Par de-là les commentaires
artificiels et hors sol des médias, les évènements
en cours au Soudan sont l’exacte répétition
de ce qui s’est passé en Egypte entre 2011 et 2013.
En Egypte, laissant déferler
la vague des « printemps arabes », l’armée a déposé le maréchal
Moubarak, abandonnant en apparence le pouvoir aux civils. Pensant qu’il avait
gagné, le président Morsi commit alors plusieurs fautes politiques sous le
regard attentif de l’armée qui laissa le mouvement révolutionnaire se diviser.
Puis, en 2013, face à l’exaspération de la population en raison des pénuries
qui avaient été largement organisées par elle, l’armée reprit le pouvoir. A
l’issue du « printemps arabe », la parenthèse civile refermée, le
général al-Sissi avait donc succédé au maréchal Moubarak … (voir à ce sujet mon livre Histoire de l’Egypte des origines à nosjours).
Au Soudan, en 2019, l’armée fut
à son tour face à une énorme contestation populaire. Ne voulant par affronter
directement la foule, elle laissa cette dernière chasser du pouvoir le
général Omar el-Béchir. Mais, tout comme
en Egypte, elle demeura maîtresse du jeu à travers la création d’un Conseil de
Souveraineté présidé par le général al-Burhane et d’un gouvernement de
transition composé pour moitié de militaires et de civils présidé par Abdallah
Hamdok.
Comme en Egypte, l’armée
laissa pourrir la situation tout en poussant la composante civile du
gouvernement à la faute. Cela lui fut d’autant plus facile que le pays est en
faillite depuis que l’indépendance du Soudan du Sud en 2011 l’a privé d’environ
75% de ses recettes pétrolières. La dette nationale est colossale, les pénuries
apocalyptiques et, pour ne rien arranger, le poumon du pays qui est Port-Soudan
sur la mer Rouge, et qui est relié à Khartoum par une voie ferrée, véritable
artère vitale du pays, est régulièrement bloqué par l’insurrection de l’ethnie
des Bedja qui vit dans son arrière-pays.
Dans la nuit du 24 au 25
octobre, jugeant le moment favorable, et afin de sauvegarder les intérêts de
l’armée, le général al-Burhane prit un pouvoir qu’il exerçait déjà largement à
travers le Conseil de Souveraineté. Le moment était crucial car la composante
civile de l’Etat menaçait doublement ses intérêts :
- Economiquement car, comme en Egypte, ici, au
Soudan, ce sont les forces armées qui sont les véritables acteurs économiques
du pays.
- Judiciairement en raison
des crimes commis lors de la guerre du Darfour. Crimes qui ont valu à l’ancien
président Omar el-Béchir d’être inculpé par la Cour pénale internationale. Or,
la composante civile du gouvernement a donné son accord à sa livraison à ce
tribunal, ce que nombre de militaires ont perçu comme une insulte. Mais
également comme une menace car tous les hauts officiers de l’armée soudanaise ont
participé à ces terribles évènements.
La solidité de l’armée
soudanaise est-elle à l’image de l’armée égyptienne ? Si oui, comme en Egypte,
après le théâtre d’ombres civil, un général aura donc
succédé à un général…
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