samedi 19 décembre 2015
dimanche 29 novembre 2015
L'Afrique Réelle N°72 - Décembre 2015
Actualité :
- Burundi : retour vers le chaos
- Algérie : l’hypothèse Saïd Bouteflika est-elle crédible ?
Histoire :
Ile Maurice : Trois cent ans après...
Dossier : Les changements climatiques en Afrique : mise en perspective
- L’homme est-il responsable du réchauffement climatique ?
- Et si l'Afrique avait tout à gagner du « réchauffement climatique » ?
- Les changements climatiques expliquent la naissance de la civilisation égyptienne
Editorial de Bernard Lugan : Au Mali rien n'est réglé
La prise d'otages de l'hôtel Radisson à Bamako marque un tournant dans la guerre de conquête déclenchée par les islamistes. Ses auteurs ne sont en effet pas des nordistes « blancs », Maures ou Touareg, mais des sudistes « noirs ».
Grâce aux financements des monarchies pétrolières du Golfe, au premier rang desquelles l'Arabie saoudite, un nouvel islam arabo-africain est aujourd'hui en pleine expansion face à l'islam africain traditionnel. Vecteur d'un jihadisme ayant métastasé dans le sud du Sahel, irrigué par les trafics en tous genres, il recrute désormais au sud du fleuve Niger où il offre une perspective de revanche à certains peuples en s'enkystant sur leurs résurgences identitaires.
Comme le Mali partage 1000 kilomètres de frontière avec le Burkina Faso, 858 avec la Guinée et 532 avec la Côte d'Ivoire, les porosités qui en découlent sont annonciatrices de futurs embrasements.
Après la région saharo-sahélienne nos forces vont donc devoir se préparer à intervenir dans la bande sahélo-guinéenne. C'est donc à une refondation de notre outil militaire que vont devoir penser les dirigeants politiques français. C'est en effet à un véritable quadrillage de toute cette immense zone qu'il va falloir peu à peu procéder en reconstituant, aux côtés des unités tournantes, des éléments spécialisés. Composés de Français et de nationaux encadrés par des officiers formés aux méthodes des anciennes « Affaires indigènes », ils seront à même à la fois de recueillir le renseignement, de « loger » les groupes armés et d'éviter le basculement des populations.
Le temps long du climat africain
Sans entrer dans la querelle entre « réchauffistes » et « climatosceptiques », au moment où se tient la Conférence sur le climat (Cop21), le passé de l'Afrique permet de mettre en perspective certaines affirmations assénées comme le credo d'une nouvelle religion à laquelle nous sommes sommés de croire avec la même obligation qu'à celle du « vivre ensemble ».
Par le passé, l'Afrique a connu de très amples variations climatiques, et, comme son actuel réchauffement a débuté vers 2500 avant JC, quatre questions méritent d'être posées :
1) Ce réchauffement est-il cyclique ?
2) Est-il global ?
3) Est-il naturel ou d'origine humaine ?
4) Est-il une calamité annoncée ?
C'est à ces questions que répond ce dernier numéro de l'année 2015 en partant d'une réalité scientifique, c'est à dire observable et vérifiée, qui est qu'il est démontré que le désert du Sahara n'a pas toujours occupé l'espace qui est le sien aujourd'hui. Par le passé, il fut en effet tantôt plus vaste, tantôt plus réduit (voir les cartes de la page 11 de la revue) et cela, en fonction de la succession d'épisodes chauds, donc humides, ou bien froids, donc arides, que connut l'Afrique.
Or, durant ces lointaines époques, les hommes ne faisaient que saupoudrer de leur présence les immensités continentales, ils ignoraient le moteur diesel et ils n'utilisaient pas l'énergie tirée du charbon. Il est donc difficile de leur attribuer la responsabilité de ces bouleversements climatiques dont les causes étaient bien évidemment naturelles.
samedi 21 novembre 2015
Derrière la prise d'otages de Bamako

L'attentat tragique de Bamako s'explique par la progression vers le sud d'un islamisme armé ayant profité du vide créé par la désastreuse intervention militaire française de 2011 en Libye. Qui plus est, les réductions
opérées sous la présidence de Nicolas Sarkozy ont eu pour conséquence de livrer
au gouvernement de François Hollande, un outil militaire très affaibli. Dans ces
conditions, malgré les prouesses opérées par les 3000 soldats français chargés
de stabiliser un désert de près de 3 millions de kilomètres carrés, il était
impossible à nos Armées, en raison même de leur format, de prévenir tout risque
d'attentat au Mali.
Si le président Sarkozy n'avait
réduit de façon si drastique les forces pré positionnées françaises, notamment
à Bamako, en déclarant en 2006 dans cette même ville que "la France n'a
pas besoin de l'Afrique", il est fort probable que les islamistes n'auraient
jamais osé s'en prendre de la sorte aux intérêts européens.
Ceci étant, dans l'affaire de la
prise d'otages de Bamako, six éléments ne doivent pas être perdus de vue :
1) Les autorités maliennes ont
pour ennemis prioritaires les séparatistes touareg. Les jihadistes qui
combattent ces derniers et qui ne demandent pas la partition du Mali sont de
fait des alliés.
2) Refusant de reconnaître
qu'elles ont laissé les jihadistes gangrener Bamako, ces mêmes autorités maliennes
ont donc été promptes à faire porter la responsabilité de l'attaque de l'hôtel
Radisson sur l'ennemi "nordiste" (touareg), ou sur des étrangers (le
jihadiste algérien Moktar ben Moktar).
3) L'émiettement du pouvoir
central s'accélère. L'armée malienne étant incapable de contrôler le pays, les
autorités de Bamako ont en effet encouragé la création de milices ethniques
destinées à lutter contre les Touareg. Au nord, nous avons ainsi le GATIA (
Groupe d'auto défense touareg Imghad et alliés) dirigé par le colonel Ag Gamou.
Au sud du fleuve, le FLM (Front de libération du Macina), héritier des milices
peul d'auto-défense des années 2000 a basculé dans le fondamentalisme inspiré
de la secte Dawa d'origine pakistanaise. Or, avec le Macina, c'est le coeur
même du Mali qui est touché, et non plus les extrêmes périphéries sahariennes
nordistes. Après les Touareg, les Maures et les Peul, les Sénoufo vont-ils à
leur tour créer un groupe armé pour revendiquer la renaissance de leur
Kénédougou?
4) Contrairement à ce qui est toujours écrit, au
Mali, comme dans tout le Sahel, nous ne sommes pas d'abord face à une guerre de
religion, mais en présence de résurgences de conflits historiques, ethniques,
raciaux et sociaux sur lesquels, avec opportunisme, se sont greffés les
islamistes. Le fondamentalisme islamique n’est donc pas la cause de la
septicémie sahélienne, mais la
surinfection d’une plaie géo-ethnique.
5) Ceci étant, tout le Sahel est actuellement
confronté à une tentative hégémonique de la part d'un islam radical, sorte de
fourre-tout sublimant déceptions, désillusions et frustrations, comme hier le
marxisme. Cet islam révolutionnaire financé par les monarchies pétrolières du
Golfe a connu une progression silencieuse avant de s'affirmer aujourd'hui au
grand jour avec l'introduction de normes nouvelles comme la prière de nuit (le tahajjud), la burqa, la séparation des
sexes ou encore de nouveaux rites mortuaires.
6) Nous assistons à un
renversement du paradigme nordisme = islam et sudisme = christianisme. La conversion
galopante des ethnies sudistes a en effet changé la nature de l’islam local à
travers la fabrication d’une artificielle identité africaine arabophone
musulmane qui échappe de plus en plus aux structures traditionnelles.
NB : Pour tout ce qui concerne l'insolite
et dévastatrice guerre que Nicolas Sarkozy, inspiré par BHL, déclencha contre
le colonel Kadhafi, ainsi que sur ses conséquences régionales, voir mon livre Histoire et géopolitique de la Libye (novembre 2015), uniquement disponible à l'Afrique Réelle.
Bernard Lugan
21/11/15
lundi 9 novembre 2015
mercredi 4 novembre 2015
Nouveau livre de Bernard Lugan : Histoire de la Libye
Présentation :
Par carte bleue ou Paypal
Vieille terre berbère aujourd'hui arabisée et islamisée, après avoir été tour à tour colonisée par les Grecs, les Carthaginois, les Romains, les Byzantins, les Arabes et enfin par les Italiens, la Libye se caractérise par la faiblesse du pouvoir central face aux permanences tribales et régionales.Véritables « fendeurs d'horizons », les ensembles tribaux les plus forts ont toujours contrôlé les couloirs de nomadisation reliant la Méditerranée à la région tchadienne. Les trafics d'aujourd'hui (drogue et migrants), se font le long de ces voies tracées par la géographie. Sur elles s'ancrent les solidarités jihadistes qui, aujourd'hui, désolent la bande sahélo-sahélienne.N'ayant pas voulu voir que la réalité politique libyenne repose sur l'équilibre et sur les jeux de pouvoir entre les grandes confédérations tribales et régionales, ceux qui, en 2011, au nom de l'ingérence démocratique, mirent à bas le régime du colonel Kadhafi, ont donc directement provoqué le chaos.Remontant dans le temps, ce livre permet de comprendre pourquoi aujourd'hui il serait singulièrement inconséquent de prétendre vouloir stabiliser puis reconstruire la Libye sans prendre en compte l'archéologie tribale sur laquelle reposent ses définitions culturelles, politiques, sociales, économiques et religieuses.
Pour le commander :
Par carte bleue ou Paypal
vendredi 30 octobre 2015
L'Afrique Réelle n°71 - Novembre 2015
Actualité :
Algérie : Saïd Bouteflika se prépare-t-il à succéder à son
frère ?
Economie :
Afrique : l'impasse économique
Dossier : Islam et islamisme en Afrique sud saharienne
- L'islam africain traditionnel
- Le wahhabisme à la conquête de l'Afrique
- L’islam radical, nouvel horizon révolutionnaire africain
- Pourquoi les Européens sont-ils désarmés face à l’islam
révolutionnaire africain ?
Editorial de Bernard Lugan : Fin de règne à Alger
En Algérie, c'est une course pour la survie qui vient d'être engagée par la famille du président Bouteflika. Afin de neutraliser par avance toute contestation du président qu'elle voudrait se choisir, l'armée et les forces de sécurité sont actuellement épurées des cadres qui ne lui ont pas fait allégeance. La longue liste des suspects (voir la page 3 de la revue), vient encore de s'allonger avec la mise à la retraite de 12 généraux et de 2 colonels du DRS (les services spéciaux), ainsi que de 14 colonels de la justice militaire.
Deux hommes exécutent la manoeuvre décidée par Saïd Bouteflika, le frère du président moribond. Le général Gaïd Salah, chef d'état-major et vice-ministre de la Défense est chargé d'épurer l'armée. Le général Tartag a, quant à lui, reçu pour mission de « nettoyer » le DRS de tous ceux qui pourraient avoir conservé des liens avec le général Mediene, leur ancien chef évincé le 13 septembre.
De 1999, date de l'arrivée au pouvoir d'Abdelaziz Bouteflika à 2013, veille de l'actuelle crise pétrolière, l'Algérie a engrangé entre 800 et 1000 milliards de dollars de revenus tirés des hydrocarbures. Où est passée cette somme colossale ? Aucune industrie n'a été créée, aucun véritable développement agricole n'a été entrepris. La rue va donc demander des comptes.
Or, ceux qui ont pillé le pays ont fait un pari : la nomenklatura élargie qui a profité de la manne des hydrocarbures n'a pas intérêt à pousser à la déstabilisation politique dont elle serait la première victime. Elle jouera donc la sécurité en se ralliant à celui que le clan Bouteflika aura désigné. Comme la situation régionale est hautement explosive et que l'Algérie est un maillon essentiel dans la lutte contre le terrorisme, les pays européens n'ont pas davantage intérêt à une explosion de l'Algérie, et c'est pourquoi ils entérineront ce choix.
Il n'est cependant pas certain que cela suffise à empêcher de graves évènements car, en raison de l'effondrement des cours du pétrole, l'Etat n'est plus en mesure d'acheter la paix sociale.
Pour calmer la rue, le gouvernement a assuré qu'il ne toucherait pas aux subventions et il a construit un projet de budget 2016 basé sur un baril à 45 dollars[1]. Certes, mais selon la Banque mondiale et le FMI, pour éviter la faillite, l'Algérie a besoin d'un baril à plus de 100 dollars...
Les autorités ne cessent de faire remarquer que l'Algérie a déjà connu ce genre de situation, notamment en 1986, mais qu'elle a toujours réussi à se redresser. La comparaison est abusive car, entre 1986 et 2015, la population algérienne ayant doublé il y a aujourd'hui deux fois plus d'hommes, de femmes et d'enfants à nourrir, à soigner et à vêtir ; or l'Algérie qui ne produit rien, achète tout à l'extérieur... Comment le fera-t-elle dans 18 mois quand ses 150 milliards de réserves de change auront disparu ? En 1986, les importations annuelles n'étaient en effet que de 6 milliards de dollars contre, officiellement, 60 milliards - et peut-être 80 ou 90 milliards - aujourd'hui. Quant aux subventions, elles atteignaient alors 10% du PIB contre plus de 30% aujourd'hui.
[1] Celui de 2015 l'était sur un baril à 60 dollars.
jeudi 15 octobre 2015
Allons-nous intervenir en Libye au profit d’Al Qaïda et des Frères musulmans ?
En
Libye, près de 300 kilomètres de littoral sont aux mains d’un Etat islamique que
rien ne semble pouvoir arrêter. A partir de cette fenêtre sur la Méditerranée,
des terroristes mêlés aux clandestins rebaptisés « migrants » s’infiltrent
en Europe. Contrairement aux annonces de la presse internationale, les efforts
désespérés de M. Bernardino Leon, Emissaire des Nations unies pour la Libye, et
qui, depuis plus d’un an, cherche à obtenir un accord inter-Libyen, n’ont pas
débouché sur une solution politico-militaire viable.
Face
à cette situation plus que périlleuse pour notre sécurité, une opération
militaire serait donc envisagée. Or, celle à laquelle pensent nos diplomates
aurait pour résultat de donner le pouvoir à des islamistes aussi dangereux que
ceux de l’Etat islamique… Comme en Syrie où, si le président Poutine n’avait
pas sifflé la fin de la récréation, le Quai d’Orsay voulait faire remplacer le
président Assad par de « gentils démocrates » salafistes. En Libye,
ce serait au profit des Frères musulmans et d’Al-Qaïda (ou de ses diverticules)
que nos forces pourraient être engagées. Comme elles le furent hier à
l’avantage des musulmans de Bosnie et du Kosovo…
L’idée
française serait en effet de miser sur
la cité-Etat de Misrata, fief des Frères musulmans et base avancée turque en
Libye. Ses milices [1] sont certes parmi les plus
opérationnelles du pays, mais elles sont détestées par la plupart des tribus de
Tripolitaine et de Cyrénaïque. Intervenir en appui de Misrata permettrait
peut-être de freiner les forces de l’Etat islamique, mais en nous aliénant les
vraies forces vives du pays.
Ce
plan envisagerait également un renforcement de la coopération avec les
islamistes de Tripoli qui reçoivent actuellement des renforts jihadistes
acheminés par voie aérienne depuis la Turquie. Comme si, pressé en Syrie par la
Russie, le président Erdogan voulait ouvrir un second front en Libye.
Or,
et il importe de ne pas perdre de vue deux éléments essentiels :
1) Comme notre ami-client égyptien est en guerre contre les Frères musulmans d’Egypte, l’arrivée au pouvoir de cette organisation en Libye ferait courir un danger mortel au régime du général Sissi.
2) Aucune intervention franco-européenne ne peut se faire sans, au moins, la neutralité de l’Algérie. Or, qui commande à Alger ? Les clans qui guettent la mort du président Bouteflika pour s’emparer du pouvoir ont en effet des positions contradictoires à ce sujet. Certains sont farouchement opposés à toute intervention étrangère, d’autres l’accepteraient sous certaines conditions, cependant que ceux qui espèrent obtenir le soutien des islamistes feront tout pour torpiller une opération franco-européenne.
1) Comme notre ami-client égyptien est en guerre contre les Frères musulmans d’Egypte, l’arrivée au pouvoir de cette organisation en Libye ferait courir un danger mortel au régime du général Sissi.
2) Aucune intervention franco-européenne ne peut se faire sans, au moins, la neutralité de l’Algérie. Or, qui commande à Alger ? Les clans qui guettent la mort du président Bouteflika pour s’emparer du pouvoir ont en effet des positions contradictoires à ce sujet. Certains sont farouchement opposés à toute intervention étrangère, d’autres l’accepteraient sous certaines conditions, cependant que ceux qui espèrent obtenir le soutien des islamistes feront tout pour torpiller une opération franco-européenne.
La
réalité est donc cruelle. Ce n’est pourtant pas en la niant que nous avancerons.
Face au chaos libyen il n’existe en effet pas de solution miracle qui
permettrait de refermer les plaies ouvertes par MM. Sarkozy et BHL.
La
solution consisterait peut-être à « renverser la table » et à changer
de paradigme en oubliant les « solutions électorales » et les
constructions européo-centrées fondées sur les actuels acteurs libyens. Comme rien
ne pourra se faire sans les tribus, c’est donc en partie sur ces dernières que
toute opération viable devrait être fondée. Autrement, dans le théâtre d’ombres
libyen, nos figurants politiques ne feront que traiter avec des figurants
locaux.
Le
problème de fond est que les alliances tribales sur lesquelles reposait l’ordre
socio-politique libyen ont été éclatées par l’intervention franco-otanienne de
2011. Dans le vide alors créé se sont engouffrés des acteurs secondaires
devenus artificiellement les maîtres du jeu. Qu’il s’agisse de Misrata, des
islamistes de Tripoli et de Derna, puis ensuite de ceux de l’Etat islamique.
Toute
pacification de la Libye passe donc par :
1) Le rééquilibrage entre les vrais acteurs tribaux et ces acteurs secondaires devenus incontournables et qu’une intervention franco-européenne aboutirait à installer seuls au pouvoir.
2) La levée du mandat d’arrêt international lancé contre Saïf al-islam Kadhafi qui est le seul actuellement en situation de pouvoir reconstituer les alliances tribales libyennes (voir mon communiqué en date du 24 septembre 2015).
1) Le rééquilibrage entre les vrais acteurs tribaux et ces acteurs secondaires devenus incontournables et qu’une intervention franco-européenne aboutirait à installer seuls au pouvoir.
2) La levée du mandat d’arrêt international lancé contre Saïf al-islam Kadhafi qui est le seul actuellement en situation de pouvoir reconstituer les alliances tribales libyennes (voir mon communiqué en date du 24 septembre 2015).
Très
modestement, il faut bien voir que ce sont là des mesures de long terme. Or,
dans l’immédiat, il est urgent de bloquer la progression de l’Etat islamique
tout en coupant le flot migratoire partant essentiellement des zones tenues par
ceux que nos diplomates considèrent déjà comme nos « alliés », à
savoir les islamistes de Tripoli et les
Frères musulmans de Misrata…
Alors,
oui à une intervention, mais à la condition de ne pas la lancer à la légère.
Bernard Lugan
15/10/2015
[1] Ce sont elles qui lynchèrent le colonel Kadhafi.
Bernard Lugan
15/10/2015
[1] Ce sont elles qui lynchèrent le colonel Kadhafi.
samedi 3 octobre 2015
L'Afrique Réelle N°70 - Octobre 2015
Actualité :
- Algérie : une situation sans issue ?
- Chine-Afrique, l’illusion se dissipe
Dossier Centrafrique :
Quel bilan pour l'opération Sangaris ?
- Les spécificités du conflit centrafricain
- Le déclenchement de la guerre
- Les perspectives géopolitiques
Histoire :
Quand les Arabes colonisaient les Berbères
Editorial de Bernard Lugan : Le retour au réel
Comme l'écrit Thomas Flichy dans un article intitulé « Géopolitique : retour aux règles du jeu »[1], les faux paradigmes d'hier ont volé en éclats cependant que les paradigmes prétendument désuets, se sont au contraire révélés opérants.
C'est donc à un retour au réel que nous assistons. Obstinément nié depuis 1945 au nom d'une idéologie désincarnée, ce réel revient en force depuis l'éclatement des blocs à travers la renaissance de la vieille Russie, le retour de l'Iran, l'éveil de la Chine et de l'Inde.
Aveugles à la perte du monopole intellectuel découlant de ce basculement géographique et géopolitique, les responsables « occidentaux » ont continué à vouloir régir le monde au nom de leurs vieilles lunes. Ils y ont même ajouté de nouveaux impératifs catégoriques comme la féminisation de la société et la place réservée aux minorités sexuelles. Sans voir que ces règles, applicables à eux-mêmes, soit à moins de 15% de la population mondiale, sont rejetées par 85% de l'humanité...
Prisonniers de leurs dogmes, autistes et sourds à la fois, ils sont désemparés quand le réel leur explose à la figure. Comme en Syrie où, au nom des « droits de l'homme », ils ont armé les pires fanatiques et mis à bas une société multi-confessionnelle. Or, voilà qu'après avoir parlé du président Assad comme d'un nouvel Hitler, acculés par les évidences, ils se préparent, toute honte bue, à discuter avec lui.
En Afrique, le mythe universaliste négateur des ethnies (lire des enracinements et des différences) a gravement mutilé le continent. N'est-on pas allé jusqu'au bout de l'absurde avec ces africanistes français (Jean-Pierre Chrétien, Catherine Coquery-Vidrovitch, Jean-Loup Amselle et leurs élèves), qui ont osé soutenir que les ethnies africaines étant des créations coloniales, elles devaient être écartées des grilles d'analyse politiques et géopolitiques. Or, ces errements intellectuels sont une insulte faite à l'Afrique car ils sous-entendent que les peuples africains ont tout reçu des colonisateurs, jusqu’à leur nom et leur identité. Avant la colonisation, le continent n'était-il donc peuplé que de masses indifférenciées ?
Mais là encore, le réel est de retour et ces arrogantes prétentions universalistes n'apparaissent plus aujourd'hui que comme la butte témoin d'une pensée prisonnière d'impératifs idéologiques anachroniques car nés dans les années 1950.
L'exemple de la Libye est éloquent à cet égard. Désintégrée au nom des « droits de l'homme » et de la démocratie universelle, puis plongée dans un chaos sans nom, voilà qu'elle se tourne vers le réel pour sortir de l'abîme. Or, ce réel prend l'exact contre-pied des principes abstraits au nom desquels fut déclenchée la guerre contre le colonel Kadhafi : c'est celui des tribus dont on nous disait hier encore qu'elles appartenaient au passé.
Le 14 septembre 2015, un coup de tonnerre a ainsi retenti dans le ciel serein des certitudes démocratiques européo centrées quand le Conseil suprême des tribus de Libye désigna Seif al-Islam Kadhafi comme son représentant légal. Désormais, voilà donc un fils du défunt colonel seul habilité à parler au nom des vraies forces vives du pays... Contre les universalistes. Qu'ils soient islamistes ou démocrates.
[1] Thomas Flichy est professeur aux Ecoles de Saint-Cyr-Coëtquidan et cet article est à paraître dans la revue Le Casoar.
[1] Thomas Flichy est professeur aux Ecoles de Saint-Cyr-Coëtquidan et cet article est à paraître dans la revue Le Casoar.
jeudi 24 septembre 2015
Un fils du colonel Kadhafi sera t-il le futur chef de l'Etat libyen ?
Le
14 septembre 2015, un coup de tonnerre a retenti dans le ciel serein des
certitudes démocratiques européo centrées quand le Conseil suprême des tribus
de Libye désigna Seif al-Islam Kadhafi comme son représentant légal. Désormais,
voilà donc un fils du défunt colonel seul habilité à parler au nom des vraies
forces vives de Libye...
Les
abonnés à l'Afrique Réelle et les
lecteurs de ce blog ne seront pas surpris par cette nouvelle puisque, depuis
2012, je ne cesse d'écrire :
1) Que la pacification de la Libye ne pourra se faire qu'à partir des réalités
tribales.
2) Que le seul à pouvoir reconstituer l'alchimie tribale pulvérisée par
l'intervention militaire de 2011, est Seif al-Islam que son père, le colonel
Kadhafi, avait pressenti pour lui succéder, et qui est actuellement
"détenu" par les milices de Zenten.
Mes
analyses ne procédaient pas du fantasme, mais du seul réel qui est que :
1) En
Libye, la grande constante historique est la faiblesse du pouvoir par rapport
aux tribus. Au nombre de plusieurs dizaines, si toutefois nous ne comptons que
les principales, mais de plusieurs centaines si nous prenons en compte toutes leurs subdivisions,
ces tribus sont groupées en çoff (alliances ou confédérations).
2) L'allégeance des tribus au pouvoir central n'est
jamais acquise.
3) Les bases démographiques des groupes tribaux ont
glissé vers les villes, mais les liens tribaux ne se sont pas distendus pour
autant.
Le
colonel Kadhafi fonda son pouvoir sur l'équilibre entre les trois grands çoff libyens, à savoir la confédération Sa'adi de Cyrénaïque, la confédération Saff al-Bahar du nord de la Tripolitaine et la confédération Awlad Sulayman de
Tripolitaine orientale et du Fezzan à laquelle appartiennent les Kadhafda, sa
tribu. De plus, à travers sa
personne, étaient associées par le sang la confédération Sa'adi et celle des Awlad
Sulayman car il avait épousé une Firkèche,
un sous clan de la tribu royale des Barassa.
Son fils Seif al-Islam se rattachant donc à la fois aux Awlad Sulayman par son père et aux Sa'adi par sa mère, il peut donc, à travers sa personne,
reconstituer l'ordre institutionnel libyen démantelé par la guerre
franco-otanienne. Mais pour comprendre cela, encore faut-il se rattacher à la
Tradition lyautéenne des "Affaires indigènes" et répudier l'approche
universaliste des "cerveaux à noeud" du quai d'Orsay.
Aujourd’hui,
les alliances tribales constituées par le colonel Kadhafi ont explosé; là est
l’explication principale de la situation chaotique que connaît le pays. En
conséquence de quoi, soit l'anarchie actuelle perdure et les islamistes
prendront le pouvoir en Libye, soit les trois confédérations renouent des liens
entre elles. Or, c'est ce qu'elles viennent de faire en tentant de faire
comprendre à la "communauté internationale" que la solution passe par
les tribus... Certes, mais la Turquie et le Qatar veulent la constitution d'un
Etat islamique et la justice internationale a émis un mandat d’arrêt contre
Seif al-Islam...
Le
12 octobre, avec son habituel sens de la clairvoyance, sa célèbre hauteur de
vue et son immense connaissance du dossier, BHL expliquera certainement cette
évolution de la situation libyenne aux auditeurs de l'IHEDN (Institut des
Hautes Etudes de la Défense nationale) devant lesquels il doit prononcer une
conférence de "géopolitique". Il est en effet bon que les plus hauts
cadres civils et militaires sélectionnés pour intégrer cet institut
prestigieux, puissent écouter les analyses des experts les plus qualifiés...
NB : Au début du mois de novembre, aux éditions de l'Afrique Réelle, sortira mon livre intitulé "Histoire et
géopolitique de la Libye des origines à nos jours" dans lequel, sur la
longue durée, est mise en perspective la marqueterie tribale libyenne, clé de
compréhension de la situation libyenne actuelle. Ce blog en rendra compte.
Bernard Lugan
24/09/2015
samedi 19 septembre 2015
Algérie : "Monsieur Frère" et l'Odjak des janissaires [1]
En
Algérie, les récents limogeages opérés à la tête de l'armée et des services
spéciaux ont une explication: le pays n'est plus gouverné par le président Abdelaziz
Bouteflika, mais par Saïd, son frère.
Enseveli
sous de très graves affaires de corruption, ce dernier sait qu'il ira dormir en
prison au lendemain de la mort clinique de son aîné s'il ne s'est pas auparavant
taillé un pouvoir à sa main. Or le temps presse puisque, depuis sa réélection
le 17 avril 2015, Abdelaziz Bouteflika n'a assisté à aucune cérémonie officielle en raison de son état de
santé...
Voilà
pourquoi le général "Toufik" Mediene qui avait osé dénoncer les
trafics de "Monsieur frère" vient d'être remplacé à la tête de la DRS
(le contre-espionnage) par le général Bachir Tartag. Quand des nominations
officielles à des postes importants sont décidées, elles sont normalement
annoncées par l'APS (Algérie Presse Service), l'agence de presse officielle;
dans le cas présent, ce fut par d'obscurs canaux... remontant directement à Saïd
Bouteflika.
Ce
remplacement intervient après plusieurs autres, dont ceux du général M'Henna
Djebbar, chef de la direction de la sécurité de l'Armée, du général Rachid
Laalali, chef de la DSE (Direction de la sécurité extérieure), du général
Ahmed Bousteila, chef de la gendarmerie etc. Tous au profit du général Ahmed
Gaïd Salah, chef d'Etat-major et vice-ministre de la Défense, né en 1940.
L'alliance
avec l'Etat-major a donc permis à Saïd Bouteflika d'écarter le très puissant général
Mediene. Est-elle pour autant un gage de survie? Il est permis d'en douter.
Si
parmi les hauts cadres de l'Odjak, ceux qui ont des comptes à rendre à la
Justice devraient lui rester fidèles, la loyauté des autres est incertaine. Lesquels
parmi les généraux, notamment chez les nouvellement promus, voudront en effet apparaître
liés aux profiteurs du régime quand la rue grondera dans un dramatique contexte
économique et social aggravé par l'effondrement du prix des hydrocarbures[2] ?
Dans
la course contre la montre engagée par Saïd Bouteflika, trois grandes hypothèses
se dégagent:
1) Saïd
Bouteflika et l'Etat-major s'entendent pour installer un homme de paille au
pouvoir.
2) L'Odjak se refait une "vertu" à bon compte en donnant la tête de Saïd
Bouteflika au peuple avant de placer l'un des siens aux commandes.
3) Prenant tout le monde de vitesse, "Monsieur frère" s'empare
directement du pouvoir...
Une
situation à suivre, mais qui interdit de fonder une politique sécuritaire
régionale sur l'Algérie.
Bernard Lugan
19/09/2015
[1] Commandement des Janissaires. Lire ici l'Etat-major de l'armée.
19/09/2015
[1] Commandement des Janissaires. Lire ici l'Etat-major de l'armée.
[2] Voir à ce sujet les dossiers consacrés à cette question dans les numéros de
mai, de juillet et d'août 2015 de
l'Afrique Réelle. Le numéro du mois d'octobre y reviendra en l'actualisant.
jeudi 3 septembre 2015
L'Afrique Réelle N°69 - Septembre 2015
Actualité :
Dossier : Entre jihadisme libyen et Boko Haram, quel est l'avenir du
pivot tchadien ?
- L'alchimie des forces ethno-régionales tchadiennes
- Boko Haram peut-il menacer la stabilité du Tchad ?
- Le verrou tchadien
- La pacification de la région sahélo-saharienne est-elle
possible ?
Editorial de Bernard Lugan : La démocratie tue l'Afrique
L'Afrique sud saharienne est frappée par deux maladies mortelles, la démographie et la démocratie[1].
Le mal démocratique est la conséquence du « one man, one vote ». La raison en est simple : les fondements individualistes de la démocratie moderne sont incompatibles avec les réalités communautaires des sociétés africaines. Là est la cause principale des conflits qui ravagent le continent au sud du Sahara. Contrairement à ce que psalmodient les tenants de la doxa, ce ne sont ni la question du développement, ni les problèmes économiques qui sont à l'origine des guerres africaines[2] - même si, ici ou là, minerais rares ou précieux peuvent en être le carburant - mais le Politique. Ainsi :
- Au Soudan du Sud, comme les Dinka sont les plus nombreux, ils sont assurés de détenir le pouvoir, ce que les Nuer refusent. La guerre ne cessera donc pas.
- Au Mali, les Touareg, moins de 5% de la population, sont écartés du pouvoir par la mathématique électorale. Alors que le règlement de la crise passe par la reconnaissance de cette réalité, la seule solution proposée fut la tenue d'élections. Or, pas plus au Mali qu'ailleurs, le scrutin n'a réglé le problème nord-sud car l’ethno-mathématique électorale n'a fait que confirmer la domination politique des plus nombreux, en l'occurrence les Sudistes. D'autant plus que pour ces derniers, les ennemis ne sont pas tant les islamistes que les séparatistes touareg.
- En Afrique du Sud, les Blancs (environ 8% de la population) n'ont ethno-mathématiquement parlant aucune chance de l'emporter dans des élections face aux Noirs. A ce clivage racial vient s'ajouter une fracture ethnique qui fait qu'au sein de l'ANC, le parti de gouvernement, les plus nombreux parmi les Noirs, à savoir les Zulu (environ 25%) l'ont ethno-mathématiquement emporté sur les Xhosa (environ 18%). L'avenir du pays s'inscrira donc automatiquement à l'intérieur de cette réalité.
- Au Rwanda, les Tutsi (10% de la population) ont ravi le pouvoir aux Hutu (90%) à la faveur du génocide et ils le conservent grâce à des pratiques politiques dignes de la grande époque du système communiste. Si des élections libres étaient organisées, le régime tutsi serait électoralement balayé par l'ethno mathématique.
Le problème politique africain se résume donc à une grande question : comment éviter que les peuples les plus prolifiques soient automatiquement détenteurs d’un pouvoir issu de l’addition des suffrages ?
La solution réside dans un système dans lequel la représentation irait aux groupes, l’Etat-nation de type européen étant remplacé par l’Etat-ethnique.
Deux problèmes se posent cependant :
1) Les ethnies les plus nombreuses peuvent-elles accepter de renoncer à un pouvoir fondé sur le « One man, one vote » qui leur garantit pour l’éternité une rente de situation tirée de leur démographie dominante ?
2) Les gardiens occidentaux du dogme démocratique pourront-ils accepter cette révolution culturelle sapant les fondements de leur propre philosophie politique ?
[1] La première ayant été traitée dans un précédent numéro de l'Afrique Réelle, c'est à la seconde que cet éditorial est consacré.
[2] Bernard Lugan Les Guerres d'Afrique, Le Rocher, 2013. Prix de l'UNOR (Union nationale des Officiers de réserve).
vendredi 7 août 2015
2017: le Califat du Ponant, fédérant la Libye et l’Algérie, déclenche l'opération Prophète des mers
(Ce communiqué peut être repris à condition d'en citer la source)
En 2017, la
Libye et l'Algérie sont passées sous le contrôle de Daesh qui en a fait le Califat
du Ponant. Profitant du désarmement moral des Européens, les islamistes
décident de l'envoi, par vagues successives, de 4 millions de migrants vers
l’Europe et plus spécifiquement vers la France, nouveau dâr al-harb[1]. A bord de certaines
embarcations, ont pris place des kamikazes chargés de couler les navires
portant secours aux forceurs de frontières et cela, afin de déstabiliser encore
davantage l'ennemi. L'opération est baptisée Prophète des mers.
Face à cette
guerre navale asymétrique, les rares frégates ultra-sophistiquées de la marine
française, taillées pour la lutte de haute mer, sont débordées. A l’inverse les
navires garde-côtes qui auraient dû être construits depuis longtemps afin de
sécuriser les frontières maritimes, manquent cruellement. Faute de prise en
compte par les autorités politiques des enjeux stratégiques vitaux que
constitue la frontière maritime méditerranéenne, la marine française est
impuissante.
Au sud,
harcelé le long d'un front ouvert depuis la Mauritanie à l'ouest jusqu'au
Soudan à l'est, le dispositif Barkhane
s'est replié sur le Burkina Faso afin de protéger la Côte d'Ivoire. Quant aux
dernières réserves opérationnelles françaises disponibles après des années de
déflation des effectifs, elles ont été positionnées autour de N'Djamena afin de
couvrir le Cameroun. Boko Haram, un
moment affaibli, a en effet refait ses forces grâce à des cadres venus de
Libye, d'Algérie mais aussi de Syrie.
En France
même, alors que se déroule la campagne présidentielle, plusieurs banlieues se
sont soulevées à la suite de contrôles d'identité ayant dégénéré. En raison de
la dissolution de plusieurs escadrons de gendarmes mobiles opérée sous la
présidence de Nicolas Sarkozy, les forces de l'ordre qui n'ont pas les
effectifs suffisants pour intervenir doivent se contenter de boucler les
périmètres insurgés. Les associations d'aide aux migrants dénoncent l'
"amalgame" et leurs mots
d'ordre sont abondamment relayés par les médias. Vingt cinq mille réservistes
de la gendarmerie sont rappelés cependant qu’ un peu partout, face à la
passivité de l'Etat, se constituent clandestinement des groupes de résistants
prêts à passer à l'action. La France est au bord de la guerre civile.
Comment en
est-on arrivé là ? Entre 2011 et 2017, conduite au chaos par l'intervention franco-otanienne, la Libye est
passée de la plus totale anarchie au califat, Daesh ayant réussi à y engerber les milices. Quant au général
Haftar, sur lequel la "communauté internationale" comptait pour
constituer une troisième force, il n'a pas pesé lourd face aux jihadistes. Impuissante, l'Egypte s'est illusoirement
retranchée derrière un mur électronique cependant que, quotidiennement, des
attentats y entretiennent un climat de guerre civile. Quant à la Tunisie, une
artificielle quiétude y règne car les jihadistes
qui ont besoin d'un pays-relais, se gardent de trop y tendre la situation, se
contentant d'y maintenir une pression calculée. Après plus d'un demi-siècle de
gabegie, de détournements de fonds publics, de népotisme et de récriminations à
l'égard de l'ancienne puissance coloniale, l'Algérie, cible principale des
islamistes de toutes obédiences depuis la décennie 1990, a, quant à elle,
basculé dans l'islamisme à la suite d'émeutes urbaines déclenchées par
l'effondrement de la rente pétrolière.
Tel est le
scénario auquel nous pourrions nous attendre à la veille de l'élection présidentielle
française. Avec une Marine sans moyens, mais en première ligne face à la
déferlante venue du sud, une Armée de terre aux effectifs rognés et isolée sur
le rideau défensif sahélien et une Gendarmerie démotivée en raison de son
alignement sur le modèle policier.
Bernard Lugan
07/08/2015
[1] Pays des infidèles contre lequel les musulmans sont en guerre jusqu'à la conversion de ces derniers.
[1] Pays des infidèles contre lequel les musulmans sont en guerre jusqu'à la conversion de ces derniers.
mardi 4 août 2015
L'Afrique Réelle N°68 - Août 2015
- Une situation qui empire
- Les données économiques de base
- Mzab : les Berbères face au « grand remplacement »
- Les jihad d'hier
- Les jihad de 2015
Histoire : Le premier conflit mondial en Afrique
L'Afrique de l'Est, suite et fin
Editorial de Bernard Lugan :
L'actualité de cet été 2015 nous ramène en Afrique du Nord où tout procède du cancer libyen mais où la principale menace vient d'Algérie.
Jusqu'à ces derniers mois, la Libye était en totale anarchie. Les conséquences de cette situation pour la sous-région étaient certes gravissimes, mais pas apocalyptiques. L'intrusion de Daesh a changé les données du problème car la coagulation islamiste qui s'opère actuellement à travers cette organisation sunnite menace toute l'Afrique du Nord. La situation est la suivante :
1) Il n'est plus question d'une intervention internationale en Libye car le général Haftar sur lequel la « communauté internationale » comptait pour constituer une troisième force a échoué dans sa guerre contre les islamistes.
2) Daesh, dont la force de frappe est composée de non Libyens, a renversé le paradigme tribal à travers lequel, jusque là, passait toute solution. Sa méthode est simple : les chefs qui ne veulent pas lui faire allégeance sont égorgés. Terrorisés, les autres se rallient.
3) L'Egypte et la Tunisie ont décidé de se retrancher derrière l'illusoire protection constituée par deux lignes électrifiées. Quant à l'Algérie elle n'a qu'un seul objectif : protéger sa frontière avec la Libye, ce qui passe par de complexes accords avec les milices concernées.
4) Face à Daesh, Frères musulmans, Al Qaida et diverses milices islamistes viennent de s' « allier ». Dans cette guerre entre islamistes, l'Europe a totalement perdu la main.
5) Pour le moment, le Maroc résiste mais il va être dans les prochains mois la cible d'un nouveau mouvement fondamentaliste baptisé Unicité et jihad au Maghreb al-Aqsa, mouvement qui pourrait, lui aussi, se rallier à Daesh. Comme viennent de le faire plusieurs groupes algériens qui considèrent désormais Al Qaida comme trop « modéré »...
A ce tableau peu réjouissant vient s'ajouter le naufrage économique, social, politique et moral de l'Algérie. Or, la cible principale des islamistes de toutes obédiences est précisément ce pays.
Depuis plusieurs mois, l'Afrique Réelle met en garde les dirigeants français en leur montrant qu'il est illusoire de vouloir fonder une politique sécuritaire sur une Algérie au bord de l'explosion et où, économiquement, le compte à rebours a commencé. Après plus d'un demi-siècle de gabegie, de détournements et de népotisme, l'histoire se prépare en effet à présenter l'addition à un système à bout de souffle étranglé par l'effondrement du prix du pétrole.
Entre juin 2014 et avril 2015, l'Algérie a puisé un peu plus de 33 milliards de dollars dans ses réserves pour simplement continuer à nourrir et soigner sa population. Or, fin avril 2015, les réserves de change du pays s'élevaient à 160 milliards de dollars.
Dans une fourchette comprise entre 24 et 36 mois le pays ne pourra donc plus importer de quoi nourrir ses habitants, ne sera plus en mesure d'acheter la paix sociale à travers les actuelles ubuesques subventions qu'il verse à des millions d'assistés.
Pour sortir de l'impasse, il faudrait que le prix du baril soit supérieur à 100 dollars ; or les prévisions le donnent à un cours moyen de 60 dollars jusque fin 2019 et à 80 ensuite. De plus, comme les réserves algériennes s'épuisent, la situation est sans issue.
Heureusement qu'avec une dette inexistante - un peu plus de 3 milliards de dollars -, le pays n'a pas, en plus, à faire face à ses créanciers.
lundi 27 juillet 2015
Libye : allons-nous être contraints de soutenir Al-Qaida contre Daesh ?
En
Libye, les interventions de l'Egypte, de l'Algérie et de la France, destinées à
limiter les conséquences devenues incontrôlables de la guerre insensée
déclenchée contre le colonel Kadhafi, deviennent de plus en plus
problématiques. Pour cinq grandes raisons :
1) Cette intervention était subordonnée à la constitution en Libye même d'une
force "nationale" susceptible d'être appuyée. Or, le général Haftar a
échoué dans sa guerre contre les islamistes.
2) Plus
que jamais, le principal objectif algérien en Libye est la fin du chaos en
Tripolitaine afin d'assurer la sécurité de la frontière orientale. Englué en
Cyrénaïque, le général Haftar n'a aucun pouvoir en Tripolitaine. Voilà pourquoi
Alger traite actuellement avec les islamistes hostiles à Daesh qui contrôlent
l'ouest de la Libye.
3) L'Egypte se trouve prise au piège. Dans sa lutte à mort contre les islamistes
et les Frères musulmans, elle dépend en effet du financement des monarchies
sunnites du Golfe. Or, paniquées par le retour de l'Iran chiite sur la scène
politique régionale, ces dernières ont décidé de se rapprocher de tous les
mouvements sunnites, dont les Frères musulmans et Al Qaida, comme cela vient de
se produire au Yémen. Nous sommes en présence d'une politique de simple survie
dont le terme est imprévisible, mais qui bouscule l'échiquier régional. Pour
deux raisons majeures :
-
Ce rapprochement a affaibli Al Qaida car plusieurs groupes sunnites qui y sont
opposés viennent de se rallier à Daesh, notamment en Tunisie et en Algérie.
-
L'Arabie saoudite freine l'interventionnisme du général Sissi afin de ne pas
affaiblir ses nouveaux alliés en Libye, ce qui favorise indirectement Daesh,
nébuleuse sunnite qui ne la menace pas encore.
4) Dans ce jeu d'échecs, la France est sur l'arrière-main, se limitant à éviter au
Sahel une contagion venue de Libye. Or, tous les connaisseurs du dossier savent
bien que sans une "pacification" de la Libye, l'opération Barkhane est bancale.
5) La solution libyenne qui était tribale n'est plus d'actualité. Dans les zones
conquises, Daesh, dont la force de frappe est composée de non Libyens, a en
effet renversé le paradigme tribal en
liquidant physiquement les chefs qui ne voulaient pas lui faire allégeance afin
de terroriser les autres. En conséquence de quoi, les ralliements se
multiplient...
Face
à cette situation, l'Egypte et la Tunisie ont décidé de se retrancher
derrière deux lignes électrifiées. Cette
illusoire défense va certes permettre à certaines firmes européennes de faire
de fructueuses affaires, mais elle ne stoppera pas la gangrène.
Alors,
comme je ne cesse de le préconiser depuis des mois, il ne reste qu'une seule
solution pour tenter, je dis bien tenter, d'empêcher la coagulation islamiste
qui s'opère actuellement dans toute l'Afrique du Nord à partir du foyer libyen.
Cette solution a un nom: Saif al-Islam, le fils du colonel Kadhafi actuellement
détenu à Zenten. Lui seul est en effet en mesure de reconstituer les anciennes
alliances tribales de Cyrénaïque, de Tripolitaine et du Fezzan détruites par
l'intervention franco-otanienne. Or,
cette solution est impossible puisque, dans l'ignorance bétonnée du dossier et
aveuglée par ses principes juridiques européocentrés déconnectés des réalités,
la Cour pénale internationale l'a inculpé pour "crimes de guerre".
Dans
cette évolution vers le pire que connaît la Libye, poussés à la fois par
l'Arabie saoudite et par l'Algérie, Frères musulmans, Al Qaida et diverses
milices viennent de s' "allier" contre Daesh.
Dans
cette guerre entre islamistes qui menace notre flanc sud, allons-nous donc être
contraints de considérer Al Qaida comme un nouvel "ami"... ? Voilà le
scénario apocalyptique auquel le sémillant BHL et l'éclairé Nicolas Sarkozy
n'avaient pas pensé...
Bernard Lugan
27/07/2015
vendredi 17 juillet 2015
dimanche 12 juillet 2015
Migrants africains : comment casser l'entonnoir libyen ?
L'entonnoir
libyen par lequel l'Afrique déverse son trop-plein de population en Europe est
la conséquence de la guerre insensée menée
hier contre le colonel Kadhafi. La déferlante est aujourd'hui encouragée
par les technocrates bruxellois qui ordonnent aux peuples européens
d'accueillir des intrus dont ces derniers ne veulent pas. Cependant, le
phénomène n'est possible que parce que nos forces navales sauvent les forceurs
de frontière de la noyade pour les transporter jusqu'en Italie... d'où ils
seront répartis dans l'espace Schengen.
Au
moment où, contre la volonté du Peuple, les dirigeants français ont décidé
d'accueillir plusieurs dizaines de milliers de nouveaux clandestins-migrants
qui seront discrètement "dilués" dans nos campagnes, l'urgence de
salut public est de casser l'entonnoir mortifère.
En
effet, sans d'immédiates et très fermes mesures, cette migration-peuplement va
augmenter d'autant plus automatiquement, d'autant plus inexorablement, qu'elle
est la conséquence d'une démographie devenue folle, qui tue l'Afrique à petit
feu, exacerbe ses conflits et pousse ses enfants à risquer leur vie pour tenter
d'atteindre le "paradis européen".
Tous
les projets de développement du continent postulés être des régulateurs
démographiques ont échoué. Les futurs, à la condition qu'ils aient une
meilleure réussite que les précédents, ne donneront, au mieux, des résultats
que dans plusieurs décennies[1]. En attendant, la population
africaine va donc continuer de croître. De 100 millions d'habitants en 1900,
elle était passée à environ 275 millions dans les années 1950-1960, puis à 640
millions en 1990 et à un milliard en 2014. Dans les années 2050 les Africains
seront entre 2 et 3 milliards (dont 90%
au sud du Sahara), puis 4,2 milliards en 2100 et ils représenteront alors 1/3
de la population mondiale. En 2050, 40% des naissances mondiales seront
africaines[2].
Dans
l'immédiat, comme il nous est impossible d'agir sur cette démographie, notre
seule marge d'action est défensive. Or, en ce domaine, nous ne sommes pas
démunis: nous savons en effet d'où partent les "migrants" ; nous
connaissons les filières mafieuses et islamistes qui les acheminent depuis le
coeur de l'Afrique jusque sur le littoral libyen; les lieux de transit sont
identifiés; nous connaissons à l'unité près les moyens de transport
qu'utilisent les passeurs; nous avons les noms de leurs chefs, nous savons où
ils vivent, quelles sont leurs habitudes, qui sont leurs
correspondants-complices en Europe.
Les
moyens d'action seraient donc rapides à mettre en oeuvre, efficaces et immédiatement dissuasifs. Mais ils
déclencheraient l'hystérie émotionnelle médiatique. Or, nos hommes politiques
sont tétanisés par une telle perspective. Voilà le vrai problème.
[1] Voir à ce sujet mon dernier livre Osons dire la vérité à l'Afrique. Le Rocher, 2015.
[2] Unicef.Afrique/Génération 2030. Août 2014, 68
pages.
vendredi 3 juillet 2015
L'Afrique Réelle N°67 - Juillet 2015
Actualité :
- Erythrée : un Etat totalitaire qui exporte sa population
en Europe
- Comprendre la question du Mali
Prospectives : Algérie : le scénario de l'apocalypse
Histoire :
Le premier conflit mondial en Afrique : L'Afrique de l'Est
Editorial de Bernard Lugan :
Réflexions sur le phénomène des « migrants » africains
Parlons vrai :
- La vague migratoire africaine que subit actuellement l'Europe se fait par l'entonnoir libyen.
- Ce dernier fut créé par ceux qui déclenchèrent une guerre insensée contre le colonel Kadhafi qui avait fermé son littoral aux passeurs-esclavagistes.
- Face à la déferlante, les forces navales européennes recueillent les clandestins... pour les transporter jusqu'en Italie. La différence avec le prophétique Camp des Saints de Jean Raspail est que chez ce dernier, les migrants débarquaient en Europe alors qu'aujourd'hui ils y sont débarqués... pour y être installés.
- Les responsables de l'ectoplasme bruxellois ont comme seule préoccupation de répartir ces intrus dont les indigènes ne veulent pas entre les pays de l'UE, ne voyant pas qu'ils vont ainsi amplifier le phénomène en créant une pompe aspirante.
- Cette migration-peuplement est essentiellement la conséquence d'une démographie devenue folle qui tue l'Afrique à petit feu, lui interdit tout développement et exacerbe ses conflits[1].
- Or cette explosion démographique s'explique parce que les missionnaires, les religieuses soignantes, les médecins et les infirmiers coloniaux ont, hier, au nom de leur « amour des autres », délivré les Africains de la lèpre, de la rougeole, de la trypanosomiase, du choléra, de la variole, de la fièvre typhoïde ; cependant que les militaires les libéraient de l'esclavage arabo-musulman.
Résultat : en un siècle, la population du continent a presque été multipliée par 10. De 100 millions d'habitants en 1900, elle était passée à environ 275 millions dans les années 1950-1960, puis à 640 millions en 1990 et à un milliard en 2014. Dans les années 2050 les Africains seront entre 2 et 3 milliards (dont 90% au sud du Sahara), puis 4,2 milliards en 2100 ; ils représenteront alors 1/3 de la population mondiale. En 2050, 40% des naissances mondiales seront africaines[2], ce qui, ajouté à la baisse heureuse de la mortalité infantile en raison des campagnes de vaccination menées par les ONG et de l'annonce d'un prochain vaccin contre le paludisme, va conduire à un cataclysme encore plus destructeur que l'actuel.
Comment espérer alors que les migrants cesseront de se ruer vers un « paradis » européen non défendu et peuplé de vieillards ? Un paradis où, par hédonisme, les femmes ne font plus d'enfants ? Un paradis où les hommes s'interrogent sur leur identité sexuelle et où toute attitude virile est considérée comme machiste, autant dire fascisante ?
Désarmés par l'hystérie émotionnelle de la classe politique et des médias ainsi que par la compassionnelle sollicitude des clercs, les Européens sont sommés de devoir accepter de subir. Un ancien Premier ministre de « droite » est même allé jusqu'à proposer que les forceurs de frontière soient envoyés repeupler les campagnes françaises. Là où les « aides » en tous genres ont depuis longtemps fait taire les salutaires cris de « Haut les fourches »...
Bernard Lugan
[1] Voir à ce sujet mon dernier livre Osons dire la vérité à l'Afrique. Le Rocher, 2015.
[2] Unicef Afrique/Génération 2030. Août 2014, 68 pages.
dimanche 14 juin 2015
François Hollande en Algérie : entre realpolitik et auto humiliation
Lundi 15 juin, durant quelques heures, François
Hollande sera en Algérie, pays en état de pré-faillite, "dirigé" par
un président moribond et gouverné par l' "alliance des baïonnettes et des
coffres-forts"[1].
L'Algérie
est en effet au bord du précipice économique, politique, social et moral. Elle
est dévastée par des avalanches successives
de scandales comme ceux des détournements de fonds du programme de
l'autoroute trans-algérienne (5 milliards de dollars de dessous de table pour
un chantier de 17 milliards...), de la Sonatrach ou encore de la banque
Khalifa ; or, il ne s'agit là que des plus médiatisés.
L’équilibre
politique algérien repose sur un modus
vivendi entre plusieurs clans régionaux et politiques qui se partagent les
fruits du pouvoir au sein des deux piliers de l’Etat qui sont l’ANP (Armée
nationale populaire) et la DRS (Département du renseignement et de la
sécurité). Quant à l'ordre social national, il résulte d'un singulier
consensus :
- à l'intérieur,
les dirigeants qui vivent de la
corruption et des trafics en tous genres achètent le silence d'une population
qui n'ignore rien de leurs agissements, par de multiples subventions,
-
à l'extérieur, ils entretiennent des mercenaires, journalistes et hommes
politiques stipendiés, qui font fonctionner d'efficaces réseaux de
communication permettant de donner une image rassurante du pays.
Or,
ce système qui fonctionnait grâce à la rente pétrogazière est aujourd'hui
bloqué par l'effondrement des cours du pétrole. En un an, le prix du Sahara blend algérien est ainsi passé de
110 dollars le baril à moins de 60 ; or,
selon le FMI (mai 2015), dans l'état actuel de l'économie de l'Algérie, le
prix d'équilibre budgétaire de son pétrole devrait être de 111 dollars le
baril.
Résultat :
au premier trimestre 2015, les recettes cumulées du budget de l'Etat ont baissé de 13% par rapport à la même
période de 2014 ; quant aux recettes de la fiscalité pétrolière, leur recul fut
de 28%. Dans ces conditions, les 200 milliards de dollars de réserves de change
dont disposait l'Algérie avant la chute des cours du pétrole fondent comme
neige au soleil et le Fonds de régulation
des recettes (FRR) alimenté par les ventes des hydrocarbures et dans lequel
l'Etat puise pour tenter de prolonger la paix sociale n'est plus alimenté.
La
situation est donc gravissime[2].
D'autant plus que les parts de marché de la Sonatrach
en Europe vont baisser en raison de la
concurrence de Gazprom qui fournit le
gaz russe entre 10 à 15% moins cher que celui produit par l'Algérie. Sans
compter que depuis 2014, devenu autonome grâce à ses gisements non
conventionnels, le client américain qui représentait entre 30 et 35% des recettes de la Sonatrach a disparu...
Autre
phénomène angoissant pour les autorités algériennes, le prix du gaz naturel
liquéfié lié au prix du pétrole et des produits raffinés va de plus en plus
être aligné sur le prix du gaz naturel américain, ce qui, selon les experts
devrait mettre le GNL algérien entre 30 et 40% de ses prix antérieurs.
L'Algérie est donc bien au bord du précipice.
Dans
ces conditions, face au double phénomène de baisse de la production et de
baisse des cours, l'Etat-providence algérien est condamné à prendre des mesures
impopulaires: suspension des recrutements de fonctionnaires, abandon de projets
sociaux indispensables, de projets transport comme de nouvelles lignes de
tramway ou la réfection de voies ferrées. Il est également condamné à rétablir les licences d'importation afin de
limiter les achats à l'étranger, ce qui va encore amplifier les trafics. Le
coût des produits importés n'est en effet plus supportable ; d'autant que, même
les productions traditionnelles (dattes, oranges, semoule pour le couscous)
étant insuffisantes, leur volume d'importation est toujours en augmentation.
Pour ce qui est des seuls biens de
consommation, la facture est ainsi passée de 10 milliards de dollars en 2000 à
une prévision de plus de 65 milliards de dollars pour 2015. Quant aux
subventions et aux transferts sociaux, ils atteignent 70 milliards de dollars
par an, soit environ 30% du PIB.
L'Algérie
va donc devoir procéder à des choix économiquement vitaux mais politiquement
explosifs. Le matelas de 80 milliards de dollars de son fonds de régulation
(FFR) et ses réserves de change qui
étaient tombées à un peu plus de 180 milliards de dollars au mois de janvier
2015, ne lui permettront en effet de faire face que durant deux années puisque
les dépenses inscrites au budget 2015 sont de 100 milliards de dollars...
L'Algérie
est donc dans la nasse car, elle qui ne produit rien est pourtant condamnée à
continuer d'importer afin de nourrir, soigner et habiller sa population. Comme
dans les années 1980, l'explosion sociale semble donc inévitable. Avec en toile
de fond les incertitudes liées à la succession du président Bouteflika.
C'est
donc dans un pays en faillite dans lequel les islamistes sont en embuscade et
dont l'équilibre est vital pour notre sécurité, que se rend François Hollande,
porteur d'un singulier message rédigé par des associations dont la
représentativité prêterait à sourire si elles ne constituaient pas le noyau dur
de l'actuel régime français. Pour l'Association des anciens appelés en
Algérie et leurs amis contre la guerre (4ACG), pour l'Association
nationale des pieds-noirs progressistes et leurs amis (ANPNPA) et pour l'Association
des réfractaires non violents (ARNV) " le moment est venu pour la
France de reconnaître, du plus haut niveau politique (...) les crimes et les
horreurs commis pendant les 132 ans que dura la colonisation de
l'Algérie".
Au
mois de décembre 2012, lors de son précédent voyage à Alger, François Hollande
était déjà allé à Canossa mais, comme les Bourgeois de Calais, il avait tout de
même gardé sa chemise. La conservera-t-il aujourd'hui alors que, candidat aux
prochaines élections présidentielles, il est prêt à tout afin de tenter de
regagner les précieux suffrages des électeurs franco-algériens qui s'étaient
détournés de lui avec le « mariage pour tous »?
NB : Les
rentiers de l'indépendance qui forment le noyau dur du régime prélèvent, à
travers le ministère des anciens combattants, 6% du budget de l'Etat algérien,
soit plus que ceux des ministères de l'Agriculture (5%) et de la Justice
(2%)...
Bernard Lugan
14/06/2015
[1] L'expression est d'Omar Benderra (Algeria-Watch, décembre 2014). En ligne.
[2] Pour plus de détails, on se reportera au dossier contenu dans le numéro du mois de mars 2015 de l'Afrique réelle que l'on peut se procurer en s'abonnant à la revue.
[1] L'expression est d'Omar Benderra (Algeria-Watch, décembre 2014). En ligne.
[2] Pour plus de détails, on se reportera au dossier contenu dans le numéro du mois de mars 2015 de l'Afrique réelle que l'on peut se procurer en s'abonnant à la revue.
Inscription à :
Articles (Atom)