dimanche 1 décembre 2024

L'Afrique Réelle n°180 - Décembre 2024

Sommaire

Numero spécial : Le Tchad après la rupture des accords de défense avec la France

- La terre, les hommes et leurs conflits
- Le volcan ethnique menace de se réveiller 
- Les Nord contre le Sud (1965-1979) 
- Les guerres internes au Nord (1980-2009)
- Les dernières guerres d’Idriss Déby Itno

Histoire : Le maréchal Bugeaud et les assassins de la mémoire
- Bugeaud découvre l’Algérie (1836-1837)
- Bugeaud, un opposant à la conquête de l’Algérie
- Bugeaud et la conquête de l’Algérie 
- Bugeaud créateur de l'armée d’Afrique


Editorial de Bernard Lugan

Pourquoi Boualem Sansal est-il pris en otage à Alger ?

Que l’on ne s’y trompe pas, c’est pour avoir déclaré le 2 octobre 2024 à un hebdomadaire français que : « Quand la France a colonisé l’Algérie, toute la partie Ouest de l’Algérie faisait partie du Maroc », que Boualem Sansal a été incarcéré à Alger où il risque une très lourde peine de prison. Par cette déclaration, Boualem Sansal a en effet brisé un tabou sur lequel repose la fausse histoire du pays fabriquée depuis 1962.

Or, Boualem Sansal n’a fait qu’énoncer une évidence historique niée par les historiens officiels algériens et par les historiens français alignés sur la doxa algérienne.  Benjamin Stora considère ainsi que la déclaration de Boualem Sansal « blesse le sentiment national algérien »… Une insolite remarque dans la mesure où il n’a rien à opposer à  Boualem Sansal… Peut-il en effet raisonnablement soutenir que le Touat, le Tidikelt, le Gourara, Tindouf, Béchar et Tabelbala n’étaient pas marocains avant la colonisation ?

Benjamin Stora aurait donc bénéfice à lire mon livre Le Sahara occidental en dix questions dans lequel je dresse l’argumentaire détaillé et la cartographie très précise des amputations territoriales subles par le Maroc au profit de l’Algérie.

N’en déplaise à Benjamin Stora, avant d’être colonisée par la France, l’Algérie n’existait en effet pas comme Etat alors que le Maroc millénaire contrôlait effectivement tout ce qui, aujourd’hui, est devenu l’ouest algérien, toutes régions que la république coloniale attribua à l’Algérie alors qu’elles étaient dirigées par des caïds nommés par le sultan du Maroc et que la prière y était dite en son nom. 

Pour les dirigeants d’Alger, il est insupportable de devoir simplement admettre que l’unité algérienne est un legs de la France. Jusqu’à son nom qui lui fut donné en 1839 par le général Schneider. Auparavant, l’on parlait certes de la ville d’Alger, mais pas de l’Algérie, pas de l’Etat algérien. La région était désignée sous le nom de Maghreb al-Awsat, Maghreb central ou médian puis, à l’époque ottomane de Régence d’Alger ou Sandjak ou Odjak de l’Ouest. La période ottomane ne vit d’ailleurs pas une évolution vers un État-nation algérien car, à la différence des Karamanli en Libye et des Husseinites en Tunisie, il n’y eut pas dans la Régence d’Alger d’apparition d’une dynastie nationale ou pré-nationale. 

L’affaire Boualem Sansal est emblématique car elle montre que le « Système » algérien vient d’être touché au cœur à travers la fausse histoire sur laquelle il a bâti son entreprise d’exploitation et de pillage du pays.