La tension est actuellement
forte entre le Mali et l’Algérie. Mercredi 20 décembre 2023 l’ambassadeur
algérien à Bamako a été convoqué par la junte militaire au pouvoir. En retour,
dès le lendemain jeudi 21 décembre, l’ambassadeur du Mali à Alger le fut au
ministère algérien des Affaires étrangères.
Bamako reproche à Alger ses
liens avec les « séparatistes » touareg ainsi que l’accueil fait le mardi 19 décembre par le président Abdelmaajid Tebboune à une
délégation politico-religieuse malienne dirigée
par l’imam Mahmoud Dicko. Or, cet influent chef religieux d’ethnie peul
est un opposant à la junte. Cela a pu faire penser à cette dernière qu’Alger
tentait d’ouvrir un nouveau front au Mali afin de donner de l’air à ses alliés touareg
actuellement en difficulté militaire… Et pour ne rien arranger, les 22 et 23 décembre derniers, le ministre
malien des Affaires étrangères, M. Abdoulaye Diop a effectué une visite au
Maroc, pays avec lequel l’Algérie a unilatéralement rompu ses relations
diplomatiques au mois d’août 2021…
Derrière ces évènements
récents, c’est en réalité un contentieux ancien et profond qui oppose Alger à Bamako.
Et comme les deux pays partagent une frontière de 1400 kilomètres de long, et
comme leurs populations touareg sont imbriquées, les évènements y agissent en vases communicants.
Le problème est bien connu :
1) L’Algérie qui considère le
nord du Mali comme le prolongement méridional de ses immensités sahariennes, et
pour tout dire comme son « protectorat », s’est toujours impliquée
dans les règlements des guerres touareg du Mali. Comme elle craint la contagion
chez ses propres touareg, elle ne veut en effet en aucun cas que ces derniers
se trouvent impliqués dans la poudrière malienne. Alger est ainsi le principal
médiateur dans la question malienne depuis la signature en 2015 de l’Accord
d’Alger entre Bamako et les groupes armés
touareg. Tout au contraire, la junte malienne considère que cet accord fait la
part belle à ceux qu’elle qualifie, à juste titre d’ailleurs, de
« séparatistes ». Pour l’historique de la question on se reportera à
mon livre Histoire du Sahel des origines à nos jours.
2) L’Algérie a constamment
entretenu des relations avec les mouvements touareg. Il est de notoriété que le
chef historique des dernières insurrections, Iyad Ag Ghali, est lié à Alger. Sa
famille réside en Algérie, et lui-même y a sa base arrière.
3) Alger se satisfaisait de
voir le nord du Mali échapper au pouvoir de Bamako sans toutefois accéder à une
véritable indépendance qui aurait pu donner des idées à ses Touareg. Tout au
contraire, les militaires maliens ont un objectif prioritaire qui est la reconquête du nord du
pays. Une utopie jusqu’à ces dernières semaines. Or, l’intervention massive du groupe Wagner a permis aux FAMA (Forces
armées maliennes) de prendre Kidal, la « capitale » des Touareg vidée
de sa population partie vers le désert et les frontières de l’Algérie. Dans
l’attente d’une revanche…
Les intérêts de l’Algérie se trouvent donc opposés et confrontés à ceux de son allié historique, la Russie, pays qui lui fournit la quasi-totalité de son armement… Aussi, Alger tente actuellement un rapprochement avec Paris… Une affaire à suivre, mais de loin, maintenant que les protagonistes ont demandé le départ des forces françaises…
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