cadavres.
 
Sa conclusion concernant Einaudi est particulièrement sévère :
 
« (…) quand à ces déficiences se joint une passion militante débridée, un esprit de « repentance » » aveugle qui aboutit à mettre au compte de la police française tous les crimes du FLN et à multiplier par huit ou dix le nombre des Algériens tués le 17 octobre 1961, la catastrophe est totale » (Brunet, 2003 : 40).
 
Un « massacre » qui fit combien de morts ?

Revenons à des chiffres incontestables, à savoir ceux fournis par l’IML (Institut médico-légal, la Morgue) où, à l’époque, étaient réglementairement reçus tous les morts sur la voie publique.
Pour toute l’année 1961, 308 cadavres de « N.A » furent admis à l’IML et les investigations alors menées par la police ont permis d’établir que la plupart étaient des victimes de la guerre inexpiable que le FLN menait contre ses opposants partisans de l’Algérie française ou du MNA de Messali Hadj (Valette, 2001). Ainsi :
 
« (…) de nombreux  cadavres de Nord-Africains, parmi les 140 qui ont été enregistrés à l’Institut médico-légal en septembre et en octobre 1961, n’ont aucun rapport avec la police parisienne. Certains sont ceux de harkis ou d’anciens harkis, de membres ou d’anciens membres du Mouvement national algérien, de  « traîtres » divers refusant d’obéir aux directives du FLN ; anciens combattants de l’armée française, maris de métropolitaines refusant de le rejoindre ; Algériens n’acceptant pas le payer la capitation mensuelle exigée par le FLN ; Algériens rétifs à la loi coranique, par exemple s’adonnant à la boisson et refusant de s’amender, ou faisant appel aux tribunaux français pour régler un litige, etc. » (Brunet, 2008).
 
Sur ces 308 morts algériens répertoriés pour toute l’année 1961, combien furent-ils tués par la police lors de la manifestation interdite du 17 octobre 1961 ? Pour le savoir, il suffit de relever le nombre d’entrée de cadavres de « N.A » (Nord-Africains) à l’IML durant la plage chronologique correspondant à la manifestation du 17 octobre 1961. Or, alors que dans la soirée de ce jour, alors que se déroulait dans Paris un « massacre », l’Institut Médico-Légal n’a enregistré aucune entrée de corps de « NA ».
Certes, mais il pourra être objecté avec raison que s’il n’y eut pas de morts durant la manifestation, des blessés graves auraient cependant pu mourir par la suite de violents coups reçus. Afin de ne pas écarter cet argument, voyons donc les chiffres plus en détail.
 
Le Graphique des entrées de corps « N.A » (Nord-africains) par jour. Octobre 1961, à l’Institut médico-légal de Paris nous apprend que du 1° au 30 octobre 1961, 90 corps de « NA », furent enregistrés, la plupart étant d’ailleurs des victimes du FLN. Or, entre le 18 et le 21 octobre, soit dans les jours qui suivirent la manifestation du 17 octobre, seuls 4 cadavres de « NA » furent admis à la Morgue. Cependant, avec ces malheureux, nous ne sommes pas en présence de victimes de la « répression » policière car leurs décès n’ont pas de lien avec la manifestation du 17 octobre. Que savons-nous en effet de ces 4 morts ? :
 
- Le 18 octobre, donc le lendemain la manifestation, deux corps de « NA » furent admis à l’IML, il s’agit d’Achour Belkacem, tué à Colombes, par un policier invoquant la légitime défense, et d’Abdelkader Bennahar retrouvé vers 22 heures dans la rue, également à Colombes, et portant des blessures à la tête avec soupçon d’accident de la circulation. Ces deux morts sont donc étrangers à la manifestation du 17 octobre.
 
- Les 19 et 20 octobre, l’IML n’a comptabilisé aucune entrée de corps de « NA ».
 
- Le 21 octobre : 1 corps fut déposé à l’IML, celui de Ramdane Mehani décédé vers 22h 30 durant son transfert du commissariat du 13° arrondissement au palais des Sports de la porte de Versailles. Le registre de l’IML parle de mort naturelle. Là encore, il n’y a donc aucun lien avec la manifestation du 17 octobre.
 
Et pourtant, le 18 octobre, à 04 heures du matin, le bilan parvenu à Maurice Legay le directeur général de la police parisienne faisait quant à lui état de 3 morts (Brunet, 2008). Dans ces conditions, le bilan de la « répression » de la manifestation algérienne serait-il donc finalement de trois victimes ?
Pour le savoir, intéressons-nous à ces trois malheureux dont le sort est bien connu et dont, là encore, rien ne permet de dire qu’ils furent tués par les forces de l’ordre ou que leur mort a un lien quelconque avec la manifestation du 17 octobre. En effet :
 
- Le premier dont le corps fut retrouvé à Puteaux dans une camionnette était un certain Lamara Achenoune mort étranglé puis achevé d’une balle.
 
- Le second, Abdelkader Déroues, fut également tué par balle, toujours à Puteaux.
 
- Reste le cas du seul mort relevé dans le périmètre de la manifestation du 17 octobre. Il s’agit, non pas d’un Algérien, mais d’un Français nommé Guy Chevallier, et qui fut tué vers 21h devant le cinéma REX, crâne fracassé dans des circonstances inconnues.
 
La conclusion scientifique qui, dans l’état actuel des connaissances, semble s’imposer est donc que le « massacre » des Algériens le 17 octobre 1961 à Paris n’a fait aucun mort algérien… mais peut-être un mort français « de souche » …  
 
A moins que, comme certains le prétendent, dans la crainte d’enquêtes policières, des cadavres de morts des suites de leurs blessures, mais donc toujours pas durant la manifestation, auraient pu être dissimulés et discrètement enterrés. Cela n’est pas impossible, mais pour pouvoir accepter cette thèse, l’historien a besoin de preuves, de noms, de détails sur les modalités de ces obsèques clandestines et sur les lieux  d’ensevelissement etc. Comme on voit mal comment les services des cimetières de la région parisienne auraient pu ignorer ces enterrements clandestins, ces derniers se seraient alors faits en forêt ou en pleine campagne, dans des cimetières improvisés dont, pour le moment, nulle trace n’a encore été retrouvée[5].
 
Pour les historiens du futur, les « massacres » du 17 octobre 1961 à Paris seront donc étudiés comme la fabrication d’un mythe, à l’image du montage de Timisoara en Roumanie, des « couveuses » du Koweit ou des « armes de destruction massive » en Irak.
Cela n’empêchera pas évidemment certains de célébrer un mythe utile à leur entreprise de déconstruction. Nous sommes en réalité face à une manœuvre de subversion parfaitement coordonnée et que nul n’ose dénoncer de peur de se faire mettre au ban du « monde médiatique » et du microcosme politique. Heureusement, restent encore- pour le moment-, les réseaux sociaux qui auront tout loisir de faire écho à cette mise au point.
  
Pour en savoir plus :
 
- Brunet, J-P., (1999) Police contre FLN. Le drame d’octobre 1961. Paris.
- Brunet, J-P., (2002) « Enquête sur la nuit du 17 octobre 1961 ». Les Collections de l’Histoire, hors-série n°15, mars 2002.
- Brunet, J-P., (2003) Charonne, lumière sur une tragédie. Paris.
- Brunet, J-P., (2008) « Sur la méthodologie et la déontologie de l’historien. Retour sur le 17 octobre 1961 ». Commentaire, vol 31, n°122, été 2008.
- Brunet, J-P., (2011) « Combien y a-t-il eu de morts lors du drame du 17 octobre 1961 ? ». Atlantico, 17 octobre 2011.
- Einaudi, J-L., (1991) La Bataille de Paris :17 octobre 1961.
- Einaudi, J.-L (2001) Octobre 1961, un massacre à Paris. Paris
- Haroun, A., (1986)  La 7° Wilaya. La guerre du FLN en France (1954-1962). Paris
- House et MacMaster, N., (2008) Paris 1961. Les Algériens, la terreur d’Etat et la mémoire.
- Lugan, B., (2017) Algérie l’histoire à l’endroit. Editions de l’Afrique Réelle.
- Valat, R., (2007) Les Calots bleus. Histoire d’une police auxiliaire pendant la Guerre d’Algérie. Paris.
- Valat, R., (2009) « La force police auxiliaire : une historiographie sous influence ? Réponse de l’auteur aux critiques formulées contre son ouvrage Les Calots bleus et la bataille de Paris. Une force police auxiliaire pendant la guerre d’Algérie. En ligne, 13 pages.
- Valette, J., (2001) La guerre d’Algérie des messalistes. Paris.



[1] Pour le détail de la réfutation de l’ histoire de ce « massacre », on peut lire de  Bernard Lugan Algérie l’histoire à l’endroit. Les 10 grandes  controverses de l’histoire.
[2] « Rapport sur les archives de la Préfecture de police relatives à la manifestation organisée par le FLN le 17 octobre 1961 ». Rapport établi à la demande du Premier ministre, M. Lionel Jospin et remis au mois de janvier 1998 par M. Dieudonné Mandelkern président de section au Conseil d’Etat, président ; M. André Wiehn, Inspecteur général de l’administration ; Mme Mireille Jean, Conservateur aux Archives nationales ; M. Werner Gagneron, Inspecteur de l’administration. En ligne sur le site de la Documentation française.
[3] FMA= Français musulmans Algériens.
[4] Pour ces décès, comme d’ailleurs pour tout Algérien mort de mort violente, le Parquet de Paris avait instruction d’ouvrir une procédure d’enquête dont les traces sont disponibles et ont été exploitées.
[5] Des insinuations assassines sont également faites. Benjamin Stora dans un entretien au Nouvel Observateur (Grand reporters.com janvier 2003) cite ainsi Omar Boudaoud, un des responsables de la manifestation du 17 octobre 1961 qui parle de « pendaisons dans le Bois de Vincennes et (d’) une Seine remplie de cadavres ». Benjamin Stora ne fait certes que reprendre des déclarations qu’il n’assume pas, mais qu’il ne rectifie pas non plus…

dimanche 6 octobre 2024

mardi 1 octobre 2024

L'Afrique Réelle - N°178 - Octobre 2024

Sommaire

Dossier
Algérie : au pays des moudjahidine immortels 
- Le cœur du « Système » algérien
- Les Algériens engagés dans l’armée française étaient trois fois plus nombreux que les fellagha
Climat 
L’homme a-t-il une responsabilité dans l’alternance des cycles climatiques de l’Afrique depuis 60 000 ans ?
Idées
La démocratie, un traumatisme pour l’Afrique ?
Wokisme
Cachez donc ces Hottentots que l’on ne doit plus voir…


Editorial de Bernard Lugan

La paléoclimatologie, la climatologie tropicaliste, l’archéologie et l’histoire reconnaissent toutes quatre que, par le passé, et cela depuis plusieurs millions d’années, le climat africain a profondément et constamment changé, avec parfois des variations considérables. Ainsi :

1) Les paléoclimatologues, ont montré que, depuis 2,5 millions d’années, l’Afrique connait des alternances de périodes froides et chaudes, sèches et humides. Il serait « étonnant » que les australopithèques, puis les premiers hominiens soient les responsables de ces cycles …

2) Les climatologues tropicalistes ont démontré que l’actuel réchauffement est un phénomène à la fois naturel et de longue durée s’inscrivant dans un cycle ayant débuté il y a 5000 ans, donc, là encore sans responsabilité humaine. 

3) Les archéologues nous apprennent que sur les quinze derniers millénaires, ce furent ces changements climatiques qui, du nord au sud, et de l’est à l’ouest, conditionnèrent la mise en place des populations africaines. 

4) Les historiens ont, à travers ces mêmes changements climatiques, identifié les grandes séquences de l’histoire du continent, chacune d’entre elles étant liée à une variation du climat, comme je l’ai montré dans les cas de l’Egypte et de l’Afrique australe[1]. 

Algérie

La « légitimité » du « Système » algérien repose sur sa propre version de la guerre d’indépendance. 

Le principal vecteur de cette histoire fabriquée est l’ONM (Office national des anciens moudjahidine) dont la mission est de cautionner et de populariser les postulats sur lesquels prospèrent les dirigeants algériens. 
Le mythe d’un peuple unanimement dressé contre le colonisateur à l’exception d’une minorité de « collaborateurs », explique ainsi l’inflation du nombre des anciens moudjahidine. 
En Algérie, plus de six décennies après l’indépendance, l’on demande encore la carte d’ancien moudjahidine… et certains qui n’avaient pas dix ans à l’époque continuent à l’obtenir… D’où, le dossier que ce numéro consacre à ces faux anciens combattants qui constituent la colonne vertébrale du « Système » algérien.

Un « Système » qui s’est lui-même auto-piégé en réélisant le président Abdelmadjid Tebboune avec 94,65% des voix… mais avec 85% d’abstentions. Or, il faut bien voir que ce Hirak silencieux pourrait bien être un des derniers clous plantés dans l’appareil gérontocratico-militaire qui pille avec application le pays depuis 1962.

dimanche 22 septembre 2024

Militairement en perdition, le Mali, le Niger et le Burkina Faso commencent à regretter d’avoir exigé le départ de l’armée française…

Au Mali, au Niger et au Burkina Faso, l’on est désormais loin de l’enthousiasme des manifestations « spontanées » durant lesquelles, dans l’oubli de ce que l’armée française avait fait pour ces pays, le drapeau français était brûlé et le drapeau russe brandi. Certains reconnaissent même, et de plus en plus ouvertement, qu’à l’époque de Barkhane, les GAT (Groupes armés terroristes) ne faisaient pas la loi. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Depuis le départ des forces françaises consécutif aux putschs militaires au Mali (2020 et 2021), au Burkina Faso (deux en 2022) et au Niger (2023), en dépit de l’intervention russe, les attaques et les embuscades contre les forces de sécurité sont désormais quotidiennes. Au Burkina Faso et au Mali, les armées locales étant  en perdition, la situation  est même hors contrôle.

Au Mali, les paramilitaires russes de l’Africa Corps - anciennement Groupe Wagner -, accueillis hier en libérateurs, n’ont jusqu’à présent fait la preuve que de leur piètre valeur militaire. Ils ont même subi une humiliante et sanglante défaite les 25-27 juillet 2024 à Tinzaouaten, près de la frontière algérienne où, face aux Touareg, ils ont en effet laissé sur le terrain au moins 50 morts, deux prisonniers, ainsi que tout leur équipement (véhicules, armes, moyens de transmission etc.). Quant à l’armée malienne, les FAMA, ses pertes se comptèrent en plusieurs dizaines de morts. De plus, les mercenaires russes qui ne sont donc pas, pour le moment du moins, le joker de la junte malienne, sont régulièrement accusés de massacrer les populations, comme à Moura,  au mois de mars 2022, où 500 civils furent tués.

Le plus inquiétant pour l’Alliance des États du Sahel regroupant les juntes militaires du Mali, du Niger et du Burkina Faso, est que l’armée malienne et ses encadreurs russes se voient peu à peu quasiment encerclés dans Bamako. Se profile en effet le scénario catastrophe d’une conquête de la capitale par le chef touareg ifora Iyad Ag Ghali. L’homme avec lequel, et comme je n’ai cessé de le dire depuis 2013, il était nécessaire de discuter puisque, et qu’on le veuille ou non, il est à la fois la cause et la solution du problème du nord du Mali. La question de la région des Trois frontières est différente car ce ne sont pas les Touareg qui y sont à la manœuvre, mais les Peul. Toujours cette question ethnique engerbant toutes les autres, mais que les décideurs français ont obstinément refusé de prendre en compte car, selon les « africanistes » du CNRS et de Science Po qui les ont « formatés », les ethnies africaines sont des fantasmes « coloniaux » !!!

Le Mali va-t-il donc sombrer ? Les évènements récents pourraient le laisser penser. En effet, le 17 septembre 2024, la capitale Bamako a subi une double attaque coordonnée qui a permis au Gsim (Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans), une coalition dirigée par Iyad Ag Ghali, de prendre d’assaut deux sites éloignés l’un de l’autre d’une dizaine de kilomètres, à savoir l’école de gendarmerie et l’aéroport. Si aucun bilan officiel n’a été donné par les autorités maliennes, le nombre des victimes dépasse probablement la centaine. Plusieurs mercenaires russes ont également perdu la vie, eux dont la mission primordiale était pourtant de sécuriser Bamako et son aéroport…

En réalité, le Gsim et ses alliés sont en train d’encercler peu à peu la capitale malienne, dans un double mouvement d’étranglement. Au nord, ils étendent leur tache d’huile en repoussant peu-à-peu les FAMA, détruisant systématiquement leurs positions militaires et effaçant ainsi la très fragile « légitimité » de la junte au pouvoir. Quant à l’assaut sur Bamako, il pourrait se faire à partir de la Guinée, l’armée malienne ayant récemment perdu plusieurs positions stratégiques sur la route y menant après avoir retraité en panique, abandonnant tout son armement aux assaillants.

Le numéro du mois de novembre de l’Afrique Réelle que les abonnés recevront le 1er novembre, sera consacré à la situation actuelle au Sahel. Pour approfondir la question, on se reportera à mon livre Histoire du Sahel des origines à nos jours 
 

jeudi 12 septembre 2024

Algérie : le Hirak silencieux

En Algérie, la réélection surréaliste du président Abdelmadjid Tebboune avec un score babylonien de 94,65% des voix, pourrait être un des derniers clous plantés dans le cercueil d’un « Système » gérontocratico-militaire aux abois.
En effet, regardons de plus près le résultat de cette élection-farce dans une Algérie dirigée depuis l’indépendance par l’alliance des coffres-forts et des baïonnettes:
 
1) Selon les chiffres officiels, il y eut 48% de votants sur un total de 24 millions d’inscrits, ce qui donne donc plus ou moins 11 millions de suffrages exprimés.
 
2) Comme le président sortant a, toujours selon les chiffres officiels, obtenu quasiment 95% des suffrages, cela veut donc dire qu’environ 5 millions d’Algériens auraient donc voté pour sa réélection.
 
3) Ses deux concurrents ayant, encore selon les chiffres officiels, totalisé à eux deux environ 5% des votes, cela signifie donc que plus de 5 millions de suffrages  se sont soit volatilisés, ou bien que 5 millions d’électeurs auraient voté blanc, ce qui n’apparaît pas dans les résultats officiels...
 
En réalité, les dociles agents du pouvoir qui ont en charge la « gestion » des élections, se sont pris les babouches dans le tapis de leurs manipulations.
N’osant pas donner le vrai chiffre de la participation qui tourne au maximum autour de 20% du corps électoral, paniqués face au colossal camouflet que le pays réel algérien venait d’administrer à la gérontocratie dirigeante, terrorisés enfin face à ce Hirak silencieux dans lequel 80% des Algériens venaient de montrer qu’à leurs yeux le « Système » était illégitime… ils en ont oublié la mathématique…D’autant plus que dans certaines willayas le pourcentage des votants n’atteint pas les 5%, et qu’en Kabylie, la participation fut quasiment nulle…
 
Hier, le Hirak a été écrasé et même maté par le « Système ». Aujourd’hui, toute opposition conduit à la prison et toute pensée critique entraîne une féroce répression, mais ces élections ont montré que la population n’est pas dupe.
Le feu couve désormais en Algérie, prêt à se rallumer tôt ou tard, à la moindre faiblesse d’un pouvoir condamné de ce fait à la fuite en avant. D’autant plus qu’il ne bénéficiera pas deux fois de la « divine surprise » du covid19 qui mit un terme à la déferlante des manifestations de tout un peuple.
 
Aujourd’hui, le « Système » est nu, avec une épée de Damoclès suspendue au-dessus de sa tête : sa dépendance totale aux hydrocarbures (pétrole et gaz) et donc à la variabilité de leurs cours.
Un « Système » cleptocratique qui pompe avec constance la substance d’un pays  dont le taux d’inflation  est de 6% au second trimestre 2024, d’un pays qui ne produit rien et qui doit donc  consacrer le quart de ses recettes en hydrocarbures -ses seules recettes -, à l’importation de produits alimentaires de base dont il était pourtant exportateur avant 1962… du temps des Français… D’un pays  dont les filières stratégiques pour la sécurité alimentaire, comme les céréales, les laitages, les viandes, les sucres et les graines oléagineuses sont en faillite et entre les mains  des prédateurs de la nomenklatura étatique.
Une nomenklatura prédatrice qui ne survit plus que par la répression intérieure, par la mobilisation du dernier carré de ses associations mémorielles dont la tâche est facilitée par les « chapons » qui gouvernent la France, et par la dénonciation quasi obsessionnelle du Maroc dont la réussite la rend férocement jalouse…
 
Sur les mensonges algériens on lira mon livre Algériel’Histoire à l’endroit

vendredi 6 septembre 2024

Inondations au Sahel et au Sahara. Les lois de la nature face à l’idéologie « climato-correcte »

Le Sahel et le Sahara connaissent actuellement un très fort épisode pluvieux accompagné d’inondations. Surpris, butors, idéologues et cuistres veulent une fois encore nous faire prendre des vessies pour des lanternes en parlant de « dérèglement climatique dû à des causes humaines ». Or, nous sommes en présence d’un phénomène cyclique bien décrit par les vrais spécialistes du monde intertropical (voir notamment Marcel Leroux, 1994 et 2000).

En 1992, dans une publication datant d’avant l’apparition de la notion postulée et idéologique de « réchauffement climatique global dû à l’homme », deux des plus grands climatologues tropicalistes mondiaux, les Français Yves Tardy et Jean-Luc Probst expliquaient en quelques lignes lumineuses que la raison de l’alternance des cycles sécheresse-pluies au Sahel est due aux variations du « front intertropical » :
 
« Le climat en Afrique suit la position du FIT (Front Intertropical) ou ITCZ (Intertropical Convergence Zone). On peut distinguer deux scénarios :
 
1) Lorsque le FIT est maintenu en position méridionale, soit parce que les polaires mobiles, originaires du Pôle Sud, sont moins actifs que de coutume, soit parce que leurs homologues septentrionaux venus du Pôle Nord sont au contraire plus longtemps et plus fortement actifs, le déficit pluviométrique est généralisé sur le Sahel d’Afrique de l’Ouest (…) C’est le cas des années 1942,1944,1948,1970,1971,1972 et 1973. Cette situation se lit très bien sur la courbe de fluctuations des fleuves Sénégal et Niger (…).
 
2) Lorsque le FIT remonte haut vers le Nord sous la poussée des anticyclones mobiles originaires du Pôle Sud, on enregistre un excédent pluviométrique sur l’Afrique sahélienne de l’Ouest (…).
 
Ainsi, avec les mouvements du FIT qui sont sous l’influence de la montée vers le Nord des masses d’air polaire venant du Pôle Sud ou de la descente vers le Sud des masses d’air polaire venant du Pôle Nord, on saisit aisément la relation qui peut exister entre les fluctuations de température et celles de l’humidité, ainsi que l’effet de compétition entre Hémisphère Nord et Hémisphère Sud » (Tardy et Probst, 1992 :26).
 
Les recherches actuelles ont intégré les variations du FIT dans la longue histoire des cycles climatiques saharo-sahéliens, ce qui permet de disposer d’un éclairage sur plus de deux millions d’années ainsi que  le démontre Mathieu Dalibard (2011) dans sa thèse consacrée aux changements climatiques africains.
 
Selon Dalibard, le climat africain varie selon trois grands cycles :
 
1) Les cycles dépendant de la variation de l’orbite terrestre ou « cycles de l’excentricité » fluctueraient entre 400 000 et 100 000 ans.
2) Les cycles dépendant de l’inclinaison de l’axe terrestre ou « cycles de l’obliquité » fluctueraient entre 54 000 et 41 000 ans.
3) Les cycles dépendant de la variation de l’axe de rotation de la Terre ou « cycles de précession » fluctueraient entre 23 000 et 19 000 ans.
 
Cette succession de cycles par définition indépendants de toute activité humaine, permet de comprendre pourquoi, Il y a plusieurs centaines de millions d’années, le Sahara et le Sahel furent recouverts par un glacier, puis par l’océan. Pourquoi, il y a cent millions d’années, ce fut une immense forêt équatoriale humide parcourue par des dinosaures avant de lentement se transformer en une forêt tropicale, puis en une savane arborée.
 
Plus près de nous, ce mouvement climatique de longue durée tendant depuis 5000 ans vers l’assèchement, fut entrecoupé de rémissions ayant donné naissance à une succession d’épisodes secs et humides à travers lesquels se fit la mise en place des populations.
 
Encore plus près de nous, le XXe siècle a connu quatre grandes sécheresses entre 1909 et 1913, entre 1940 et 1944, entre 1969 et 1973, et entre 1983 et 1985 (Retaille, 1984 ; Ozer et alii, 2010 ; Maley et Vernet, 2013). Au cours des années 1960, période « chaude » la pluviométrie en augmentation fit brièvement remonter la zone sahélienne vers le nord, ce qui se traduisit par un recul du désert. Et pourtant, nous étions alors au pic de l’industrialisation mondiale et des pollutions qui en découlent.
Ensuite, à partir des années 1970, la pluviométrie décroissant, le désert s’étendit donc de nouveau et le Sahel se rétracta, les isohyètes moyennes descendant de 100 à 150 kilomètres vers le Sud. Les conséquences de ce nouveau cycle sont actuellement aggravées, mais non causées, par la pression démographique sahélienne.
 
L’analyse de ces phénomènes naturels contradictoires est d’une extrême complexité. Elle ne supporte ni les raccourcis, ni les idées-reçues. Leur compréhension ne passe ni par les anathèmes, ni par les slogans, mais par l’étude de la longue et même de la très longue durée. Si ces dernières étaient prises en compte, cela pourrait utilement mettre de l’ordre dans nombre de cervelles de colibri pour lesquelles l’immédiateté sert à la fois de passé, de présent et d’horizon…
 
Pour l’étude détaillée de ces épisodes climatiques saharo-sahéliens mouvants, on se reportera à mon livre Histoire du Sahel des origines à nos jours.
 

Bibliographie
- Carré, M et alii., (2018) « Modern drought conditions in Western Sahel unprecedented in the past 1600 years ». En ligne.
- Dalibard, M., (2011) Changements climatologiques en zone intertropicale africaine durant les derniers 165.000 ans. Thèse de paléontologie climatique, Université Claude Bernard, Lyon 1.
- Leroux, M., (1994) « Interprétation météorologique des changements climatiques observés en Afrique depuis 18000 ans. ». Geo-Eco-Trop, 1994,16, (1-4), pp.207-258.
 - Leroux, M., (2000) La dynamique du temps et du climat. Paris.
- Maley, J et Vernet, R., (2013) « Peuples et évolutions climatiques en Afrique nord-tropicale, de la fin du Néolithique à l’aube de l’époque moderne ». Afriques, débats, méthodes et terrains d’histoire, vol 4.
- Ozer, P et alii., (2010) « Désertification au Sahel : historique et perspectives ». BSGLg, 2010, 54, pp 69-84.
- Retaille, D., (1984) La sécheresse et les sécheresses au sahel, L’Information géographique, 1984, 48, pp 137 à 144.
- Tardy, Y et Probst, J-L., (1992) « Sécheresses, crises climatiques et oscillations télé connectées du climat depuis cent ans ». Sécheresse, 1992 ; 3 : 25-36. 

dimanche 1 septembre 2024

L'Afrique Réelle n°177 - Septembre 2024

Sommaire

Actualité
- La doxa écologiste face aux réalités africaines
- L’Afrique ne compte pas pour l’économie française

Dossier : La relation franco-algérienne après la reconnaissance par la France de la marocanité du Sahara occidental
- La question du Sahara dit « occidental » est un problème créé par l’Algérie 
- Que penser des menaces de « représailles » algériennes contre la France ?
- Incapable de nourrir sa population, l’Algérie menace la France de « représailles »…

Histoire
Rwanda : un génocide qui pouvait être évité


Editorial de Bernard Lugan

Depuis les indépendances, porteuse du mirage du « développement » et du mythe de la « bonne gouvernance », la France laboure l’océan africain. Un double objectif qui, en plus de lui avoir fait engloutir en pure perte des sommes considérables, a fini par dresser contre elle des Africains lassés de son néo-colonialisme « gentil ».
Et si la politique française d’aide a l’Afrique  a échoué, c’est parce qu'elle ne s’est pas attaquée aux causes profondes du mal. Les principales crises africaines sont en effet structurelles et elles ont une origine historique, politique et culturelle. Tout au contraire, la France a postulé qu’elles découlaient d’un déficit de démocratie et d’un sous-développement économique. Elles n’avaient donc  aucune chance d’être traitées. 

Face au mur de l’échec, la France s’est obstinée dans une politique d’aide dont les résultats sont nuls, l’Afrique engloutissant année après année, des sommes colossales versées au titre de l'APD (Aide pour le Développement). D’ailleurs, comme la croissance économique africaine est inférieure à la croissance démographique, comment prétendre raisonnablement « développer » un continent qui, d’ici à 2030, verra sa population passer de 1,2 milliard à 1,7milliard, avec plus de 50 millions de naissances par an ?
En raison de son échec évident, toute la politique africaine de la France est donc à revoir, mais à la seule lumière du réel : comme la France n’est pas mesure de résoudre les problèmes de l’Afrique, elle doit donc cesser de se croire obligée de le faire.
D’autant plus qu’aucune des productions actuelles ou identifiées en Afrique, n’est vitale pour son économie. Quant aux matières premières africaines, à de très rares exceptions, elles se trouvent en abondance, ailleurs dans le monde dans des régions où ne se posent pas de problèmes sécuritaires, matériels et politiques, et où le racket du « développement » ne s’exerce pas davantage que la rente victimaire. 
La France n’a donc pas d’intérêts économiques prioritaires à défendre en Afrique. Néanmoins, si elle veut tout de même y manifester une présence, sa priorité sera de concentrer ses efforts sur les littoraux. C’est en effet de là que partent toutes les pénétrantes continentales, et où, en retour, aboutissent toutes les productions de l’intérieur. Comme je l’ai déjà dit dans un précédent éditorial, pour le moment,  laissons donc les intérieurs, là où il n’y a que des coups à prendre, à ceux qui, comme les Russes au Mali, commencent à s’y brûler les ailes…
Quant à la question de l’immigration, ce n’est pas avec les chimères du développement qu’elle pourra être traitée. D’autant plus que ce ne sont pas les Africains de la brousse qui émigrent, mais très exactement ceux qui se sont frottés à notre politique de « développement » et qui disposent des moyens de payer les réseaux de passeurs…
Enfin, comme la France n’a aucune prise sur les zones continentales d’où partent ces migrants, elle devra, là encore, s’intéresser à celles de leurs points d’arrivée, à savoir les rives africaines de la Méditerranée. D’où la nécessité de réorienter la politique française vers l’Afrique du Nord afin d’y nouer de forts partenariats, notamment sécuritaires, avec des pays qui sont désormais en première ligne face au phénomène migratoire africain sud-saharien.

vendredi 2 août 2024

Comprendre la question du Sahara occidental



En reconnaissant la marocanité du Sahara occidental, le président Macron a déchainé la colère d’une Algérie qui, perdant tout sens de la mesure, menace désormais la France de représailles…
Quelles représailles d’ailleurs ?
1) Le gaz algérien représente en moyenne 8% de la consommation française.
2) Le pétrole algérien représente en moyenne 9% de la consommation française.
3) Le commerce  de la France avec l’Algérie, est en moyenne de 12 milliards d’euros pour un commerce extérieur français global de 770 milliards d’euros, toujours en moyenne…
Pour la France,  économiquement parlant, l’Algérie n’existe donc pas et, si « représailles » il devait y avoir, ce serait dans l’autre sens qu’elles pourraient s’exercer.
Notamment en ce qui concerne :

1) Les exorbitantes facilités de circulation offertes aux Algériens désirant venir en France, souvent pour s’y faire soigner.
2) Les colossaux libres transferts de fonds des Algériens vivant en France vers leur pays d’origine, soit par les canaux officiels, soit à travers les canaux « informels ».
3) Les IDE (Investissements directs étrangers) français en Algérie qui s’élèvent en moyenne à 2,4 milliards d’euros sur un total de 6 milliards d’euros, plaçant ainsi la France au troisième rang derrière les Etats-Unis et l’Italie, mais au premier rang hors hydrocarbures.
 
Plusieurs questions doivent donc être posées :
- Pourquoi la réaction épidermique et quasi hystérique d’une Algérie qui, depuis 1975 affirme pourtant contre l’évidence qu’elle n’est pas partie prenante dans la question du Sahara occidental, alors qu’elle fait tout pour empêcher le Maroc de récupérer une région immémorialement marocaine détachée par la colonisation ?
- Pourquoi la question du Sahara occidental est-elle « l’Alsace-Lorraine des Marocains » ?
- Pourquoi, après les Etats-Unis, l’Espagne et l’Allemagne, la France, comme une centaine d’autres pays, vient-elle de reconnaître la marocanité du Sahara occidental ?

Pour comprendre cette question, on lira mon livre Le Sahara occidental en 10 questions
 
Prix du livre :
- France métropolitaine :  32 euros port colissimo compris
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jeudi 1 août 2024

L'Afrique Réelle N°176 - Août 2024

Sommaire

Actualité
Le gaz algérien
Dossier : Russie et Afrique, l’heure des choix  
- Le grand retour de la Russie
- Entre l’Algérie et le Mali, la Russie va devoir choisir
- Soudan : la Russie contrainte de changer de camp 
Histoire
La prise d’Alger en juillet 1830 : Quand une créance privée devient une affaire d’Etat


Editorial de Bernard Lugan
 
La Russie dans le piège malien

En plus d’indisposer son partenaire algérien en appuyant la junte de Bamako dans sa tentative de mise au pas des Touareg maliens, la Russie vient de découvrir tragiquement la « complexité » de la question sahélienne. 
Une découverte qui s’est faite dans le sang, entre le jeudi 25 et le samedi 27 juillet, dans la région de Tinzawaten, à proximité de la frontière algéro-malienne, où une colonne de l’armée malienne encadrée de mercenaires russes a été anéantie par les combattants touareg. Encerclés, les russo-maliens n’ont pas pu être secourus, ce qui en dit long sur leur niveau opérationnel.

Il était clair qu’après l’humiliation de la chute de leur bastion de Kidal en novembre dernier, les combattants du Cadre stratégique permanent pour la défense du peuple de l’Azawad (CSP-DPA), le nouveau nom de la coalition armée touareg et maure, allaient contre-attaquer.

Si un bilan définitif est difficile à annoncer, les vidéos qui circulent largement permettent d’estimer les morts à peut-être une douzaine de Russes parmi lesquels le commandant du secteur nord, ainsi que plusieurs dizaines de soldats maliens. Toujours grâce aux vidéos, il est possible d’affirmer qu’au moins deux Russes ont été faits prisonniers.

Après une arrivée triomphale uniquement permise par l’addition des erreurs politiques de la France, les Russes ont choisi la pire des options, à savoir aider le Mali du sud à conquérir le Mali du nord, donc, en revenir à la situation antérieure à 2011, c’est-à-dire au début de la guerre. Or, une intervention qui ne serait pas précédée du règlement politique de la question touareg ne ferait que reporter le problème tout en l’amplifiant. 
La Russie vient donc de découvrir qu’au Sahel, tout règlement en profondeur passe par la prise en compte des réalités locales… ce que la France a refusé de faire et qui explique son échec. 

Le fond du problème dont j’explique la genèse dans mon livre Histoire du Sahel des origines à nos jours est en effet que s’obstiner à vouloir faire vivre dans un même Etat les agriculteurs noirs sédentaires du Sud et les nomades berbères ou arabes du Nord est une utopie crisogène puisque l’ethno-mathématique électorale donne automatiquement le pouvoir aux plus nombreux, en l’occurrence les Noirs sudistes, ce que les nordistes ne peuvent accepter.

Nouvelle venue dans la région, la Russie n’a pas compris que la seule option de sortie de crise est celle de la reconnaissance d’une réalité qui explique tout, à savoir que le Mali « unitaire » n’a jamais existé -, et qu’il est donc urgent de penser à une nouvelle organisation constitutionnelle et territoriale. Toute autre approche est vouée à l’échec et aboutira finalement à une coagulation ethnique à travers un califat islamique régional… comme à la fin du XIXe siècle… jusqu’à ce que la colonisation vienne en libérer les populations…

dimanche 28 juillet 2024

Argumentaire contre le wokisme, l’islamo-gauchisme et le courant décolonial

Derrière le vocable « décolonial », le « wokisme » et l’ « islamo-gauchisme », s’abritent plusieurs concepts, « théorie postcoloniale », « mouvance décoloniale », « colonialité », « indigénisme ».
Leur point commun est la mise en accusation de l’homme blanc accusé de maintenir sa domination sur les descendants des populations colonisées, sur les groupes marginalisés et sur toutes les « minorités », notamment sexuelles.
Dans une insolite alliance artificielle avec  les tenants du « Genre », les LGBT et certaines fractions féministes, ce courant a en effet  élargi la notion de domination blanche aux minorités sexuelles. Pour ses membres, les femmes et les homosexuels sont ainsi les éternelles victimes du patriarcat blanc hétérosexuel, comme les Noirs, les Arabes et les immigrés le sont de ces mêmes blancs colonisateurs.
Quant à l’écriture traditionnelle comme elle est le symbole de cette domination, et comme son vecteur en est la langue, produit de la culture patriarcale, il faut donc la détruire en la remplaçant par l’écriture inclusive.
 
La synthèse de ces trois courants se résume à une idée maîtresse : l’histoire de l’Europe est une infamie esclavagiste-coloniale et l’homme blanc en est par essence et éternellement coupable. Dans cet avatar modernisé du marxisme, la lutte des races a remplacé la lutte des classes.
 
Le but de cette coalition idéologique et politique est de déconstruire la France, ce que ses membres font méthodiquement au moyen d’un terrorisme politico-médiatique de plus en plus oppressant.
Son but n’est pas de se « séparer » de la France à laquelle ils trouvent en effet beaucoup d’avantages... Ils ne veulent pas faire sécession d’elle, mais lui imposer leurs normes raciales, philosophiques, sociales, politiques et religieuses. En un mot, ils veulent la soumettre, justifiant leur conquête territoriale d’une phrase traduisant clairement leur volonté de revanche ou même de vengeance historique : « Si nous sommes ici, c’est que vous étiez là-bas ».

En France, c’est clairement sur le porte-greffe de l’immigration que cette idéologie a pris. Résultat, nous sommes désormais en présence de deux « pays réels », l’un, composé des Français de « souche », l’autre des nouveaux venus. Or, ce qui reste du « pays légal » exerce un pouvoir répressif de plus en plus liberticide sur le vieux « pays réel », celui des autochtones, laissant tout au contraire le nouveau « pays réel », celui dont le parti LFI se veut l’avant-garde, se développer afin d’affaiblir davantage encore toute future résistance enracinée dans l’identité française.
 
Refusant obstinément de voir la réalité en face, acculé dans une impasse idéologique et sociétale, le « pays légal » certes résiduel, mais encore policièrement et judiciairement puissant, continue à s’agripper aux « droits de l’homme », à la laïcité et à l’incantation aux « valeurs de la République ». Cela n’empêchera pas sa noyade car le nouveau « pays réel » voit dans ces trois fragiles bouées de sauvetage la preuve de la permanence du fait colonial, la « colonialité », le néo-impérialisme blanc reposant sur des « valeurs » européo-centrées postulées universelles…
 
Pour les « indigènes », c’est-à-dire pour la « population première », en d’autres termes pour les « Français de souche », le choix est désormais clair :

1) Soit la « soumission » prophétisée par Michel Houellebecq, c’est à dire l’entrée en dhimmitude.

2) Soit la remise en question de la philosophie et des impératifs moraux qui ont permis la victoire intellectuelle des « décoloniaux », du wokisme et des islamo-gauchistes. Donc, le basculement dans un paradigme de survie identitaire qui répudiera les vieilles lunes idéologiques universelles.

C’est parce que ce combat existentiel passe par le réarmement doctrinal des forces créatrices, que j’ai écrit « Pour répondre aux décoloniaux, aux islamo-gauchistes et aux terroristes de la repentance ».

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lundi 1 juillet 2024

L'Afrique Réelle N°175 - Juillet 2024

Sommaire

Actualité
- La Chine ne veut pas renoncer à sa dette africaine
- Algérie : nouveau règlement de comptes au sein de l’odjak des janissaires

Dossier : Les élections en Afrique du Sud ou le mythe de la « nation arc-en-ciel »
- L’évolution du corps électoral depuis 1994
- Afrique du Sud : la grande stabilité du corps électoral
- Quelle coalition pour diriger un pays en crise ?

Histoire
Lyautey et le Maroc


Editorial de Bernard Lugan

Ce numéro de l’Afrique Réelle comporte quatre thèmes.

1) A la différence des « Occidentaux » qui, périodiquement, rongés par une auto-culpabilisation relevant du masochisme, acceptent de rééchelonner ou d’annuler la dette africaine, les Chinois, eux, ne prêtent pas pour perdre de l’argent. Voilà pourquoi ils refusent tout rééchelonnement global.

2) En Algérie, il faudra bientôt compter les généraux qui ne sont pas passés par la case prison… Ce pays ravagé par la guerre des clans militaires est le digne héritier de la régence turque durant laquelle, et cela pendant trois siècles, les règlements de comptes se sont faits au sein de l’odjak des janissaires dont les militaires algériens semblent être les successeurs. 

3) En Afrique du Sud où, à l’issue des dernières élections, l’ANC a perdu la majorité absolue, un gouvernement de coalition a donc été constitué. Mais, paradoxe, alors que les programmes politiques de l’ANC, de l’Umkhonto we Sizwe et des EFF sont quasiment identiques, les haines personnelles entre leurs trois dirigeants, Cyril Ramaphosa, Jacob Zuma et Julius Malema, ont fait que c’est finalement une alliance quasi surréaliste qui s’est constituée. La nouvelle majorité associe en effet l’ANC et la DA (Democratic Alliance). 
Vont ainsi gouverner ensemble un parti qui veut amplifier l’Affrmative Action, qui demande qu’Israël soit condamné pour génocide, dont tous les députés ont voté pour la saisie des fermes blanches, et un parti blanc qui combat l’Affirmative Action, qui soutient Israël et qui s’oppose à la saisie des fermes appartenant aux Blancs… 

Résultat, l’EFF et Umkhonto we Sizwe parlent de trahison des idéaux de l’ANC, de combine destinée à sauvegarder les postes et les prébendes des caciques de l’ANC, et appellent tous les Noirs à les rejoindre… Une situation à suivre…

4) Dans le contexte universaliste et assimilateur dans lequel baignait alors la colonisation française, Hubert Lyautey constitue une exception car il ne fut pas un colonisateur au sens « classique » du terme. Son action procéda en effet d’une grande constante qu’il eut toujours à l’esprit : le Protectorat français sur le Maroc n’était qu’un état transitoire, provisoire même, devant inéluctablement aboutir à l’indépendance du pays. 
Tout le contraire de la politique appliquée en Algérie après 1870 quand le régime civil républicain succédant au régime militaire exerça des ravages et provoqua un traumatisme insurmontable.

lundi 17 juin 2024

samedi 1 juin 2024

L'Afrique Réelle n°174 - Juin 2024

Sommaire

Actualité
- Le Niger après la rupture avec la France et les Etats-Unis

Dossier Cameroun
- L’ethno-politique au Cameroun
- D’Ahmadou Ahidjo à Paul Biya

Dossier Sahara occidental
- Entretien avec Bernard Lugan
- Existe-t-il un « peuple sahraoui » ?  Y eut-il dans le passé un Etat du nom de « Sahara Occidental » ?


Editorial de Bernard Lugan

Pourquoi l’Afrique a rompu avec l’« Occident »

Le 16 mai 2024, lors d'un discours consacré aux relations entre l'Afrique et l'Europe prononcé à Dakar devant les étudiants de l'université Cheikh Anta Diop en présence de Jean-Luc Mélenchon, le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a déclaré que la « promotion des droits des homosexuels alimente le sentiment anti-occidental en Afrique ».

Sur un continent où les deux tiers des pays criminalisent l’homosexualité, les injonctions occidentales en la matière sont en effet ressenties comme des attaques directes à l’ordre naturel africain. Ici, les peines contre les homosexuels vont en effet de l’amende à la condamnation à mort. L’ancien président de Gambie, Yahya Jammeh affirmait pour sa part que son pays « lutterait contre ces vermines gays de la même manière qu’il combat les moustiques responsables du paludisme, sinon plus agressivement ». Quant au défunt président Mugabe du Zimbabwe, ce fut à la tribune de l’ONU qu’en 2015, il déclara que « l’Afrique ne voulait pas de gays sur son sol » car l’homme noir se devait de « perpétuer sa race avec des femmes. »

C’est dans un ferme discours au ton très mesuré qu’Ousmane Sonko a condamné les « velléités extérieures d’imposer l'importation de modes de vie et de pensée contraires à nos valeurs et qui risquent de constituer un nouveau casus belli parce que, dans des pays comme le Sénégal, cela soulève énormément de tensions et d'incompréhensions tant cela met face à face des cultures, des civilisations et des systèmes politiques à la vision diamétralement opposée ».

Refusant ce nouveau diktat qui, à la différence des précédents, n’est ni politique, ni économique, mais « existentiel », Ousmane Sonko a déploré que « la question du genre revienne régulièrement dans les programmes de la majorité des institutions internationales et dans les rapports bilatéraux, jusqu’à se poser comme une conditionnalité pour différents partenariats financiers ».

Enfermés dans leur bulle sociétale, les dirigeants occidentaux ne mesurent pas le niveau d’exaspération, voire d’indignation et d’écœurement provoqué par la guerre morale qu’ils mènent actuellement contre les piliers des cultures africaines.

Ancrés sur leur arrogance, eux qui ne trouvent d’échos que dans le cap ouest de l’Europe et en Amérique du Nord, sont partout ailleurs balayés dans ce que le reste du monde considère comme un réflexe de survie. Cependant qu’en Afrique, sur les volutes de leur prétention morale, Russes, Chinois, Indiens, Indonésiens et Turcs tirent les marrons du feu…

Le message d’Ousmane Sonko est très clair :  l’Afrique qui ne cédera pas à l’oukase existentiel du Nord a donc décidé de redevenir africaine. Un écho à ceux qui, de plus en plus nombreux, demandent quant à eux que l’Europe redevienne européenne... Ici et là,  référence est donc faite à l’identité, ce qui annonce le triomphe de l’ethno-différentialisme sur les nuées de l’universalisme.

jeudi 30 mai 2024

C’est à l’Algérie de rembourser ce qu’elle doit à la France et non le contraire…

Madame Rima Hassan, candidate LFI aux élections européennes, vient d’oser déclarer que « La France rende à l’Algérie ce qui lui appartient ». Or, si madame Rima Hassa avait un minimum de culture, pour ne pas parler de simple décence, elle devrait tout au contraire crier « Vive l’Algérie française », tant ce pays doit en effet tout à la France. Jusqu’à son nom qui lui fut donné par elle en 1839…


Au moment de l’indépendance de juillet 1962, tout ce qui existait en Algérie y avait en effet été construit par la France à partir du néant, dans un pays qui n’avait jamais existé puisqu’il était directement passé de la colonisation turque à la colonisation française. Ce fut en effet la France qui créa l’Algérie en lui donnant ses frontières. Des frontières qui, à l’Ouest, furent tracées en amputant territorialement le Maroc. Le Tidikelt, le Gourara, le Touat, Tindouf, Colomb Béchar etc…furent ainsi arrachés au Maroc pour être généreusement offerts à Algérie française dont l’Algérie algérienne est l’héritière directe. Une héritière qui, sans le moindre remords, a conservé le legs exorbitant fait par la France aux dépens du Maroc.

Une Algérie que la France ouvrit vers le Sud en lui offrant un Sahara qu’elle n’avait, et par définition, jamais possédé puisqu’elle n’avait jamais existé…Une réalité historique résumée en une phrase par le général de Gaulle : « (…) Depuis que le monde est monde, il n’y a jamais eu d’unité, ni, à plus forte raison, de souveraineté algérienne. Carthaginois, Romains, Vandales, Byzantins, Arabes syriens, Arabes de Cordoue, Turcs, Français, ont tour à tour pénétré le pays sans qu’il y ait eu à aucun moment, sous aucune forme, un Etat algérien » (Charles de Gaulle, 16 septembre 1959, déclaration à la RTF).

Dans l’ancienne Régence turque d’Alger, l’ouest reconnaissait l’autorité spirituelle du sultan du Maroc. Ce dernier avait d’ailleurs un représentant, un khalifat, dans la région, l’un d’entre eux ayant été le propre père d’Abd el-Kader. Quant à l’Est, il était tourné vers Istanbul. Nulle part, la prière n’était donc dite au nom d’un chef « algérien » car, à l’époque, la « nation algérienne » n’existait pas puisqu’il s’agissait d’un « non concept ».

Ferhat Abbas (1899-1985), l’ancien chef du GPRA écrivit lui-même en 1936 : « Si j’avais découvert la nation algérienne, je serais nationaliste (…) je ne mourrai pas pour la patrie algérienne parce que cette patrie n’existe pas. Je ne l’ai pas découverte. J’ai interrogé l’histoire, j’ai interrogé les morts et les vivants ; j’ai visité les cimetières : personne ne m’en a parlé… ».

En 1962, la France légua à sa « chère Algérie » selon la formule de Daniel Lefeuvre, un héritage composé de 54 000 kilomètres de routes et pistes (80 000 avec les pistes sahariennes), de 31 routes nationales dont près de 9000 kilomètres étaient goudronnés, de 4300 km de voies ferrées, de 4 ports équipés aux normes internationales, de 23 ports aménagés (dont 10 accessibles aux grands cargos et dont 5 qui pouvaient être desservis par des paquebots),  de 34 phares maritimes, d’une douzaine d’aérodromes principaux, de centaines d’ouvrages d’art (ponts, tunnels, viaducs, barrages etc.), de milliers de bâtiments administratifs, de casernes, de bâtiments officiels, de 31 centrales hydroélectriques ou thermiques, d’une centaine d’industries importantes dans les secteurs de la construction, de la métallurgie, de la cimenterie etc., de milliers d’écoles, d’instituts de formations, de lycées, d’universités avec 800 000 enfants scolarisés dans 17 000 classes ( soit autant d’instituteurs, dont deux-tiers de Français), d’un hôpital universitaire de 2000 lits à Alger, de trois grands hôpitaux de chefs-lieux à Alger, Oran et Constantine, de 14 hôpitaux spécialisés et de 112 hôpitaux polyvalents, soit le chiffre exceptionnel d’un lit pour 300 habitants.

Sans parler du pétrole découvert et mis en exploitation par des ingénieurs français. Ni même d’une agriculture florissante laissée en jachère après l’indépendance. A telle enseigne qu’aujourd’hui l’Algérie doit importer jusqu’à du concentré de tomate, des pois chiches et même de la semoule pour le couscous… Quant à sa seule exportation agricole, celle de ses succulentes dattes, elle ne sert même pas à compenser ses achats de yaourts fabriqués à l’étranger…

Or, tout ce qui existait en Algérie en 1962 avait été payé par les impôts des Français. En 1959, l’Algérie engloutissait ainsi 20% du budget de l’Etat français, soit davantage que les budgets additionnés de l’Education nationale, des Travaux publics, des Transports, de la Reconstruction et du Logement, de l’Industrie et du Commerce ! 

Pour la France, le fardeau algérien était donc devenu impossible à porter car, en soulageant les misères, en soignant, en vaccinant et en faisant reculer la mortalité infantile, elle avait créé les conditions de la catastrophe comme l’a écrit René Sédillot en 1965 :

« (En Algérie), la colonisation française a poussé l’ingénuité – ou la maladresse- jusqu’à favoriser de son mieux les naissances : non seulement par le jeu des allocations familiales, mais aussi par la création d’établissements hospitaliers destinés à combattre la stérilité des femmes. Ainsi, les musulmanes, lorsqu’elles redoutaient d’être répudiées par leurs maris, faute de leur avoir donné des enfants, trouvaient en des centres d’accueil dotés des moyens les plus modernes tout le secours nécessaire pour accéder à la dignité maternelle ».

Chaque année à partir du lendemain du second conflit mondial, 250 000 naissances étaient ansi comptabilisées en Algérie, soit un accroissement de 2,5 à 3% de la population, d’où un doublement tous les 25 ans. Or, la France s’était elle-même condamnée à nourrir ces bouches nouvelles et à créer ensuite autant d’emplois puisqu’elle considérait l’Algérie comme une de ses provinces, au même titre que la Bretagne ou que l’Alsace...

En 1953, comme les recettes locales ne permettaient plus de faire face aux dépenses de fonctionnement, l’Algérie fut en faillite. Au mois d’août 1952, anticipant en quelque sorte la situation, le gouvernement d’Antoine Pinay (8 mars 1952-23 décembre 1952), demanda au parlement le vote de 200 milliards d’impôts nouveaux, tout en étant contraint de faire des choix budgétaires douloureux. Pour aider encore davantage l’Algérie il fallut alors faire patienter la Corrèze et le Cantal.

L’addition des chiffres donne le vertige : durant les seuls 9 premiers mois de 1959 les investissements en Algérie atteignirent 103,7 milliards de crédit dont 71,5 milliards directement financés par le Trésor français. De 1950 à 1956 la seule industrie algérienne reçut, hors secteur minier, en moyenne 2 395 millions anciens francs annuellement. En 1959 et en 1960 cette somme atteignit en moyenne 5 390 millions (Lefeuvre, 2005). Entre 1959 et 1961, pour le seul plan de Constantine, les industries métropolitaines investirent 27,40 milliards d’anciens francs, gaz et pétrole non compris.

La France s’est donc ruinée en Algérie alors qu’elle n’y avait aucun intérêt économique réel. Qu’il s’agisse des minerais, du liège, de l’alpha, des vins, des agrumes etc., toutes les productions algériennes avaient des coûts supérieurs à ceux du marché international. Or, toujours généreuse, la France continua d’acheter à des cours largement supérieurs au marché des productions qu’elle avait déjà largement payées puisqu’elle n’avait jamais cessé de les subventionner !

Au bilan, l’Algérie a donc été placée sous « assistance respiratoire » par la France qui n’a cessé de l’alimenter artificiellement. Année après année, la France remplissait donc le « tonneau des Danaïdes », algérien, nourrissant les bouches nouvelles, bâtissant hôpitaux, écoles, routes, ponts et tentant de créer artificiellement des milliers d’emplois.

Non seulement la France n’a donc pas pillé l’Algérie, mais, plus encore, c’est elle qui serait fondée à lui « présenter la facture » …En effet, les demandes de Madame Rima Hassan ne valent pas davantage que celles faites au mois de janvier 2021 quand les médias officiels algériens exigèrent de la France un « dédommagement » pour le « pillage » du fer « algérien » qui, selon eux, aurait servi à fabriquer la Tour Eiffel !!!

Or, le minerai de fer ayant servi à édifier l’emblématique monument fut extrait de la mine de Lurdres en Lorraine, département de Meurthe-et-Moselle…Quant aux pièces métalliques composant la Tour, elles sont, comme ses visiteurs peuvent le constater, estampillées à la marque des aciéries de Pompey, également en Lorraine, là où elles furent fondues…
Au verbe et à l’idéologie, l’histoire oppose donc les faits. Des faits qui font l’objet de mon livre argumentaire Algérie, l’Histoire à l’endroit.





















Table des matières
- Chapite I : L’Algérie est-elle Berbère ou Arabe ?
- Chapitre II : Comment des Berbères chrétiens sont-ils devenus des Arabes musulmans ?
- Chapitre III : Pourquoi Bougie et Tlemcen n’ont-elles pas créé l’Algérie alors que Fès et Marrakech a fondé le Maroc ?
- Chapitre IV : L’Algérie, Régence turque oubliée ou marche frontière de l’empire ottoman ?
- Chapitre V : Abd el-Kader, une résistance « nationale » ou arabe ? Mokrani, une résistance « nationale » ou berbère ?
- Chapitre VI : Que s’est-il passé à Sétif et à Guelma au mois de mai 1945 ? Sétif au-delà des mythes
- Chapitre VII : 1954-1962 : la « révolution unie », un mythe ? La revendication berbériste
- Chapitre VIII : Le FLN a-t-il militairement vaincu l’armée française ? La guerre d'Algérie ne s'est pas terminée le 19 mars 1962
- Chapitre IX : Le 17 octobre 1961 à Paris : un massacre imaginaire ?
- Chapitre X : La France a-t-elle pillé l’Algérie ?


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