Les
prédictions apocalyptiques, à l’image de celles de la jeune Greta Thunberg ne
sont pas l’apanage de l’Europe. Les exemples de prophéties millénaristes faites
par des adolescents se retrouvent également en Afrique, notamment en Afrique du
Sud et plus particulièrement chez les Xhosa.
Qu’il
s’agisse des prophéties européennes ou africaines, elles interviennent toujours
dans un contexte de grande crise politique, morale ou sociale. En Europe, les
prophéties millénaristes les plus connues se sont produites au tournant de l’an
mil (ou mille) quand elles annonçaient la fin du monde et qu’elles se
traduisirent par les « grandes peurs ». Aujourd’hui, au moment où les
Européens doutent en observant la fin de leur modèle civilisationnel et les
menaces que le « grand remplacement » fait peser sur leur identité, c’est
l’apocalypse climatique qui est annoncée.
Les
Xhosa d’Afrique du Sud ont connu un phénomène semblable quand, influencés par
une jeune fille, ils se sont auto-détruits. Le contexte est bien connu. Démoralisés
par leurs défaites successives face aux Boers et aux Anglais, notamment celle
de 1853, et par les pertes de territoire qui en découlèrent, les Xhosa virent
également leur mode social bouleversé par l’impossibilité pour les lignages de
partir à la conquête de pâturages nouveaux puisque le front pionnier blanc
bloquait le leur. Pour ce peuple qui, génération après génération avançait vers
le sud en s’établissant sur des terres nouvelles, le traumatisme fut profond.
Il fut amplifié par la terrible sécheresse de l’été 1855-56 (déjà le climat…),
et par une épidémie de pleuropneumonie bovine qui éclata en 1854, tuant au
moins 100 000 têtes de bétail.
Dans
ce sentiment de fin du monde, les prophéties se succédèrent. L’une annonçait la
défaite des Anglais en Crimée devant des Russes présentés comme la réincarnation
des guerriers xhosa morts au combat lors des précédentes guerres et qui étaient
en marche vers le Xhosaland pour le libérer. Une autre annonçait que le chef qui
avait conduit la guerre de 1850-1853 était ressuscité.
C’est
dans ce contexte qu’en 1856, une jeune fille nommée Nongqawuse et appartenant à
la chefferie Mnzabele établie dans la région de la basse rivière Great Kei, eut
une vision: la puissance xhosa serait restaurée par les dieux, les troupeaux seraient
multipliés et les morts ressusciteraient si tout le bétail, toutes les récoltes
et toutes les réserves alimentaires étaient détruites.
Durant
les 13 mois de la prophétie (avril 1856-mai 1857), les Xhosa tuèrent leur
bétail, soit 400 000 têtes, et ils détruisirent leurs récoltes.
Le
16 février 1857, le jour fixé par Nongqawuse, le pays demeura silencieux et, quand
la nuit tomba, les Xhosa comprirent qu’ils allaient désormais subir une
terrible famine. Les morts se comptèrent par dizaines de milliers et les
survivants vinrent implorer des secours à l’intérieur du territoire de la
colonie du Cap.
Ceux
qui avaient tué leur bétail et détruit leurs récoltes accusèrent ceux qui ne
l’avaient pas fait d’avoir empêché la réalisation de la prophétie. En effet,
quelques chefs xhosa moins naïfs que les autres, l’on dirait aujourd’hui qu’ils
étaient des « prophéto-sceptiques », avaient refusé de suivre les
hallucinations de Nongqawuse et ils avaient été contraints de s’exiler vers le
Basutoland (Lesotho) pour échapper à la furie des croyants.
Le
résultat de cette prophétie fut que les Britanniques n’eurent plus besoin de
faire la guerre aux Xhosa puisque ces derniers s’étaient suicidés. Ils
installèrent alors 6000 colons dans l’arrière-pays du port d’East London et ils
englobèrent la région dans la British
Kaffraria avant de la rattacher à la colonie du Cap en 1866.
Bernard Lugan
Episode décrit dans le Roman de James Michener.
RépondreSupprimerTrès bon livre pour aborder l'Histoire Sud Af.
Excellent comme toujours Bernard Lugan. Je voudrais vous voir plus souvent dans les médias "grand public". A noter cependant que sans rentrer dans l'hystérie climatique, nous rencontrons actuellement des anomalies météorologiques à répétition, que j'observe comme paysan et forestier. Due à l'homme ou pas, peu importe : l'inertie du climat est si grande que les hypothétiques baisses d'émissions ne traduiraient leurs effets que plusieurs décennies plus tard. Dans le même temps, le capitalisme mondialisé exerce une pression insoutenable sur de nombreuses ressources primaires. A terme : les aléas météorologiques détruiront notre sylviculture et baisseront nos rendements agricoles. La tension sur les marchés exacerbera les conflits. Et les personnes à double allégeance, les néo-européens, seront un facteur de troubles sociaux supplémentaires. L'Europe se délite, les raisons en sont nombreuses...
RépondreSupprimerMerci à vous monsieur Lugan pour cet article.
RépondreSupprimerMais j'aimerais que Monsieur Lugan donne son avis sur le climat; y a-t-il vraiment une perturbation climatique inquiétante ou n'est-ce qu'une péripétie ?
RépondreSupprimerCordialement Rastignac
cet article s’adresse à tout ceux qui rêvent d'une économie décarbonée,c'est juste dommage que certains soient incapable de regarder le passé et d'en tirer des leçons
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