mercredi 7 août 2013

L'Afrique Réelle n°44 - Août 2013



























Numéro spécial Egypte


Sommaire :

Actualité : 
Retour sur des coups d’Etat croisés

Histoire :
- L’armée et les Frères musulmans : 60 ans de guerre
- L’échec de la première tentative de modernisation de l’Egypte

Géopolitique :
Vers une guerre pour le Nil entre l’Egypte et l’Ethiopie ?

Livre :
Printemps arabe : histoire d'une tragique illusion


Editorial de Bernard Lugan :

Ce numéro 44 de l’Afrique Réelle est en totalité consacré à l’Egypte et au mythe du « printemps arabe » en Afrique du Nord.
Mythe en effet puisque sur les cinq pays composant cette région (Egypte, Libye, Tunisie, Algérie et Maroc), seuls deux furent concernés par ce prétendu « printemps arabe » : la Tunisie et l’Egypte. La Libye constitue un cas à part car elle a subi, non pas une révolution, mais une guerre civile qui a vu la victoire d’un camp sur l’autre à la suite de cette colossale erreur politique que fut l’intervention militaire franco-otanienne.

Deux remarques doivent être faites : elles concernent un double échec, celui des Etats-Unis et celui de leurs alliés, les Frères musulmans :

1) Le rôle des Etats-Unis apparaît de plus en plus comme ayant été central dans ces évènements ; quant au suivisme des Européens, à commencer par la France, il fut plus que caricatural.
La clé d’explication est pourtant limpide : les Etats-Unis qui ont décidé de réorienter leur géopolitique vers l’Asie et qui ne vont plus avoir besoin du pétrole du Moyen-Orient en raison de leurs considérables réserves de schistes, ont voulu « organiser » leur départ. Pour cela, ils ont passé un pacte avec les Frères musulmans auxquels ils avaient prévu de confier les rênes du pouvoir, depuis la Turquie jusqu’en Tunisie.
La Maison Blanche pensait qu'en soutenant les Frères musulmans, mouvement supranational et très organisé, il serait possible de plaquer un semblant de paix sur l’ensemble de la région, tout en limitant l’influence des salafistes, et donc permettre un retrait en bon ordre.
Voilà qui explique pourquoi, et jusqu’au bout, l’ambassadeur des Etats-Unis en Egypte, madame Ann Patterson, a soutenu les Frères musulmans et le président Morsi.
Le renversement de ce dernier ayant fait capoter leur plan, les Etats-Unis ont ensuite improvisé un « plan B » en légitimant le coup d’Etat militaire tout en pesant sur l’armée égyptienne qui dépend financièrement d’eux.
L’échec des Américains est donc une fois de plus total et c’est un nouveau champ de ruines qu’ils vont laisser derrière eux ; ils en ont d’ailleurs l’habitude...

2) La crise économique, sociale et politique qui a suivi l’arrivée au pouvoir des Frères musulmans en Tunisie et en Egypte a mis en évidence la réalité de ce mouvement dont les projets ont davantage divisé qu’ils n’ont rassemblé. Quant à leur martingale alliant conservatisme religieux et modernité économique, elle est vite apparue pour ce qu’elle est : un mythe.
L’échec des Frères musulmans lève-t-il pour autant l’hypothèque islamiste ? Rien n’est moins certain. La nouveauté est cependant que pour une partie des populations des pays concernés, ils ne constituent plus un recours.

Désormais, il est temps de tirer les leçons de ces dramatiques évènements pour enfin revenir au réel qui s’expose de la manière la plus politiquement incorrecte qui soit :

1) Cesser de pousser ces pays dans l’impasse mortelle pour eux qu’est la démocratie.

2) Laisser se reconstituer ces pouvoirs forts qui, seuls peuvent éviter le double écueil de l’anarchie et de l’islamisme. Ce sont en effet de nouveaux Nasser dont ont besoin ces pays et non d'élections puisqu'elles ne servent qu'à élargir les fractures sociétales.

7 commentaires:

  1. Vous dites : "L’échec des Américains est donc une fois de plus total et c’est un nouveau champ de ruines qu’ils vont laisser derrière eux ; ils en ont d’ailleurs l’habitude..."

    je vois les choses autrement : c'est un nouveau succès des Américains, une nouvelle destruction de peuples et de pays tout entiers. Je pense que c'est là le but recherché, surtout au moyen-orient : la destruction complète de tout ce qui pourrai un jour s'opposer à un certain petit pays spécial de la région. Détruisons donc les peuples d'Irak, Liban, Palestine, Egypte, Syrie, Libye, Iran...

    Attention à ne pas sous-estimer le cynisme et la cruauté des politiques étrangères... Détruire des peuples n'a jamais posé de problèmes moraux à des chefs d'état.

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  2. Nasser était un rigolo. Ce qu'il leur faut c'est le Mahdi, à défaut Gengis Khan ou Attila; Et pour nous qui préconisez-vous ?

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  3. Je trouve que votre conclusion est par trop primaire, par conséquent excessive. Ce qu'il faut à l'Egypte c'est le roi Felouk comme il faut à la France un descendant de ce C... de Paris qui termina sa vie devant un téléviseur surmonté d'un napperon brodé par sa vigilante amie.

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  4. Je viens d'apprendre que la justice avait reconnu que vous n'êtes ni raciste, ni antisémite, ni colonialiste. Je suis déçu.

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  5. "[...]Ce sont en effet de nouveaux Nasser dont ont besoin ces pays[...]"
    Je trouve cette conclusion quelque peu hâtive.
    En effet, il faut savoir que l'Afrique du Nord est une terre Berbère avant tout.
    Nasser était un panarabiste absolu, dont la politique se résumait à accuser Israël de tous les maux économiques et sociaux de son pays.

    Enfin bref, les USA et ses alliés fidèles moyen-orientaux que sont l'arabie (séoudite) et le qatar, utilisent l'islam comme une arme politique afin de dominer des pays Berbères (Tamazgha), ce qui somme toute constitue bel et bien une forme insidieuse de colonialisme.

    L'Afrique du Nord, pour s'en sortir doit renouer avec ses racines Berbères et instaurer la laïcité; afin de lutter contre l'ingérence des pays moyen-orientaux que sont le qatar et l'arabie(séoudite), alliés et à la botte des USA, qui utilisent l'islam comme une arme pour semer le trouble, et faire en sorte que l'Afrique du Nord (Tamazgha)reste dans un état perpétuel de chaos et de soumission.

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  6. Bonjour,

    Merci pour ce sommaire et cet éditorial, qui une nouvelle fois m'encourage à m'abonner à votre revue.

    Je me permets d'apporter deux commentaires :

    - Votre éditorial limite le "printemps arabe" aux deux seuls pays qui ont connu un changement de régime suite à des manifestations populaires. Je ne pense pas que le "printemps arabe" doit forcément être caractérisé ainsi : la Libye et le Maroc ont aussi connu des manifestations d'une certaine ampleur, qui faisaient directement suite à la chute de Moubarak (en Libye, elles ont dégénéré violemment après trois-quatre jours, mais auraient-elles même pu avoir lieu sans les événements en Egypte ?), et le Maroc a connu d'importantes réformes constitutionnelles à leur suite. Les pays arabes non-Africains ont quasiment tous été touchés par le "printemps arabe," principalement le Bahrein et le Yémen, et quelques semaines plus tard quelques parties de la Syrie (Deraa, puis Homs), mais il y a aussi eu des manifestations à Amman, Ramallah ... L'exception en Afrique du Nord est plutôt l'Algérie, dont le "printemps" de 88 s'est terminé par une atroce guerre civile qui nous espérons ne se reproduira pas en Egypte.
    - Pour ce qui est des Etats-Unis et de leur "pivot" vers l'Asie, je ne pense pas que le gaz de schiste les désintéressent du pétrole Moyen-oriental. Celui-ci aura toujours un rôle essentiel sur la stabilité sur le marché mondial des prix de pétrole, qui est (avec l'or) le principal marché de matière première, échangé en dollars, et les navires Américains ne sont pas près de cesser de faire le gendarme dans le Golfe persique, même si ce pétrole est destiné à l'Europe ou la Chine.

    Bien cordialement,

    John Xavier PAUL, Washington, D.C.

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