Le massacre commis à Grand
Bassam, en Côte d’Ivoire, le dimanche 13
mars, venant après ceux de Ouagadougou le 16 janvier 2016 et de Bamako le 20
novembre 2015, confirme ce que j’écris
depuis plusieurs mois dans l’Afrique
Réelle, à savoir que se produit actuellement un glissement du jihadisme
depuis la zone saharo-sahélienne au nord, vers la zone sahélo-guinéenne au sud.
La raison en est
simple : le dispositif Barkhane rend les espaces nordistes du Mali et du
Niger de plus en plus hostiles aux terroristes et de plus en plus difficiles
aux trafiquants. Certains, parmi ces derniers, ont d’ailleurs commencé à se
détacher des jihadistes. Les terroristes islamistes ayant compris que la région
n’est plus totalement sûre pour eux, ils opèrent donc désormais plus au sud où
ils bénéficient de solidarités dans la toile wahhabite patiemment tissée depuis
plusieurs décennies par l’Arabie saoudite et le Qatar. Les lignes bougent donc
et il est essentiel de bien le voir afin de ne pas demeurer cramponnés à des
analyses obsolètes.
De plus, ne nous laissons
pas abuser par les revendications. Certes Aqmi et Daesh sont actuellement
engagés dans une surenchère expliquant en partie, mais en partie seulement, la
multiplication des actions terroristes dans la région ouest africaine. Mais, comme
ces deux organisations terroristes partagent la même idéologie et ont les mêmes
buts, leur réunion, sous une forme ou sous une autre, est inscrite dans un avenir plus ou moins proche. Nous
devons en effet bien avoir conscience qu’il n’existe pas de cloisonnement hermétique
entre les jihadistes et, comme ces derniers peuvent prendre des appellations
différentes au gré des circonstances, l’erreur serait de nous raccrocher à une
classification « géométrique », à l’européenne, avec des étiquettes
collées sur des individus ou sur des mouvements.
La situation est
claire : nous sommes face à une nébuleuse à la fois poreuse et en
perpétuelle recomposition, mais d’abord dynamique. Son nouvel objectif n’est
plus le nord du Sahel où sa manœuvre est bloquée par les forces françaises,
mais les Etats du littoral. Or, aucun de ces fragiles dominos côtiers composés
de zones et de populations profondément différentes n’a, à lui seul, les moyens
de faire face au gigantesque jihad qui court, tel un incendie, le long d’une
ligne de feu partant de la Somalie à l’est jusqu’à la Mauritanie et au Sénégal
à l’ouest. Ce brasier qui englobe à la fois le Mali, le Burkina Faso et la
région nigéro-tchadienne, croise la diagonale jihadiste qui part depuis la
Libye islamiste pour atteindre le nord du Nigeria avec Boko Haram.
Le nouveau foyer qui vient
d’être allumé en Côte d’Ivoire est particulièrement inquiétant. En dépit des
artificielles annonces économiques, ce pays est en effet d’une extrême
fragilité car tous les ingrédients de la guerre civile des années passées y demeurent.
Nul doute que les islamistes sauront y souffler sur des braises non éteintes. Quant
au pivot tchadien, il entre à son tour dans une période de turbulences.
Naturellement relayés par le Monde,
Libération et les divers blogs africanistes, les adversaires du président
Déby ont en effet commencé à utiliser les prochaines échéances démocratiques
pour saper son pouvoir. Au risque de provoquer un tsunami régional.
Bernard Lugan
14/03/2016
Il peut apparaitre étonnant de traiter le phénomène djihadiste sur l’angle du marketing mais les organisations salafistes y apportent une attention particulière.
RépondreSupprimerhttp://lecolonel.net/branding-djihadistes-benchmark-entre-al-qaeda-et-letat-islamique/