Pour le courant arabo-musulman
nord-africain, l’islamisation a marqué la fin de l’histoire des Berbères, leur
conversion à l’Islam les ayant inscrits de façon irréversible dans l’aire
culturelle de l’arabité. Dans les années 1950, en pleine crise berbériste, la
revue Al Maghrib écrivit même que les
Berbères ne pouvaient accéder au Paradis que s’ils se rattachaient à des
lignées arabes. Leur salut passait donc par leur intégration au peuple ayant
donné naissance à l’ultime messager de Dieu. En un mot, le salut par le suicide
ethno-national…
Par le passé, des clans et des
tribus berbères ont ainsi trahi leurs ancêtres et renié leurs propres
généalogies pour entrer dans celles des qabila
arabes. Voilà pourquoi leurs descendants sont aujourd’hui persuadés être
d’origine arabe alors qu’ils sont des Berbères « raciaux » dont les
aïeux furent linguistiquement arabisés, religieusement islamisés et
ethniquement acculturés.
Pour les Berbères ayant conservé
leur identité, la fin de la période française ne fut que la première étape de
la libération, ce qui fit dire à Mohammed Chafik : « Et si l’on décolonisait l’Afrique du Nord pour de bon ? »
(Le Monde amazigh, n° 53, novembre 2004). Paniqués à l’idée d’un réveil
de la belle endormie berbère qui pourrait entraîner à la fois le rejet de
l’arabité et celui de l’islam, les dirigeants algériens échouèrent à tenter de
fondre le peuple indigène dans un artificiel nationalitarisme arabo-musulman. Ayant
pris le relais, les salafistes, les wahhabites et les diverses obédiences islamistes
cherchent actuellement à dissoudre l’identité berbère dans l’universalisme
musulman et la Umma. Une course
contre la montre est donc engagée entre l’identité enracinée et le broyeur
universaliste.
Portés par le réveil identitaire
planétaire, les Berbères vont-ils prendre véritablement conscience de leur
situation de colonisés ? S’ils parvenaient au terme de leur réappropriation
historique, culturelle et politique, la géopolitique de la Méditerranée serait alors
bouleversée. Redevenu la Berbérie, le Maghreb cesserait en effet de regarder
vers l’Orient pour revenir dans sa matrice occidentale. Comme avant la conquête
arabo-musulmane du VIIIe siècle.
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