Pages

jeudi 1 décembre 2022

L'Afrique Réelle n°156 - Décembre 2022

Sommaire

Actualité :
- Le Kivu, le Rwanda, et la rébellion du M23
- L’Armée, vrai pouvoir de l’Algérie
- Quel avenir pour le Tchad ?

Dossier : Le gaz africain
- L’eldorado gazier africain
- Les incertitudes gazières algériennes
- Un gazoduc transsaharien ou littoral ?


Editorial de Bernard Lugan

Dans ce dernier numéro de l’année 2022, quatre sujets sont traités :

1) La guerre du Kivu menée par le M23 est en réalité une guerre d’annexion que le Rwanda poursuit depuis 1996 à travers des milices locales pour trois grandes raisons :
- Surpeuplé, le Rwanda va droit au collapsus si, d’une manière ou d’une autre, il ne déborde pas vers les régions vides d’habitants du Kivu congolais.
- Sans une ouverture vers le Kivu, le Rwanda n’est que le cul de sac de l’Afrique de l’Est, la forêt de la cuvette congolaise formant une barrière naturelle, politique, ethnique, culturelle et linguistique (kiswahili oriental et lingala occidental).
- La réussite économique actuelle du Rwanda repose largement sur le pillage des ressources de la RDC. Selon l’ONU, le Rwanda constitue ainsi la plaque tournante du commerce illicite des métaux rares, de l’or et des diamants congolais à travers des sociétés écran et des coopératives minières qui donnent le label « Rwanda » aux productions congolaises. 

2) L’Algérie est dirigée par une centaine de généraux constituant le niveau supérieur d’une nomenklatura contrôlant le pays à travers une clientèle d’obligés ou d’associés civils. Après une décennie de purges liées à des querelles de clans, nous assistons aujourd’hui au retour des « professionnels » de l’« Etat-DRS » qui apportent réseaux et « savoir-faire » à l’Etat algérien, venant ainsi en renfort d’un « Système » que certains, peu au fait des lignes de forces souterraines de l’armée algérienne, avaient un peu trop rapidement considéré comme défunt… 

3) Au Tchad, après les dizaines de morts ayant suivi la répression de la manifestation=insurrection d’octobre 2022 à N'Djamena, plus que jamais, se pose la question de l’avenir de ce pays, verrou de l’Afrique centrale et pivot de la lutte contre les groupes terroristes.
Ici, comme partout ailleurs en Afrique, tout va dépendre de la manière dont vont s’exprimer les puissants déterminismes ethno-claniques inscrits dans le continuum ethno-racial sahélien. De l’océan atlantique à la mer Rouge, ce dernier trace une faille le long de laquelle, depuis des millénaires les nordistes nomades poussent vers les zones humides du sud peuplées par des agriculteurs sédentaires[1]. Des résurgences historiques surinfectées par les manœuvres de la Turquie depuis la Libye, et par celles de la Russie depuis la Centrafrique. 

4) La question du gaz. Les acheteurs européens ayant décidé de se passer du gaz russe, il leur est donc nécessaire de réorienter quasiment 50% de leurs achats. D’où un regain d’intérêt pour le gaz africain devenu de ce fait un enjeu majeur. 
D’autant plus que le continent contient de très importantes réserves et que de nouvelles découvertes ne cessent de se faire, tant en Afrique du Nord qu’au sud du Sahara. Désormais, la grande question qui se pose est celle de l’exportation des productions de ces immenses réserves, donc du tracé des gazoducs par lesquels elles se feront.

[1] Voir à ce sujet mon livre Les guerres du Sahel des origines à nos jours.

mercredi 2 novembre 2022

L'Afrique Réelle n°155 - Novembre 2022

Sommaire

Actualité
- La Russie et l’Afrique : une vision d'abord géopolitique
- Les accords militaires Russie-Afrique

Histoire
- L’arabisation de la Berbérie
- Cecil Rhodes et Paul Kruger : La race ou la Bible


Editorial de Bernard Lugan

La Russie et l’Afrique

Un dessin animé russe en langue française projeté dans les cinémas centrafricains met en scène un lion -sous-entendu l’Afrique -, attaqué par des hyènes - sous-entendu les pays occidentaux. Intervient alors l’ours russe qui aide le maître de la brousse à rétablir l’ordre des choses, c’est-à-dire le respect que l’on doit au lion. L’allégorie a bien été comprise par les spectateurs enthousiastes.

Voilà comment, à travers le soutien sans états d’âme donné aux pouvoirs forts, les seuls respectables et respectés en Afrique, la Russie évince peu à peu les Occidentaux. D’autant plus facilement que les Africains en ont assez du diktat démocratico-moralisateur qui prétend leur faire changer de nature. Assez des folies de la « théorie du genre » et des délires pathologiques LGBT devenus les « valeurs » sociétales d’un Occident ayant perdu toute référence à l’Ordre naturel. Voilà pourquoi, comme l’a déclaré le général Muhoozi Kainerugaba, fils du président Museveni d’Ouganda « la majorité de l’humanité soutient l’action de la Russie en Ukraine. Poutine a absolument raison ». 

D’autant plus que la politique russe n’a pas pour alibi le mirage du développement. Russes et Africains savent en effet très bien qu’il est impossible de « développer » selon les critères définis par l’Occident, un continent qui, d’ici à 2030, verra sa population passer de 1,2 milliard à 1,7 milliard, avec plus de 50 millions de naissances par an. Et que, pour gouverner ces masses humaines, les principes démocratiques occidentaux sont à la fois inopérants et crisogènes.

En réalité, si Vladimir Poutine réussit en Afrique, c’est parce qu’il a très exactement pris le contre-pied du diktat démocratique que François Mitterrand imposa en 1990 au continent lors de la conférence de la Baule. Un diktat qui a provoqué un chaos sans fin parce que, comme les élections sont en Afrique autant de sondages ethniques grandeur nature, elles y débouchent donc automatiquement sur l’ethno-mathématique électorale. D’où la crise permanente. Les peuples les moins nombreux étant en effet écartés du pouvoir, soit ils ne se reconnaissent pas dans les Etats, soit ils se soulèvent contre eux. Tout au contraire, loin des nuées idéologiques, la politique africaine de la Russie est axée sur le réel, sur les forces armées qui constituent les cercles du vrai pouvoir. 

Et pendant que l’OTAN avance ses pions contre la Russie en obtenant de nouvelles adhésions ou demandes d’adhésion en Europe du Nord, Moscou déplace les siens en Afrique, contre l’Occident, en signant des accords militaires avec la plupart des pays du continent.

Quant à la France, elle s’est évincée toute seule du continent en raison de la nullité de ses dirigeants et de constantes et colossales erreurs politiques que je n’ai cessé de mettre en évidence dans les numéros successifs de l’Afrique Réelle. D’autant plus que, s’étant totalement  soumise à l’Otan, donc aux Etats-Unis, elle s’est montrée hostile aux intérêts russes, notamment en Libye, en Syrie, en Belarus et aujourd’hui en Ukraine. En Afrique, Moscou lui rend donc en quelque sorte « la monnaie de sa pièce »…

mercredi 19 octobre 2022

Emmanuel Macron à la grande mosquée de Paris : Islam de France ou Islam en France ? Ou comment la France est devenue la « colonie de ses colonies »

Le mercredi 19 octobre 2022, la visite d’Emmanuel Macron venant célébrer le 100° anniversaire de la pose de la première pierre de la grande mosquée de Paris m’a immédiatement fait penser à Charles Maurras qui, dans l’
Action française du 13 juillet 1926, à propos de l’inauguration de cette même mosquée faite à l’occasion de la visite en France du Sultan du Maroc Moulay Youssef (père du futur Mohammed V), publia un article prophétique intitulé « Qui colonise qui ? ». En voici quelques extraits :

« (…) nous sommes probablement en train de faire une grosse sottise. Cette mosquée en plein Paris ne me dit rien de bon. Il n’y a peut-être pas de réveil de l’Islam, auquel cas tout ce que je dis ne  tient pas, et tout ce que l’on fait se trouve être aussi la plus vaine des choses. Mais, s’il y a un réveil de l’Islam, et je ne crois pas que l’on puisse en douter, un trophée de la foi coranique sur cette colline Sainte-Geneviève où tous les plus grands docteurs de la chrétienté enseignèrent contre l’Islam représente plus qu’une offense à notre passé : une menace pour notre avenir.

On pouvait accorder à l’Islam,  chez lui, toutes les garanties et tous les respects. Bonaparte pouvait se déchausser dans la mosquée, et le maréchal Lyautey user des plus éloquentes figures pour affirmer la fraternité de tous les croyants : c’étaient choses lointaines, affaires d’Afrique ou d’Asie. Mais en France, chez les protecteurs et chez les vainqueurs, du simple point de vue politique, la construction officielle de la mosquée et surtout son inauguration en grande pompe républicaine, exprime quelque chose qui ressemble à une pénétration de notre pays et à sa prise de possession par nos sujets ou nos protégés. Ceux-ci la tiendront immanquablement pour un obscur aveu de faiblesse (…) Qui colonise désormais ? Qui est colonisé ? Eux ou nous ? (…) Nous venons de transgresser les justes bornes de la tolérance, du respect et de l’amitié. Nous venons de commettre le crime d’excès. Fasse le ciel que nous n’ayons pas à le payer avant peu (… )». (Charles Maurras, l’Action française, 13 juillet 1926.)

Maurras avait donc bien vu les contradictions mortifères de l’idéologie humaniste, assimilationniste et intégrationniste de la République coloniale, cette suicidaire entreprise de gauche à l’origine du « grand remplacement » s’opérant aujourd’hui dans notre vieux pays gaulois :

« Garder un Empire colonial sous la fiction égalitaire ? On peut en défier n’importe quelle nation ! Comment admettre l’égalité du colon et des colonisés ? L’égalité des peuples est aussi absurde que celle des individus. Il est prudent de se garder de cette contradiction dangereuse. Si vous avez l’incohérence et la faiblesse d’affirmer ce mensonge et cette folie, il devient parfaitement légitime que le lecteur indigène vous prenne au mot. Il vous demandera la lune si vous la promettez….Et si vous ne la lui donnez pas, il pourra vous traiter de charlatan, d’imposteur, d’usurpateur, vous aurez semé son insurrection et sa révolte.

Dans la réalité des choses, les Etats coloniaux ont commencé par être conquérants. Ils n’apportent pas la liberté, ils ne peuvent pas l’apporter (…) Les Empires coloniaux sont des chefs. Colons ou employeurs, ils ne peuvent pas apporter à leurs obligés le contraire de ce qu’ils sont. L’idée d’Empire est une idée impérieuse, elle exclut littéralement égalité et liberté. Et si, comme y conclut le terme de droit asservi à la théologie des Droits de l’homme, si l’on enseigne et l’on propage ces deux bêtises géminées, on roule et on court à sa perte ». (Charles Maurras., Pages africaines, 1940, page 170).

mardi 11 octobre 2022

dimanche 2 octobre 2022

L'Afrique Réelle n°154 - Octobre 2022

Sommaire

Libye : l’infini chaos 
- Une guerre qui n'en finit pas
- Le réveil des constantes libyennes
- Les tribus de Libye
- Comment, à travers sa présence en Libye, la Turquie exerce un chantage sur l’UE

Afrique du Sud : la descente aux enfers
- Xénophobie au pays de la démocratie post-raciale
- Le naufrage économique
- La spoliation des fermiers blancs, révélateur d’une fracture raciale que la doxa ne peut plus dissimuler
- De Nelson Mandela à Cyril Ramaphosa, la chronique d'un naufrage


Editorial de Bernard Lugan

La Libye et l’Afrique du Sud[1] font de nouveau l’actualité. Une actualité tragique qui s’explique parce que, dans  les deux pays, les causes profondes du chaos n’ont pas été traitées. Comment le pourraient-elles d’ailleurs ?
Depuis plusieurs semaines, la guerre civile s’est donc rallumée en Libye. Après le report des élections prévues au mois de décembre 2021, la Chambre des députés de Tobrouk a décidé d’installer un nouveau Premier ministre à Tripoli en la personne de Fathe Bachaga, ce que l’actuel Premier ministre du gouvernement d’Union nationale, Abdelhamid Dbeibah a refusé. 
Plus que jamais, la coupure Est-Ouest de la Libye est donc une évidence. 
Au-delà de l’immédiateté des commentaires, le retour au temps long et à la géographie permettent de comprendre pourquoi ce pays aux colossales potentialités n’en finit pas de s’enfoncer dans le chaos. 
En Afrique du Sud, durant ses trois décennies de pouvoir absolu, l'ANC a méthodiquement dilapidé l’immense héritage laissé par le régime blanc. Ce qui fut un pays prospère est aujourd'hui un Etat du « tiers-monde » dérivant dans un océan de pénuries, de corruption, de misère sociale, de violences, et dans lequel le revenu des noirs les plus pauvres est de 50% inférieur à ce qu’il était avant 1994…
Une réalité qui échappe aux touristes car elle est masquée par quelques secteurs ultraperformants encore dirigés par des Blancs ou par une poignée d’entrepreneurs noirs.
 
Coquille vide  ne survivant plus que comme machine électorale destinée à distribuer des sièges de députés à ses membres, l’ANC est désormais au pied du mur. L’heure de vérité approche inexorablement cependant que les masses noires, paupérisées,  constituent un bloc de plus en plus explosif. 
En effet, à l’exception de l’agriculture, branche  encore contrôlée par les Blancs, tous les secteurs économiques sud-africains sont en recul. A commencer par les industries de main d’œuvre (textile, vêtement, chaussures), qui n’ont pu résister aux importations chinoises. 
Quant aux secteurs de la mécanique dans lesquels, avant 1994, l’Afrique du Sud produisait la majeure partie des pièces dont ses industries avaient besoin, ils sont moribonds. Dans les mines, les pertes de production et de revenus, plus les coûts d’exploitation en hausse constants, ont eu pour conséquence la fermeture des puits secondaires et la mise à pied de dizaines de milliers de mineurs. L’industrie est également pénalisée par les coupures de courant à répétition car la compagnie publique Eskom, littéralement pillée par ses dirigeants nommés par l’ANC a vécu sur l’héritage laissé par le régime blanc, sans procéder aux investissements indispensables.

[1] Mes deux livres Histoire de la Libye et Histoire de l’Afrique du Sud viennent d’être reédités après avoir été actualisés et augmentés.

mardi 27 septembre 2022

La soumission de l’Allemagne à l’idéologie décoloniale

Le ministre allemand des Affaires étrangères, M. Helko Maas, a demandé publiquement pardon pour le « génocide des Herero » qui aurait été commis en 1904-1905 par son pays, et, en réparation, Berlin va verser un milliard d’euros à la Namibie. Le masochisme colonial allemand n’étant pas une nouveauté, je republie donc ici mon communiqué en date du 13 février 2020 intitulé « La soumission de l’Allemagne à la repentance coloniale ». Je n’ai rien à y ajouter.
 
En Allemagne, il est aujourd’hui impossible, tant elle est longue, de dresser la liste des rues, des places, des squares, des musées, des instituts et des casernes débaptisés au seul motif qu’ils ont un rapport même parfois indirect avec la période coloniale ou avec des personnages ayant un lien avec cette dernière. Dirigé par la gauche, le Land de Berlin a même fait de la repentance coloniale un de ses principaux axes politiques, comme si la ville n’avait pas de problèmes plus urgents et plus concrets à régler… Ici, il n’est pas un jour sans qu’il soit demandé aux habitants transformés chiens de Pavlov de l’auto-flagellation, de psalmodier la liste des péchés ultramarins de leurs grands-parents et de « regarder en face les crimes coloniaux allemands ainsi que le génocide des Herero et des Nama » commis en Namibie, l’ancien Sud-Ouest africain.
 
Or, comme cela fut clairement établi, dans cette affaire, l’acte d’accusation contre l’Allemagne est un montage datant de la Première guerre mondiale, quand Français et Britanniques qui avaient besoin d’arguments « moraux » pour s’emparer de ses colonies, accusèrent l’Allemagne d’avoir « failli » à son « devoir de civilisation ». Fut alors constitué le dossier à charge de la guerre des Herero réutilisé aujourd’hui par la gauche allemande.

Ce dossier passe ainsi totalement sous silence les actes atroces commis par les Herero: familles de colons massacrées, torturées, les femmes dépecées vivantes sous les yeux de leurs enfants, les hommes émasculés puis éventrés... Quand elles tombaient entre leurs mains, et après avoir été violées, les femmes allemandes étaient suspendues par les pieds à un arbre, jambes écartées, puis éventrées et éviscérées, comme des bêtes de boucherie…Or, ce furent à ces mêmes arbres, qu’après les avoir jugés, les Allemands pendirent ceux des Herero qui s’étaient rendus coupables de ces meurtres abominables.
Mais, alors que nous n’avons que des témoignages concernant les premiers crimes, les exécutions judiciaires furent quant à elles photographiées, et ces clichés furent ensuite utilisés par la propagande alliée pour « démontrer » la « culpabilité coloniale allemande ». Aujourd’hui, ce sont ces mêmes photos qui alimentent la campagne allemande de repentance nationale .
 
Pour la gauche allemande et pour les Eglises qui soutiennent naturellement, et même avec gourmandise, son combat, tous ceux, civils et militaires qui participèrent, de près ou de loin, à la guerre des Herero sont par définition des criminels.
En premier lieu Paul Emil von Lettow-Vorbeck (1870-1964), légendaire officier colonial qui devrait pourtant figurer au Panthéon des gloires allemandes pour sa campagne de l’est africain (1914-1918)[1]. Or, tout au contraire, bien qu’il ait été un adversaire du III° Reich, présenté aujourd’hui comme l’archétype du  « criminel colonial », il est devenu une des principales cibles de ce politiquement correct qui achève d’émasculer une Allemagne étouffée sous ses complexes. Les rues et les casernes von Lettow-Vorbeck sont ainsi débaptisées pour recevoir les noms de  déserteurs ou de militants de gauche, comme à Brême, à Bad Segeberg, à Hambourg-Jenfeld et à Leer. Quant au conseil municipal de Sarrelouis, sa ville natale, il s’est déshonoré en débaptisant l’avenue qui portait son nom et en lui retirant la citoyenneté d’honneur de la ville. Il en fut de même à Wuppertal, Brême, Cuxhaven, Mönchenglabad, Halle, Radolfzell et même à Graz, en Autriche. Des ouvrages indigents et d’une rare malhonnêteté intellectuelle sont également publiés afin de salir sa mémoire.
 
Mais, face au Mythe, que pèsent les boules roulées par les bousiers de la repentance ? Ces derniers pourront toujours débaptiser, interdire, détruire, condamner, vociférer et finalement trépigner. Ils ne parviendront jamais à faire oublier la dévotion que les askaris africains vouaient au général Paul von Lettow-Vorbeck, un chef qu’ils admiraient et auquel ils avaient donné, avec amour et respect, le nom de « Bwana mukubwa ya akili mingi » (le grand homme qui peut tout).
Ils ne pourront également jamais, ces coprophages, empêcher les jeunes européens rebelles de chanter le Heia Safari [2] durant leurs randonnées et lors de leurs veillées. Cet hymne à la liberté et aux grands espaces qui résonne encore du Kilimandjaro à la Rufidji porte, avec les échos lointains des fifres et des caisses plates, les rêves d’une Europe en dormition dont le réveil sera douloureux aux hypnotiseurs vicieux qui pensent la tenir définitivement en leur pouvoir…
 
[1] Voir à ce sujet ma biographie du général von Lettow-Vorbeck intitulée « Heia Safari ! Du Kilimandjaro aux combats de Berlin (1914-1920) »
[2] En français « La petite piste ». Mélodie composée à la veille du premier conflit mondial  par Robert Götz, également l’auteur du très célèbre Wildgänse (Les Oies  sauvages). Dans mon livre Heia Safari, je retrace l’origine de ce chant et je donne ses paroles en swahili, telles que les chantaient les askaris du général von Lettow-Vorbeck.

mardi 13 septembre 2022

L’Algérie à la recherche de son identité

Née en 1962 après être passée de la colonisation ottomane à la colonisation française, tiraillée entre arabité et berbérité, l’Algérie est toujours à la recherche de son identité.

Au lendemain du second conflit mondial, Messali Hadj, alors leader nationaliste incontesté, considérait que l’arabisme et l’islamisme étaient les éléments constitutifs sans lesquels l’Algérie algérienne ne pourrait pas faire « coaguler » ses populations. Il fut donc postulé que l’Algérie était une composante de la nation arabe, que sa religion était l’islam et que le berbérisme était un moyen pour le colonisateur de diviser les Algériens.

Après l’indépendance, comme les berbéristes affirmaient la double composante  arabe et berbère du pays, le parti-Etat FLN parla de dérive « ethnique », « raciste » et « xénophobe ». En 1962, le ministre algérien de l’Education nationale déclara même que « Les Berbères sont une invention des Pères Blancs »…

Ce refus bétonné de la réalité historique et ethno-politique de l’Algérie repose sur un postulat qui est que l’islamisation aurait marqué la fin de l’histoire des Berbères, leur conversion massive il y a quatorze siècles, les ayant inscrits de façon irréversible dans l’aire culturelle de l’Islam, donc de l’arabité. Pour la critique de cette thèse  on se reportera à mes livres Histoire des Berbères et Algérie, l’histoire à l’endroit.
 
Retour sur la négation d’une réalité ethno-culturelle qui explique le profond malaise existentiel et identitaire de la société algérienne d’aujourd’hui.
 

La suite de cette analyse (81%) est réservée aux abonnés à l'Afrique Réelle.


jeudi 1 septembre 2022

L'Afrique Réelle n°153 - Septembre 2022

Sommaire

Actualité
Burkina Faso : la menace d’un génocide des Peul

Dossier : La question de l’Etat
- L’ethnie et l’Etat
- Typologie des guerres africaines

Débat :
- Crémieux et Lavigerie versus Lyautey : universalistes contre ethno-différentialiste
- Lyautey, un iconoclaste lucide


Editorial de Bernard Lugan

Si la colonisation appartient à un passé révolu, donc au dmaine de l’Histoire, ses terribles conséquences, dont l’immigration, et le changement de nature de nos sociétés conditionnent non pas seulement notre futur, mais plus encore notre survie.
Face à la déferlante humaine venue majoritairement de nos anciennes colonies et qui fait que la France est aujourd’hui devenue « la colonie de ses colonies », la solution préconisée par la « gauche » aussi bien que par la « droite », est très exactement celle qui échoua hier au sud de la Méditerranée quand nous y étions présents : l’assimilation-intégration. 
Est-il donc possible d’être plus oublieux des leçons de l’histoire ? D’ailleurs, jusqu’à quel niveau peut-on imaginer pouvoir intégrer ou assimiler sans perdre sa propre substance, sans subir une mortelle acculturation ?
 
Dans ce numéro de l’Afrique Réelle, je publie un document peu connu. Daté du 1er décembre 1870, au lendemain donc de la défaite française face à la Prusse, il fut écrit de la main de Mgr Lavigerie à l’intention d’Isaac Crémieux, alors en charge des affaires algériennes. Le prélat  y fait cause commune avec le farouche républicain laïc qu’était  Crémieux car tous deux voulaient l’Algérie française. Les deux hommes se trouvèrent donc naturellement alliés pour détruire les Bureaux arabes, cette élite de l’armée française qui avait réussi la pacification de l’Algérie avec peu de moyens, pratiquant la politique du prestige et du respect, à l’image de ce que, à l’inspiration de Lyautey, feront plus tard au Maroc, les Affaires Indigènes. 
Or, Mgr Lavigerie et  Crémieux considéraient que les Bureaux arabes étaient un obstacle à la colonisation terrienne, protecteurs qu’ils étaient de l’indigène contre la rapacité d’un certain colonat affamé de terre. Crémieux dénonçait en plus leur peu de zèle républicain.

A l’opposé de  Mgr Lavigerie et de Crémieux, le modèle colonial proposé par Lyautey reposait sur le réel. Lyautey ne voulait pas changer l’homme, car il n’avait  pas pour but de faire croire aux petits Ait Serouchen ou aux petits Ait Adidou que leurs ancêtres étaient les Gaulois. Ils en avaient d’ailleurs d’aussi glorieux et d’aussi anciens.  La vision coloniale de Lyautey présentait deux caractéristiques principales : 

1) La colonisation n’était pas éternelle car les colonies étaient à la France, mais n’étaient pas pour autant la France.  
2) Elle n’impliquait ni assimilation, ni intégration, ces pertes de substance vive pour les uns comme pour les autres. Homme de terrain, il avait observé que les peuples de l’Empire étaient « autres », et que ce qui était bon pour nous ne l’était pas forcément pour eux.   

L’histoire a donné raison à Lyautey contre Lavigerie et Crémieux. Quant aux « gaullomaniaques » de droite, ils ont semble-t-il oublié que de Gaulle définissait l’intégration comme « un danger pour les Blancs, une arnaque pour les autres ».[1]


dimanche 28 août 2022

vendredi 26 août 2022

Colonisation : mettre enfin la gauche face à ses responsabilités

Au moment où, en Algérie, Emmanuel Macron « godille » entre repentance et honneur national, il est plus que jamais nécessaire de lui rappeler que c’est sa famille politique qui a lancé la France dans la désastreuse politique coloniale dont nous subissons aujourd’hui les mortelles conséquences.

Dans les années 1880-1890, alors que la droite monarchiste et nationaliste y était farouchement opposée, ce fut en effet la gauche, à l’exception de Clémenceau, qui, par pure idéologie, précipita la France dans l’aventure coloniale. Œuvre « émancipatrice », la colonisation rêvée par la gauche républicaine était destinée à faire connaître au monde l’universalisme « libérateur » dont elle était porteuse.

La dimension économique ne fut alors qu’un alibi destiné à rallier à cette politique la « droite » orléaniste. En effet, à l’époque, l’on ignorait que l’Afrique, encore quasiment inexplorée, eut pu receler des richesses et encore moins constituer un marché. Quand Jules Ferry parlait du futur Empire comme d’une « bonne affaire », ce n’était donc qu’un postulat doublé d’un souhait.

D’ailleurs, au moment où la gauche la lança dans la course impériale, la France n’avait pas besoin de colonies. Qu’auraient-elles d’ailleurs pu lui fournir ces dernières ? 
- Des esclaves ? Mais l’Abolition avait été décidée.
- Du sucre ? Mais la France avait remplacé la canne à sucre par la betterave sucrière.
- Des épices ? Mais ils abondaient sur le marché mondial, et les acheter aux Hollandais revenait  moins cher qu’envisager de les produire dans des colonies à conquérir, à pacifier, à administrer, à organiser, à mettre en valeur, à peupler, à équiper, à défendre, et dans lesquelles il allait falloir soigner, éduquer et nourrir les populations.
- Des matières premières ? Mais on ignorait leur existence.
- Un débouché pour l’industrie française ? Mais les débouchés européens lui étant largement suffisants. De plus, à l’époque, le marché africain n’existait pas.
 - Un déversoir pour sa population ? Mais la France n’était pas un  pays d’émigration et, en raison de sa démographie stagnante, elle n’avait pas besoin de se créer des colonies de peuplement.
  
Certes, diront ceux dont le fonds de commerce est la stigmatisation de la France, mais ensuite, plus tard, une fois l’Empire constitué, la France y trouva son compte.
Or, il s’agit là d’un postulat idéologique qui ne correspond pas à la réalité. Quelques chiffres permettent en effet de le démontrer. Ainsi :
 
- Pour la période 1900-1958, les seuls investissements publics faits dans l’Empire totalisèrent en moyenne le chiffre effarant de 22% du total de toutes les dépenses françaises sur fonds publics. Une telle ponction faite sur le capital investissement national interdisait toute modernisation, toute mutation  de l’économie française au moment où ses principaux concurrents prenaient sur elle une avance déterminante. Loin d’enrichir la France, l’Empire africain la « plombait » tout au contraire et menaçait de conduire le pays à l’asphyxie. 
 
- Au début des années 1950, alors que, sortant  du second conflit mondial, elle avait tout à reconstruire, la totalité des dépenses faites par la France dans ses colonies (guerre d’Indochine comprise) représentait un cinquième du budget national. Un gouffre suicidaire…
 
- Comme, en raison de leur coût, les productions coloniales françaises n’étaient pas concurrentielles sur le marché international, après avoir dépensé des sommes colossales pour les créer, il fallut que la France les soutienne. Pour la seule décennie 1950, cela coûta en moyenne 60 milliards par an aux contribuables français, après que l’Etat eut dépensé des fortunes pour construire les routes, les ports et les voies de chemin de fer destinés à leur exportation.
 
- A l'exception des phosphates du Maroc, l’Empire ne fournissait rien de rare à la France. C'est ainsi qu'en 1958, 22% de toutes les importations coloniales françaises étaient constituées par le vin algérien payé 35 francs le litre alors qu'à qualité égale le vin espagnol ou portugais valait 19 francs.
 
Aujourd’hui, les culpabilisateurs soutiennent que :
 
1) La France s’enrichit « sur le dos » de l’Afrique.
2) Grâce à la « vache à lait » qu’est la zone CFA, elle est en situation de monopole et dispose d’un marché réservé.
 
Laissons donc une fois de plus parler les faits et les chiffres :
 
1) En 2019, avant le covid, le total mondial des exportations françaises était de 460 milliards d’euros. Sur ce chiffre, l’Afrique sud saharienne totalisa 12,2 milliards d’euros de biens et marchandises, soit à peine 2,68% de toutes les exportations françaises. Pour ce qui est des importations, pétrole et matières premières comprises, les chiffres sont quasiment identiques.
 
2) Toujours en 2019, sur les 12,2 milliards d’euros représentant le total des exportations françaises, la zone CFA en totalisa à peine 6 milliards, soit le chiffre anecdotique de 1,32% de toutes les exportations françaises. Pour ce qui est des importations, les chiffres sont là encore quasiment identiques. De plus, toujours en 2019, la part de la France dans le marché de la zone CFA n’était  que de 11,4%, ce qui revient à dire que près de 89% du commerce de la zone CFA était fait avec d’autres pays qu’elle. La zone CFA n’était donc ni une « bonne affaire », ni un marché réservé pour la France.
 
En résumé :
 
1) Ce fut par idéologie que, dans les années 1880-1890, la gauche  lança l’entreprise coloniale dont la France sortit épuisée, ruinée, divisée et aujourd’hui humainement submergée.
 
2) Après 1945, encore par idéologie, cette même gauche coloniale se rallia à un nouveau credo universaliste, l’anticolonialisme.

3) Puis, toujours par idéologie, à partir de la décennie 1960, au nom de l’antiracisme, la gauche ne cessa plus de soutenir l’immigration en provenance de l’ancien empire, oubliant qu’elle en avait été la génitrice... Ses intellectuels sapèrent alors méthodiquement, les-uns après les autres, les principes sur lesquels reposaient jusque-là la cohésion et la cohérence de la société française. Quant à la « droite »,  en raison de son incommensurable indigence doctrinale, elle laissa faire… de peur de passer pour « raciste ».

La gauche par idéologie, la « droite » par lâcheté, ont donc pavé la route des « décoloniaux », des « woke » et autres révolutionnaires qui constituent la 5° colonne de cette mortelle entreprise de « grand remplacement » que nous subissons aujourd’hui. Et voilà donc comment et pourquoi la France est, comme le craignait Edouard Herriot en 1946, devenue «  la colonie de ses colonies »…

J’ai consacré deux livres à ces questions :

vendredi 12 août 2022

Terrorisme sahélien : Entre alibi religieux, revendications ethniques et sécurisation des trafics, l’heure du bilan est venue

Au Sahel, la situation semble être désormais hors contrôle. Exigé par les actuels dirigeants maliens à la suite des multiples maladresses parisiennes, le retrait français a laissé le champ libre aux GAT (Groupes armés terroristes), leur offrant même une base d’action pour déstabiliser le Niger, le Burkina Faso et les pays voisins. Le bilan politique d’une décennie d’implication française est donc catastrophique.

Un désastre qui s’explique par une erreur originelle de diagnostic. La polarisation sur le jihadisme fut en effet l’alibi servant à masquer la méconnaissance des décideurs français, doublée de leur incompréhension de la situation, le jihadisme étant d’abord ici la surinfection de plaies ethniques séculaires et même parfois millénaires.

Cesser de voir la question du Sahel à travers le prisme de nos idéologies européo-démocratico-centrées et de nos automatismes, est désormais une impérieuse nécessité. Replacer les évènements actuels dans leur contexte historique régional est donc la première urgence puisqu’ils sont liés à un passé toujours prégnant  conditionnant largement les choix et les engagements des-uns et des autres[2].

 
La suite de cette analyse (91%) est réservée aux abonnés à l'Afrique Réelle.


mardi 2 août 2022

L'Afrique Réelle N°152 - Août 2022

Sommaire

Dossier :
Le terrorisme dans la bande sahélo-saharienne : phénomène religieux ou prétexte religieux ?

- Sahel, la guerre des deux islam
- Islam : un artificiel paravent ?
- Le cas du Burkina Faso
- Jihadisme ou problème peul ?
RDC :
- Pourquoi Patrice Lumumba fut-il assassiné ?
- La démocratie ethnique congolaise


Editorial de Bernard Lugan : 
L’ethnisme contre le jihadisme

Pour l’Occident, une société est « évoluée » dans la mesure où elle adopte ses « valeurs » : rapports égalitaires entre les hommes et les femmes, reconnaissance de l’homosexualité, LGBT, théorie du genre, démocratie, droits de l’homme etc. 
Pour une grande partie des Africains, tout cela n’est que perversion. Pour les jihadistes il s’agit de diablerie. L’incompréhension est donc totale.
Un exemple : comme l’école occidentale est postulée fabriquer des mécréants, un jihad de purification est donc nécessaire contre elle. Voilà pourquoi Boko Haram enlève et tue les écoliers. 
Nous sommes loin de l’ « école de la République » et de l’ « école émancipatrice », mais bien face à une incommunicabilité référentielle. Dans ces conditions, tout ce que nous pouvons faire contre le terrorisme jihadiste ouest africain est vu comme une croisade ou comme une nouvelle colonisation. 

Ceci étant, par idéologie ou par manque de culture ethno-historique, les décideurs français ont « essentialisé » la question du terrorisme sahélien. 
C’est ainsi que sont systématiquement qualifiés de jihadistes tous les bandits armés, même quand ils ne sont pas mus par la volonté de combattre l’islam local « déviant ». Même quand nous sommes en présence de trafiquants revendiquant le jihadisme pour brouiller les pistes, ou parce qu’il est plus glorieux de prétendre combattre pour la plus grande gloire du Prophète que pour des cartouches de cigarettes ou des cargaisons de cocaïne. Même quand il s’agit de revendications ethniques, sociales et politiques simplement habillées du voile religieux car, dans toute la région, le jihadisme est souvent la simple surinfection de plaies ethniques. 

La réalité est qu’en 2022, bien qu’emboités, les fronts dits jihadistes n’ont pas « coagulé » dans un embrasement généralisé de tout le Sahel à travers un jihad global ayant pour but la fondation d’un califat transethnique. 
Cela ne s’est pas produit car l’universalisme islamiste a buté sur les réalités ethniques. L’ethnie est en effet ici la principale force de résistance en raison des énormes fossés historiques séparant les protagonistes. 

Voilà pourquoi le jihadisme qui affirmait  vouloir dépasser l’ethnisme en le fondant dans un califat universel, s’est, tout au contraire,  trouvé pris au piège d’affrontements ethno-centrés avec un ancrage de plus en plus  évident sur certaines fractions du peuple peul. 
Désormais, plus que de terrorisme islamiste, c’est donc de jihadisme peul qu’il conviendrait peut-être de parler. Comme au XIXe siècle, quand les grands jihad peul dévastaient déjà la région sahélienne. Mais pour  entrevoir ce phénomène, encore faut-il connaître l’ethno-histoire régionale et l’on pourra à ce sujet se reporter à mon livre Les guerres du Sahel des origines à nos jours.

vendredi 1 juillet 2022

L'Afrique Réelle N°151 - Juillet 2022

Sommaire

- Economie : toujours la méthode Coué
- L’Algérie et les Touareg
- L’Afrique et la géopolitique de la mer
Dossier : La nouvelle guerre du Kivu 
- La question du Kivu
- Kivu : Le Rwanda et la politique du fait accompli


Editorial de Bernard Lugan

L’Algérie (46 millions d’habitants en 2022), est un pays jeune qui compte plus de 500.000 naissances par an et dont 54% de la population est âgée de moins de 30 ans. Mais c’est un pays gouverné par des vieillards. 

Les trois gérontes qui gèrent le « Système » s’approchent en effet tous les trois du terme de leur « horloge biologique ». Le président Tebboune et le général Chengriha, chef d’état-major vont tous deux avoir 80 ans ; quant à Salah Goujil, le président du Sénat, l’homme qui devrait assumer la période transitoire en cas de disparition du président Tebboune, il est né en 1931.

Ancrant leur « légitimité » sur une histoire fabriquée (voir mon livre Algérie l’Histoire à l’endroit), ces vieillards paraissent ne pas avoir vu que le monde a changé depuis leur jeunesse et les années de lutte pour l’indépendance, il y a trois quarts de siècle de cela. Alors que l’Algérie se débat dans une terrible crise morale, sociale, économique et politique, leur action repose en effet toujours sur des paramètres et des paradigmes datant d’un autre temps. Et sur  deux obsessions quasi existentielles, la haine de la France et la jalousie vis-à-vis du Maroc.

La première est régulièrement rappelée à travers des exigences de réparations sonnantes et trébuchantes relayées par les héritiers des « porteurs de valises » et par les stipendiés médiatiques français.

La seconde qui est d’ordre psychanalytique accule les dirigeants algériens à la cécité historique et politique. Les maîtres du « Système » algérien refusent ainsi de reconnaître que la colonisation amputa territorialement le Maroc, Etat millénaire, au profit d’une Algérie directement passée de la colonisation turque à la colonisation française. Jusqu’à son nom lui fut donné par le colonisateur honni. N’est-ce en effet pas le général Schneider, Ministre de la  Guerre qui, le 14 octobre 1839  décida que le nom d’Algérie remplacerait désormais officiellement l’appellation « possessions françaises dans le nord de l’Afrique », appellation qui elle-même avait succédé  au Gezayir-i Garp de la Porte ottomane ? 

Les dirigeants algériens refusent également d’admettre qu’au moment des indépendances, il fut  demandé au Maroc d’entériner ces amputations en acceptant le rattachement à l’Algérie de territoires historiquement marocains comme le Touat, la Saoura, le Tidikelt, le Gourara  ainsi que la région de Tindouf. 

Enfin, pour le « Système » algérien, il est insupportable de devoir constater que leur pays est comme « enfermé » et même « enclavé » dans la Méditerranée. Alors que le Maroc dispose d’une immense façade maritime océanique partant de Tanger au nord jusqu’à la frontière avec la Mauritanie au sud, ouvrant de ce fait le royaume à la fois sur le « grand large » atlantique, sur l’Afrique de l’Ouest, et sur un riche plateau continental. 

Voilà pourquoi l’Algérie mène une politique anti-marocaine qui menace la paix régionale tout en bloquant toute vision de développement du « grand Maghreb ». Un combat pourtant perdu avec le délitement du dernier carré résiduel des 24 Etats reconnaissant encore la « RASD » (République arabe saharaouie démocratique)… 24 sur 193 Etats membres de l’ONU, soit 88% ne reconnaissant pas ce fantôme politique totalement porté par l’Algérie au nom d’une idéologie révolutionnaire datant d’avant l’effondrement de l’URSS…

jeudi 16 juin 2022

Kivu : pourquoi cette nouvelle guerre ?

La guerre a repris au Kivu sur fond de veillée d’armes entre la RDC et le Rwanda. En réalité, nous sommes face à la résurgence d’un conflit qui n’a jamais cessé d’ensanglanter cette partie de l’Afrique des Grands Lacs depuis 1996, et dont la cause est claire : le Rwanda s’emploie à créer au Kivu une situation de non-retour débouchant sur une sorte d’autonomie régionale sous son contrôle. Et cela, pour trois raisons constituant autant d’objectifs géostratégiques vitaux pour lui:

1) Etouffant démographiquement sur ses hautes terres surpeuplées (14 millions d’habitants sur 26.338 km2),  le Rwanda va droit au collapsus si, d’une manière ou d’une autre, il ne déverse pas son trop-plein humain vers les régions  peu peuplées du Kivu congolais. En comparaison, l’’immense RDC a une superficie de 2,345 millions de km2  et une population de 90 millions d’habitants.

2) Sans une ouverture vers le Kivu, le Rwanda qui est naturellement tourné vers l’océan indien, n’est que le cul de sac de l’Afrique de l’Est, la forêt de la cuvette congolaise formant une barrière naturelle, politique, ethnique, culturelle et linguistique (kiswahili oriental et lingala occidental).

3) La « réussite » économique actuelle du Rwanda repose largement sur le pillage des ressources de la RDC. Ainsi en est-il du coltan (la colombite-tantalite), un métal précieux indispensable à l’industrie électronique dont le Kivu congolais  détient les ¾ des réserves mondiales, mais dont l’exportation se fait en grande partie par le Rwanda …Selon l’ONU, Kigali constituerait ainsi la plaque tournante du commerce illicite des métaux rares et des pierres précieuses congolais.

En 2019, avant le Covid, le Rwanda a exporté pour  56,6 millions de dollars de minerais qu’il ne produit pas, ou alors de manière anecdotique. Le trafic se fait à travers des sociétés écran et des coopératives minières qui donnent le label « Rwanda » aux productions congolaises. En plus du coltan, de l’or, des diamants et autres minerais rares, le pétrole de la région de Rutshuru, prolongement de celui du bassin du lac Albert, fait que le Rwanda ne peut pas se retirer d’une région au riche sous-sol. De plus, si Kinshasa reprenait le contrôle du Kivu, les acheteurs de ses productions minières ne seraient plus les alliés anglo-américains de Kigali, mais les Chinois…

Signe que le Rwanda n’est pas disposé à abandonner sa politique expansionniste dans le Kivu congolais, la société rwandaise Power Resources achève actuellement la construction d’une raffinerie de coltan à Kigali, ce qui fera du pays un acteur mondial essentiel pour la fourniture de ce minerai stratégique.

Voilà les trois grandes raisons pour lesquelles le Rwanda fomente les  rébellions successives de la région du Kivu. Aujourd’hui, le relais de sa politique est le mouvement dit « M23 », qu’il aide en matériel et en hommes[1]. Jusqu’à ces derniers temps, adossé à la tragique mémoire du génocide de 1994, soutenu par l’opinion mondiale, le régime du général Kagamé a pu agir impunément en RDC. Aujourd’hui, bientôt trois décennies après la tragédie, la situation est différente car le voilà mis en accusation de plus en plus régulièrement.

[1] Le numéro de juillet de l’Afrique réelle que les abonnés recevront le 1er juillet contiendra un dossier consacré à cette question. Pour en savoir plus, voir mon Histoire de l’Afrique publiée aux éditions Ellipses, notamment les pages 948 à 989.

mercredi 15 juin 2022

mercredi 8 juin 2022

Congo : les nouveaux regrettables « regrets » du roi des Belges

Le mardi 30 juin 2020, pliant à son tour sous l’air du temps, le roi des Belges avait présenté « ses plus profonds regrets pour les blessures infligées lors de la période coloniale belge au Congo ».

Le mercredi 8 juin 2022, en visite officielle à Kinshasa, le roi Philippe a une nouvelle fois fait repentance pour « les blessures infligées au Congo durant la période coloniale ». Une repentance qui n’a pas lieu d’être. Pour trois raisons principales :

1) En 1885 quand fut internationalement reconnu l’État indépendant du Congo (EIC), les esclavagistes musulmans venus de Zanzibar avaient franchi le fleuve Congo, dépeuplant les régions de la Lualaba, de l’Uélé, du bassin de la Lomami, et ils avançaient vers la rivière Mongala. A cette époque, les Africains étaient enlevés par dizaines de milliers pour être vendus sur le littoral de l’océan indien ou sur le marché aux esclaves de Zanzibar. De 1890 à 1896, de courageux belges menèrent alors ce qui fut à l’époque baptisé de « campagne antiesclavagiste » ou « campagne arabe ».

A la place de ces injustifiables et répétitifs « regrets », c’est donc tout au contraire la mémoire de ces hommes généreux que le roi des Belges devrait célébrer. Parmi eux, les capitaines Francis Dhanis, Oscar Michaux, Guillaume-François van Kerckhoven, Pierre Ponthier, Alphonse Jacques, Cyriaque Gillain, Louis Napoléon Chaltin, Nicolas Tobback et bien d’autres.

Pour avoir voulu arracher les malheureux noirs aux esclavagistes, Arthur Hodister et ses compagnons ainsi que le lieutenant Joseph Lippens et le sergent Henri De Bruyne furent massacrés. Les deux derniers eurent, alors qu’ils étaient encore vivants, les mains et les pieds coupés par les esclavagistes.
Certains fanatiques demandent que leurs statues soient déboulonnées. Cela se fera probablement tant, outre-Quiévrain comme partout ailleurs en Europe, l’ethno-masochisme est désormais sans limites.

2) La Belgique n’a pas pillé le Congo. Et pourtant, cette colonie fut une de celles dans lesquelles  les profits  privés et ceux des consortiums furent les plus importants.  L’originalité du Congo belge était qu’il subvenait à ses besoins, le plan de développement décennal ainsi que les investissements étant financés par l’impôt des grandes sociétés qui était payé et investi sur place. La colonie s'autofinançait donc, un cas à peu près unique dans l’histoire coloniale de l’Afrique qui contredit à lui seul le postulat culpabilisateur.

Mais, pour mettre en valeur cet immense territoire, il fallut commencer par y créer des voies de communication et notamment une voie ferrée reliant l’estuaire du Congo (Matadi), à la partie navigable du fleuve. En 1898, au bout de neuf années d’efforts surhumains, les 390 kilomètres de la ligne Matadi-Léopoldville furent achevés, mais 1800 travailleurs noirs et 132 cadres et contremaîtres blancs étaient morts durant les travaux. Rapportées aux effectifs engagés, les pertes des Blancs étaient 10 fois supérieures à celles des Noirs.

En 1908, le Congo, propriété personnelle du roi Léopold II, fut repris par la Belgique. De 1908 à 1950, les dépenses engagées par Bruxelles dans sa colonie furent de 259 millions de francs-or et durant la même période, le Congo rapporta 24 millions de francs-or à l’Etat belge[1]. La Belgique n’a donc pas bâti sa richesse sur le Congo, même si des Belges y ont fait fortune, et parfois de colossales fortunes, mais ce n’est pas la même chose.

3) Parmi toutes les puissances coloniales, la Belgique fut la seule à avoir défini un plan cohérent de développement en partant d’une réalité qui était que tout devait être fait à partir du néant. En matière d’éducation, la France et la Grande Bretagne saupoudrèrent leurs colonies d’Afrique sud-saharienne tandis que la Belgique choisit de procéder par étapes et de commencer par bien développer le primaire, puis le secondaire et enfin seulement le supérieur. Mais, pour que ce plan puisse être efficace, il lui fallait une certaine durée. Or, il fut interrompu par une indépendance précipitée et alors qu’il fallait à la Belgique au moins encore deux décennies pour le mener à son terme. Si le roi des Belges doit exprimer des « regrets », c’est donc d’avoir décolonisé trop tôt, trop vite, précipitamment, sous la pression de l’émotionnel … comme aujourd’hui !!!

Alors, certes, et il serait historiquement mensonger de le nier, il y eut effectivement une période sombre au Congo avec une authentique politique d’exploitation fondée sur le travail forcé dénoncée dès 1899 par Joseph Conrad dans son livre « Au cœur des ténèbres ». Ce fut l’époque de la Fondation de la Couronne à laquelle le roi Léopold attribua environ 1/10° de la superficie de tout le Congo et qui perçut les revenus domaniaux des concessions. Mais ce ne fut qu’une parenthèse de quelques années qui, de plus, ne concerna que le 1/10° de l’immense Congo. A partir de 1908, le Congo rentra en effet dans l’Etat de droit et ses ressources ne servirent plus qu’à sa mise en valeur.

Voilà pourquoi les « regrets » du roi des Belges qui sont aussi injustifiés qu’injustifiables, sont d’abord et avant tout une véritable insulte à l’Histoire. Mais également une insulte à la mémoire de ceux qui donnèrent leur vie pour combattre les esclavagistes. A la mémoire de ces fonctionnaires et de ces colons qui firent que dans le Congo belge les populations mangeaient à leur faim, étaient soignées et connaissaient la paix… A l’époque, les habitants du Kivu et de l’Ituri n’étaient ainsi pas massacrés comme aujourd’hui par des bandes armées… Une insulte à la mémoire de ceux qui firent que les services publics fonctionnaient, que les  voies de communication créées à partir du néant, tant pour ce qui était de la navigation fluviale, que des voies ferrées, des aérodromes ou des ports étaient entretenues. Quant au réseau routier, il était exceptionnellement dense, des pistes permettant de traverser le pays d’ouest en est et du nord au sud en toutes saisons. Après l’indépendance, ces voies de communication disparurent, littéralement « mangées » par la brousse ou par la forêt.

Pour en savoir plus, voir mon Histoire de l’Afrique des origines à nos jours pages 552-555 et 705-715

[1] Stengers, J., (1957) « Combien le Congo a- t-il coûté à la Belgique ? » Académie Royale des Sciences Coloniales, T.XI, fasc 1, 1957, 354 pages.

mercredi 1 juin 2022

L'Afrique Réelle N°150 - Juin 2022

Sommaire

Numéro spécial :
L’identité de l'Algérie : La question au cœur de tout

- Quand la génétique démontre que le Maghreb n’est pas arabe
- Les Berbères, une vieille histoire
- Les Berbères, de la conquête arabe à la conquête française
- Quand l’Algérie était une colonie turque
- La question « berbériste » (1949)
- Le congrès de la Soummam, une tentative berbériste ?
- Le coup d’Etat de l’armée des frontières (été 1962)
- Comment les Berbères se sont fait voler l’indépendance


Editorial de Bernard Lugan :

L’identité de l’Algérie

En 2004, Mohamed Chafik posa une question « Pourquoi le Maghreb arabe n’arrive-t-il pas à se former ? » Et il donna la réponse suivante : « C’est précisément parce qu’il n’est pas arabe ». 

Cette interrogation-réponse était incluse dans un article publié dans Le Monde amazigh, (n°53, novembre 2004), dont le titre explosif était : « Et si l’on décolonisait l’Afrique du Nord pour de bon ! », ce qui signifiait, qu’après la colonisation française, les Berbères devraient se libérer de quatorze siècles de colonisation arabe…

En Algérie comme dans tout le Maghreb, les Berbères constituent le fond ancien de la population. Charles-André Julien écrivit à ce propos que « Le Maroc, l’Algérie et la Tunisie sont peuplés de Berbères que l’on qualifie audacieusement d’Arabes ». (Voir à ce sujet mon livre Histoire des Berbères). 

Aujourd’hui, les berbérophones - et non tous les Berbères - ne représentent plus qu'environ 25% de la population de l’Algérie Ce recul est le produit d'une histoire complexe ayant connu une accélération depuis l’indépendance de 1962 qui vit le triomphe de l’idéologie arabo-musulmane. 

Le nouvel Etat se construisit alors à travers l’éviction des maquisards berbères par l’Armée des frontières qui avait vécu la guerre, loin des combats, dans les camps de Tunisie et du Maroc. 

Or, à l’image du colonel Boumediene dont la mère était Chaoui, ses chefs, même quand ils n’étaient pas Arabes, étaient acquis à l’idéologie arabiste. Pour eux, la berbérité représentait un danger existentiel pour le nationalisme algérien à construire. Voilà pourquoi, au mois d'août 1962, donc dès l’indépendance acquise, le gouvernement algérien supprima la chaire de kabyle de l’université d’Alger.

La légitimité du régime s’ancra alors sur la négation de l’histoire de l’Algérie et de sa composition ethnique, la revendication berbère étant présentée par le « Système » algérien comme une « conspiration séparatiste dirigée contre l’islam et la langue arabe ». Pour les dirigeants algériens, le fait d’être musulman impose en effet que l’on se rattache à la nation, à la civilisation arabe. Les partisans les plus radicaux de l’idéologie arabo-islamique soutenaient même que les Berbères étaient sortis de l’histoire et qu’ils ne peuvent accéder au Paradis qu’en se rattachant à des lignées arabes. Quant au ministre algérien de l’Education nationale, il déclara en 1962 que « Les Berbères sont une invention des Pères Blancs »…

Comme les berbéristes refusaient le dogme fondateur de l’Algérie arabe, comme l’amazighité affirmait la double composante du pays, arabe et berbère, le parti FLN parla de dérive « ethnique », « raciste » et « xénophobe » menaçant de détruire l’Etat. 

Voilà pourquoi les Kabyles et les Chaoui se retrouvèrent citoyens d’une Algérie algérienne arabo-musulmane niant leur identité. D’où le problème de l’identité du pays et les non-dits existentiels qui le paralysent.

mardi 24 mai 2022

Nouveau livre de Bernard Lugan : Mai 68 vu d'en face, quand les rebelles n'étaient pas ceux qu'on croit






















Présentation


Dans notre pays où est sacralisé le souvenir de la « révolution » de Mai 68, véritable rite de passage pour toute une génération, il n’y a guère de place dans les récits officiels pour la mémoire des réprouvés qui se sont tenus, bien inférieurs en nombre, de l’autre côté de la barricade. C’est dans cet improbable corps franc que se sont regroupés les mousquetaires, les soudards, les irrévérencieux, les vrais rebelles de leur temps – dont l’auteur de cet ouvrage fut l’un des membres les plus éminents. En chroniqueur espiègle de cette formidable épopée militante, Bernard Lugan nous entraîne au milieu des souvenirs de sa folle jeunesse avec une insolence dont il ne s’est jamais départi. Une aventure à la hussarde qui fleure bon les coups de trique, les bistrots parisiens, les femmes légères et les chants coloniaux.

Disponible dans toutes les librairies

Pour le commander via l'Afrique Réelle

         Livraison

samedi 21 mai 2022

Pap Ndiaye ministre de l’Education nationale, ou comment Emmanuel Macron livre la jeunesse de France à l’idéologie indigéniste et décoloniale…

Jules Ferry et Charles Péguy qui, à travers l’Ecole, louaient à des titres différents la valorisation des valeurs patriotiques et citoyennes, doivent se retourner dans leurs tombes. Après l’acceptation de la subversion islamo-gauchiste, voilà maintenant qu’à la tête de la malheureuse éducation dite « nationale », est nommé le représentant d’une idéologie révolutionnaire  née sur les campus américains où lui-même a été formé avant d’y enseigner, et pour qui « Il existe bien un racisme structurel en France ».

Plus que de longs développements, je m’en tiendrai à deux grandes déclarations de notre nouveau « hussard de la République » qui vont constituer la toile de fond de sa politique éducationnelle :

1) La France « c’est le plus grand pays d’immigration d’Europe (mais) il n’y a pas de statue de la Liberté en France pour accueillir les migrants. C’est d’ailleurs une ambiguïté de notre pays ; les questions d’immigrations n’ont pas leur place dans le récit national. Or c’est pourtant essentiel si l’on veut comprendre notre histoire ».

Traduction : les futurs programmes seront fondés sur la déconstruction de notre histoire nationale afin d’y intégrer les nuées venues des Etats-Unis car, comme l’a fort bien exprimé Houria Bouteldja: « Notre simple existence, doublée d’un poids démographique relatif (1 pour 6) africanise, arabise, berbérise, créolise, islamise, noirise, la fille aînée de l’Eglise, jadis blanche et immaculée, aussi sûrement que le sac et le ressac des flots polissent et repolissent les blocs de granit aux prétentions d’éternité (…) » (Houria Bouteldja).

2) « Le terme islamo-gauchisme ne désigne aucune réalité à l’université (…) c’est une manière de stigmatiser des courants de recherche » ( France-Inter 20 mai 2021)

Traduction : les islamo-gauchistes vont encore davantage pouvoir prendre possession des universités françaises dont ils font peu-à-peu leurs places-fortes.

Avec la nouvelle victoire  de cette idéologie dont le but avoué est la destruction de notre héritage historique, les dernières digues illusoires des « droits de l’homme », du « vivre ensemble », du « pas d’amalgame » et de la « laïcité », viennent d’être emportées.
Le temps de la résistance intellectuelle et morale est donc bien venu. Mais, pour combattre, encore faut-il des armes. Voilà pourquoi j’ai écrit « Pour répondre aux « décoloniaux », aux islamo-gauchistes et aux terroristes de la repentance ».

mercredi 18 mai 2022

Comment, au nom de nuées morales, la France se coupe méthodiquement de ses derniers amis africains

La France est arrivée au bout de son capital sympathie africain. Pour deux grandes raisons :

1) Le diktat démocratique qu’elle cherche à imposer à ses anciennes colonies et qui ne correspond que de très loin aux conceptions politiques locales.

2) Son ingérence dans les questions sociétales. C’est ainsi que le mariage homosexuel et la théorie du genre promus dans ses centres culturels révulsent littéralement les Africains.

Parmi toutes les ingérences de Paris, celle dite des « biens mal acquis » cristallise ce sentiment anti-Français qui monte dans toute l’Afrique francophone. Les biens dits « mal acquis » sont les possessions immobilières et mobilières de dirigeants d’Etats africains que certaines ONG classées à la gauche de la gauche, postulent avoir été achetées grâce à des détournements de fonds. Or, et il est essentiel de bien le préciser, qu’ils soient réels ou non, ces « détournements » postulés n’ont pas été faits en France, aux dépens de la société française, mais dans les pays d’origine.

Or, pour les Africains, le fait que la justice française s’immisce dans la manière dont leurs dirigeants gèrent leurs pays respectifs, est vu comme une insupportable ingérence. Mais aussi comme une forme de paternalisme puisque la France se met à la place des peuples postulés victimes, afin de rendre en leur nom une justice qu’ils seraient incapables de demander. Nous voilà donc de nouveau dans l’esprit de la colonisation philanthropique promue par la gauche française à la fin du XIXe siècle quand, pour elle, coloniser allait permettre de libérer les populations des tyrans qui les asservissaient (Voir à ce sujet mon livre Colonisation, l’histoire à l’endroit).

De plus, suprême humiliation, lors des procès qui se tiennent en France, les médias mettent sur la place publique la vie privée des dirigeants africains. Or, en Afrique, où la définition du pouvoir n’est pas celle de nos sociétés exhibitionnistes, il existe une profonde pudeur sur ces questions.

La justice française fait également peser une véritable épée de Damoclès sur la tête de ceux des responsables politiques africains qui ont eu la maladresse d’investir en France. Il suffit en effet que tel ou tel groupe d’opposition décidé à  les déstabiliser  prenne langue avec les ONG françaises autorisées à mettre en branle l’appareil judiciaire, pour que des poursuites soient quasi automatiquement engagées.

Localement en position difficile, les représentants diplomatiques français tentent d’expliquer à leurs interlocuteurs qu’en France, l’on vit dans un système de séparation des pouvoirs et que le gouvernement ne peut aller contre ce principe constitutionnel. Les dirigeants africains ont alors beau jeu de leur rappeler que c’est le gouvernement français lui-même qui a donné à Transparency International, à Sherpa et à une poignée d’autres ONG, ce pouvoir exorbitant qu’est l’agrément leur permettant de déclencher l’action publique en se constituant partie civile. D’autant plus que le 4 septembre 2021, le Garde des Sceaux, Monsieur Eric Dupont Moretti a renouvelé l’agrément de Transparency International France...

Au nom de principes moraux totalement décalés en Afrique, la machine judiciaire française est ainsi devenue le porte-glaive d’ONG internationales. Le plus singulier est que, d’une manière que l’on pourrait à minima qualifier d’insolite, ces dernières ciblent systématiquement et très prioritairement les derniers alliés de la France en Afrique, ainsi que les pays dans lesquels de grandes sociétés françaises sont encore présentes. Comme si elles agissaient au profit de ceux qui ont intérêt à voir la France quitter l’Afrique. Un comportement qui, en d’autres temps, aurait été assimilé à une forme de trahison.

Quelques exemples :

- Theodorin Obiang  vice-président de la Guinée équatoriale, un pays qui s’était largement ouvert aux intérêts français, a été condamné le  27 octobre 2017 par le Tribunal correctionnel de Paris à 3 ans de prison avec sursis, 30 millions d’euros d’amende et à la confiscation de tous ses biens en France. La Cour de Cassation a rejeté son pourvoi.

- En 2018 plainte avec constitution de partie civile fut déposée contre le président Denis Sassou Nguesso du Congo, ami fidèle de la France.

Or, et il importe de le redire, les dirigeants de ces deux Etats pétroliers n’ont en aucune manière lésé la France ou détourné l’argent des Français. Tout au contraire, ils ont accordé des concessions pétrolières à des firmes françaises et ont placé leurs biens en France.

Dernier exemple, au mois d’avril 2022, Grâce, Bethy, Arthur et Hermine Bongo quatre des 54 enfants du défunt président Omar Bongo mort en 2009, ont été mis en examen en tant qu’héritiers de leur père qui leur a légué des immeubles parisiens achetés il y a un quart de siècle… Résultat, en dehors des autorités militaires présentes lors du cocktail du 10 mai dernier, lors de la visite exceptionnelle du Groupe maritime Jeanne d’Arc au Gabon, et contrairement à toutes les traditions, il n’y eut aucune visite d’officiels gabonais à bord du porte-hélicoptères Mistral. De plus, pour la première fois, une manifestation exigeant le départ des militaires français, donc la fermeture de l’emblématique camp de Gaulle où sont stationnés le 6° BIMA (Bataillon d’infanterie de marine) et les autres  Eléments français au Gabon, a été annoncée et autorisée.

La « politique des juges » a donc gravement altéré la relation bilatérale franco-gabonaise. Ressentie à Libreville comme une véritable persécution, le pouvoir gabonais la dénonce comme étant directement instrumentalisée par ses opposants exilés à Paris.
Les ONG et les juges concernés auront donc fait du « bon travail » en faisant perdre à la France l’un de ses derniers points d’appui en Afrique… D’autant plus que les dirigeants mis en cause ne sont guère affectés localement par les procédures parisiennes, tandis qu’ils peuvent exercer des représailles sur les sociétés françaises désireuses de s’implanter ou de se développer dans leurs pays respectifs.

Pendant que certains juges sapent consciencieusement ce qui reste encore de présence française en Afrique, Chinois, Indiens, Russes et Turcs se frottent les mains en assistant amusés au suicide de ce qui fut une grande puissance…