Abdelmalek Droukdal, le chef d’Al-Quaïda pour toute l’Afrique du Nord et pour la bande sahélienne, l’homme le plus recherché d’Algérie depuis deux décennies, a quitté son sanctuaire de Kabylie avec son état-major pour rejoindre le nord du Mali où l’armée française l’a abattu. Il a été « neutralisé » dans la région de Tessalit, en territoire touareg, ce qui a son importance.
Deux questions se posent :
1) Pourquoi a-t-il pris ce
risque ?
2) Pourquoi était-il devenu
gênant pour les Algériens qui ne pouvaient pas ne pas savoir qu’il avait « bougé » ?
1) Depuis plusieurs semaines,
des groupes jihadistes aux obédiences diverses et mouvantes se combattent dans
la BSS (Bande sahélo-saharienne). Un conflit ouvert y a même éclaté entre
l’EIGS (Etat islamique dans le Grand Sahara), rattaché à Daech, et les groupes
se réclamant de la mouvance Al-Qaïda, l’EIGS accusant ces derniers de trahison.
De fait, les deux principaux
chefs ethno-régionaux de la nébuleuse Al-Qaïda, à savoir le Touareg ifora Iyad
Ag Ghali et le Peul Ahmadou Koufa, chef de la Katiba Macina, négocient
actuellement avec Bamako.
2) L’Algérie est inquiète de
voir que Daech se rapproche
dangereusement de ses frontières. Or, comme elle considère le nord de la BSS
comme son arrière-cour, elle y a donc toujours « parrainé » les
accords de paix. Son homme sur zone est Iyad ag Ghali dont la famille vit en
Algérie où il a une maison. Politiquement il présente quatre avantages :
- Il est touareg ifora.
- Il est musulman « fondamentaliste ».
- En plus du soutien touareg, il dispose d’une base de popularité à Bamako avec les fidèles de l’imam Mahmoud Dicko.
- Et surtout, il est contre l’éclatement du Mali, priorité pour l’Algérie qui ne veut pas d’un Azawad indépendant qui serait un phare pour ses propres Touareg.
- Il est touareg ifora.
- Il est musulman « fondamentaliste ».
- En plus du soutien touareg, il dispose d’une base de popularité à Bamako avec les fidèles de l’imam Mahmoud Dicko.
- Et surtout, il est contre l’éclatement du Mali, priorité pour l’Algérie qui ne veut pas d’un Azawad indépendant qui serait un phare pour ses propres Touareg.
La négociation qui se
déroule actuellement « discrètement » a pour but de régler deux
conflits différents et qui, contrairement à ce qui est trop souvent écrit, ne
sont pas à racine islamiste. Il s’agit en effet comme je le montre dans mon livre Les Guerres du Sahel des origines à nos jours, de conflits inscrits dans la nuit des temps, des
résurgences ethno-historico-politiques aujourd’hui abritées derrière le
paravent islamique. Ces deux conflits qui ont chacun leur propre dynamique
sont :
- Celui du Soum-Macina-Liptako, qui est porté par les Peul, d’où l’importance d’Ahmadou Koufa.
- Celui du nord Mali, qui est l’actualisation de la traditionnelle contestation touareg, d’où l’importance d’Iyad ag Ghali.
- Celui du Soum-Macina-Liptako, qui est porté par les Peul, d’où l’importance d’Ahmadou Koufa.
- Celui du nord Mali, qui est l’actualisation de la traditionnelle contestation touareg, d’où l’importance d’Iyad ag Ghali.
Or, Abdelmalek Droukdal qui était opposé à ces négociations, avait décidé ou bien avait été « persuadé » de se rendre sur zone, peut-être pour rétablir un modus vivendi avec Daech. Mais, surtout, pour reprendre en main et imposer son autorité, à la fois à Ahmadou Koufa et à Iyad ag Ghali.
Il était donc l’obstacle au plan de paix régional visant à isoler les groupes de Daech afin de régler à la fois le problème touareg malien et le problème peul couvrant le sud du Mali ainsi que le nord du Burkina Faso. Voilà pourquoi il est mort.
La stratégie du saucissonnage des groupes terroristes a donc réussi. Elle prouve deux choses :
1) L’Algérie
est rentrée dans le conflit.
Si la stratégie actuelle
était couronnée de succès, le retour dans le jeu politique des Touareg ralliés
au leadership d’Iyad ag Ghali, et de
ceux des Peul suivant Ahmadou Koufa, permettrait de concentrer tous les moyens sur l’EIGS,
avec un glissement des opérations vers
l’est de la boucle du Niger et de la BSS.
Le problème va désormais être de savoir si le Fezzan Libyen échappe au général Haftar (voir mon communiqué du 28 mai 2020). Si tel était le cas, la Turquie, notre « bon » et « loyal » allié au sein de l’OTAN, aurait donc un couloir direct permettant à ses services d’aider les combattants de l’EIGS. Il serait alors impératif de reprendre le contrôle physique de la région de Madama afin d’éviter un réensemencement du terrorisme via la Libye.
Bernard Lugan
Ces groupes terroristes islamistes ont été longtemps utilisés et instrumentalisés par le pouvoir illégitime Algérien pour terroriser son peuple en quête de démocratie et de laïcité. C'était un peu comme allumer un contre-feu, sauf qu'il a tourné à l'incendie hors de contrôle. Le régime Algérien a joué au pompier pyromane en ce qui concerne les islamistes.
RépondreSupprimerL'Algérie est le pays dont les dirigeants ont instrumentalisé les islamistes pour se maintenir au pouvoir, comme nulpart ailleurs. C'est aussi pour cette raison que les islamistes ont le plus sévi en kabylie, la région la plus berbère, rebelle, contestataire et séparatiste. La situation durant la décennie noire des années 90 était vite devenue hors de contrôle, car la bête islamiste avait échappé à son créateur.
RépondreSupprimerJe viens juste de connaître ce blog, mais je le trouve intéressant avec la pertinence des analyses de M Logan.
RépondreSupprimerComment je peut faire pour avoir le livre : les guerres du Sahel des origines à nos jours?
Je n'aurais jamais cru à un tel bordel, un vrai nid de scorpions; ça vaut presque l'Asie ...
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