vendredi 30 mars 2018

L'Afrique Réelle N°100 - Avril 2018



NUMERO SPECIAL : L’IMPASSE MALIENNE

Sommaire :

Le Mali, un rift géographique et ethno-racial
- Les grandes zones climatiques
- La mosaïque ethnique
- La question touareg
Le Mali : une vieille histoire
- Le royaume de Ghana
- L'empire du Mali
- L'empire Songhaï
- La conquête marocaine (1591)
- La colonisation et ses conséquences
Une guerre de 50 ans (1963-2018)
- Les quatre premières guerres touareg (1963-2010)
- De la guerre touareg à la guerre islamiste (2012-2013)
L’impasse actuelle et ses causes
- La France et le Mali ne font pas la même guerre
- De la fausse solution démocratique à la nécessité de changer de paradigme
- L'indépendance de l'Azawad, une revendication réaliste
- La guerre ethno-sociale du Macina
- Une armée française au risque d'être prise entre le marteau et l'enclume
- Les illusions du G5 Sahel


Editorial de Bernard Lugan :

Au Mali, la multiplication des attaques terroristes montre que le jihadisme n’a pas été éradiqué.

Au nord, l’opération Barkhane a réussi à empêcher la reconstitution de zones sanctuaire. Au sud et vers la frontière avec le Niger, la tâche d’huile terroriste s’étend, touchant désormais le centre du Mali (Macina) et le Burkina Faso.

Cette évolution des actions armées et leur glissement au sud du fleuve Niger, s’explique parce que, pour les jihadistes, l’objectif est désormais la brousse où ils contraignent peu à peu l’armée et l’administration maliennes à abandonner les petits centres. 
D’immenses régions sont donc laissées sans défense, les garnisons étant isolées dans des postes le long des routes principales. De plus, lorsqu’elle est présente, l’armée malienne est perçue comme une force d’occupation par les habitants qui sont rançonnés et violentés. 

Dans les zones rurales abandonnées, les jihadistes prospèrent au milieu des trafiquants, des milices d’auto-défense et des mouvements irrédentistes qu’ils tentent d’engerber, utilisant habilement les rivalités locales. Ils se présentent ainsi comme les protecteurs des transhumants peul et ils soutiennent les dominés contre les « féodaux » qui les taxent. La chefferie traditionnelle est considérée par eux comme un relais du pouvoir de Bamako. 

Cependant, alors que leur revendication suprême est le califat universel à travers la Umma transcendant les nations, les races et les ethnies, les jihadistes sont tout au contraire contraints d’enraciner leur stratégie sur les fractures ethniques. Cette nouveauté explique désormais largement la situation sécuritaire car, au Mali et dans tout le Sahel, le nouveau mode opératoire des jihadistes s’ancre désormais sur les oppositions ethniques et sociales. Ce mouvement est facilité par la porosité et l’artificialité des frontières et par l’existence de liens ethniques transfrontaliers. De plus, comme je ne cesse de le dire depuis le début du conflit, le jihadisme n'est ici que la surinfection d'une plaie ethno-raciale. Ceci fait que l'éventuelle élimination de l'islamisme armé n'effacerait pas pour autant la revendication touareg qui lui est antérieure et qui lui survivra.

Or, pour comprendre ce phénomène, il est nécessaire de partir du réel, c’est-à-dire de la géographie et de l’histoire. Tel est le but de ce numéro spécial qui est le numéro 100 de l’Afrique Réelle. 
En totalité consacré à la question du Mali, il est le guide indispensable pour  tous ceux qui, de près ou de loin, sont concernés par les évènements se déroulant dans cette partie du Sahel.

Avec ce numéro 100, l’Afrique Réelle confirme son installation dans la durée. Elle est devenue l’antidote des africanismes de salon, loin de la doxa, de la bien-pensance et de la dictature idéologique de ceux qui, au nom de l’universalisme, combattent planétairement   les enracinements. Ce qui les conduit à refuser le réel, donc à se tromper avec une insolite constance.
Or toute politique de sortie de crise impose : 
- De tenir compte des réalités.
- D'être en mesure de changer de paradigme.

lundi 5 mars 2018

Afrique du Sud : la spoliation des fermiers blancs, révélateur d’une fracture raciale que la doxa ne peut plus dissimuler


Le mardi 27 février 2018, par 241 voix contre 83, le parlement sud-africain a voté le commencement d’un processus de nationalisation-expropriation sans compensation des 35.000 fermiers blancs.
Or, il faut bien avoir à l’esprit qu’en Afrique du Sud - comme hier au Zimbabwe, et comme annoncé demain en Namibie -, ce n’est pas pour des raisons économiques que ces fermiers vont être spoliés. Les 241 députés noirs qui ont voté cette motion n’ignoraient en effet pas qu’ils poignardent en plein cœur le dernier secteur hautement producteur de richesses de leur pays. Ils savaient très bien que ces fermiers blancs nourrissent l’Afrique australe et que, sans eux, tout le cône sud de l’Afrique (Angola, Namibie, Zambie, Mozambique, Botswana, Zimbabwe) connaîtra la famine. Qu’importe ! La symbolique de la revanche raciale est la plus forte… Ceux qui, en Europe, avaient vibré au mythe de la « nation arc-en-ciel » réconciliée sont donc une fois de plus cocus. Le plus grave est qu’ils n’en tireront pas les leçons… Explication :

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jeudi 1 mars 2018

L'Afrique Réelle N°99 - Mars 2018


























Sommaire

Actualité :
Algérie : où sont passés les militaires ?

Dossier : Menaces sur le Tchad
- Les trois Tchad
- Le centre et le nord contre le sud (1965-1979)
- De la guerre inter-Toubou au conflit Zaghawa contre Goranes Anakaza (1980-1990)
- Idriss Déby consolide son pouvoir (2004-2010)

Débat :
La traite esclavagiste a-t-elle permis la révolution industrielle européenne ?


Editorial de Bernard Lugan :

Mali : quelle stratégie de sortie de crise ?

En date du 21 février 2018, dans les colonnes du quotidien Le Monde, un « collectif de chercheurs » a publié une tribune intitulée « La France doit rompre avec la rhétorique martiale qui prévaut au Sahel », proposant une sortie de crise associée à un début de retrait français et à l’ouverture de discussions des autorités maliennes avec les jihadistes.

Si un consensus semble s’établir sur plusieurs points, notamment en ce qui concerne les erreurs de la communauté internationale dans la recherche d’accords hors sol, dans l’embouteillage sécuritaire interdisant toute action cohérente, et dans la référence à la nécessité de l’implication algérienne, je ne partage cependant pas le point de vue des auteurs de la tribune quant à leur proposition de sortie de crise.
Mes arguments sont les suivants :

- Comme je ne cesse de le dire depuis des années, le jihadisme n’est pas ici l’essentiel puisqu’il est d’abord la surinfection d’une plaie ethno-« raciale » que les autorités de Bamako n’ont pas l’intention de cautériser.
- Les auteurs font largement l’impasse sur la question touareg qui est pourtant à l’origine du conflit.
- Selon les signataires de cette tribune, ce serait paradoxalement la présence militaire française qui radicaliserait la situation et empêcherait les acteurs locaux de discuter entre eux[1]...

Ce dernier point appelle quatre grandes remarques :

1) Au Mali, les protagonistes n’ont pas attendu la présence militaire française pour livrer les guerres de 1963, de 1984, de 1990, de 1992, de 2006 et de 2008…
2) Dans le Macina, la guerre ethno-sociale se fait hors présence militaire française.
3) Qui peut penser que le départ des forces françaises permettrait, comme par un coup de baguette magique, de réunir autour de l’arbre à palabres, les acteurs d’un conflit millénaire dont, avec opportunisme, les jihadistes ont profité ?
4) Enfin, si l’armée française se retirait, les forces de Bamako seraient tôt ou tard « reconduites » vers le fleuve par les Touareg qui reprendraient un combat mis entre parenthèses pour ne pas déplaire à Paris.

La vérité, et il est impératif de cesser de la cacher, est que les ennemis de Bamako n’étant pas ceux de Paris, la France et le Mali mènent donc deux guerres différentes.
Les soldats français traquent ainsi au prix de leur vie[2] des jihadistes que les autorités maliennes voient quasiment comme des « alliés » contre les séparatistes touareg. Dans ces conditions, les dernières opérations militaires françaises « gênent » effectivement nos « partenaires » maliens…

Cependant, quoiqu’il en soit de la négociation que ces derniers conduisent actuellement dans le dos de nos militaires, rien ne sera pacifié à long terme puisque, à la source du conflit se trouve la question touareg que ces pourparlers ne régleront pas.
De plus comme en fin de processus, l’ethno-mathématique électorale donnera automatiquement le pouvoir aux sudistes, légitimé par la démocratie, le régime malien ne fera aucune concession fondamentale aux Touareg, lesquels continueront donc à se révolter.

[1] Ils critiquent ainsi les dernières opérations militaires ayant abouti à l’élimination de jihadistes.
[2] Qui osera dire aux Maliens qu’il est de plus en plus inacceptable que des soldats français se fassent tuer pour les défendre, quand des dizaines de milliers de jeunes déserteurs maliens viennent trouver un havre économique en France au lieu de combattre pour leur patrie ?