vendredi 18 mars 2016

Les dévots de la religion démocratique réussiront-ils à provoquer le chaos au Niger, au Congo, au Tchad et au Cameroun ?


Le 20 mars, des élections présidentielles se tiendront au Congo Brazzaville et au Niger dans un climat lourd d’orages.

Au Niger, Mahamadou Issoufou, premier président élu au suffrage universel a remporté le premier tour avec 48% des voix à l’issue d’un scrutin surréaliste. L’opposition ayant décidé de boycotter le second tour, le climat est plus qu’explosif. La farce électorale laissera des traces dans un pays extrêmement fragile, au contact de plusieurs foyers jihadistes et dans lequel l’armée a une longue habitude des coups d’Etat.

Au Congo Brazzaville, le président Sassou Nguesso est au pouvoir depuis trente ans à la suite d’une féroce guerre civile. En Europe, les « grandes consciences » en sont émues. Comme le président est Mbochi, il a contre lui les Kongo qu’il évinça il y a trois décennies. Mais, comme les Mbochi sont moins nombreux que les Kongo, ces derniers estiment qu’ils ont donc pour eux la légitimité ethno-mathématique… Or, le Congo, voisin de la Centrafrique, est une pièce essentielle dans la stabilité de l’Afrique centrale et nul n’a intérêt à voir ce pays replonger dans la guerre civile.

Les mêmes problèmes commencent à se poser au Tchad et au Cameroun, deux pays-pivots dans lesquels il est également vital pour l’intérêt de l’Afrique d’empêcher l’installation du chaos. Or, des élections présidentielles s’y profilent et, toujours au nom de la démocratie, les illuminés d’Europe y soutiennent des opposants qui, à l’imitation des Sirènes, ont su les charmer de leurs chants.

Après avoir semé le chaos en Tunisie, en Libye, au Mali, en Somalie, en Centrafrique, au Burundi et bien ailleurs en Afrique, les dévots de la religion démocratique réussiront-ils à faire exploser les derniers pays à peu près stables du continent ? Ils s’y emploient avec constance…

Dans les Afriques où la criante nécessité d’Etats forts est une évidence, l’impératif démocratique décrété à la Baule par le président François Mitterrand le 20 juin 1990 a eu des conséquences désastreuses. Le multipartisme y a en effet affaibli des Etats en gestation et réveillé les luttes de pouvoir à travers des partis qui ne sont, dans leur immense majorité, que des habillages ethniques. C’est pourquoi il importe :

- De permettre à l’Afrique de reprendre au plus vite ce « raccourci autoritaire » qui traumatise tant les démocrates européens, mais qui, seul, est susceptible de provoquer une coagulation nationale.
- De répudier le système électoral fondé sur le destructeur principe de « un homme une voix ». Donnant automatiquement le pouvoir aux peuples les plus nombreux, ce dernier transforme en effet les membres des ethnies minoritaires en citoyens de seconde zone ; d’où d’incessantes guerres civiles.
- D’encourager l’Afrique à réfléchir à des modes électoraux communautaires et non plus individuels.

En un mot, les Africains doivent se décoloniser mentalement pour en revenir à la culture du chef. Leur salut en dépend. Tout le reste n’est que balivernes européocentrées. A commencer par le mythe du développement[1].

Bernard Lugan
18/03/2016


[1] Voir à ce sujet mon livre « Osons dire la vérité à l’Afrique ». Le Rocher, 2015.

3 commentaires:

  1. Bonjour Monsieur,

    Vos analyses restent "pertinentes" malgré leur côté "politiquement incorrecte" et en effet l'écueil est que l'on veut toujours "imposer" des "systèmes" venus d'ailleurs aux Autres sans ce soucier de leur fonctionnement local.Car l'essentiel comme vous le laissez entendre est de préserver la vie humaine et arrêter tous ces massacres au nom d'une soi-disant "démocratie"?

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  2. Bonjour Monsieur Lugan,

    Toujours fort enrichissant de lire vos analyses sur l'Afrique, à croire qu'en France nos pseudos élites en sont encore à Jules Ferry : devoir d'apporter aux populations indigènes notre système de valeurs qui a valeur universelle. On est effaré que ces dites élites n'ai pas compris toute l'utopie et drames en découlant, de ce nouveau messianisme que nous tentons de leur imposer alors qu'il fait fi de toutes leurs spécificités ancestrales. On en revient hélas à la phrase de Bossuet : Dieu se rit des hommes se lamentant des effets dont ils chérissent les causes.

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  3. Bernard LUGAN a-t-il publié une conception claire de ce qu'il entend par la culture du chef ?

    A quelle réalité africaine cela renverrait-il ? S'agit-il de l'extrapolation d'une pensée française ?

    J'aimerais en savoir plus .

    Un béotien.
    ERIC BASILLAIS

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