Nos
Armées sont de plus en plus engagées en Afrique et elles vont donc devoir
disposer de moyens supplémentaires. Comme je l’ai expliqué et cartographié dans
le numéro du mois de mai de l’Afrique
Réelle, elles vont devoir impérativement tenir quatre verrous (Iforas, zone
de la passe Salvador, appendice Cameroun-Tchad et région de Birao) pour tenter
d’éviter la coagulation entre les conflits, pour le moment éclatés, qui
se déroulent à la fois dans la zone sahélo-saharienne et dans l’arc de
crise de l’Afrique centrale. Il va donc falloir
repositionner des forces et leur fournir le matériel adapté.
Or,
et contrairement à ce qu’affirme le gouvernement et à ce qu’a encore déclaré le
vendredi 16 mai le Premier ministre sur les ondes d’Europe 1, le budget
de l’armée va encore être amputé. Mais
sans toucher à l’enveloppe globale !!!. Le tour de passe-passe qui serait
en préparation est expliqué dans l’entretien qui suit par Philippe Meunier, Député du Rhône et secrétaire de la
Commission de la Défense Nationale et
des Forces Armées :
Afrique Réelle : Le gouvernement dément les
« bruits » concernant de nouvelles coupes du budget de la Défense. De
quelles informations disposez-vous, vous qui êtes Secrétaire de la Commission
de la Défense ?
Philippe Meunier : Le
gouvernement a laissé "fuiter" dans un premier temps une économie
supplémentaire demandée à nos armées de 2 milliards puis quelques jours plus
tard de 1,5 milliard. En fait, le gouvernement nous refait le coût de la loi de
programmation militaire.
Afrique Réelle : C'est à dire ?
Philippe Meunier : C'est à
dire qu'il laisse "fuiter" un certain nombre d'informations
volontairement très alarmistes pour retenir au final une solution qui sera
jugée moins douloureuse, mais qui sera tout aussi mortifère pour nos troupes.
Afrique Réelle : Le Président de la République et le Ministre
de la défense se sont pourtant engagés à de multiples reprises au sujet de la
sanctuarisation du budget dans le cadre de la Loi de Programmation Militaire
(LPM)?
Philippe Meunier : C'est
exact. C'est la raison pour laquelle je pense qu'ils vont procéder à "un
tour de passe passe". Ils ne toucheront pas à l'enveloppe budgétaire
prévue dans le cadre de la LPM, mais ils vont transformer les OPEX (Opérations
extérieures) en bases prépositionnées sur l'arc sahélien. Or, il faut savoir
que ces dernières ne sont pas financées comme le sont les OPEX par le budget
général mais par le budget du Ministère de la défense.
Afrique Réelle : Nos Armées auraient donc toujours la même
enveloppe budgétaire mais devraient faire face à des dépenses supplémentaires.
Ce serait donc de l’enfumage.
Philippe Meunier : Une
tromperie de plus.
Afrique Réelle : Mais, si tel était le cas, comment nos Armées
arriveraient-elles à trouver les économies nécessaires pour financer ces
nouvelles dépenses compte tenu des efforts déjà demandés par la LPM ?
Philippe Meunier : C'est
la raison pour laquelle depuis quelques semaines l'actuelle majorité procède
dans le cadre de la Commission de la Défense, à un certain nombre d'auditions
au sujet de la dissuasion nucléaire afin de réfléchir à
l' « utilité » de ses budgets. L'objectif dissimulé de ces
auditions est aujourd'hui dévoilé : essayer de convaincre les parlementaires de
la nécessité de diminuer notre capacité de riposte nucléaire.
Afrique Réelle : Pour quelle finalité ?
Philippe Meunier : C'est
là où nous voyons la perversité de la démarche de l'actuelle majorité :
placer en permanence en concurrence nos
Armées pour mieux les dépecer. Cette semaine, Cécile Duflot a proposé à la
Commission de la Défense, de récupérer le budget de la composante nucléaire
aérienne pour financer les missions humanitaires de l'Armée de Terre en
Afrique.
Or, ce
marché est le type même du marché de dupes car il aurait pour conséquence
d'affaiblir considérablement non seulement nos forces aériennes qui utilisent à
60% les FAS pour des frappes conventionnelles, mais également notre dissuasion,
et sans que ce transfert vers l'Armée de Terre ne règle pour autant la question
du remplacement de nos équipements conventionnels.
Afrique Réelle : Quelles seraient les conséquences de cette
politique ?
Philippe Meunier : Envoyer
nos hommes au feu sans les équipements adéquats. Faire monter au feu des
hélicoptères Gazelle non blindés et laisser nos hommes patrouiller avec des
vieux P4 incapables de résister à la moindre mine au Mali et en Centrafrique
est un véritable scandale moral et politique. François Hollande est dans la
lignée de tous les gouvernements socialistes. Il demande sans cesse à nos
Armées de faire la guerre, tout en diminuant leur budget.
Afrique Réelle : Qu'allez vous faire pour empêcher cette
manœuvre qui, si elle était avérée, imposerait une diminution supplémentaire
des moyens alloués à nos Armées ?
Philippe Meunier : Nous
allons continuer à nous opposer au Parlement, alerter nos compatriotes sur la
situation dramatique qui frappe nos Armées. Mais il serait nécessaire pour ne pas dire impératif, que
les hauts gradés alertent solennellement
le Président de la République sur l'impossibilité qu’auront nos troupes de
pouvoir mener à bien les missions qui leur sont demandées dans ce contexte
budgétaire délétère.