Le 6 avril 2020, c’est une nouvelle fois à travers l’histoire
fabriquée par le régime du général Kagamé que va être commémoré le 26°
anniversaire du génocide du Rwanda. Une histoire dont les trois principaux
piliers ont pourtant été pulvérisés par l’historiographie. Ainsi :
1) Contrairement à ce qu’affirme cette histoire fabriquée,
ce ne sont pas les « extrémistes hutu » qui ont abattu l’avion du président
Habyarimana.
Le génocide du Rwanda ayant été déclenché par
l’assassinat du président Habyarimana, l’impératif était donc de connaître les
auteurs de ce crime. Or, les alliés du général Kagamé, Etats-Unis et
Grande-Bretagne, ont interdit au TPIR (Tribunal pénal international pour le
Rwanda) dépendant du Conseil de Sécurité de l’ONU (Résolution 955 du 8 novembre 1994), de chercher à les
identifier.
Quant à la justice française, seule à avoir enquêté sur
cet attentat, elle s’est prudemment défaussée après 21 ans d’accumulation d’éléments semblant pourtant désigner le camp
du général Kagamé. Le 21 décembre 2018, suivant en cela les réquisitions du Parquet, elle a ainsi rendu
un insolite non-lieu concernant les
hauts cadres du général Kagamé que le
juge Bruguière accusait d’être les auteurs ou les commanditaires de l’attentat
du 6 avril 1994. Insolite en effet car :
1) Les magistrats écartent la piste
des « extrémistes hutu »,
innocentant ces derniers de toute
responsabilité dans l’attentat qui déclencha le génocide.
2) Ils énumèrent en
revanche, et en détail, les nombreux éléments du dossier
paraissant désigner à leurs yeux l’équipe du général Kagamé comme étant à
l’origine de cet attentat.
3) Mais, in fine, les deux magistrats
instructeurs prennent étrangement le contre-pied du déroulé de leur propre
argumentation pour conclure que « L’accumulation (je souligne) des charges pesant sur les mis en examen (les
membres du premier cercle du général Kagamé mis en examen par le juge Bruguière
le 17 novembre 2006) (…) ne peut pas
constituer des charges graves et concordantes permettant de les renvoyer devant
la cour d’assises ».
Utilisant la seule conclusion de ce singulier non-lieu en
taisant soigneusement la liste des charges l’impliquant énumérées par les magistrats français, le
régime de Kigali affirme avec un singulier aplomb qu’il n’est donc pour rien
dans l’attentat du 6 avril 1994. Cela lui permet de continuer à soutenir que ce
furent les « extrémistes hutu » qui commirent l’attentat alors que
rien, ni dans le dossier de la justice française ainsi que nous venons de le
voir, ni dans la monumentale masse de documentation étudiée par le TPIR, ne conduit
à cette piste. D’autant
plus que, présenté par l’histoire fabriquée comme étant
l’ « architecte du génocide », donc comme celui qui l’aurait
déclenché en faisant abattre l’avion du président Habyarimana, le colonel
Bagosora a été totalement lavé de cette accusation par le TPIR :
« No allegation implicating the Accused (Bagosora) in
the assassination of the President is to be found in the indictment, the
Pre-Trial Brief or any other Prosecution communication. Indeed, no actual
evidence in support of that allegation was heard during the Prosecution case. » (TPIR- Decision on Request for Disclosure and Investigations Concerning the
Assassination of President Habyarimana (TC) 17 october 2006).
2) Contrairement à ce qu’affirme l’histoire fabriquée, le
génocide n’était pas programmé.
Si le régime de Kigali continue à affirmer contre toute
vérité que ce furent les « extrémistes hutu » qui commirent
l’attentat du 6 avril 1994, c’est parce que ce postulat couvre le cœur de leur
mensonge historique qui est que ces mêmes « extrémistes hutu » ayant
programmé le génocide, l’assassinat du président Habyarimana allait leur
permettre d’avoir les mains libres pour le déclencher.
Or, ces « extrémistes hutu » qui, comme nous
l’avons vu, ne sont pas les auteurs de l’attentat qui coûta la vie au président
Habyarimana, n’avaient pas davantage programmé le génocide.
Ce point essentiel a été définitivement établi devant le TPIR dont le Procureur n’a
pas été en mesure de prouver l’existence d’une entente antérieure au 6 avril
1994 en vue de planifier et d’exécuter le dit génocide, ce qui a naturellement
conduit à l’acquittement des principaux accusés de ce chef d’accusation majeur.
Pour plus de détails à ce sujet on se reportera aux jugements dans les affaires
Bagosora, Zigiranyirazo, Bizimungu, Ngirumpatse et Karemera que je présente
dans Dix ans d’expertises devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda.
Dans ces conditions, comme le génocide du Rwanda n’était
pas programmé, nous en revenons donc à la question essentielle qui est de
savoir qui a tué le président Habyarimana puisque ce meurtre fut l’élément déclencheur
d’un génocide « improvisé » après le 6 avril 1994 par certains de ses
partisans rendus hystériques par son assassinat.
3) Contrairement à ce qu’affirme l’histoire fabriquée, dans
la nuit du 6 au 7 avril 1994, quand il reprit unilatéralement la guerre, le but
du général Kagamé n’était pas de sauver des vies, mais de conquérir
militairement le pouvoir.
Toujours selon l’histoire fabriquée, le général Kagamé fut contraint de violer le cessez-le-feu en
vigueur afin de sauver les populations du génocide. Or, une fois encore devant
le TPIR, il a été établi que :
- Cette
offensive fut lancée dès l’annonce de la mort du président Habyarimana, donc plusieurs
heures avant les premiers massacres.
- Cette offensive contre
l’armée nationale rwandaise désemparée par la mort de son chef d’état-major tué
dans l’explosion de l’avion présidentiel, et dont l’armement avait été consigné
par l’ONU dans le cadre du cessez-le-feu et des accords de paix, avait été minutieusement
préparée depuis plusieurs semaines, les forces du général Kagamé n’attendant
qu’un signal pour marcher sur Kigali.
- Afin de
provoquer le chaos, les forces du général Kagamé attaquèrent en priorité les
casernements de la gendarmerie afin d’interdire à cette dernière de rétablir la
sécurité dans la ville de Kigali, ce qui était sa mission. Voilà pourquoi, dès
le 7 avril, avant la vague des premiers massacres, le poste de gendarmerie hautement
stratégique de Remera fut pris d’assaut. Quant au camp Kami, principale emprise
de la gendarmerie à Kigali, fixée dans sa défense, sa garnison fut donc dans
l’incapacité d’intervenir dans la ville pour y mettre
un terme aux massacres.
Ces points
fondamentaux réduisent à néant l’histoire officielle fabriquée par le régime du
général Kagamé. Or, comme ils sont systématiquement ignorés par les médias,
c’est donc une fausse histoire du génocide du Rwanda qui sera une fois de plus commémorée
le 6 avril 2020.
Pour en savoir plus sur la construction et la
déconstruction de cette fausse histoire, en plus du PDF : Dixans d’expertises devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda, on se
reportera à mon livre intitulé Rwanda : un génocide en questions.
on ne peux cesser de vous remercier. pour tout le travail que vous faîtes sur l'Afrique. Mille merci
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