Le Sahel et le Sahara connaissent
actuellement un très fort épisode pluvieux accompagné d’inondations. Surpris, butors, idéologues et cuistres veulent une fois encore nous faire prendre
des vessies pour des lanternes en parlant de « dérèglement
climatique dû à des causes humaines ». Or, nous sommes en
présence d’un phénomène cyclique bien décrit par les vrais spécialistes
du monde intertropical (voir
notamment Marcel Leroux, 1994 et 2000).
En
1992, dans une publication datant d’avant l’apparition de la notion postulée et
idéologique de « réchauffement climatique global dû à l’homme »,
deux des plus grands climatologues tropicalistes mondiaux, les Français Yves
Tardy et Jean-Luc Probst expliquaient en quelques lignes lumineuses que la
raison de l’alternance des cycles sécheresse-pluies au Sahel est due aux variations
du « front intertropical » :
« Le climat en Afrique
suit la position du FIT (Front Intertropical) ou ITCZ (Intertropical
Convergence Zone). On peut distinguer deux scénarios :
1) Lorsque le FIT est maintenu
en position méridionale, soit parce que les polaires mobiles, originaires du
Pôle Sud, sont moins actifs que de coutume, soit parce que leurs homologues
septentrionaux venus du Pôle Nord sont au contraire plus longtemps et plus
fortement actifs, le déficit pluviométrique est généralisé sur le Sahel d’Afrique
de l’Ouest (…) C’est le cas des années 1942,1944,1948,1970,1971,1972 et 1973.
Cette situation se lit très bien sur la courbe de fluctuations des fleuves
Sénégal et Niger (…).
2) Lorsque le FIT remonte haut
vers le Nord sous la poussée des anticyclones mobiles originaires du Pôle Sud,
on enregistre un excédent pluviométrique sur l’Afrique sahélienne de l’Ouest
(…).
Ainsi, avec les mouvements du
FIT qui sont sous l’influence de la montée vers le Nord des masses d’air
polaire venant du Pôle Sud ou de la descente vers le Sud des masses d’air
polaire venant du Pôle Nord, on saisit aisément la relation qui peut exister entre
les fluctuations de température et celles de l’humidité, ainsi que l’effet de
compétition entre Hémisphère Nord et Hémisphère Sud »
(Tardy et Probst, 1992 :26).
Les recherches actuelles ont intégré les
variations du FIT dans la longue histoire des cycles climatiques
saharo-sahéliens, ce qui permet de disposer d’un éclairage sur plus de deux
millions d’années ainsi que le démontre Mathieu
Dalibard (2011) dans sa thèse consacrée aux changements climatiques africains.
Selon
Dalibard, le climat africain varie selon trois grands cycles :
1) Les
cycles dépendant de la variation de l’orbite terrestre ou « cycles de
l’excentricité » fluctueraient entre 400 000 et 100 000 ans.
2) Les cycles dépendant de l’inclinaison de l’axe terrestre ou « cycles de l’obliquité » fluctueraient entre 54 000 et 41 000 ans.
3) Les cycles dépendant de la variation de l’axe de rotation de la Terre ou « cycles de précession » fluctueraient entre 23 000 et 19 000 ans.
Cette succession
de cycles par définition indépendants de toute activité humaine, permet de
comprendre pourquoi, Il y a plusieurs centaines de millions d’années, le Sahara
et le Sahel furent recouverts par un glacier, puis par l’océan. Pourquoi, il y
a cent millions d’années, ce fut une immense forêt équatoriale humide parcourue
par des dinosaures avant de lentement se transformer en une forêt tropicale,
puis en une savane arborée.
Plus
près de nous, ce mouvement climatique de longue durée tendant depuis 5000 ans vers
l’assèchement, fut entrecoupé de rémissions ayant donné naissance à une
succession d’épisodes secs et humides à travers lesquels se fit la mise en
place des populations.
Encore
plus près de nous, le XXe siècle a connu quatre grandes
sécheresses entre 1909 et 1913, entre 1940 et 1944, entre 1969 et 1973, et entre
1983 et 1985 (Retaille, 1984 ; Ozer et alii, 2010 ; Maley et Vernet,
2013). Au cours des années 1960, période « chaude » la pluviométrie en
augmentation fit brièvement remonter la zone sahélienne vers le nord, ce qui se
traduisit par un recul du désert. Et pourtant, nous étions alors au pic de
l’industrialisation mondiale et des pollutions qui en découlent.
Ensuite, à partir des années 1970, la pluviométrie décroissant, le désert s’étendit donc de nouveau et le Sahel se rétracta, les isohyètes moyennes descendant de 100 à 150 kilomètres vers le Sud. Les conséquences de ce nouveau cycle sont actuellement aggravées, mais non causées, par la pression démographique sahélienne.
L’analyse
de ces phénomènes naturels contradictoires est d’une extrême complexité. Elle ne
supporte ni les raccourcis, ni les idées-reçues. Leur compréhension ne passe ni
par les anathèmes, ni par les slogans, mais par l’étude de la longue et même de
la très longue durée. Si ces dernières étaient prises en compte, cela pourrait utilement
mettre de l’ordre dans nombre de cervelles de colibri pour lesquelles
l’immédiateté sert à la fois de passé, de présent et d’horizon…
Pour
l’étude détaillée de ces épisodes climatiques saharo-sahéliens mouvants, on se
reportera à mon livre Histoire du Sahel des origines à nos jours.
2) Les cycles dépendant de l’inclinaison de l’axe terrestre ou « cycles de l’obliquité » fluctueraient entre 54 000 et 41 000 ans.
3) Les cycles dépendant de la variation de l’axe de rotation de la Terre ou « cycles de précession » fluctueraient entre 23 000 et 19 000 ans.
Ensuite, à partir des années 1970, la pluviométrie décroissant, le désert s’étendit donc de nouveau et le Sahel se rétracta, les isohyètes moyennes descendant de 100 à 150 kilomètres vers le Sud. Les conséquences de ce nouveau cycle sont actuellement aggravées, mais non causées, par la pression démographique sahélienne.
- Carré, M et alii., (2018) « Modern drought conditions in Western Sahel unprecedented in the past 1600 years ». En ligne.
- Leroux, M., (1994) « Interprétation météorologique des changements climatiques observés en Afrique depuis 18000 ans. ». Geo-Eco-Trop, 1994,16, (1-4), pp.207-258.
- Maley, J et Vernet, R., (2013) « Peuples et évolutions climatiques en Afrique nord-tropicale, de la fin du Néolithique à l’aube de l’époque moderne ». Afriques, débats, méthodes et terrains d’histoire, vol 4.
- Ozer, P et alii., (2010) « Désertification au Sahel : historique et perspectives ». BSGLg, 2010, 54, pp 69-84.
- Retaille, D., (1984) La sécheresse et les sécheresses au sahel, L’Information géographique, 1984, 48, pp 137 à 144.
- Tardy, Y et Probst, J-L., (1992) « Sécheresses, crises climatiques et oscillations télé connectées du climat depuis cent ans ». Sécheresse, 1992 ; 3 : 25-36.
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