SOMMAIRE :
Actualité : Rwanda
- La mort de Joshua Ruzibiza vue par les journalistes militants
- Joshua Ruzibiza : vérité judiciaire et vérités journalistiques
Dossier : Sud-Soudan
- Les quatre Soudan
- La guerre du Sud-Soudan
- La question du pétrole
- Un avenir hypothéqué
EDITORIAL :
Le Soudan, pays mastodonte, est secoué par trois conflits internes, celui du Darfour, celui des Beja (Bedja) à l’est du Nil, dans la région montagneuse parallèle à la mer Rouge et celui du Sud Soudan où un référendum doit en principe être organisé au début de l’année 2011. La guerre du Darfour a masqué celle du Sud-Soudan où les hostilités ont éclaté dès 1956, année de l’indépendance du Soudan anglo-égyptien. En 2005, affaibli par la guerre de sécession livrée par les Sudistes, et acculé à des concessions par la communauté internationale en raison des exactions commises au Darfour, le régime islamiste de Khartoum fut contraint de composer. C’est ainsi qu’il accorda une large autonomie au Sud-Soudan et qu’il accepta le principe de la tenue d’un référendum portant sur le statut de la région. Au mois de janvier 2011, les populations du Sud-Soudan iront donc en principe aux urnes et elles auront alors le choix entre maintenir l’unité du pays ou faire sécession. La question du Sud-Soudan peut donc déboucher sur l’éclatement du plus vaste Etat de l’Afrique sud saharienne et sur la remise en cause du principe de l’intangibilité des frontières africaines. La consultation pourrait également être la motrice d’une véritable dynamique de conflits, la question du partage des ressources pétrolières et celle de l’utilisation des eaux du Nil en faisant une bombe à retardement.
Entre la sécession pure et simple et le maintien de l’unité du pays, des solutions alternatives sont « suggérées » par ceux des acteurs internationaux qui ont intérêt à maintenir la liberté d’extraction du pétrole, à commencer par la Chine, premier client du Soudan. La géopolitique régionale est en effet en partie conditionnée par le projet chinois de pipeline qui conduirait jusqu’à la région de Port Soudan et à son terminal pétrolier les productions du Tchad et pourquoi pas celles du sud de la Libye, ce qui éviterait aux tankers chinois de devoir faire le tour de l’Afrique pour aller charger à Port Kribi au Cameroun ou en Méditeranée. Or, qu’adviendrait-il de ce projet si la partition du Soudan devenait effective et si la guerre embrasait la région ? Comme les plus importantes réserves pétrolières du Soudan sont situées dans les zones qui pourraient faire sécession, la solution pourrait alors être dans une confédération avec séparation politique doublée d’une complémentarité économique. Cette idée est refusée par les pays de la « ligne de front chrétienne », au premier rang desquels l’Ouganda dont le président, Yoweri Museveni, a clairement soutenu auprès du président Obama l’idée de l’indépendance du Sud Soudan. Cette option est également celle de Jérusalem, qui ne peut que voir d’un bon œil la perspective de l’affaiblissement du géant musulman qu’est le Soudan. D’autant plus qu’une recomposition politique régionale pourrait alors se produire, un « Etat chrétien » de plus venant renforcer l’Ethiopie (62% de chrétiens), l’Ouganda (70% de chrétiens) et le Kenya (66% de chrétiens). Quant à l’Egypte qui a toujours considéré le Soudan comme sa dépendance méridionale, comment réagirait-elle en cas d’indépendance du Sud Soudan ? Pour le moment, l’Egypte et le Soudan sont alliés dans la question du partage des eaux du Nil, contre sept pays d’Afrique de l’Est qui sont l’Ethiopie, le Kenya, la Tanzanie, la RDC, le Burundi, le Rwanda et l’Ouganda. Ces derniers réclament la renégociation du traité de 1929, actualisé en 1959, qui accorde plus de 85% du débit du fleuve à l’Egypte et au Soudan. Le Caire dispose également d’un droit de veto sur toute nouvelle construction (barrage, station de pompage ou d’irrigation) en amont du fleuve, ce qui bloque des dizaines de projets nationaux et régionaux. Quelle serait alors l’attitude d’un Sud Soudan indépendant qui pourrait être tenté d’ouvrir ses immensités à l’agriculture industrielle alors que l’Egypte a clairement menacé de bombarder tout chantier qui pourrait être susceptible d’affecter en amont le débit du Nil ?
Bernard Lugan
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