Alors que, par
« miracle », le Tchad n’a pas (encore ?) explosé après la mort
d’Idriss Déby et cela, uniquement parce qu’un pouvoir fort a rempli le vide
politique provoqué par sa disparition, le Parlement européen vient de sommer le
CMT (Conseil militaire de transition),
d’entamer d’ « urgence un
processus démocratique pluraliste » en appelant à un surréaliste retour à
l’ « ordre constitutionnel et au respect des valeurs
démocratiques » par la remise du pouvoir à
des « acteurs de la société civile », afin de « garantir
la transition pacifique au moyen d’élections démocratiques libres et
équitables ».
Totalement ignorant des failles de la tectonique ethnique tchadienne
et de l’histoire chaotique du pays depuis les années 1960, aveuglé par l’idéologie
démocratique, le « machin » bruxellois ne pouvait pas mieux faire
pour mettre en place les conditions du chaos. Cette prise de position hors-sol
ne doit pas étonner car, en vérité, cet aveuglement est la conséquence du « lobbying »
pratiqué par des ONG irresponsables qui tissent la toile idéologique dans laquelle elles emprisonnent
le parlement bruxellois. Derrière cette prise de position, l’on retrouve en
effet, entre autres, la marque de
« Pain pour le Monde », l’organisation des églises protestantes et
évangéliques allemandes, celle du « CCFD Terre solidaire », celle d’
« Agir ensemble pour les Droits humains, celle de « Misereor »
l’organisme des évêques catholiques allemands » et celle d’Acat (Action
des chrétiens pour l’abolition de la torture). Et la liste pourrait être
poursuivie…
Ainsi, au nom des
« vertus chrétiennes devenues folles », ces ONG largement
confessionnelles ont consciencieusement entrepris de préparer la voie à la
dislocation du Tchad, verrou essentiel de la stabilité régionale. En effet, si
le CMT entamait un processus démocratique, l’ethno-mathématique électorale
tchadienne donnerait le pouvoir aux plus nombreux, c’est-à-dire aux Sudistes. Or,
depuis l’indépendance, la vie politique du Tchad tourne au contraire autour des
principales ethnies nordistes, à savoir les Zaghawa, les Toubou du Tibesti (les
Teda), les Toubou de l’Ennedi-Oum Chalouba (les Daza-Gorane) et les Arabes du
Ouadaï qui totalisent moins de 25% de la population du pays (voir à ce sujet mon livre : Les guerres du Sahel des origines à nos jours). Or, les ONG et les députés européens refusent de voir que c’est
autour de leurs rapports internes de longue durée, de leurs alliances, de leurs
ruptures et de leurs réconciliations plus ou moins éphémères que s’est écrite
l’histoire du pays depuis l’indépendance. C’est autour d’eux que se sont faites
toutes les guerres du Tchad depuis 1963. C’est de leurs relations que dépend le
futur du pays, la majorité de la population n’étant que la spectatrice-victime
de leurs déchirements et de leurs ambitions. Nous voilà bien loi de la
« démocratie parlementaire… »
Si les actuels dirigeants
tchadiens cédaient au diktat européen inspiré par les ONG, le Tchad basculerait
dans la guerre comme le Mali, avec des populations nordistes minoritaires
refusant le totalitarisme démocratique sudiste reposant sur la seule loi du
nombre.
Le Tchad doit donc rejeter le
chantage démocratique et son compère, l’odieux et hypocrite
néocolonialisme de la pitié et de
l’émotionnel. Il en va en effet de la paix civile. Ne perdons pas de vue que ce
fut le diktat démocratique imposé par la France socialiste au général
Habyarimana qui réveilla puis exacerba les fractures de la société rwandaise,
ce qui déboucha sur le génocide (voir à
ce sujet mon livre Rwanda : un génocide en questions).
Plus généralement, et à moins de demeurer pour l’éternité des colonisés, les Africains doivent chasser les essaims des ONG qui s’abattent sur eux. Que
peuvent en effet leur apporter à long terme ces organisations composées
d’exclus, de laissés pour compte ou de retraités des pays du Nord dont les
motifs altruistes masquent le fait qu’ils sont trop souvent eux-mêmes à la
recherche de solutions à leurs propres problèmes existentiels ou
matériels ? Sauf rares exceptions dans le domaine médical ou comme dans le
cas de certaines organisations admirables comme l’est l’Ordre de Malte, ces
« petits blancs » étouffent littéralement l’Afrique sous le poids de
leurs jérémiades humanitaires, sous leurs « petits » projets aux
« petites » capacités, portés par de « petites » ambitions,
le tout soutenu par de « petits » moyens et surtout avec une absence
totale de perspective et de coordination.