samedi 18 février 2012

Libye : un an plus tard. (Point de situation le 18 février 2012)


En ce premier anniversaire de l’ « insurrection libyenne », et alors qu’une « résistance verte » dont il est difficile d’évaluer la force réelle, semble être en mesure d’opérer sur la totalité du territoire, la Libye apparaît comme étant coupée en trois :

La Cyrénaïque n’accepte pas les décisions prises depuis Tripoli par le CNT. De plus, et les journalistes ne l’ont naturellement pas vu, les tensions y sont fortes entre les islamistes fondamentalistes et les membres des confréries soufies dont le poids régional est important. Les premiers pourchassent les seconds en les traitant d’hérétiques et des heurts se sont récemment produits lors des processions traditionnelles. Les fondamentalistes ont commis l’irréparable le 13 janvier, à Benghazi, quand ils ont passé un cimetière au bulldozer et profané une trentaine de tombes de saints - les marabouts du Maghreb -, dont ils ont dispersé les ossements. Pour eux, les rassemblements autour de leurs tombeaux, l’équivalent des moussem du Maroc, ne sont rien d’autre que de l’idolâtrie, donc du paganisme.

Le sud de la Libye a éclaté en deux zones qui, toutes deux, échappent totalement au CNT. Celle de l’ouest, peuplée par des Touaregs constitue la base arrière de l’insurrection qui embrase le nord du Mali depuis le mois de janvier dernier. Dans le centre/sud/est, des combats ont éclaté entre Toubou et Arabes. Comme il est peu probable que les ombrageux toubou du Tchad laissent leurs frères du Nord se faire massacrer sans réagir, un autre front risque donc de s’ouvrir avec tous les risques de contagion qui en découleraient.

La Tripolitaine est quant à elle coupée en quatre :

- Misrata est aux mains de milices gangstéro-fondamentalistes unanimement détestées. Ce furent leurs membres qui massacrèrent le colonel Kadhafi et qui tranchèrent les mains de son fils.
- Au Sud, la tribu des Warfalla qui, à elle seule totalise environ 30% de la population de la région, refuse de reconnaître l’autorité du CNT.
- Tripoli est sous le contrôle de milices rivales qui n’obéissent qu’à leurs chefs respectifs, le président du CNT, M. Mustapha Abd el-Jalil, étant quant à lui totalement impuissant.
- Pour le moment, les seules forces « solides » sont les milices berbères de Zentan et du jebel Nefusa. Celle de Zentan est composée de Berbères arabophones, cousins de ces Berbères berbérophones dont le centre est la ville de Zouara et qui peuplent une partie du jebel Nefusa autour de Nalout et de Yafran. Pour mémoire, les berbérophones -et non tous les Berbères-, totalisent +- 10% de la population libyenne, mais comme ils vivent à plus de 90% en Tripolitaine, ramenée à cette seule région, ils y sont +- 20%.

Les miliciens de Zentan qui détiennent Seif al-Islam, le fils du colonel Kadhafi, jouent pour le moment une subtile partie de poker menteur. Pour tenter d’y voir clair il faut avoir à l’esprit que :

1) Les berbérophones savent que le CNT suivra une politique arabo-islamique niant leur spécificité et qu’ils n’ont donc rien à attendre de lui.
2) Les Berbères arabophones de Zentan n’ont rien obtenu de tangible du CNT et, pour le moment, ils refusent donc de coopérer avec lui.
3) Les Warfalla ainsi que la tribu du colonel Kadhafi, adversaires naturels du CNT, sont en attente.

Si ces trois forces qui représentent ensemble +- 70% de la population de la Tripolitaine, s’unissaient, elles en prendraient facilement le contrôle. Or, avec Seif al-Islam, les Zentaniens ont dans leur jeu une carte maîtresse, ce dernier étant en mesure de leur apporter l’appui outre des Warfalla et des Kadhafa, celui également des Touaregs et des Toubous. Le seul problème est que la justice internationale a émis contre lui un mandat d’arrêt.
C’est autour de ces données complexes et mouvantes qu’un âpre et discret marchandage a lieu en ce moment en Libye. A suivre…

Bernard Lugan
18/02/2012

11 commentaires:

  1. Fort intéressant, comme toujours. Serait-il néanmoins possible de connaitre les sources de ces informations?

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  2. Très intéressant. Serait-il néanmoins possible de connaitre les sources de ces informations?

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  3. chahb ibn tachfine20 février 2012 à 00:41

    Mr Lugan n'est pas en garde a vue et sachez que vous devriez payer normalement payer pour avoir ses informations Monsieur L"Anonyme.

    Merci A vous Mr Lugan a vous pour cette analyse de la situation Libyenne actuel.

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    1. Bonjour,

      Je suis un lecteur régulier de monsieur Lugan dont j'apprécie les analyses pour la simple et bonne raison qu'elles ont, à mon sens, le mérite de porter ce nom. Si mon ton a pu paraitre offensif je m'en excuse (auprès de l'interessé bien entendu), je n'avais aucunement l'intention de mettre l'auteur dans la situation d'un "gardé à vue" et vous demande, en retour, de ne pas me traiter, à priori, comme un inquisiteur malveillant. Je vous le dis sincèrement, je n'ai pas apprecié votre ton et je l'assimile à une sorte de zèle que je trouves totalement désuet et illégitime.

      Quant à ma qualité d'"Anonyme", je la considère comme justifié par le simple fait que je n'entends éveillé ici aucune polémique. Je voudrais simplement connaitre une source d'information qui me permettrait d'approfondir des analyses qui, à mon grand dam, ne sont que succintement présentées sur ce blog. Qui plus est, sachez que dans mon esprit "connaitre les sources de ces informations" ne signifie pas "faire une enquête sur l'honnêteté de l'auteur" dont, soit dit en passant, je ne doutes pas. Je vous prie dès lors de changer de ton à mon égard et vous demande, le plus aimablement du monde, de m'indiquer le moyen de disposer d'informations complémentaires et exhaustives sur la situation actuelle en Lybie (quand bien même celles-ci devraient être "payantes").

      Bien à vous,

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    2. Cher Anonyme,
      Tout n'est pas faux dans ce que dit le professeur ; loin de là mais un peu incomplet (volontairement ou non ?). Les structures qui se mettent en place sont encore entourées d'un "brouillard de sortie de crise"... mais on reconnait un schéma connu qui porte la marque de nos cousins d'outre-Atlantique. Difficile à vérifier par des sources ouvertes sauf si vous êtes arabisant option langage SMS (facebook et twitter vous donnerons des indices).
      Quelques sites payants mais assez bien informés:
      - http://www.menas.co.uk/libya_focus/home.aspx
      - prendre contact avec les sociétés de sécurité privée présentes sur le terrain (françaises et britanniques)

      Bien à vous,
      Matilda (une autre anonyme)

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    3. Pas de problème! Je sais que le climat intellectuel n'est pas des plus apaisés. Cela crée des tensions que je comprends. Vos excuses vous honorent! A bientôt

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  4. Bonjour, cela me rappelle beaucoup la ... Somalie ...

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  5. j'ai bien ri, dans un groupe Facebook, il y a Berbère qui vous a accusé d'être payé par Kadhafi... Il vous paierait toujours d'outretombe apparemment.

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  6. C'est beau la libération.

    @chahb ibn tachfine: il s'agit d'une question de bon sens, malgré le respect que j'ai pour M. Lugan, ce n'est pas lui que je crois, ce sont les faits. S'il me dit qu'il y était et la vu, je le croirais, mais sinon, de qui tient-il ces informations? Puis-je vérifier la crédibilité de ses interlocuteurs?

    Un autre anonyme.

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  7. Un bon journaliste ne donne jamais ses sources ... l'histoire lui donne raison .. ou Pas, c'est de là que vient sa fiabilité.
    Ce n'est que mon avis d’humble chômeur.

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  8. chahb ibn tachfine23 février 2012 à 21:06

    Je m'excuse auprés de vous Mr Anonyme,vous avez raison je n'aurrais pas du etre aussi agressif.

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