mardi 30 octobre 2012
mercredi 24 octobre 2012
Libye un an plus tard… Point de situation
Un an après la fin du régime du colonel Kadhafi, la Libye est coupée en trois :
- En Cyrénaïque où deux guerres se déroulent, les fondamentalistes
musulmans dont le fief est la ville de Derna s’opposent aux
« traditionalistes » rassemblés derrière les confréries soufi
cependant que les partisans d’une Libye bicéphale, fédérale ou confédérale refusent
l’autorité de Tripoli.
- En Tripolitaine, la ville de Misrata dont est originaire le général
Youssef al-Mangouch, à la fois chef de l’armée et coordinateur des milices
« ralliées » au pouvoir de Tripoli, tente de prendre le contrôle de
toute la région. Auréolées par la capture de l’ancien guide, ses forces
viennent de s’emparer de la ville de Bani Walid, « capitale » de la
tribu des Warfalla[1].
Dans la lutte traditionnelle contre ses rivaux du sud, Misrata a donc marqué un point.
Dans l’ouest de la Tripolitaine, les milices berbères (berbérophones ou
arabophones) du jebel Nefusa jouent une carte clairement régionale cependant
que le «pouvoir central» de Tripoli doit négocier avec les diverses milices
pour tenter d’exister.
- Le grand sud est devenu une zone grise où le « pouvoir »,
ancré sur le littoral méditerranéen n’est obéi ni des Touareg, ni des Toubou,
ces derniers devant périodiquement faire face à des raids lancés contre eux par
des tribus arabes.
L’attaque contre Bani Walid était destinée à conforter la domination de
Misrata sur la Libye centrale tout en affaiblissant les forces de l’ouest de la
Tripolitaine en faisant tomber leur « allié » warfalla. Le prétexte
de ce rezzou tribal fut la mort d’Omran Ben Chaaban Osman, un des assassins du
colonel Kadhafi. Blessé à Bani Walid lors d’une précédente tentative de prise
de la ville par les miliciens de Misrata, il y fut fait prisonnier et longuement torturé. Finalement libéré aux
termes de ténébreuses tractations, c’est aux frais du contribuable français
qu’il fut transporté à Paris par avion sanitaire pour y être soigné. Il y
mourut dès son arrivée.
Désormais, dépendant totalement de Misrata, la seule marge de manœuvre
du « gouvernement » de Tripoli va être de louvoyer entre ses
puissants soutiens et les autres milices…jusqu’au prochain épisode car les différentes
composantes tribalo miliciennes de Libye sont unies dans une commune
détestation des habitants de Misrata…
Dans un proche avenir nous allons assister à une crispation sur le front
ouest où l’armée gouvernementale - lire les milices de Misrata -, va tenter de
mettre au pas les forces du jebel Nefusa et de Zenten. Le prétexte de la guerre
tribale qui s’annonce sera le sort de Seif al-Islam, le fils du colonel Kadhafi
que les miliciens de l’ouest refusent de remettre aux autorités de Tripoli.
Cette question sera un test permettant de mesurer le véritable rapport de force
sur le terrain.
Bernard Lugan
24/10/12
[1] Le numéro de novembre de l’Afrique
Réelle que les abonnés recevront la semaine prochaine contient une étude
sur les milices libyennes.
mercredi 17 octobre 2012
Après l’esclavage, le 17 octobre 1961… La coupe de la repentance déborde !
En reconnaissant la
responsabilité de l’Etat et en rendant hommage aux « victimes » de la
manifestation interdite du 17 octobre 1961[1],
François Hollande s’est comporté en militant sectaire, non en président de tous
les Français. D’autant plus que, pour les historiens de métier, les prétendus « massacres »
du 17 octobre 1961 constituent un tel exemple de manipulation qu’ils sont étudiés
comme un cas exemplaire de fabrication d’un mythe ; comme Timisoara en
Roumanie, comme les « couveuses » au Koweit ou encore comme les
« armes de destruction massive » en Irak !!!
Tout repose en
effet sur des chiffres gonflés ou manipulés et sur des cadavres inventés. Dans
une inflation du nombre des morts, les amis du FLN algérien et les porteurs de
valises communistes ont ainsi joué sur les dates, additionnant aux 3 morts
avérés du 17 octobre ceux des jours précédents ainsi que les décès postérieurs.
Pour eux, tout Nord Africain mort de mort violente durant le mois d’octobre
1961 est forcément une victime de la répression policière…même les victimes des
accidents de la circulation.
Il est possible d’affirmer
cela sans crainte d’être démenti car :
- En 1998, le
Premier ministre de l’époque, le socialiste Lionel Jospin, constitua une
commission présidée par le conseiller d’Etat Dieudonné Mandelkern qu’il chargea
de faire la lumière sur ces évènements. Fondé sur l’ouverture d’archives jusque
là fermées, le rapport remis par cette commission fit litière des accusations
portées contre la police française[2].
Or, ce rapport consultable sur le net n’a visiblement pas été lu par François
Hollande.
- En 1999,
Jean-Paul Brunet, universitaire spécialiste de la période, publia un livre
extrêmement documenté qui démontait la thèse du « massacre » du 17
octobre (Brunet, J-P., Police contre
FLN. Le drame d’octobre 1961.Paris).
- En 2003, le même Jean-Paul
Brunet publia un nouveau livre (Charonne,
lumière sur une tragédie.Paris) dans lequel il démontrait que le prétendu
« rapport de police » faisant état de 140 morts le 17 octobre,
document qui sert de point de départ à J.L Einaudi, auteur du livre sur lequel
repose toute la manipulation (Octobre
1961, un massacre à Paris), n’a jamais existé.
Reprenant la liste
des morts donnée par Einaudi, il montre également que la majorité des décès remonte
à des dates antérieures au 17 octobre et il prouve que ce dernier a manipulé
les chiffres, additionnant les cadavres non identifiés reçus à l’Institut Médico Légal au nombre des
disparus et même (!!!) à celui des Algériens transférés administrativement en
Algérie après qu’ils eurent été arrêtés le 17 octobre. Il montre enfin qu’Einaudi
a compté plusieurs fois les mêmes individus dont il orthographie différemment
les noms…
Monsieur Hollande
pouvait-il ignorer tout cela ? Si oui, la nullité ou l’aveuglement militant de
ses conseillers laisse pantois.
Quel est donc le
vrai bilan de cette manifestation ?
- Le 17 octobre
1961, alors que se déroulait dans Paris un soi-disant massacre, l’Institut Médico Légal (la Morgue), n’a enregistré
aucune entrée de corps de « NA » (NA= Nord Africain dans la
terminologie de l’époque).
- Le 17 octobre 1961,
de 19h30 à 23 heures, il n’y eut qu’une seule victime dans le périmètre de la
manifestation et ce ne fut pas un Algérien, mais un Français nommé Guy
Chevallier, tué vers 21h devant le cinéma REX, crâne fracassé. Par qui ?
- En dehors du
périmètre de la manifestation, « seuls » 2 morts furent à déplorer,
Abdelkader Déroues tué par balle et retrouvé à Puteaux et Lamara Achenoune tué
par balle et étranglé, gisant dans une camionnette, également à Puteaux. Rien
ne permet de dire qu’ils furent tués par les forces de l’ordre.
Le 18 octobre, à 04
heures du matin, le bilan qui parvint à Maurice Legay le directeur général de
la police parisienne fut donc de 3 morts. Nous sommes donc loin des dizaines de
morts et de « noyés » auxquels l’actuel occupant de l’Elysée a rendu
hommage !!!
Certes, nous
dit-on, mais les cadavres ont été déposés à la morgue les jours suivants. Faux,
car ce n’est pas ce qu’indiquent les archives de l’Institut Médico Légal de Paris puisque, entre le 18 et le 21
octobre, « seuls » 4 cadavres de « NA » furent admis à la
Morgue :
- Le 18 octobre,
Achour Belkacem tué par un policier invoquant la légitime défense et Abdelkader
Benhamar mort dans un accident de la circulation à Colombes.
- Le 20 octobre,
Amar Malek tué par balles par un gendarme.
- Le 21 octobre
Ramdane Mehani, mort dans des circonstances inconnues.
Nous voilà donc bien
loin des 100, 200 ou même 300 morts « victimes de la répression »
avancés par certains et pour lesquels M. François Hollande a reconnu la
responsabilité de la France !!!
D’autant plus que le « Graphique
des entrées de corps « N.A » (Nord-africains) par jour. Octobre
1961 »[3], nous apprend que
du 1° au 30 octobre 1961, sur les 90 corps de « NA » entrés à
l’Institut Médico Légal, la plupart étaient des victimes du FLN.
Plus encore, pour
toute l’année 1961, 308 cadavres de « N.A » entrèrent à l’IML, la
plupart ayant péri dans la guerre inexpiable que le FLN menait contre ses
opposants partisans de l’Algérie française ou du MNA de Messali Hadj. Ainsi, au
mois d’octobre 1961, sur les 34 cadavres de « N.A » retirés de la
Seine ou de la Marne, notamment aux barrages de Suresnes et de Bezons puis
conduits à l’IML, la quasi totalité étaient des harkis, des partisans de la
France ou des membres du MNA, une des méthodes d’assassinat du FLN consistant à
noyer ses opposants. La police française n’est pour rien dans ces noyades.
François Hollande
devra donc rendre compte au tribunal de l’Histoire car il a couvert de son
autorité un mensonge, une manipulation, un montage grossier qui va être utilisé
contre la France par ceux que son ministre de l’Intérieur a qualifiés d’ «ennemis
de l’intérieur ».
Pour en savoir
plus :
- Brunet, J-P.,
(2002) « Enquête sur la nuit du 17 octobre 1961 ». Les Collections
de l’Histoire, hors série n°15, mars 2002.
- Brunet, J-P.,
(2008) « Sur la méthodologie et la déontologie de l’historien. Retour sur le 17
octobre 1961 ». Commentaire, vol 31, n°122, été 2008.
- Brunet, J-P.,
(2011) « Combien y a-t-il eu de morts lors du drame du 17 octobre
1961 ? ». Atlantico, 17 octobre 2011.
Bernard Lugan
17/10/12
[1] Voir à ce sujet le
dossier spécial de l’Afrique réelle,
novembre 2011 intitulé Pour en finir
avec le mythe du « massacre » des Algériens à Paris le 17 octobre
1961.
[2] « Rapport sur les archives de la Préfecture de police
relatives à la manifestation organisée par le FLN le 17 octobre 1961 ».
Rapport établi à la demande du Premier ministre, M. Lionel Jospin et remis au
mois de janvier 1998 par M. Dieudonné Mandelkern président de section au
Conseil d’Etat, président ; M. André Wiehn, Inspecteur général de
l’administration ; Mme Mireille Jean, Conservateur aux Archives
nationales ; M. Werner Gagneron, Inspecteur de l’administration. En
ligne.
[3] Voir l’Afrique Réelle,
novembre 2011.
dimanche 14 octobre 2012
Les conséquences de la Loi Taubira
L’on croyait avoir tout vu à propos de la repentance ! Or, au moment où,
à Gorée, François Hollande se couvrait la tête de cendres (voir mon communiqué
du 12 octobre), le cabinet du Premier ministre français reconnaissait qu’il
avait été demandé à un « collectif » d’associations de « faire
des propositions sur ce qui peut être fait en termes de réparations ».
Rien de moins ! Français, à vos portefeuilles…
Peut-être pourrait-on suggérer à Monsieur le Premier ministre de mettre
particulièrement à contribution les habitants de sa bonne ville de Nantes, elle
qui fut une capitale de la Traite et dont les électeurs apportent régulièrement
leurs suffrages au parti socialiste…
La question des réparations est régulièrement posée
depuis que, sous un Président de « droite » et un Premier ministre de
gauche, les députés votèrent à l’unanimité
et en première lecture, la loi dite « Taubira », loi qui fut définitivement
adoptée le 10 mai 2001.
Jacques Chirac décida ensuite que ce même 10 mai, serait désormais
célébrée la « Journée des mémoires de la traite négrière, de l’esclavage
et de leurs abolitions ». Cette décision plus qu’insolite rompait avec une
sage pratique voulant, sauf exception, que des dates du passé soient toujours choisies
pour célébrer les évènements historiques. Or, avec le 10 mai, ce fut une date
du présent qui allait permettre de commémorer des évènements du passé.
Pourquoi ne pas avoir choisi le 27 avril, date anniversaire de l’abolition de l’esclavage en France (27
avril 1848) pour célébrer cette « Journée des mémoires de la traite
négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions » ? L’air du temps y
fut naturellement pour quelque chose…
Il est d’ailleurs proprement stupéfiant de devoir
constater que, littéralement couchés devant le politiquement correct, tous les députés de
« droite », je dis bien TOUS,
votèrent cette loi qui ne dénonce pourtant qu’une seule Traite esclavagiste,
celle qui fut pratiquée par les seuls Européens, loi qui passe sous silence le
rôle des royaumes esclavagistes africains et la traite arabo-musulmane[1].
L’ethno-masochisme de nos « élites » semble sans limites !
Quelques années plus tard, Christiane Taubira a osé déclarer
qu’il ne fallait pas évoquer la traite négrière arabo-musulmane afin que les
« jeunes Arabes (…) ne portent pas sur leur dos tout le poids de
l’héritage des méfaits des Arabes » (L’Express du 4 mai 2006) !!!
L’énormité de la demande concernant les réparations est
telle que le gouvernement va nécessairement devoir clarifier sa position. Il
est même condamné à le faire devant l’impopularité et l’incongruité d’une telle
démarche. Mais, harcelé par les groupes de pression qui constituent son noyau
électoral, il va devoir donner des compensations « morales » aux
« associations » concernées. Nous pouvons donc nous attendre à une
nouvelle rafale de mesures de repentance.
Voilà comment l’histoire est violée et comment le totalitarisme
liberticide se met en place. Lentement, insidieusement, mais sûrement.
Bernard Lugan
[1] L’Afrique
Réelle du mois de novembre 2012 que les abonnés recevront au début du mois
consacre un important dossier à ce que fut la réalité des traites esclavagistes.
vendredi 12 octobre 2012
François Hollande et la légende « Gorée »
Comme tous les
voyageurs de passage à Dakar, François Hollande devrait se rendre à Gorée, île
inscrite au patrimoine de l’humanité par l’UNESCO. Or, ce n’est pas pour y
visiter un des plus beaux sites de l’Afrique de l’Ouest, lieu dégageant une
impression envoûtante, mais pour y sacrifier à la sempiternelle repentance.
Gorée est en effet
présentée comme ayant été une des bases de la traite par laquelle des millions
de malheureux esclaves auraient transité. Les voyagistes américains proposent même
au public afro américain la visite pèlerinage de l’île qui aurait vu passer
leurs ancêtres ; au mois de février 1992, lors d’un voyage au Sénégal, le
Pape Jean-Paul II lui-même accrédita la légende de « Gorée l’île aux
esclaves ».
Le
« clou » de la visite est la tristement célèbre « Maison des
esclaves » où les chaînes qui retenaient les captifs sont encore en place.
L’histoire de ce bâtiment est racontée avec lyrisme par des guides auxquels
aucun superlatif n’est étranger. Ils racontent ainsi qu’elle fut construite par
les Hollandais au XVII° siècle, que ce fut à l’origine une
« esclaverie », qu’elle fut le cœur du honteux système esclavagiste
régional centré sur l’île de Gorée. Ses murs ont vu passer des centaines de
milliers ou même des millions de Noirs arrachés à leur terre. La visite
détaillée permet d’ailleurs de se faire une idée des épouvantables conditions
de vie des malheureux. Elle se poursuit par la découverte des cellules des
hommes, de celles des femmes et même, moment particulièrement émouvant, de
celles des enfants. Le cachot n’est pas oublié dans lequel étaient enchaînés et
enfermés les sujets rebelles.
Cette maison a fière
allure depuis qu’elle a été restaurée. Une plaque apprend ainsi au visiteur
que, parmi les mécènes figure une association prestigieuse, la Fondation France Liberté, présidée par
Madame Danielle Mitterrand, veuve d’un ancien président de la république
française.
Le seul problème, mais
il est de taille, est que la « Maison des esclaves » n’en n’était pas
une et que Gorée ne fut pas un centre important de la traite
esclavagiste !
La véritable
histoire de la « Maison des esclaves » a en effet été écrite notamment
par deux historiens de l’IFAN (Institut fondamental de l’Afrique noire),
Abdoulaye Camara, préhistorien et archéologue, ancien conservateur du Musée de
Gorée puis du Musée d’Art africain de Dakar, et par le père jésuite Joseph
Roger de Benoist, spécialiste de l’histoire du Sénégal. Le lecteur curieux
pourra se reporter à ce sujet au journal Le
Monde en date du 27 décembre 1996 et à l’article intitulé « Le mythe
de la Maison des esclaves qui résiste à la réalité ».
L’histoire
racontée par ces historiens est bien différente de la légende officielle de
Gorée pieusement récitée par les guides locaux:
1) Ce ne seraient pas les Hollandais qui construisirent la « Maison des esclaves » au XVIIe siècle, mais les Français et cela en 1783, donc à une période où la traite européenne avait cessé dans la région de la Sénégambie depuis plusieurs décennies. Une traite subsistait certes à cette époque, mais elle était à destination de l’Afrique du Nord et elle était pratiquée par des esclavagistes arabo-musulmans. Gorée ne fut pas concernée par elle.
2) Cette maison aurait été commandée par Anna Colas, une signare, c’est à dire une riche métisse.
3) Les « cellules » auraient été en réalité des entrepôts de marchandises.
4) Comme toutes les demeures coloniales de cette époque, la maison abritait une nombreuse domesticité et certainement même des esclaves qui y assuraient les tâches les plus ingrates, mais ce n’était pas une « esclaverie ».
5) A l’époque de la traite florissante, Gorée ne fut pas un centre esclavagiste. Au maximum du mouvement, c’est à dire au XVIIe et peut-être au début des XVIIIe siècles, les historiens estiment en effet entre deux cents et cinq cents le nombre d’esclaves qui y transitaient annuellement.
Et pourtant, il ne manque
pas de lieux, réels ceux-là, où il est possible de voir comment était véritablement
organisé l’odieux commerce des esclaves.
J’en citerai un
seul dans cette Afrique de l’Ouest littorale qui vit tant de royaumes africains
esclavagistes vendre plusieurs millions d’hommes, de femmes et d’enfants à
leurs partenaires européens. Il s’agit du fort de Cape Coast, situé au Ghana, à
environ 200
kilomètres à l’ouest d’Accra et qui fut le principal
point d’exportation des esclaves vendus par le royaume Fanti aux négriers anglais,
hollandais et même suédois qui s’y succédèrent. Il serait également possible de
citer, entre autres, Elmina à l’est de Cape Coast et Christiansborg (ou Osu) à
Accra.
La « mauvaise
monnaie chassant la bonne », les petits arrangements avec l’Histoire sont
peut-être favorables à l’industrie touristique de Gorée, mais, outre le fait
qu’ils décrédibilisent ceux qui les cautionnent, ils risquent de faire le lit
de ceux qui nient la traite esclavagiste ou qui la relativisent.
Bernard Lugan
12/10/10
Bernard Lugan
12/10/10
mercredi 10 octobre 2012
A propos du XIVème sommet de la Francophonie qui se tiendra à Kinshasa du 12 au 14 octobre
En 1991, le IVème sommet de la Francophonie initialement prévu à Kinshasa fut
finalement déplacé à Paris en raison des
problèmes que connaissait alors le Zaïre. Depuis, redevenu la RDC, ce pays n’a
cessé de s’enfoncer dans le néant. C’est pourquoi il est insolite que s’y
tienne le XIVème sommet des Etats francophones ; d’autant plus que le climat
s’y est considérablement tendu ces derniers jours, tant en raison des appels à
manifester lancés par l’opposition, que par la détérioration des relations avec
la France. Au cœur du contentieux se trouve la réélection du président Kabila en
2011, scrutin contesté en raison de nombreuses fraudes constatées par les
observateurs de l’Union européenne.
Ce sommet est important pour le président congolais, personnage effacé
et même falot qui compte sur lui pour s’imposer sur la scène régionale face aux
trois « géants » que sont les présidents Dos Santos d’Angola,
Museveni d’Ouganda et Kagamé du Rwanda. Or, à quelques heures de l’ouverture, et
semblant ignorer les règles les plus élémentaires du savoir-vivre africain, François
Hollande a humilié son hôte en dénonçant publiquement les violations des droits
de l’homme commises dans son pays. Le président Kabila s’attendait certes à
devoir essuyer des reproches de la part du président français, mais il pensait
que ce dernier attendrait pour les exprimer la réunion à huis clos qui réunira
la vingtaine chefs d’Etat annoncés et lors de laquelle seront abordées la
question du Mali et la situation dans l’est de la RDC. Les partisans du
président Kabila feront certes bonne figure au chef de l’Etat français, mais
ils ne lui pardonneront pas cet affront.
D’autant plus que l’Union pour la
démocratie et le progrès social (UDPS), le parti de l’opposant Etienne
Tshisekedi, aujourd’hui âgé de 80 ans, veut profiter de l’occasion pour
dénoncer la « mascarade électorale » de 2011 et que, dans l’entourage
de François Hollande, certains s’activent depuis des semaines pour organiser
une rencontre entre les deux hommes. Ainsi encouragés, les opposants vont
immanquablement descendre dans la rue. Aussi, pour ne pas voir « son »
sommet gâché par des manifestations, le président Kabila va donc donner des
consignes de fermeté aux forces de l’ordre, ce qui risque de déboucher sur de
véritables émeutes.
Au-delà de ce sommet dont le faste est égal à
l’inutilité, quelle est encore la place de la France dans l’Afrique sud
saharienne ?
Le mythe de la « françafrique » qui
a la vie dure continue à être entretenu par des groupuscules ou des ONG dont il
constitue le fonds de commerce. Or, les relations entre la France et l’Afrique ont considérablement
changé depuis que la première n’est plus qu’une entité au sein de l’Union
européenne, ce qui, par la force des choses, a enterré le bilatéralisme. La
présence française en Afrique sud saharienne a évolué dans tous les domaines :
- De moins en moins d’expatriés y vivent, les évènements du Congo
Brazzaville d’abord, ceux de Centrafrique et du Tchad ensuite et enfin ceux de
Côte d’Ivoire, ayant eu pour conséquence le départ de la plupart d’entre eux.
Aujourd’hui, 50% des ressortissants français vivant en Afrique sont des binationaux.
- Contrairement à ce qui est affirmé par les héritiers du
tiers-mondisme, l’Afrique sud saharienne
ne représente plus qu’entre 2 et 3% du commerce extérieur de la France. A eux
seuls, les trois pays du Maghreb (Maroc, Algérie et Tunisie) ont un poids égal
au reste du continent.
- Les implantations françaises ne sont plus les mêmes qu’il y a une
décennie. C’est ainsi que les parts de marché de la France dans la zone CFA
sont tombées à moins de 20%. Cette fameuse zone présentée par certains comme étant
une rente pour la France, commerce donc pour près de 80% avec d’autres pays
qu’elle. Pour la France, le Maroc est à lui seul un partenaire commercial plus
important que toute la zone franc.
- La France n’a plus de « chasses gardées » en Afrique. Ainsi, le
Gabon, sur lequel tant d’inepties ne cessent d’être colportées, n’était-il en
2010 que son 74° partenaire commercial. Avec moins d’un milliard d’euros
d’échanges cumulés, il ne fournissait que 0,1% de toutes les importations
françaises et 0,5% de ses besoins pétroliers.
- Les trois premiers partenaires commerciaux de la France en Afrique sud
saharienne n’ont jamais fait partie de son empire colonial puisqu’il s’agit de
la République sud-Africaine, du Nigeria et de l’Angola avec lesquels Paris a un
volume d’échanges plus important qu’avec toute la zone franc.
- Militairement, la France n’est plus le gendarme de l’Afrique. Ses
effectifs au sud du Sahara qui étaient de 30 000 hommes en 1960, de
11 000 en 2006, n’étaient plus que de l’ordre de 5000 en 2009, stationnés
sur ses trois dernières bases, à savoir 2900 hommes à Djibouti, 1150 à Dakar et
800 au Gabon. Depuis, plusieurs implantations ont été fermées, notamment en
Côte d’Ivoire. La France est cependant toujours présente dans le cadre de
missions ponctuelles d’assistance ou d’intervention.
Bernard Lugan
11/10/12
mercredi 3 octobre 2012
L'Afrique Réelle N°34 - Octobre 2012
Sommaire :
Actualité :
- Kenya : Kikuyu contre Luo et Orma contre Pokomo
- Somalie : La victoire des Hawiyé
Dossier : Quel avenir pour la Libye ?
Editorial de Bernard Lugan :
Mali : quatre réflexions « utiles » avant le déclenchement de l’offensive
Avant de déclencher l’intervention militaire programmée et nécessaire, quatre points méritent réflexion :
1) Au long des siècles, l’Islam s’est peu à peu imposé dans tout l’Ouest africain sahélien aux dépens des peuples animistes dont les constructions politiques furent détruites et les populations régulièrement mises en servitude. Au XIe siècle, les Almoravides disloquèrent ainsi le royaume soninké de Ghana. L’islamisation s’enracina ensuite à l’époque des empires du Mali et du Songhay. Puis, à partir des XVIIe-XVIIIe siècles, vint le temps des jihad qui se succédèrent de l’Atlantique au lac Tchad. A l’Ouest, les principaux furent celui des Toucouleur qui aboutit à la constitution de l’empire d’al Hadj Omar dans la partie occidentale du Sahel et celui des Peul de Shekku Ahmadu qui s’étendit dans la vallée moyenne du Niger. Plus à l’est, l’empire Peul-Haoussa de Sokoto fut fondé par le jihad d'Osman dan Fodio au début du XIXe siècle dans le nord du Nigeria, zone actuelle d’opération de Boko Haram. Qu’il s’agisse de Boko Haram, d’Aqmi, du Mujao ou encore d’Ansar Eddine, les actuels courants fondamentalistes sahéliens s’inscrivent tous clairement dans la tradition de ces jihad.
2) À la faveur des évènements survenus dans le nord, les islamistes ont pris le contrôle du sud du Mali où, et ne l’oublions pas, il y a moins de 150 ans, le royaume animiste bambara résistait encore à l’islamisation et où la conversion intégra nombre de pratiques antérieures. Aujourd’hui, ce qui faisait l’originalité des « islams noirs » est en passe d’être éradiqué car, face au vide politique, le Haut-conseil islamique, d’obédience rigoriste, s’est en effet imposé à Bamako comme étant le vrai pouvoir. Le HCI a ouvert des négociations directes avec Ansar Eddine duquel il n’est en réalité séparé que par de légères et subtiles divergences d’interprétation du Coran. Le HCI et Ansar Eddine étant tous deux en faveur du respect de l’intégrité des frontières du Mali, un terrain d’entente a donc été trouvé et cela d’autant plus que les négociateurs du HCI ne demandaient à leurs interlocuteurs nordistes que quelques concessions de détail concernant l’application de la charia.
3) Face à l’offensive militaire de la CEDEAO, les islamistes nordistes sont donc divisés puisque, comme je viens de le dire, les plus réalistes ont déjà quasiment accepté une forme de ralliement qui isolera encore davantage la fraction la plus intransigeante désormais réduite à des groupuscules rassemblant moins de 300 « véritables » combattants. Quant aux Touaregs du MNLA, comme ils ne sont plus en mesure d’imposer leur revendication indépendantiste, ils sont donc condamnés à négocier leur ralliement à Bamako en échange de concessions politiques. Ils vont donc jouer en quelque sorte le rôle de supplétifs nordistes de la future offensive que prépare la CEDEAO. Peut-être en profiteront-ils pour régler « discrètement » leurs comptes avec les islamistes quand, dispersés dans les immensités désertiques, ces derniers chercheront à se mettre à l’abri de frontières poreuses.
4) La reprise de Tombouctou et de Gao ne changera rien au fond du problème qui est que les populations nordistes ne veulent plus être soumises à celles du Sud. A défaut d’un redécoupage frontalier refusé par toutes les parties, à l’exception des Touareg, la reconnaissance de l’autonomie des trois Azawad est donc une nécessité. Pour mémoire, il s’agit de l’Azawad touareg, de l’Azawad maure et de l’Azawad du fleuve à la population composite. Faute de quoi, les mêmes causes produisant les mêmes effets, le nord du Mali ne tardera pas à refaire l’actualité…
Inscription à :
Articles (Atom)