La
guerre a repris au Kivu sur fond de veillée d’armes entre la RDC et le Rwanda.
En réalité, nous sommes face à la résurgence d’un conflit qui n’a jamais cessé
d’ensanglanter cette partie de l’Afrique des Grands Lacs depuis 1996, et
dont la cause est claire : le Rwanda s’emploie à créer au Kivu une
situation de non-retour débouchant sur une sorte d’autonomie régionale sous son
contrôle. Et cela, pour trois raisons constituant autant d’objectifs
géostratégiques vitaux pour lui:
1) Etouffant
démographiquement sur ses hautes terres surpeuplées (14 millions d’habitants
sur 26.338 km2), le Rwanda va droit au
collapsus si, d’une manière ou d’une autre, il ne déverse pas son trop-plein
humain vers les régions peu peuplées du
Kivu congolais. En comparaison, l’’immense RDC a une superficie de 2,345
millions de km2 et une population de 90
millions d’habitants.
2) Sans
une ouverture vers le Kivu, le Rwanda qui est naturellement tourné vers l’océan
indien, n’est que le cul de sac de l’Afrique de l’Est, la forêt de la cuvette
congolaise formant une barrière naturelle, politique, ethnique, culturelle et
linguistique (kiswahili oriental et lingala occidental).
3) La
« réussite » économique actuelle du Rwanda repose largement sur le
pillage des ressources de la RDC. Ainsi en est-il du coltan (la
colombite-tantalite), un métal précieux indispensable à l’industrie
électronique dont le Kivu congolais détient les ¾ des réserves mondiales, mais
dont l’exportation se fait en grande partie par le Rwanda …Selon
l’ONU, Kigali constituerait ainsi la plaque tournante du commerce illicite
des métaux rares et des pierres précieuses congolais.
En
2019, avant le Covid, le Rwanda a exporté pour
56,6 millions de dollars de minerais qu’il ne produit pas, ou alors de
manière anecdotique. Le trafic se fait à travers des sociétés écran et des
coopératives minières qui donnent le label « Rwanda » aux productions
congolaises. En plus du coltan, de l’or, des diamants et autres minerais rares,
le pétrole de la région de Rutshuru, prolongement de celui du bassin du lac
Albert, fait que le Rwanda ne peut pas se retirer d’une région au riche
sous-sol. De plus, si Kinshasa reprenait le contrôle du Kivu, les acheteurs de
ses productions minières ne seraient plus les alliés anglo-américains de Kigali,
mais les Chinois…
Signe
que le Rwanda n’est pas disposé à abandonner sa politique expansionniste dans
le Kivu congolais, la société rwandaise Power
Resources achève actuellement la construction d’une raffinerie de coltan à
Kigali, ce qui fera du pays un acteur mondial essentiel pour la fourniture de
ce minerai stratégique.
Voilà les trois grandes raisons pour lesquelles le Rwanda fomente
les rébellions successives de la région
du Kivu. Aujourd’hui, le relais de sa politique est le mouvement dit « M23 », qu’il
aide en matériel et en hommes[1].
Jusqu’à ces derniers temps, adossé à la tragique mémoire du génocide de 1994, soutenu
par l’opinion mondiale, le régime du général Kagamé a pu agir impunément en
RDC. Aujourd’hui, bientôt trois décennies après la tragédie, la situation est
différente car le voilà mis en accusation de plus en plus régulièrement.
[1] Le numéro de juillet de l’Afrique réelle
que les abonnés recevront le 1er juillet contiendra un dossier consacré à cette
question. Pour en savoir plus, voir mon Histoire de l’Afrique publiée aux
éditions Ellipses, notamment les pages 948 à 989.
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