La guerre a repris dans le
Kivu au mois de mars 2012 quand le « général » Bosco Ntaganda que
la Cour pénale internationale (CPI) considère
comme un criminel s’est mutiné. Ce Tutsi congolais ancien de l’armée rwandaise a
ensuite été rejoint par un autre Tutsi congolais, le colonel Sultani Makenga
dans le M23 (Mouvement du 23 mars). Le tout sous le regard impuissant des
Casques bleus de la
Monusco.
Le fond du problème est que
le président Kabila a décidé de rétablir l’autorité de l’Etat sur l’est du Congo
passé de fait sous protectorat rwandais. Or, pour cela, il doit pouvoir
s’appuyer sur une armée qui n’existe pas, les FARDC (Forces armées de la République démocratique du
Congo) n’étant qu’une juxtaposition de milices ethno régionales dont
celle de l’ancien CNDP (Congrès national pour la défense du peuple), mouvement
composé de Tutsi congolais intégré dans l’armée nationale en 2009. Avec près de
5000 hommes bien entraînés et combatifs, elle constitue une armée dans l’armée.
Aussi, quand Kinshasa décida de muter ces militaires tutsi ailleurs que dans le
Kivu, certains se sont révoltés cependant que leurs frères, restés dans l’armée
constituaient leur cordon de sécurité, pour ne pas parler de « 5e colonne ».
Le brassage ethno régional
de l’armée financé par la communauté internationale a donc totalement échoué car
il a buté sur les incontournables réalités ethniques
régionales.
La solution de la question
récurrente du Kivu se trouve cependant au Rwanda où le problème se pose autour
de trois évidences:
1) Isolé sur ses hautes
terres surpeuplées, le Rwanda va droit au collapsus si, d’une manière ou d’une
autre, il ne déborde pas vers les régions vides d’habitants du Kivu
congolais.
2) Sans une ouverture vers
le Kivu, le Rwanda qui est naturellement tourné vers l’océan indien, n’est que
le cul de sac de l’Afrique de l’Est, la forêt de la cuvette congolaise formant
une barrière naturelle, politique, ethnique, culturelle et linguistique
(kiswahili oriental et lingala occidental).
3) L’indéniable réussite
économique actuelle du Rwanda repose très largement sur le pillage des
ressources de la RDC.
Selon l’ONU, le Rwanda constituerait ainsi la plaque tournante
du commerce illicite des pierres précieuses congolaises. Le trafic se fait à
travers des sociétés écran et des coopératives minières qui donnent le label
« Rwanda » aux productions congolaises, ce qui permet de les écouler sur le
marché international en dépit de l’embargo.
Voilà les principales
raisons pour lesquelles le Rwanda soutient les rébellions successives de la
région du Kivu et épaule les Tutsi congolais. Hier, il agissait à travers le
CNDP ; actuellement le relais de sa politique est le « général » Ntaganda qu’il
aide en matériel et en hommes. Quand ce dernier aura cessé de lui être utile,
Kigali le remplacera sans aucun état d’âme par un autre « général» tutsi
congolais.
Bernard
Lugan
19/07/2012
Merci pour ces clefs de décryptage.
RépondreSupprimerD.Hervouet
Le Congo n'a pas vocation à accueillir les excédents de population ruandais...Les Ruandais peuvent diminuer leur natalité au lieu de se reproduire tels des lapins...
RépondreSupprimerMerci de cette analyse claire et concise. Je ne saurais la commenter qu'en m'interrogeant - et en vous interrogeant, vous l'expert - sur le temps qu'il faudra pour que les contours nationaux hérités de la colonisation du XIXème siècle absorbent les contours ethniques ou soient absorbés par eux ? Alors qu'il a fallu bien des siècles, et quelques invasions, pour que le monde euro-méditerranéen "digère" l'organisation administrative de la colonisation romaine...Un général en remplacera toujours un autre, mais il y aura toujours des Tutsi et des Hutu, des peuples divisés ou parqués, des pressions démographiques, des déséquilibres en termes de ressources naturelles, et le souvenir historique de l'empire du Congo, qui, s'il se reconstituait, aurait peut-être les moyens matériels de devenir une grande puissance, comme au temps où il traitait d'égal à égal avec le Portugal, première puissance européenne en Afrique.
RépondreSupprimerLe martyr de l'ex-Zaïre doit cesser. Comment se fait-il que l'on ai laissé se dérouler une telle tragédie à la discrétion du Rwanda ?
RépondreSupprimerDétail amusant, la villa fortifiée de Bosco Ntaganda dans la ville frontière de Goma se situe à une poignée de mètres de la frontière rwandaise.
RépondreSupprimerhttp://www.marketwire.com/press-release/ucla-law-students-locate-compound-congolese-militia-leader-wanted-international-criminal-1631873.htm