La
chaîne Arte vient de se surpasser dans le commerce de l’insupportable
escroquerie historique qu’est la
« légende noire » de la colonisation. Or, le bilan colonial ne pourra
jamais être fait avec des invectives, des raccourcis, des manipulations et des
mensonges.
Regardons la réalité bien
en face : la colonisation ne fut qu’une brève parenthèse dans la longue
histoire de l’Afrique. Jusque dans les années 1880, et cela à l’exception de l’Algérie,
du Cap de Bonne Espérance et de quelques comptoirs littoraux, les Européens
s’étaient en effet tenus à l’écart du continent africain. Le mouvement des
indépendances ayant débuté durant la décennie 1950, le XXe siècle a donc connu
à la fois la colonisation et la décolonisation.
Quel bilan honnête est-il
possible de faire de cette brève période qui ne fut qu’un éclair dans la longue
histoire de l’Afrique ? Mes arguments sont connus car je les expose depuis
plusieurs décennies dans mes livres, notamment dans Osons dire la vérité à l’Afrique. J’en résume une partie dans ce communiqué.
1) Les aspects positifs
de la colonisation pour les Africains
La colonisation apporta la
paix
Durant un demi-siècle, les
Africains apprirent à ne plus avoir peur du village voisin ou des razzias
esclavagistes. Pour les peuples dominés ou menacés, ce fut une véritable
libération.
Dans toute l’Afrique australe,
les peuples furent libérés de l’expansionnisme des Zulu, dans tout le Sahel,
les sédentaires furent libérés de la tenaille prédatrice Touareg-Peul, dans la
région tchadienne, les sédentaires furent débarrassés des razzias
arabo-musulmanes, dans l’immense Nigeria, la prédation nordiste ne s’exerça
plus aux dépens des Ibo et des Yoruba, cependant que dans l’actuelle
Centrafrique, les raids à esclaves venus du Soudan cessèrent etc.
A l’évidence, et à moins
d’être d’une totale mauvaise foi, les malheureuses populations de ces régions
furent clairement plus en sécurité à l’époque coloniale qu’aujourd’hui…
La
colonisation n’a pas pillé l’Afrique
Durant
ses quelques décennies d’existence la colonisation n’a pas pillé l’Afrique. La
France s’y est même épuisée en y construisant 50.000 km de routes bitumées,
215.000 km de pistes toutes saisons, 18.000 km de voies ferrées, 63 ports
équipés, 196 aérodromes, 2000 dispensaires équipés, 600 maternités, 220
hôpitaux dans lesquels les soins et les médicaments étaient gratuits. En 1960,
3,8 millions d’enfants étaient scolarisés et dans la seule Afrique noire,
16.000 écoles primaires et 350 écoles secondaires collèges ou lycées
fonctionnaient. En 1960 toujours 28.000 enseignants français, soit le huitième
de tout le corps enseignant français exerçaient sur le continent africain.
Pour
la seule décennie 1946 à 1956, la France a, en dépenses d’infrastructures,
dépensé dans son Empire, donc en pure perte pour elle, 1400 milliards de
l’époque. Cette somme considérable n’aurait-elle pas été plus utile si elle
avait été investie en métropole ? En 1956, l’éditorialiste Raymond Cartier
avait d’ailleurs écrit à ce sujet :
« La Hollande a
perdu ses Indes orientales dans les pires conditions et il a suffi de quelques
années pour qu'elle connaisse plus d'activité et de bien-être qu’autrefois.
Elle ne serait peut-être pas dans la même situation si, au lieu d’assécher son
Zuyderzee et de moderniser ses usines, elle avait dû construire des chemins de
fer à Java, couvrir Sumatra de barrages, subventionner les clous de girofle des
Moluques et payer des allocations familiales aux polygames de Bornéo. »
Et Raymond Cartier de se demander s’il
n’aurait pas mieux valu « construire
à Nevers l’hôpital de Lomé et à Tarbes le lycée de Bobo-Dioulasso ».
Jacques
Marseille[1] a quant à lui
définitivement démontré quant à lui que l’Empire fut une ruine pour la France.
L’Etat français dût en effet se substituer au capitalisme qui s’en était
détourné et s’épuisa à y construire ponts, routes, ports, écoles, hôpitaux et à
y subventionner des cultures dont les productions lui étaient vendues en
moyenne 25% au-dessus des cours mondiaux. Ainsi, entre 1954 et 1956, sur un
total de 360 milliards de ff d’importations coloniales, le surcoût pour la France
fut de plus de 50 milliards.
Plus
encore, à l’exception des phosphates du Maroc, des charbonnages du Tonkin et de
quelques productions sectorielles, l’Empire ne fournissait rien de rare à la
France. C’est ainsi qu’en 1958, 22% de toutes les importations coloniales
françaises étaient constituées par le vin algérien qui était d’ailleurs payé 35
ff le litre alors qu’à qualité égale le vin espagnol ou portugais était à19 ff.
Quant
au seul soutien des cours des productions coloniales, il coûta à la France 60
milliards par an de 1956 à 1960.
Durant
la période coloniale, les Africains vivaient en paix
Dans
la décennie 1950, à la veille des indépendances, à l’exception de quelques
foyers localisés (Madagascar, Mau-Mau, Cameroun) l’Afrique sud-saharienne était
un havre de paix.
Le monde en perdition était alors l’Asie qui
paraissait condamnée par de terrifiantes famines et de sanglants
conflits : guerre civile chinoise, guerres de Corée, guerres d’Indochine
et guerres indo-pakistanaises.
En comparaison, durant la décennie 1950-1960, les
habitants de l'Afrique mangeaient à leur faim, étaient gratuitement soignés et
pouvaient se déplacer le long de routes ou de pistes entretenues sans risquer
de se faire attaquer et rançonner.
Soixante-dix ans plus tard, le contraste est
saisissant: du nord au sud et de l'est à l'ouest, le continent africain est
meurtri :
- Dans le cône austral, ce qui fut la puissante
Afrique du Sud sombre lentement dans un chaos social duquel émergent encore
quelques secteurs ultra-performants cependant que la criminalité réduit peu à
peu à néant la fiction du "vivre ensemble".
- De l'atlantique à l'océan indien, toute la bande
sahélienne est enflammée par un mouvement à la fois fondamentaliste et mafieux
dont les ancrages se situent au Mali, dans le nord du Nigeria et en Somalie.
- Plus au sud, la Centrafrique a explosé cependant
que l'immense RDC voit ses provinces orientales mises en coupe réglée par les
supplétifs de Kigali ou de Kampala.
Si nous évacuons les clichés véhiculés par les
butors de la sous-culture journalistique, la
réalité est que l’Afrique n’a fait que renouer avec sa longue durée historique précoloniale.
En effet, au XIX° siècle, avant la colonisation, le continent était déjà
confronté à des guerres d’extermination à l’est, au sud, au centre, à l’ouest.
Et, redisons-le en dépit des anathèmes, ce fut la colonisation qui y mit un
terme.
Aujourd’hui, humainement, le désastre est total
avec des dizaines de milliers de boat
people qui se livrent au bon vouloir de gangs qui les lancent dans de
mortelles traversées en direction de la "terre promise" européenne.
Les crises alimentaires sont permanentes, les infrastructures de santé ont
disparu comme l'a montré la tragédie d'Ebola en Afrique de l'Ouest ou la
flambée de peste à Madagascar, l'insécurité est généralisée et la pauvreté
atteint des niveaux sidérants.
Economiquement, et à l’exception d’enclaves
dévolues à l’exportation de ressources minières confiées à des sociétés
transnationales sans lien avec l’économie locale, l’Afrique est aujourd’hui
largement en dehors du commerce, donc de l’économie mondiale, à telle enseigne
que sur 52 pays africains, 40 ne vivent
aujourd’hui que de la charité internationale
2) Les conséquences négatives de la
colonisation
La
colonisation a déstabilisé les équilibres démographiques africains
La
colonisation a mis un terme aux famines et aux grandes endémies. Résultat du
dévouement de la médecine coloniale, la population africaine a été multipliée
par 8, une catastrophe dont l’Afrique aura du mal à se relever.
En
effet, le continent africain qui était un monde de basses pressions
démographiques n’a pas su « digérer » la nouveauté historique qu’est
la surpopulation avec toutes ses conséquences : destruction du milieu donc
changements climatiques, accentuation des oppositions entre pasteurs et
sédentaires, exode rural et développement de villes aussi artificielles que
tentaculaires, etc.
La colonisation a donné le pouvoir aux vaincus de l’histoire africaine
En
sauvant les dominés et en abaissant les dominants, la colonisation a bouleversé
les rapports ethno-politiques africains. Pour établir la paix, il lui a en
effet fallu casser les résistances des peuples moteurs ou acteurs de l’histoire
africaine.
Ce
faisant, la colonisation s’est essentiellement faite au profit des vaincus de
la « longue durée » africaine venus aux colonisateurs, trop heureux
d’échapper à leurs maîtres noirs. Ils furent soignés, nourris, éduqués et
évangélisés. Mais, pour les sauver, la colonisation bouleversa les équilibres
séculaires africains car il lui fallut casser des empires et des royaumes qui
étaient peut-être des « Prusse potentielles ».
La
décolonisation s’est faite trop vite
Ne
craignons pas de le dire, la décolonisation qui fut imposée par le tandem
Etats-Unis-Union Soviétique, s’est faite dans la précipitation et alors que les
puissances coloniales n'avaient pas achevé leur entreprise de
« modernisation ».
Résultat,
des Etats artificiels et sans tradition politique ont été offerts à des
« nomenklatura » prédatrices qui ont détourné avec régularité tant
les ressources nationales que les aides internationale. Appuyées sur
l’ethno-mathématique électorale qui donne automatiquement le pouvoir aux
peuples dont les femmes ont eu les ventres les plus féconds, elles ont succédé
aux colonisateurs, mais sans le philanthropisme de ces derniers…
Les
vraies victimes de la colonisation sont les Européens
Les
anciens colonisateurs n’en finissent plus de devenir « la colonie de leurs
colonies » comme le disait si justement Edouard Herriot. L’Europe qui a eu
une remarquable stabilité ethnique depuis plus de 20.000 ans est en effet
actuellement confrontée à une exceptionnelle migration qui y a déjà changé la
nature de tous les problèmes politiques, sociaux et religieux qui s’y posaient
traditionnellement.
Or,
l’actuelle politique de repeuplement de l’Europe est justifiée par ses
concepteurs sur le mythe historique de la culpabilité coloniale. A cet égard,
la chaîne Arte vient donc d’apporter sa pierre à cette gigantesque entreprise
de destruction des racines ethniques de l’Europe qui porte en elle des
événements qui seront telluriques.
[1] Jacques Marseille, Empire colonial et capitalisme français, histoire d’un divorce. Paris, 1984. Dans ce livre Marseille évalue le vrai coût de l’Empire pour la France.
[1] Jacques Marseille, Empire colonial et capitalisme français, histoire d’un divorce. Paris, 1984. Dans ce livre Marseille évalue le vrai coût de l’Empire pour la France.
Clair comme de l'eau de roche. Merci Mr Lugan.
RépondreSupprimerExcellente analyse très pertinente, comme à son habitude l'historien Bernard Lugan dresse un constat exhaustif et fait une analyse précise et détaillée en toute objectivité, sans parti-pris. Merci.
RépondreSupprimerLugan, lucide, lumineux.
RépondreSupprimerIl me semble que la perturbation essentielle engendrée par la colonisation européenne pourrait être mieux définie, bien qu'elle n'échappe pas à B Lugan; elle est de nature culturelle. G Tillion l'avait bien analysée dans les Aurès.Pour faire simple: une culture est un tout plus ou moins cohérent de valeurs, normes et croyances. Le simple contact avec une autre culture peut la déstabiliser. Le phénomène est par exemple plaisamment décrit, mais non sans fondement, dans les "Dieux sont tombés sur la tête". Chaque société trouve plus ou moins son équilibre entre ses rêves, ses moyens, son activité. Ainsi les Bochimans du sud-ouest africain ont constitué une société harmonieuse pendant des milliers d'années dans un environnement particulièrement ingrat. Le contact avec les Bantous, puis les Blancs fut "destructeur", dans la mesure où leur horizon et leurs envies s'élargissent brutalement (plus besoin par exemple d'infanticides pour préserver l'équilibre démographique): mais ces nouveaux horizons remettent en cause tous leurs repères. Aujourd'hui, ils disposent d'une aisance matérielle bien supérieure à ce qu'elle fut pendant des milliers d'années,et pourtant ont perdu pour nombre d'entre eux le sens de la vie au point parfois d'apparaître dans une certaine misère.
RépondreSupprimerPour l'ensemble du continent africain, le phénomène joue à plein: suite à l'intensification des media, les jeunes Africains partagent les mêmes rêves que les jeunes Français, mais par des comportements encore largement hérités de la société traditionnelle ( relations hommes-femmes,fécondité, rapport au travail..), ils ne sont guère en état de satisfaire leurs nouveaux appétits. Et c'est une grande frustation.Je développe un peu mieux sur claudebarriere.fr, en tentant de démonter le phénomène de repentance qui s'appuie sur la perception erronée de l'histoire bien cadrée par B Lugan.
Pour conclure entre l'Europe et l'Afrique, il y a acculturation et non exploitation (à moins de faire apparaître une exploitation lorsque l'Afrique se procure le savoir-faire et le travail européen par vente de produits bruts qui lui sont tombés du... ciel).
Merci Monsieur Lugan pour votre travail!
RépondreSupprimersaisissant de réalités .. le mensonge prend l'ascenseur, la vérité prends l'escalier, il faut laisser le temps au temps ….
RépondreSupprimerMerci de toutes ces informations qui remettent les choses au point et merci Meir de me les fournir
RépondreSupprimerEXCELLENTE ANALYSE
RépondreSupprimerTrès bonne analyse de cette période coloniale, mais qui va à l'encontre du politiquement correct (lâcheté de nos élus)et de l'ignorance de certains de nos "intellectuels' (journalistes et historiens)qui tiennent des raisonnements théoriques sur des sujets dont ils ignorent jusqu'aux fondements.
RépondreSupprimerLes mauvais procès qui sont intentés en passant sous silence que les enfants ne sont pas responsables des fautes de leurs parents montrent que les états se gardent d'obtenir l'avis du conseil constitutionnel ou autres assemblées (cour Européenne) à la rigueur d'avocats . . .
RépondreSupprimerDes faits bruts incontestables. La colonisation française fut humaniste. Mais inacceptable pour la bienpensance car illustrative de la domination de l'homme blanc sur l'homme de couleur et de la primauté de la civilisation occidentale.
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