En
Libye, près de 300 kilomètres de littoral sont aux mains d’un Etat islamique que
rien ne semble pouvoir arrêter. A partir de cette fenêtre sur la Méditerranée,
des terroristes mêlés aux clandestins rebaptisés « migrants » s’infiltrent
en Europe. Contrairement aux annonces de la presse internationale, les efforts
désespérés de M. Bernardino Leon, Emissaire des Nations unies pour la Libye, et
qui, depuis plus d’un an, cherche à obtenir un accord inter-Libyen, n’ont pas
débouché sur une solution politico-militaire viable.
Face
à cette situation plus que périlleuse pour notre sécurité, une opération
militaire serait donc envisagée. Or, celle à laquelle pensent nos diplomates
aurait pour résultat de donner le pouvoir à des islamistes aussi dangereux que
ceux de l’Etat islamique… Comme en Syrie où, si le président Poutine n’avait
pas sifflé la fin de la récréation, le Quai d’Orsay voulait faire remplacer le
président Assad par de « gentils démocrates » salafistes. En Libye,
ce serait au profit des Frères musulmans et d’Al-Qaïda (ou de ses diverticules)
que nos forces pourraient être engagées. Comme elles le furent hier à
l’avantage des musulmans de Bosnie et du Kosovo…
L’idée
française serait en effet de miser sur
la cité-Etat de Misrata, fief des Frères musulmans et base avancée turque en
Libye. Ses milices [1] sont certes parmi les plus
opérationnelles du pays, mais elles sont détestées par la plupart des tribus de
Tripolitaine et de Cyrénaïque. Intervenir en appui de Misrata permettrait
peut-être de freiner les forces de l’Etat islamique, mais en nous aliénant les
vraies forces vives du pays.
Ce
plan envisagerait également un renforcement de la coopération avec les
islamistes de Tripoli qui reçoivent actuellement des renforts jihadistes
acheminés par voie aérienne depuis la Turquie. Comme si, pressé en Syrie par la
Russie, le président Erdogan voulait ouvrir un second front en Libye.
Or,
et il importe de ne pas perdre de vue deux éléments essentiels :
1) Comme notre ami-client égyptien est en guerre contre les Frères musulmans d’Egypte, l’arrivée au pouvoir de cette organisation en Libye ferait courir un danger mortel au régime du général Sissi.
2) Aucune intervention franco-européenne ne peut se faire sans, au moins, la neutralité de l’Algérie. Or, qui commande à Alger ? Les clans qui guettent la mort du président Bouteflika pour s’emparer du pouvoir ont en effet des positions contradictoires à ce sujet. Certains sont farouchement opposés à toute intervention étrangère, d’autres l’accepteraient sous certaines conditions, cependant que ceux qui espèrent obtenir le soutien des islamistes feront tout pour torpiller une opération franco-européenne.
1) Comme notre ami-client égyptien est en guerre contre les Frères musulmans d’Egypte, l’arrivée au pouvoir de cette organisation en Libye ferait courir un danger mortel au régime du général Sissi.
2) Aucune intervention franco-européenne ne peut se faire sans, au moins, la neutralité de l’Algérie. Or, qui commande à Alger ? Les clans qui guettent la mort du président Bouteflika pour s’emparer du pouvoir ont en effet des positions contradictoires à ce sujet. Certains sont farouchement opposés à toute intervention étrangère, d’autres l’accepteraient sous certaines conditions, cependant que ceux qui espèrent obtenir le soutien des islamistes feront tout pour torpiller une opération franco-européenne.
La
réalité est donc cruelle. Ce n’est pourtant pas en la niant que nous avancerons.
Face au chaos libyen il n’existe en effet pas de solution miracle qui
permettrait de refermer les plaies ouvertes par MM. Sarkozy et BHL.
La
solution consisterait peut-être à « renverser la table » et à changer
de paradigme en oubliant les « solutions électorales » et les
constructions européo-centrées fondées sur les actuels acteurs libyens. Comme rien
ne pourra se faire sans les tribus, c’est donc en partie sur ces dernières que
toute opération viable devrait être fondée. Autrement, dans le théâtre d’ombres
libyen, nos figurants politiques ne feront que traiter avec des figurants
locaux.
Le
problème de fond est que les alliances tribales sur lesquelles reposait l’ordre
socio-politique libyen ont été éclatées par l’intervention franco-otanienne de
2011. Dans le vide alors créé se sont engouffrés des acteurs secondaires
devenus artificiellement les maîtres du jeu. Qu’il s’agisse de Misrata, des
islamistes de Tripoli et de Derna, puis ensuite de ceux de l’Etat islamique.
Toute
pacification de la Libye passe donc par :
1) Le rééquilibrage entre les vrais acteurs tribaux et ces acteurs secondaires devenus incontournables et qu’une intervention franco-européenne aboutirait à installer seuls au pouvoir.
2) La levée du mandat d’arrêt international lancé contre Saïf al-islam Kadhafi qui est le seul actuellement en situation de pouvoir reconstituer les alliances tribales libyennes (voir mon communiqué en date du 24 septembre 2015).
1) Le rééquilibrage entre les vrais acteurs tribaux et ces acteurs secondaires devenus incontournables et qu’une intervention franco-européenne aboutirait à installer seuls au pouvoir.
2) La levée du mandat d’arrêt international lancé contre Saïf al-islam Kadhafi qui est le seul actuellement en situation de pouvoir reconstituer les alliances tribales libyennes (voir mon communiqué en date du 24 septembre 2015).
Très
modestement, il faut bien voir que ce sont là des mesures de long terme. Or,
dans l’immédiat, il est urgent de bloquer la progression de l’Etat islamique
tout en coupant le flot migratoire partant essentiellement des zones tenues par
ceux que nos diplomates considèrent déjà comme nos « alliés », à
savoir les islamistes de Tripoli et les
Frères musulmans de Misrata…
Alors,
oui à une intervention, mais à la condition de ne pas la lancer à la légère.
Bernard Lugan
15/10/2015
[1] Ce sont elles qui lynchèrent le colonel Kadhafi.
Bernard Lugan
15/10/2015
[1] Ce sont elles qui lynchèrent le colonel Kadhafi.
Le gouvernement et les diplomates français préfèrent être les alliés des islamistes de Tripoli et les Frères musulmans de Misrata, c'est un fait indiscutable.
RépondreSupprimerEn même temps les responsables politiques français ont toujours lutter à l'encontre des intérêts du peuple Berbère, un peuple pourtant laïc.
En effet, que ce soit en Azawad ou dans d'autres régions de l'Afrique du Nord, la France privilégie toujours les islamo-baathistes et les terroristes "light" comme à Misrata aux dépends du peuple Amazigh.
Cette France inconsciente et sardonique qui veut tant détruire le peuple et la culture Berbère à tout prix ne comprendra donc jamais qu'en aidant les islamo-baathistes elle ne fait par là même que creuser sa propre tombe.
Je suis assez sidéré en lisant votre post : nos diplomates néoconservateurs et dociles serviteurs de pays qui nous sont objectivement hostiles (la Turquie en premier, qui est la cause première de la crise des migrants dans les Balkans) envisageraient sérieusement de s'appuyer, pour reprendre la région de Syrte, sur les milices de Misrata et Tripoli et non sur le "gouvernement" officiellement reconnu de Tobrouk ... (soutenu par deux vrais alliés de la France, les Émirats et l’Égypte de Sissi - alliés en ce que nos intérêts convergent largement) ???
RépondreSupprimerEt je souscris entièrement à votre propos sur Saif Al Islam : il faut trouver une solution pour le remettre en selle car c'est notre seule carte politique pour stabiliser Syrte et rallier la tribu des Kadhafa qui actuellement alimente l'EI (tout comme nombre d'ex-officiers Baasistes de Saddam Hussein en Irak-Syrie). Fort heureusement il est détenu par des tribus berbères que l'on a soutenu en 2011 et avec qui l'on pourrait négocier ... Avancer, détruire, conquérir est une chose faisable quand on a une armée moderne ; tenir et stabiliser est impossible sans un leader politique local fort.
"[...] il est détenu par des tribus berbères que l'on a soutenu en 2011[...]"
RépondreSupprimerFaux !
D'ailleurs, à ce propos l'ancien président de la République française, Nicholas Sarkozy, lors de son discours devant les médias en présence du premier ministre britannique ainsi que d'un certains BHL, a bien insisté et signé sur le caractère arabe de la Libye et du peuple libyen arabe.
Les tribus Berbères en Libye n'ont jamais et ne seront jamais soutenues par la France.
Il ne faut pas oublier que la France à l'image de Napoléon III est et restera toujours pro-arabe.
Je ne veux pas polémiquer mais il y a eu des vols de Transall lors d'Harmattan pour des parachutages d'armes aux rebelles berbères de Zenten (voir par exemple http://www.lefigaro.fr/international/2011/06/28/01003-20110628ARTFIG00704-la-france-a-parachute-des-armes-aux-rebelles-libyens.php) ... ensuite, la politique est ce qu'elle est, surtout avec des néoconservateurs comme Hollande et Sarkozy, capables de détruire un jour ce qu'ils ont soutenu la veille.
SupprimerPour reprendre cet article du Figaro : "[...]Jusque-là, les armes acheminées aux rebelles provenaient du Qatar et d'autres émirats du Golfe.[...]".
SupprimerTiens donc les pays du golfe sont aussi pro-Berbère on dirait !
Est-ce bien pertinent de comparer les Frères musulmans et Al-Qaida aux Musulmans de Bosnie et du Kosovo des années 1990, qui ont secoué la mainmise serbe ? N'étaient-ils pas, à l'époque, plus modérés et de toute façon européens, par opposition à l'Afrique et au Moyen-Orient ?
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