vendredi 20 septembre 2019

La mort du président Ben Ali, l’homme qui avait sauvé la Tunisie de la révolution islamiste et qui l’avait sortie du sous-développement

La révolution tunisienne a éclaté le 17 décembre 2010. Moins d’un mois plus tard, le 14 janvier 2011, lâché par ses « amis » occidentaux auxquels il n’avait jamais rien refusé, et trahi par l’état-major d’une armée qu’il n’avait cessé de combler, le président Ben Ali était chassé du pouvoir et contraint à l’exil. En quelques semaines, la Tunisie dilapida ensuite le capital confiance qu’il avait mis deux décennies à constituer.
  
Né le 3 septembre 1936, diplômé de l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr et de l’école d’application de l’artillerie de Châlons-sur-Marne, Zine el-Abidine Ben Ali fut chargé par le président Bourguiba de la création de la direction de la sécurité militaire qu’il dirigea de 1964 à 1974. Il eut ensuite une carrière diplomatique comme attaché militaire au Maroc puis en Espagne.
Au mois de janvier 1978, la Tunisie étant alors en pleine insurrection, il fut rappelé pour être nommé chef de la Sûreté générale, poste qu’il occupa jusqu’en 1980. Puis il redémarra une carrière diplomatique comme ambassadeur en Pologne.
Après les graves émeutes du mois de janvier 1984, il fut de nouveau rappelé. Tout alla ensuite très vite puisque, le 23 octobre 1985, il fut nommé ministre de la Sûreté nationale, puis ministre de l’Intérieur le 28 avril 1986. Il devint ensuite le  secrétaire général adjoint du PSD (Parti socialiste destourien). Enfin, au mois de mai 1987, sous le gouvernement de Rachid Sfar, il fut nommé ministre d’Etat chargé de l’intérieur. Sa nomination comme secrétaire général du PSD en fit le dauphin du président Bourguiba. Le 2 octobre 1987, ce dernier le nomma Premier ministre.
Un mois plus tard, le 7 novembre 1987, appuyé sur l’expertise de sept médecins qui attestèrent de son incapacité mentale, le général Ben Ali déposa Habib Bourguiba.

A l’époque, comme la Tunisie était menacée d’effondrement, avec toutes les conséquences géopolitiques qui en auraient découlé, l’accession au pouvoir du général Ben Ali fut unanimement saluée. Sous sa ferme direction, la subversion islamiste fut jugulée et la Tunisie devint un pays moderne attirant les investisseurs étrangers.
Se présentant comme le fils spirituel de son prédécesseur, le général Ben Ali multiplia les gestes d’ouverture démocratique. Le 25 juillet 1988, il abrogea ainsi la présidence à vie, limita la présidence à trois mandats, imposa la limite d’âge de 65 ans pour les candidats aux élections présidentielles et légalisa plusieurs partis politiques. En 1989, il transforma le PSD en RCD (Rassemblement constitutionnel et démocratique).
Il fut pour une première fois élu à la présidence de la République le 2 avril 1989, et étant seul candidat, il recueillit plus de 99% des voix.

En 1991 le gouvernement fit état de la découverte d’un plan islamiste visant à la prise du pouvoir et les enquêteurs mirent au jour d’importantes ramifications dans la police et dans l’armée. Des procès eurent lieu durant l’été 1992. Le parti islamiste clandestin Ennahdha fut démantelé et son  chef, Rachid Ghannouchi se réfugia à Londres d’où il organisa la subversion qui allait finir par emporter le régime vingt ans plus tard.

Réélu à la présidence de la République en 1994, puis en 1999, le général Ben Ali fut attaqué de toutes parts en dépit des remarquables réussites économiques de la Tunisie. Même si de fortes disparités sociales existaient toujours, en vingt ans, le régime Ben Ali réussit en effet à transformer un Etat du tiers monde en un pays moderne attirant capitaux et industries, en un pôle de stabilité et de tolérance dans un monde nord-africain souvent chaotique.
Les Tunisiens qui étaient en quelque sorte devenus des « privilégiés » n’acceptèrent alors plus de voir leur expression politique muselée et ils réclamèrent des évolutions démocratiques. A partir de l’année 2000, la contestation des intellectuels prit alors de l’ampleur, cependant que le  président, mis sous influence par le clan affairiste gravitant autour de sa seconde épouse, perdait de sa popularité.

Au début de l’année 2000, le journaliste Taoufik Ben Brik entama une  grève de la faim qui eut un énorme retentissement médiatique en Europe. Au même moment, les islamistes se montraient de plus en plus combatifs. Ainsi le 11 avril 2002, quand ils firent exploser un camion piégé devant la synagogue de la Ghriba à Djerba, tuant 19 personnes dont 14 touristes allemands.
C’est dans ce contexte de danger islamiste que le président Ben Ali ralentit ou même revint sur le processus de démocratisation qu’il avait initié. Mais, ce faisant, il accéléra encore davantage la désaffection des élites citadines envers son régime.

Le 26 mai 2002, par référendum, les Tunisiens approuvèrent que l’âge limite de candidature à la présidence de la République soit repoussé à 75 ans et que les mandats présidentiels ne soient plus limités à trois, ce qui permit au président Ben Ali de se faire élire pour un quatrième mandat le 24 octobre 2004. Après les assurances données en 1987, il venait donc de rétablir en quelque sorte la présidence à vie.

A partir de ce moment, la contestation s’amplifia et les élites « bourgeoises » qui avaient profité de l’essor économique du pays rompirent avec le régime, cependant que la répression se durcissait au fur et à mesure de la montée des périls islamistes.

Le 17 décembre 2010, un évènement a priori secondaire qui se produisit à Sidi Bouzid mit le feu aux poudres. Il s’agissait de l’immolation par le feu d’un vendeur à la criée qui refusait d’être rançonné par la police. Or, cet homme qui était un chômeur diplômé devint le symbole de la révolte de tout un peuple.

Le 28 décembre, n’ayant pas pris la mesure du mouvement, le président Ben Ali s’exprima à la télévision et parla des manifestants comme d’une « minorité d’extrémistes», ce qui amplifia encore la révolte qui devint une révolution.
Cette dernière réussit car elle fut la synthèse de tous les mécontentements : révolte contre l’arbitraire de la police, révolte contre les inégalités sociales et révolte des nantis pour des droits démocratiques. A ces trois éléments, et les utilisant avec habileté, les islamistes donnèrent une cohésion et une organisation qui emporta le régime sous les applaudissements béats de l’internationale des médias -notamment français-, qui eut, comme de coutume, un rôle quasiment militant.

Ayant perdu le contrôle de la situation, le président Ben Ali fut finalement trahi par l’armée, donc par les siens, et le 14 janvier 2011, après 23 ans de pouvoir, il fut mis dans un avion par le haut état-major et envoyé en exil en Arabie saoudite où il est mort le  19 septembre dernier.

mercredi 18 septembre 2019

Tunisie : l’émiettement politique

Le brouillard des commentaires médiatiques doit être dissipé par une analyse claire du résultat du premier tour des élections présidentielles tunisiennes.
Comme lors du précédent scrutin en 2014, le pays est coupé en deux régions géographiques et politiques, le nord favorisé et le centre-sud déshérité. Contrairement à ce que nous pouvons lire trop souvent, non seulement il n’y a pas de vainqueur clair, aucun candidat n’ayant atteint 20% des voix, mais, comme je l’explique dans cette analyse, les islamistes ne sont pas perdants.

Pour le second tour les jeux sont ouverts. Le juriste Kais Saïed qui a une image d’intégrité et dont la formule « La classe politique ne peut pas faire l’Histoire avec ses petites histoires », a fait une partie de son succès, bénéficiera des suffrages des antisystèmes, des déclassés et des islamistes. Quant à  Nabil Karoui, s’il sort de prison, il recueillera les voix  de tous ceux qui ont à craindre d’un Kais Saïed hors système et donc hors contrôle.

La suite de cette analyse est réservée aux abonnés à l'Afrique Réelle. Pour la recevoir par courriel, vous devez être abonné. Pour vous abonner, cliquer ici

dimanche 8 septembre 2019

Afrique du Sud : les cocus ayant cru à la fable de la nation arc-en-ciel peuvent sortir des rangs et avancer de trois pas…

En Afrique du Sud, pays de Nelson Mandela, des Noirs massacrent d'autres Noirs. Qui plus est, des Noirs immigrés, des frères migrants venus de pays ayant jadis soutenu leur lutte contre le régime blanc...
Comme en 2016, un peu partout, notamment au Natal et dans la région de Johannesburg, les étrangers noirs, qu'ils soient Malawites, Mozambicains, Somaliens, Zimbabwéens, Soudanais ou Nigérians, sont ainsi de nouveau pris pour cible, lynchés, brûlés vifs, cependant que leurs pauvres biens sont systématiquement pillés par des foules ayant échappé à tout contrôle policier. 

Voilà de quoi déstabiliser ces cocus idéologiques qui, croyant au mythe-guimauve de la « nation arc-en-ciel », prétendaient que les maux du pays découlant de la domination blanche, une fois la majorité noire au pouvoir, les fontaines de la démocratie laisseraient couler le lait et le miel de la fraternité... 

La réalité est évidemment autre car ces tueries xénophobes illustrent l’échec de la « Nouvelle Afrique du Sud » dont les dirigeants ont dilapidé le colossal héritage reçu de l’ancien régime blanc. Résultat :
- Le revenu de la tranche la plus démunie de la population noire est inférieur de près de 50% à celui qu’il était sous le régime blanc d’avant 1994 ;
- 17 millions de Noirs vivent essentiellement des prestations sociales et 14 millions ne survivent que grâce au versement d’une allocation (Social Grant) qui leur assure le minimum vital ;
- Le taux réel de chômage est de près de 35%, et celui des jeunes âgés de 15 à 34 ans de plus de 50%.

En 25 années de pouvoir, l'ANC - le parti de Nelson Mandela -, a donc transformé la prospère Afrique du Sud en un Etat du « tiers-monde » dérivant dans un océan de pénuries, de corruption, de misère sociale et de violences, réalité en partie masquée par les derniers secteurs ultraperformants  encore tenus par des Blancs. Un naufrage économique qui tient en trois points :

1) La production minière nécessite une énorme modernisation et donc de gros investissements ; or, la main d’œuvre noire revendiquant des salaires plombant la compétitivité,  les investisseurs ont délocalisé.

2) Les cadres blancs continuent à quitter le pays, chassés par la discrimination inversée, l’incroyable insécurité et le surfiscalisme.

3) Le secteur agricole, le seul à être excédentaire a été littéralement assassiné par la décision de spoliation des fermiers blancs.

Dans ce pays où un abîme s'est creusé entre une infime minorité de profiteurs noirs et des millions de chômeurs, d’assistés et de travailleurs sous-payés qui paralysent le pays avec de continuels mouvements de revendication, l’abyssal échec économique et social de l’ANC a donc débouché sur des violences xénophobes, les étrangers étant accusés de prendre le travail des plus pauvres.

Au pied du mur, acculé par le bilan de ses détournements et de son incompétence, l’Etat-parti ANC n’a désormais plus que trois options :

1) Chercher à redresser l’économie en empruntant une voie libérale, mais il provoquera alors une révolution.

2) Accuser le bouc-émissaire blanc en tentant de faire croire que la situation est un héritage de l’apartheid et en nationalisant les mines et la terre. La « poule aux œufs d’or » sera alors définitivement  tuée, comme au Zimbabwe, et le pays sombrera encore davantage  dans la misère.

3) Recourir à la « planche à billets », ce qui, comme au Zimbabwe, provoquera d’abord l’inflation, puis une hyperinflation et la ruine totale du pays.

Pour en savoir plus sur les raisons du naufrage sud-africain : inscrivez-vous au cours de Bernard Lugan

lundi 2 septembre 2019

L'Afrique Réelle n°117 - Septembre 2019


























Sommaire

Actualité :
- Algérie : la détresse économique
- La tension entre le Rwanda et l’Ouganda
- Libye, le général Haftar en difficulté

Archives :
Faut-il abandonner l’Afrique à son destin ?


Editorial de Bernard Lugan

Avec certains des principaux patrons emprisonnés, des banquiers qui n’accordent plus de crédits et des transferts de fonds problématiques, l’économie algérienne est en détresse. 
Les ¾ des entreprises sont ainsi incapables de verser les acomptes prévisionnels au titre de l’impôt sur les bénéfices pour l’année en cours. Quant aux faillites, elles ont eu pour résultat la mise au chômage de 200 000 travailleurs depuis le 1er janvier 2019… Dans un pays où le taux réel de chômage atteint déjà des records.

Seule source de revenus de l’Etat, le secteur des hydrocarbures décline année après année. Au 1er trimestre 2019, il a ainsi reculé de 7,7% en raison de la baisse de production due à l’épuisement des nappes pétrolières. Nous avons également là, la confirmation de ce que l’Afrique Réelle écrit depuis plusieurs années, à savoir que les réserves de l’Algérie ont été volontairement surestimées.

Résultat, les réserves de change n’étaient plus que de 72,6 milliards de dollars fin avril 2019, soit une baisse de 7,2% par rapport à décembre 2018 (source : Ministère des finances juillet 2019). Cette baisse est d’autant plus dramatique que le pays doit acheter à l’étranger les ¾ des matières premières et des équipements indispensables à ses entreprises, tant publiques que privées. Il doit également importer de quoi habiller, soigner et équiper ses 43 millions d’habitants.
Avec une priorité qui est de les nourrir. Or, comme l’agriculture algérienne et ses dérivés ne permettant de satisfaire qu’entre 40 et 50% des besoins alimentaires du pays, il est donc nécessaire de faire de colossales importations. 
C’est ainsi que près de la moitié (40%) de la facture de tous les achats faits à l'étranger - soit le quart (!!!) des recettes tirées des hydrocarbures -, est consacrée à l’importation de produits alimentaires de base dont l’Algérie était exportatrice avant l’indépendance de 1962... N’en déplaise à l’ONM (Organisation nationale des Moudjahidine) qui, pour tenter de faire oublier sa colossale responsabilité dans la faillite de l’Algérie, ose demander le vote d’une loi criminalisant la colonisation française… (Voir mes communiqués des 18, 21 et 29 juillet 2019).

Vomis par la rue, les vampires du « Système » gavés de leurs détournements peuvent-ils encore refuser de reconnaître que si l’Algérie est désormais le premier importateur africain de biens alimentaires pour un total annuel moyen de 12 milliards de dollars (Centre national de l'informatique et des statistiques-douanes-CNIS), cela est la conséquence à la fois de leur incompétence et de leurs détournements ? 

Les millions de manifestants qui, vendredi après vendredi, battent la chaussée, en sont, eux, parfaitement conscients et ils attendent de pouvoir leur faire rendre gorge. 
Or, c’est précisément parce qu’il sait qu’il est face à une véritable révolution et que la survie de ses membres est en jeu, que le « Système » fait la « sourde oreille ».