Un court communiqué de
synthèse pour prendre date. Depuis 2011 dans le cas de la Libye, et depuis 2013
dans celui du Mali -voir l’historique des numéros de l’Afrique Réelle et mes communiqués-, ne travaillant que sur le seul réel, j’annonce ce qui va globalement
se passer dans les deux pays. En toute humilité, les faits ont semblé me donner
raison :
1) Au Mali, nous sommes en
présence de deux guerres, celle des Touareg au nord et celle des Peul au sud. Dans
les deux cas, la question n’est pas d’abord religieuse car l’islamisme n’y est que
la surinfection de plaies ethno-raciales millénaires. Au nord, la clé du problème
est détenue par Iyad Ag Ghali, chef historique des précédentes rebellions
touareg. Or, ce dernier est de longue date soutenu par l’Algérie, comme les
récentes rencontres qu’il vient d’avoir avec les services algériens le
confirment.
Depuis le début, ne fallait-il
pas, comme je n’ai cessé de le proposer, nous entendre avec ce chef Ifora avec
lequel nous avions des contacts, des intérêts communs, et dont le combat est
identitaire avant d’être islamiste ? Par idéologie, par refus de prendre
en compte les constantes ethniques séculaires, ceux qui font la politique
africaine française ont considéré tout au contraire qu’il était l’homme à
abattre…Tout récemment encore, le président Macron a une nouvelle fois ordonné aux
forces de Barkhane de l’éliminer. Et cela au moment même où, sous parrainage
algérien, les autorités de Bamako, négocient avec lui une paix régionale…
Le conflit du sud (Macina,
Liptako et région dite des « Trois frontières »), a, lui aussi des
racines ethno-historiques. Cependant, deux guerres s’y déroulent. L’une est
l’émanation de larges fractions des Peul et son règlement se fera parallèlement
à celui du nord, par une négociation globale. L’autre, à base religieuse, est
menée par l’Etat islamique.
L’erreur française fut de
globaliser la situation alors qu’il était impératif de la régionaliser.
Ainsi :
1) Paris n’a pas voulu voir que l’EIGS (Etat islamique dans le Grand Sahara) et
AQMI ( Al-Quaïda pour le Maghreb
islamique) ont des buts différents.
L’EIGS qui est rattaché à Daech a pour objectif la création dans toute la BSS
(Bande sahélo-saharienne), d’un vaste califat trans-ethnique remplaçant et
englobant les actuels Etats. De son côté, AQMI étant l’émanation locale de
larges fractions des deux grands peuples à l’origine du conflit, à savoir les
Touareg au nord et les Peul au sud, ses chefs locaux, le Touareg Iyad Ag Ghali
et le Peul Ahmadou Koufa, ont des objectifs d’abord locaux, et ils ne prônent
pas la destruction des Etats sahéliens.
2) Paris
n’a pas voulu voir que, le 3 juin 2020, la mort de l’Algérien Abdelmalek
Droukdal, le chef d’Al-Quaïda pour toute l’Afrique du Nord et pour la BSS, tué
par les forces françaises, changeait radicalement les données du problème. Son
élimination donnait en effet leur autonomie au Touareg Iyad ag Ghali et au Peul
Ahmadou Koufa. Après celles des « émirs algériens » qui avaient
longtemps dirigé Al-Qaïda dans la BSS, celle d’Abdelmalek Droukdal marquait la
fin d’une période, Al-Qaïda n’y étant désormais plus dirigé par des étrangers,
par des « Arabes », mais par des « régionaux ». Or, ces
chefs régionaux ont des buts ethno-régionaux ancrés sur une problématique
millénaire dans le cas des Touareg, séculaire dans celui des Peul. Le manque de
culture des dirigeants français leur a interdit de le voir. D’où l’impasse
actuelle. Ils auraient pourtant pu méditer ce qu’écrivait en 1953 le Gouverneur
général de l’AOF : « Moins d’élections et plus d’ethnographie, et tout le monde y trouvera
son compte »…
Or, pour les dirigeants français, la question ethnique est secondaire ou même artificielle. La
« spécialiste » qui m’avait succédé à l’EMS de Saint-Cyr Coëtquidan
après que j’en fus écarté, ne craignait ainsi pas de dire et d’écrire que
l’approche ethnique est une « c…. ». Avec une telle formation hors
sol, nos futurs chefs de section se virent donc contraints de préparer leur
projection dans la BSS avec la lecture clandestine de mon livre Les guerres du Sahel des origines à nos jours, un ouvrage précisément
construit à partir des cours que je donnais à l’Ecole de Guerre et à l’EMS
avant mon éviction…
2) En Libye où la question est d’abord
tribale -et non ethnique-, et où la guerre insensée inspirée par BHL a abouti à
l’éclatement des confédérations tribales, donc à l’anarchie, j’explique depuis
le début que la solution passe par la
reconstruction du système politico-tribal jadis édifié par le colonel Kadhafi. Je n’ai également jamais cessé de
soutenir que le seul à pouvoir le reconstituer est Seif al-Islam Kadhafi, son
fils. Pour une raison simple : par son père, il fait partie des alliances
tribales de Tripolitaine, et par sa mère, de celles de Cyrénaïque. A travers
lui, peut donc renaître l’engrenage tribal sur lequel repose toute la vie
politique du pays. Tout le reste n’est qu’artificiel placage politique
européo-centré.
Selon certaines sources, Seif al-Islam
Kadhafi, soutenu par le Conseil des tribus, envisage de se porter candidat aux
prochaines élections. Où et quand pourrait-il annoncer sa candidature ? Depuis
la Libye, ou depuis un pays du Maghreb ?
merci de vos précieuses analyses... j'ai acheté plusieurs de vos livres sur internet... concernant le Mali, que pensez-vous de l'action de Choguel-Maïga. Avec mon regard extérieur, il semble vouloir mener une real-politik rationnelle... mais j'aimerais connaître votre analyse dans ce dossier. Cordialement.
RépondreSupprimerIl y a plus de 200 ans que la république française commet la même erreur. Un des premiers exemples est la Suisse. Une fois envahie et matée, la France a voulu en faire une république "soeur" centralisée sans tenir compte de l'importance de l'identité des cantons. Il en a découlé plus de 5 ans de pillages, massacres et guerre civile.
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