L’ampleur des manifestations de
rejet de cette candidature et, avec elle, de tous les profiteurs du régime, FLN
en tête, est telle, qu’à moins d’un retournement de situation, le temps de
survie du clan Bouteflika semble compté. D’autant plus que les forces de
sécurité paraissent gagnées par le doute et que l’armée n’est plus un bloc
monolithique.
Quoiqu’il en soit, c’est d’une
Algérie ruinée et divisée dont vont hériter ceux qui auront la très lourde
tâche de tenter d’éviter le naufrage d’un pays fracturé entre arabisme et
berbérisme avec, en arrière-plan, les islamistes en embuscade. Comment
pourront-ils redresser un pays frappé au cœur par l’épuisement de ses réserves
pétrolières quand 60% des recettes
budgétaires et 95% des recettes en devises dépendent des hydrocarbures ?
Selon l’Office national des statistiques en date du 12 janvier 2019, durant le
3° trimestre 2018, la branche des hydrocarbures dans son ensemble a baissé de
7,8%, la production de pétrole brut et de gaz naturel a décliné de 3% et le
raffinage de pétrole brut de 12%.
La baisse de la production des
hydrocarbures et les variations des cours font que les recettes baissent et que
l’Etat doit donc puiser dans ses réserves de change pour financer ses
importations. Comme l’Algérie ne produit rien, ou alors en quantités
insuffisantes, elle doit en effet tout acheter sur les marchés extérieurs, tant
pour nourrir, qu’habiller, qu’équiper ou que soigner sa population.
Les réserves algériennes de
change qui étaient de 170 milliards d’euros en 2014, avant l’effondrement des
cours du pétrole, ne sont plus que de 62 milliards au début 2019 et, selon les
projections, elles atteindront 34 milliards en 2021.
Dans ces conditions, comment
l’Etat pourra-t-il acheter la paix sociale avec une croissance démographique
gommant toute possibilité de développement ? Comment relever une Algérie
au bord de l’explosion avec un taux de chômage des jeunes atteignant au moins
40%, une immense misère sociale, une industrie inexistante, une agriculture
ruinée, un système bancaire d’un autre temps et une administration apoplectique ?
Comment faire redémarrer une
Algérie pillée par la nomenklatura satrapique enkystée autour du clan
Bouteflika et qui, entre 2000 et 2015, avant donc l’effondrement des cours, a
« dilapidé » les 600 milliards de dollars rapportés par la vente des
hydrocarbures, dans des « flux sortants » de plusieurs centaines de
milliards de dollars auxquels s’ajoutent plus de 100 milliards de dollars
dépensés « à la discrétion des gouvernements » (El Watan 31 janvier 2016), délicat euphémisme servant à habiller l’opacité de leur
destination… ?.
Comme personne ne voudra
revendiquer un tel héritage, nul ne voulant associer son nom aux décennies de
mise des ressources publiques au service d’un clan familial, la rupture est
donc annoncée. Au profit de qui ? L’avenir peut être proche nous le
dira.
Bernard Lugan