L’affaire serait cocasse si
elle n’était le révélateur du niveau d’abaissement de la France. Lors du sommet
de l’OIF (Organisation internationale de la Francophonie) qui vient de se tenir
en Arménie, le président Macron a, de son propre chef, fait élire une nouvelle
présidente en la personne de Louise Mushikiwabo, ministre rwandaise des
Affaires étrangères, une habituée des virulentes et continuelles attaques
contre la France.
Voilà donc cet organisme
désormais présidé par la représentante d’un pays dont le gouvernement a rasé au
bulldozer le centre culturel français à Kigali, un pays qui a déclassé le
français au profit de l’anglais, un pays qui, si l’on en croit la presse, ne
cotisait plus à l’OIF, un pays qui n’a cessé de traiter de génocidaires ou de complices
de génocide, le président Mitterrand et ses ministres, ainsi que MM. Balladur
et Juppé ; un pays enfin qui a menacé de traîner en justice plusieurs
dizaines d’officiers et de hauts fonctionnaires français…
La raison d’Etat a certes
ses impératifs, mais certainement pas au prix d’une nouvelle humiliation
nationale.
D’autant
plus qu’au même moment, un vice-procureur du Parquet anti-terroriste français
signait une insolite réquisition aux fins de non-lieu dans l’affaire de
l’assassinat, le 6 avril 1994, de deux chefs d’Etat en exercice, celui du
Rwanda et celui du Burundi, assassinat qui fut le déclencheur du génocide du
Rwanda.
Or,
il est essentiel de savoir que cette réquisition fut prise trois mois après que
les magistrats instructeurs eurent eu communication d’un document exclusif
émanant du TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda). Il s’agit d’un rapport
jusque-là gardé secret par le Procureur de ce tribunal, dans lequel ses propres
enquêteurs désignent le président Kagamé comme étant le donneur d’ordre de
l’assassinat de son prédécesseur Juvénal Habyrimana, meurtre qui, rappelons-le,
déclencha le génocide du Rwanda.
Ce
rapport confirmait trois autres enquêtes indépendantes qui concluaient toutes à
la culpabilité de Paul Kagamé dans l’attentat contre l’avion du président
Habyarimana, à savoir le « Rapport Hourigan », l’enquête française du
juge Bruguière et l’enquête espagnole du juge Merelles.
Puis,
venant à l’appui de ce rapport, le 10 octobre 2018, le journal canadien The Globe and Mail révéla, sous le titre
« New information supports claims Kagame forces were involved in
assassination that sparked Rwandan genocide », qu’au terme d’une enquête
rocambolesque, le professeur belge Filip Reyntjens avait réussi à se procurer,
preuves photographiques à l’appui, les numéros de série des 40 missiles sol-air
livrés par l’URSS à l’Ouganda, pays soutenant Paul Kagamé, ce dernier ayant
précédemment été officier des services secrets ougandais. Or, les numéros des
deux missiles ayant abattu l’avion du président Habyarimana sont de la même
série[1]...
Ces
documents seront sans nul doute communiqués à la justice française et aux
parties civiles, ce qui fait que la réquisition de non-lieu va être fortement
contestée sur ce point et sur bien d’autres. Il va donc être
« difficile » aux magistrats instructeurs de suivre les demandes du
vice-procureur Ranucci.
D’autant
plus que ce dernier accumule les erreurs et les contre-vérités. Ainsi, page 92
de sa réquisition, il écrit, contre toute évidence et contre tout ce que
contient le dossier, et cela le jour même où le Globe and Mail publiait
une nouvelle preuve de la possession par le FPR de Paul Kagamé des missiles
utilisés le jour de l’attentat : « Les investigations menées n’ont
pas établi de manière formelle que l’APR (l’armée de Paul Kagamé) disposait en
1994 de missiles sol-air ».
Une
justice indépendante ne pourra donc que balayer ce réquisitoire aux fins de
non-lieu qui ressemble fortement à un mémoire en défense.
Plusieurs chercheurs anglo-saxons menant
actuellement des recherches détaillées, l’on peut donc s’attendre à d’autres
révélations. Le tribunal de l’Histoire sera finalement le juge ultime, et du
commanditaire du crime, et des tentatives diverses d’étouffement de l’enquête.
Bernard Lugan
[1] Dans son numéro de novembre que
les abonnés recevront le 1er novembre, l’Afrique
Réelle reviendra longuement sur ces deux documents. Pour l’état des
connaissances voir mon livre « Rwanda, un génocide en questions »…
"Raison d'état" ? Dévoyée, sans nul doute, car toutes les preuves sont dans le dossier d'instruction pour envoyer les nervis de Kagame devant la Cour d'Assise.
RépondreSupprimerRépublique bananière donc, et justice couchée... On connait dans notre "pays des droits de l'homme".
Euh, donc la France n'obtient rien, ni au niveau de la francophonie (retour de l'enseignement du français par exemple) ni au niveau diplomatique en Afrique ?
RépondreSupprimerCette raison d'érat est un aveu de forfaiture et de haute trahison
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