Au moment où le parlement libyen appelle à une intervention étrangère "pour
protéger les civils", nous pouvons lire dans le quotidien Le Monde en date du 12 août 2014 un titre
insolite: "La transition en Libye est un échec, il faut la repenser".
Que
s'est-il donc passé pour que la "bible des bien-pensants", ce point
oméga du conformisme intellectuel français, se laisse ainsi aller à une telle
constatation après avoir soutenu avec une arrogante indécence l'intervention
militaire contre le colonel Kadhafi, cause directe de la situation actuelle ?
Le
but de la guerre calamiteuse décidée par Nicolas Sarkozy était officiellement
l'établissement d'un Etat de droit à la place d'un régime dictatorial. Après le
lynchage du colonel Kadhafi par les islamo-mafieux de Misrata, un processus
démocratique fut imposé aux nouveaux maîtres du pays. Il se mit en place à
travers plusieurs élections et par la rédaction d'une Constitution. Les observateurs,
à commencer par les journalistes du Monde,
louèrent alors ces "avancées démocratiques", preuve de la
"maturité politique" des "démocrates" libyens. La "guerre
du droit" ayant été gagnée, accompagné de BHL, Nicolas Sarkozy alla
ensuite sur place goûter aux félicités triomphales du "libérateur"...
Le
résultat de ces illusions, de cet aveuglement, de ce décalage entre l'idéologie
et la réalité, de cet abîme existant entre les spasmes émotionnels et les
intérêts nationaux français, est aujourd'hui tragiquement observable. Les
dernières structures étatiques libyennes achèvent en effet de se dissoudre dans
des affrontements aux formes multiples s'expliquant d'abord par des logiques
tribales. Sur ces dernières viennent, ici ou là, se greffer avec opportunisme
des groupuscules islamistes soutenus par le Qatar et la Turquie.
Un
retour au réel s'impose donc afin de tenter de sortir la Libye de l'impasse.
Or, ce réel tient en quatre points:
1) La Libye n'a jamais existé comme Etat de facture occidentale.
2) Le colonel Kadhafi avait réussi à
établir une réelle stabilité en se plaçant au centre, à la jonction, des deux
grandes confédérations tribales de Cyrénaïque et de Tripolitaine.
3) Son assassinat a fait que, ayant perdu leur "point d'engrenage", ces
deux confédérations se sont tournées sur elles-mêmes dans une logique
d'affrontements tribaux régionaux ayant pour but la conquête du pouvoir dans
chacune des deux grandes régions du pays éclatées en cités-milices aux intérêts
tribalo-centrés.
4) La
clé de la stabilité libyenne passe par la reconstitution du système d'alliances
tribales mis en place par le colonel Kadhafi. Or, les responsables politiques libyens
ne sont pas en mesure de mener cette politique car ils sont tous sont
ethno-géographiquement liés par leurs origines.
Le
seul qui, dans l'état actuel de la complexe situation libyenne pourrait jouer
ce rôle de rassembleur-catalyseur est Seif al-Islam, le fils du colonel
Kadhafi. Actuellement détenu avec des égards par les miliciens berbères de
Zenten qui constituent le fer de lance des forces anti-islamistes en
Tripolitaine, il est soutenu par les Warfallah, la principale tribu de Tripolitaine,
par les tribus de la région de Syrte, par sa propre tribu et il pourrait l'être
également par les Barasa, la tribu royale de Cyrénaïque, sa mère étant Barasa.
Autour de lui pourrait être refondée l'alchimie politico-tribale, le pacte
social tribal de Libye.
Mais
pour cela il importe que la CPI, perçue en Afrique comme un instrument du
néocolonialisme "occidental", lève le mandat d'arrêt de circonstance lancé
contre lui.
En tant qu'Africain, je salue la clairevoyance de vos analyses.
RépondreSupprimerJe ne pense pas qu'il s'agit d'une erreur d'appréciation de la diplomatie française mais plutôt d'une volonté délibérée de déstabiliser la Lybie. BHL et Monsieur Sarkozy auraient été bien naïf dans le cas contraire...
RépondreSupprimerEst-ce que le but de cette guerre n'etait pas de mettre la main sur le petrole, tout simplement ? Les puits de pétrole sont-ils exploités aujourd'hui, et au bénéfice de qui ?
RépondreSupprimerEt une fois que l'affaire sera réglée, quelle sera la suite ? Remettre le fils Kadhafi en prison toujours avec des égards ou lui offrir quelque chose qu'il demandera forcément en échange ?? Car rien n'est gratuit dans la vie.
RépondreSupprimerJacky