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dimanche 1 août 2021

L'Afrique Réelle n°140 - Août 2021


 






















Sommaire
   
Actualité
- Afrique du Sud : les véritables raisons du chaos
- Nigeria : la sous-traitance du jihad par les Peul
- Aux origines de la guerre du Tigré
 
Histoire
Maroc : Pétain contre Lyautey


Editorial de Bernard Lugan

La puissance du déterminant ethnique

Afrique du Sud, Nigeria et Ethiopie, voilà trois des plus importants pays africains qui traversent actuellement des crises existentielles. Pas de ces crises économiques ou sociales qui frappent tous les Etats africains et qui, même en cas de gravité extrême ne remettent pas en cause le contrat social national. Mais des crises qui posent la question de la simple survie de ces trois Etats multi-ethniques :
- Derrière le miroir aux alouettes de la crise sociale, l’Afrique du Sud est ainsi confrontée au déterminant zulu. 
- Derrière l’apparence  religieuse, le Nigeria central est face à la question peul. 
- Quant à l’Ethiopie, un pays qui n’a jamais été véritablement colonisé, c’est sa mosaïque ethnique qui se délite sous nos yeux avec la revendication indépendantiste du Tigré.

La question ethnique qui se pose donc avec intensité dans ces trois pays permet, une fois de plus, de juger de la « pertinence » du postulat de ces « africanistes » français qui soutiennent que les ethnies africaines ont une origine coloniale. Une théorie ancrée sur le paradigme de la culpabilité européenne (voir à ce sujet mon livre Pour répondre aux décoloniaux). 
En effet, comme les problèmes africains sont essentiellement d’ordre ethnique, si les ethnies ont une origine coloniale, les drames que connaît le continent ont donc été provoqués par la colonisation. CQFD ! 

Une théorie singulièrement « raciste » puisqu’elle sous-entend que les peuples africains auraient donc tout reçu des colonisateurs. Jusqu’à leur nom et leur identité… Un postulat qui domine dans la forteresse doctrinale du petit monde académique. Ainsi, selon l’universitaire Catherine Coquery-Vidrovitch, ce fut durant la période coloniale que : « (…) l'ethnie fut largement fabriquée à des fins de contrôle, non seulement administratif et politique, mais aussi religieux ».

Si nous interprétons le « largement » de cette insolite affirmation, nous pourrions dire qu’à environ 75% les ethnies africaines auraient donc été « fabriquées » par les Français, les Britanniques, les Belges, les Portugais ou les Allemands. J’invite son auteur à démontrer que les Sotho et les Xhosa en Afrique du Sud, les Ovimbundu et les Kongo  en Angola, les Kru et les Mano au Liberia, les Temné et les Mendé en Sierra Leone, les Baoulé et les Bété en Côte d’Ivoire, les Oromo et les Amhara en Ethiopie, les Tutsi, les Hutu et les Twa au Rwanda, les Darod et les Saab en Somalie, les Touareg et les Dogon au Mali, les Toubou et les Sara au Tchad,  etc., n’existaient pas à la veille de la colonisation…

Au lendemain des indépendances, alors que la construction de l’Etat passait  par la reconnaissance des ethnies et par leur prise en compte dans les élaborations constitutionnelles, les idéologues français du CNRS et de l’africanisme universitaire ont mis l’interdit sur la question ethnique. 

Dans ces conditions, comment prétendre aujourd’hui régler la question de l'Etat en Afrique quand les réalités sociopolitiques qui les composent (ethnies, tribus et clans) sont niées jusqu'à l'absurde par ceux qui ont formaté des générations d’étudiants, et qui sont présentés dans les médias comme les « spécialistes » de ce continent ?

3 commentaires:

  1. En effet, en feuilletant "L'invention du colonialisme vert" de Guillaume Blanc, j'ai pu voir ce blocage sur le mot "ethnie" qu'il faut absolument changer en "peuple" ainsi que le big-bang colonial : créateur, d'une pierre deux coups, de l'Afrique ethnique et de ses problèmes. Il y est dit que : "La cohésion nationale n’est toujours pas au rendez-vous. Les peuples des régions Oromo, Afar ou Somali ont été conquis par Ménélik il y a un siècle, et bien souvent, ils refusent encore l’identité éthiopienne que leur imposent les dirigeants du pays. La presse et les observateurs occidentaux attribuent ce manque d’unité à des divisions ethniques. Mais l’ « ethnie » est une catégorie inventée par les Européens pour soumettre, pendant la colonisation, les royaumes qu’ils envahissaient. Et depuis, l’ethnisme continue de donner à l’Afrique toute son étrangeté : là où la France aurait eu des peuples (3 millions de Bretons), l’Ethiopie aurait des ethnies (40 millions d’Oromo). En réalité, le mot cache une histoire bien plus simple : les frontières coloniales ont abouti au regroupement superficiel de peuples forts différents les uns des autres, voilà tout."

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  2. Débat passionnant, reste plus qu'à attendre les contres arguments des décoloniaux

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  3. Il faut comprendre que l'Ethiopie est née dans les eaux de la Conférence de Berlin. L'histoire fabriquée de ce pays tente de l'inscrire dans une histoire millénaire alors que l'histoire millénaire ne concerne que l'Abyssinie. On assiste à ce jour d'un conflit entre Amhara et Tigray qui se dispute la paternité de cette histoire millénaire qui offre la légitimité de l'exercice du pouvoir ("impérial" presque). L'ethnie prend tout son sens ici, non pas à cause d'une quelconque raison exogène mais bien à cause du renversement du Derg (empire soviétique sous influence Amhara). La minorité ethnique Tigray a appuyé sur les différences ethniques de chacun pour justifier son rôle de libérateur. La dynamique de construction d'un Etat jacobin éthiopien par les Amharas avec un rôle bien évidemment central pour eux n'a pu être contré que par l'établissement de l'ethno-federalisme. Tout a été fait pour contrer cette dynamique et justifier du role monopolistique des Tigray au sein de l'appareil d'Etat. Au nom de la primauté de l'abyssinité de ces derniers et construit contre le suprématisme Amhara. La question est loin d'être résolue, la large majorité démographique du pays n'est toujours pas impliqué dans le conflit bien que l'on présente l'OLA comme une force à considérer alors qu'elle ne reste qu'un pantin du régime précédent. Pour résumer, on a en Ethiopie un régime post-soviétique avec deux factions qui se battent pour le monopole du pouvoir. Le parti unique reste le seul modele ideologique à la seule différence qu'à partir de la fin du Derg, elle s'est caché sous le deguisement d'une coalition de partis regionaux à base ethnique, les factions au sein du parti unique representant les interets de chaque ethnie. On se dirige vers un long conflit, de nombreuses atrocités et un irreversible dechirement d'un pays qui s'est formé il y a un peu plus d'un siècle seulement (aaaahh si seulement l'Allemagne connaissait pareil trajectoire, ce pays aurait du être démantelé en 1945 soit dit en passant).....

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