Un sondage édifiant vient d’être publié
au Mali : 82% des Maliens ont une opinion défavorable de la France, 77%
pensent qu’elle n’y défend militairement que ses intérêts, 62,1% considèrent que Barkhane doit quitter immédiatement le Mali et 73% estiment que la
France est complice des jihadistes…
Ce sondage confirme l’ampleur du
sentiment anti Français largement affirmé le 10 février 2019 à Bamako, quand,
devant plusieurs dizaines de milliers de partisans, l’imam wahhabite Mahmoud
Dicko déclara : « Pourquoi c’est la France qui dicte sa loi
ici ? Cette France qui nous a colonisés et continue toujours de nous
coloniser et de dicter tout ce que nous devons faire. Que la France mette fin à
son ingérence dans notre pays ».
Ce rejet de la France se retrouve également au Niger et au Burkina Faso
où des manifestations quasi quotidiennes demandent le départ de l’armée
française.
Au moment où la France engage la
fleur de sa jeunesse pour les défendre, les populations concernées demandent donc
le retrait de Barkhane... En même
temps, des dizaines de milliers de déserteurs maliens vivent en France où ils
bénéficient des largesses « néocoloniales » d’un pays devenu masochiste…
Dans ces conditions, puisque
notre présence n’y est pas désirée, et qu’elle y est même rejetée, que faisons-nous
encore au Sahel ? Allons-nous continuer à y exposer la vie de nos soldats
alors que la région totalise moins de
0,25% du commerce extérieur de la France, que les 2900 tonnes d’uranium du
Niger ne pèsent rien dans une production mondiale de 63 000 tonnes, et que
l’or du Burkina Faso et du Mali est extrait par des sociétés canadiennes,
australiennes et turques ?
Les Maliens, les Nigériens et les
Burkinabé ne veulent donc plus de la France ? Dont acte ! Les 10 milliards d’euros que nous leur donnons
annuellement en cadeau gracieux, et en pure perte, vont donc pouvoir être mis au service des
Français. Notamment dans les hôpitaux où 660 médecins menacent de démissionner
si l’Etat ne renfloue pas les caisses, alors que moins de 3 milliards
permettraient d’y régler définitivement tous les problèmes…
Ceci étant, puisque, au Sahel,
nous évoluons désormais en milieu hostile, pourquoi ne pas profiter de
l’opportunité offerte par l’ingratitude de ses populations pour enfin changer
de paradigme ?
Jusque-là, portant avec constance,
et même abnégation, le « fardeau de l’Homme blanc », nous y avons
combattu pour empêcher le chaos régional. Aujourd’hui, une question iconoclaste
doit être posée : et si nous partions en laissant se développer le
chaos?
Notre départ provoquerait certes une période d’anarchie, mais, à son
terme, les contentieux régionaux mis entre parenthèse par la colonisation et aggravés
par la démocratie auront été « purgés ». Pourrait ainsi naître l’indispensable
réorganisation politique et territoriale qui, seule, pourrait régler la crise
régionale en profondeur. Ce que refusent de faire les rentiers de
l’indépendance, ces sédentaires qui ne sont au pouvoir que parce qu’ils sont
électoralement plus nombreux que les nomades. Et cela parce que leurs femmes
ont été plus fécondes que celles des pasteurs, lesquelles eurent la sagesse
d’aligner leur développement démographique sur les possibilités offertes par le
milieu. Ces mêmes sédentaires qui demandent aujourd’hui le départ de Barkhane, ne voyant pas que le nouvel
ordre régional qui suivra ne se fera pas en leur faveur car les Touareg, les
Maures et les Peul auront en effet vite fait de les remettre sous leur coupe… comme
avant qu’ils en aient été libérés par l’ « odieuse »
colonisation…
Au lieu de continuer à chercher dans les jihadistes un « ennemi de
confort », regardons plutôt la réalité en face.
Au Sahel, nous ne sommes pas dans l’Indochine de 1953, avec la descente
de divisions entières du Vietminh vers Hanoï. Ici, nous avons face à nous
quelques centaines de combattants qui se meuvent dans un vivier de quelques
milliers de trafiquants abritant leur « négoce » derrière l’étendard
du Prophète. La frontière entre jihadistes « authentiques » et jihadistes
« opportunistes » est donc plus que floue. Quant aux alliances de
circonstance nouées entre les groupes,
elles sont cloisonnées par d’énormes fossés ethno-raciaux empêchant
l’engerbage.
Placées à la confluence de l’islamisme, de la contrebande, des rivalités
ethniques et des luttes pour le contrôle des ressources, Barkhane percute régulièrement les constantes et les dynamiques
locales, bloquant ainsi toute possibilité de recomposition politique et
territoriale.
Notre départ permettrait donc la
reprise de ce vaste mouvement des Maures,
des Touareg et des Peul bloqué hier par la colonisation. Comme je ne cesse de
le dire et de l’écrire depuis des années, et comme je l’explique dans mon livre
Les Guerres du Sahel des origines à nos jours, les nomades
guerriers touareg, maures ou peul, n’accepteront jamais que
l’ethno-mathématique électorale les soumette au bon vouloir des agriculteurs
sédentaires que leurs ancêtres razziaient. Or, depuis les indépendances, l’introduction
de la démocratie a fait qu’étant électoralement les plus nombreux, les sédentaires
sudistes ont voulu prendre une revanche historique.
Seul notre départ et l’abandon de notre
protection militaire leur fera - certes tragiquement -, comprendre qu’ils ne sont
pas de taille à vouloir dicter leur loi à ceux qui, avant la colonisation
libératrice, réduisaient leurs aïeux en esclavage.
Ces problématiques régionales millénaires étant à la source des
problèmes actuels, tout règlement de la crise sahélienne passe donc par leur
prise en compte et non par leur négation.
Une telle politique devrait impérativement passer par le recentrage de
notre ligne de défense sur la Méditerranée. D’où un renforcement de nos
capacités maritimes, ce qui ne devrait pas poser de problèmes financiers
puisque les 10 milliards d’euros que nous donnons annuellement aux pays du
Sahel représentent le coût de trois porte-avions.
Cette politique serait ancrée sur
un nouveau paradigme impliquant l’établissement de partenariats avec les pays
de l’Afrique du Nord qui seraient les premiers à subir les vagues migratoires
venues du sud. Dans ces conditions, la priorité serait de vider l’abcès libyen en
aidant les forces du général Haftar à prendre le contrôle du pays.
Monsieur,
RépondreSupprimerJe partage totalement votre analyse de la situation et la solution que vous proposez. Je diffuse autour de moi.
Que 2020 soit une annee de changements fructueux pour la France, ou plutot ce qu'il en reste, avant qu'elle ne s'enfonce irremediablement dans le cahos.
Bien a vous,
Je viens régulièrement sur votre site, quel bien fou cela fait de lire des articles de bon sens dans cette France et cette Europe qui perdent la boule!
RépondreSupprimerIl serait intéressant d'avoir l'avis de Bernard Lugan sur la réforme du Franc CFA qui vient d'être acté.
RépondreSupprimerDe Gaulle a osé.
RépondreSupprimerhttps://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/politique-africaine/28-septembre-1958-le-jour-ou-la-guinee-a-dit-non-a-de-gaulle_3055865.html
Mais c'était De Gaulle.