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dimanche 28 août 2022
vendredi 26 août 2022
vendredi 12 août 2022
Terrorisme sahélien : Entre alibi religieux, revendications ethniques et sécurisation des trafics, l’heure du bilan est venue
Au Sahel, la situation semble être désormais hors contrôle. Exigé par les actuels
dirigeants maliens à la suite des multiples maladresses parisiennes,
le retrait français a laissé le champ libre aux GAT (Groupes armés terroristes),
leur offrant même une base d’action pour déstabiliser le Niger, le Burkina Faso
et les pays voisins. Le bilan politique d’une décennie d’implication française
est donc catastrophique.
Un
désastre qui s’explique par une erreur originelle de diagnostic. La
polarisation sur le jihadisme fut en effet l’alibi servant à masquer la méconnaissance
des décideurs français, doublée de leur incompréhension de la situation, le
jihadisme étant d’abord ici la surinfection de plaies ethniques séculaires et
même parfois millénaires.
Cesser
de voir la question du Sahel à travers le prisme de nos idéologies
européo-démocratico-centrées et de nos automatismes, est désormais une impérieuse
nécessité. Replacer les évènements actuels dans leur contexte historique
régional est donc la première urgence puisqu’ils sont liés à un passé toujours prégnant conditionnant largement les choix et les
engagements des-uns et des autres[2].
La suite de cette analyse (91%) est réservée aux abonnés à l'Afrique Réelle.
mardi 2 août 2022
L'Afrique Réelle N°152 - Août 2022
Sommaire
Dossier :
Le terrorisme dans la bande sahélo-saharienne : phénomène religieux ou prétexte religieux ?
- Sahel, la guerre des deux islam
- Islam : un artificiel paravent ?
- Le cas du Burkina Faso
- Jihadisme ou problème peul ?
RDC :
Le terrorisme dans la bande sahélo-saharienne : phénomène religieux ou prétexte religieux ?
- Sahel, la guerre des deux islam
- Islam : un artificiel paravent ?
- Le cas du Burkina Faso
- Jihadisme ou problème peul ?
RDC :
- Pourquoi Patrice Lumumba fut-il assassiné ?
- La démocratie ethnique congolaise
- La démocratie ethnique congolaise
Editorial de Bernard Lugan :
L’ethnisme contre le jihadisme
Pour l’Occident, une société est « évoluée » dans la mesure où elle adopte ses « valeurs » : rapports égalitaires entre les hommes et les femmes, reconnaissance de l’homosexualité, LGBT, théorie du genre, démocratie, droits de l’homme etc.
Pour une grande partie des Africains, tout cela n’est que perversion. Pour les jihadistes il s’agit de diablerie. L’incompréhension est donc totale.
Un exemple : comme l’école occidentale est postulée fabriquer des mécréants, un jihad de purification est donc nécessaire contre elle. Voilà pourquoi Boko Haram enlève et tue les écoliers.
Nous sommes loin de l’ « école de la République » et de l’ « école émancipatrice », mais bien face à une incommunicabilité référentielle. Dans ces conditions, tout ce que nous pouvons faire contre le terrorisme jihadiste ouest africain est vu comme une croisade ou comme une nouvelle colonisation.
Ceci étant, par idéologie ou par manque de culture ethno-historique, les décideurs français ont « essentialisé » la question du terrorisme sahélien.
C’est ainsi que sont systématiquement qualifiés de jihadistes tous les bandits armés, même quand ils ne sont pas mus par la volonté de combattre l’islam local « déviant ». Même quand nous sommes en présence de trafiquants revendiquant le jihadisme pour brouiller les pistes, ou parce qu’il est plus glorieux de prétendre combattre pour la plus grande gloire du Prophète que pour des cartouches de cigarettes ou des cargaisons de cocaïne. Même quand il s’agit de revendications ethniques, sociales et politiques simplement habillées du voile religieux car, dans toute la région, le jihadisme est souvent la simple surinfection de plaies ethniques.
La réalité est qu’en 2022, bien qu’emboités, les fronts dits jihadistes n’ont pas « coagulé » dans un embrasement généralisé de tout le Sahel à travers un jihad global ayant pour but la fondation d’un califat transethnique.
Cela ne s’est pas produit car l’universalisme islamiste a buté sur les réalités ethniques. L’ethnie est en effet ici la principale force de résistance en raison des énormes fossés historiques séparant les protagonistes.
Voilà pourquoi le jihadisme qui affirmait vouloir dépasser l’ethnisme en le fondant dans un califat universel, s’est, tout au contraire, trouvé pris au piège d’affrontements ethno-centrés avec un ancrage de plus en plus évident sur certaines fractions du peuple peul.
Désormais, plus que de terrorisme islamiste, c’est donc de jihadisme peul qu’il conviendrait peut-être de parler. Comme au XIXe siècle, quand les grands jihad peul dévastaient déjà la région sahélienne. Mais pour entrevoir ce phénomène, encore faut-il connaître l’ethno-histoire régionale et l’on pourra à ce sujet se reporter à mon livre Les guerres du Sahel des origines à nos jours.