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lundi 30 décembre 2019
lundi 23 décembre 2019
Que pourrait avoir voulu dire Emmanuel Macron en parlant du colonialisme comme d’une « faute de la République » ?
Le 21 décembre 2019, à Abidjan, en
dénonçant le « colonialisme faute de la République » et non
de la France (à moins que, pour lui, France=République), Emmanuel Macron a désigné
les vrais responsables de la colonisation, ce « péché » qui sert
aujourd’hui à désarmer la résistance au « grand remplacement ».
Etat
de la question :
1) Dans
les années 1880-1890, l’idée coloniale fut portée par la gauche républicaine alors
que la droite monarchiste et nationaliste majoritaire dans le pays s’y opposait[1].
2) Les
chefs de cette gauche républicaine étaient profondément imprégnés par les idées
de la révolution de 1789. Pour eux, la France républicaine, « patrie des
Lumières » se devait, en les colonisant, de faire connaître aux peuples
qui l’ignoraient encore le message universaliste dont elle était porteuse. La
dimension économique était initialement secondaire dans leur esprit car, à
l’époque, l’on ignorait que l’Afrique encore très largement inexplorée pouvait
receler des richesses. Et quand Jules Ferry parlait du futur Empire comme d’une
« bonne affaire », ce n’était qu’un souhait (voir à ce sujet les
travaux de Jacques Marseille).
3) Dans
la réflexion de la gauche républicaine, la dimension idéologique et morale de
la colonisation a tenu une part considérable et même fondatrice. L’on trouve
ainsi chez Jules Ferry la notion de « colonisation émancipatrice »,
idée qui fut parfaitement résumée en 1931 lors du congrès de la Ligue des
droits de l’Homme qui se tint à Vichy, quand Albert Bayet, son président,
déclara que la colonisation française était légitime puisqu’elle était porteuse
du message des « grands ancêtres de 1789 ». Dans ces conditions ajouta-t-il,
en colonisant, c’est-à-dire en
faisant :
« (…) connaître aux peuples les
droits de l’homme, ce n’est pas une besogne d’impérialisme, c’est une tâche de
fraternité »
4) La
gauche républicaine coloniale utilisa à l’époque des arguments qui, aujourd’hui,
conduiraient directement leurs auteurs devant les tribunaux. Dans son célèbre
discours du 28 juillet 1885, Jules Ferry déclara ainsi :
« Il faut dire ouvertement qu’en
effet, les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races
inférieures ; mais parce qu’il y a aussi un devoir. Elles ont le devoir de
civiliser les races inférieures »
Le
9 juillet 1925, l’icône socialiste Léon Blum affirma devant les députés :
« Nous admettons le droit et même le
devoir des races supérieures d'attirer à elles celles qui ne sont pas parvenues
au même degré de culture et de les appeler aux progrès réalisés grâce aux
efforts de la science et de l'industrie. »
Les
bonnes consciences humanistes peuvent cependant être rassurées puisque Jules
Ferry avait pris le soin de préciser que :
« La race supérieure ne conquiert
pas pour le plaisir, dans le dessein d’exploiter le faible, mais bien de le
civiliser et de l’élever jusqu’à elle ».
5) La
maçonnerie à laquelle appartenaient la plupart des dirigeants républicains
voyait dans la colonisation le moyen de mondialiser les idées de 1789. En 1931,
toujours à Vichy, lors du congrès annuel de la Ligue des droits de l’homme dont
j’ai parlé plus haut et dont le thème était la question coloniale, Albert Bayet
déclara :
« La colonisation est légitime
quand le peuple qui colonise apporte avec lui un trésor d’idées et de
sentiments qui enrichira d’autres peuples (…) la France moderne, héritière du
XVIIIe siècle et de la Révolution, représente dans le monde un idéal qui a sa
valeur propre et qu’elle peut et doit répandre dans l’univers (…)Le pays qui a
proclamé les droits de l’homme (…) qui a fait l’enseignement laïque, le
pays qui, devant les nations, est le grand champion de la liberté a (…) la
mission de répandre où il peut les idées qui ont fait sa propre
grandeur ».
6) Alors
que toute la philosophie qui animait ses membres reposait sur le contrat
social, la colonisation républicaine s’ancra sur une sorte de racisme
philanthropique établissant une hiérarchie entre les « races » et les
civilisations. Au nom de sa supériorité philosophique postulée, la république
française avait en effet un devoir, celui d’un aîné devant guider, grâce à la
colonisation, ses cadets ultra-marins non encore parvenus à « l’éclairage
des Lumières ».
7) Pour
ces hommes de gauche, la conquête coloniale n’était brutale qu’en
apparence puisqu’il s’agissait in
fine d’une « mission civilisatrice ». D’ailleurs, la république égalisatrice
n’avait-t-elle pas fait de même en
transformant les Bretons, les Occitans, les Corses et les Basques en
Français, c’est-à-dire en porteurs du message émancipateur universaliste? La
gauche républicaine coloniale se devait donc de combattre tous les
particularismes et tous les enracinements car il s’agissait d’autant de freins
à l’universalisme. Coloniser était donc un devoir révolutionnaire et
républicain. D’autant que la colonisation allait permettre de briser les
chaînes des peuples tenus en sujétion par les « tyrans » qui les
gouvernaient. La colonisation républicaine fut donc d’abord le moyen d’exporter
la révolution de 1789 à travers le monde.
Jusque
dans les années 1890, la position de la
droite monarchiste, nationaliste et identitaire fut claire : l’expansion
coloniale était une chimère détournant les Français de la « ligne
bleue des Vosges » et les aventures coloniales étaient donc considérées à
la fois comme une trahison et un ralliement aux idées républicaines. Le 11
décembre 1884, devant le Sénat, le duc de Broglie, sénateur monarchiste,
déclara ainsi :
« (…) Les colonies affaiblissent la patrie qui les fonde. Bien loin de la
fortifier, elles lui soutirent son sang et ses forces. »
Cet
anticolonialisme de droite fut bien représenté par Paul Déroulède et par
Maurice Barrès. Pour Déroulède, le mirage colonial était un piège dangereux
tendu par les ennemis de la France. Dans une formule particulièrement parlante,
il opposa ainsi la chimère de « la plus grande France »,
c'est-à-dire l’Empire colonial, qui menaçait de faire oublier aux Français le
« relèvement de la vraie France ».
En
dehors des milieux d’affaires « orléanistes » qui, à travers les
Loges, avaient adhéré à la pensée de Jules Ferry, la « droite » fut anticoloniale
quand la « gauche », à l’exception notable des radicaux de
Clemenceau, soutenait massivement l’expansion ultramarine.
Et
pourtant, quelques années plus tard, à quelques très rares exceptions, monarchistes,
nationalistes et catholiques se rallièrent à la vision coloniale définie par la
gauche républicaine, donc aux principes philosophiques qu’ils combattaient
depuis 1789… La fusion fut effective en 1890 quand, par le « toast
d’Alger », le cardinal Lavigerie demanda le ralliement des catholiques à
la République. La boucle révolutionnaire fut alors bouclée. Les Lumières
l’avaient emporté sur la Tradition.
Par
« devoir patriotique », la droite militaire et missionnaire partit alors
conquérir les « terres de soleil et de sommeil ». Elle s’y fit tuer avec
courage et abnégation, en ne voyant pas que son sang versé permettait la
réalisation des idéaux philosophiques de ses ennemis de toujours… Ces derniers demeurèrent
quant à eux confortablement en France, attendant de chevaucher ultérieurement les
chimères idéologiques de l’anticolonialisme au nom duquel ils dénonceront et combattront
férocement et implacablement une droite suiviste devenue coloniale quand eux ne
l’étaient plus…
En
parlant de « faute de la République » et non de faute de la France,
le président Macron a donc (involontairement ?), mis la gauche
républicaine face à ses responsabilités historiques. Car, et nous venons de le
voir, ce furent des républicains, des hommes de gauche, des laïcs et des
maçons, qui lancèrent la France dans l’entreprise coloniale qui l’épuisa, la
ruina et la divisa.
Leurs
héritiers qui dirigent aujourd’hui la France politique, judiciaire, médiatique
et « morale » ont curieusement oublié cette filiation. Plus encore, ayant
adhéré à une nouvelle idéologie universaliste, celle du
« village-terre » et de l’antiracisme, ils font réciter ad nauseam aux Français le credo de
l’accueil de « l’autre » afin d’achever de diluer les derniers
enracinements dans l’universel. Et ils le font au prétexte de la réparation de
la « faute » coloniale commise hier par
leurs maîtres à penser…
[1] Je développe cette idée dans mon livre « Mythes et manipulations de l’histoire africaine »
dimanche 15 décembre 2019
Que faisons-nous encore au Sahel où le changement de paradigme s’impose désormais ?
Un sondage édifiant vient d’être publié
au Mali : 82% des Maliens ont une opinion défavorable de la France, 77%
pensent qu’elle n’y défend militairement que ses intérêts, 62,1% considèrent que Barkhane doit quitter immédiatement le Mali et 73% estiment que la
France est complice des jihadistes…
Ce sondage confirme l’ampleur du
sentiment anti Français largement affirmé le 10 février 2019 à Bamako, quand,
devant plusieurs dizaines de milliers de partisans, l’imam wahhabite Mahmoud
Dicko déclara : « Pourquoi c’est la France qui dicte sa loi
ici ? Cette France qui nous a colonisés et continue toujours de nous
coloniser et de dicter tout ce que nous devons faire. Que la France mette fin à
son ingérence dans notre pays ».
Ce rejet de la France se retrouve également au Niger et au Burkina Faso
où des manifestations quasi quotidiennes demandent le départ de l’armée
française.
Au moment où la France engage la
fleur de sa jeunesse pour les défendre, les populations concernées demandent donc
le retrait de Barkhane... En même
temps, des dizaines de milliers de déserteurs maliens vivent en France où ils
bénéficient des largesses « néocoloniales » d’un pays devenu masochiste…
Dans ces conditions, puisque
notre présence n’y est pas désirée, et qu’elle y est même rejetée, que faisons-nous
encore au Sahel ? Allons-nous continuer à y exposer la vie de nos soldats
alors que la région totalise moins de
0,25% du commerce extérieur de la France, que les 2900 tonnes d’uranium du
Niger ne pèsent rien dans une production mondiale de 63 000 tonnes, et que
l’or du Burkina Faso et du Mali est extrait par des sociétés canadiennes,
australiennes et turques ?
Les Maliens, les Nigériens et les
Burkinabé ne veulent donc plus de la France ? Dont acte ! Les 10 milliards d’euros que nous leur donnons
annuellement en cadeau gracieux, et en pure perte, vont donc pouvoir être mis au service des
Français. Notamment dans les hôpitaux où 660 médecins menacent de démissionner
si l’Etat ne renfloue pas les caisses, alors que moins de 3 milliards
permettraient d’y régler définitivement tous les problèmes…
Ceci étant, puisque, au Sahel,
nous évoluons désormais en milieu hostile, pourquoi ne pas profiter de
l’opportunité offerte par l’ingratitude de ses populations pour enfin changer
de paradigme ?
Jusque-là, portant avec constance,
et même abnégation, le « fardeau de l’Homme blanc », nous y avons
combattu pour empêcher le chaos régional. Aujourd’hui, une question iconoclaste
doit être posée : et si nous partions en laissant se développer le
chaos?
Notre départ provoquerait certes une période d’anarchie, mais, à son
terme, les contentieux régionaux mis entre parenthèse par la colonisation et aggravés
par la démocratie auront été « purgés ». Pourrait ainsi naître l’indispensable
réorganisation politique et territoriale qui, seule, pourrait régler la crise
régionale en profondeur. Ce que refusent de faire les rentiers de
l’indépendance, ces sédentaires qui ne sont au pouvoir que parce qu’ils sont
électoralement plus nombreux que les nomades. Et cela parce que leurs femmes
ont été plus fécondes que celles des pasteurs, lesquelles eurent la sagesse
d’aligner leur développement démographique sur les possibilités offertes par le
milieu. Ces mêmes sédentaires qui demandent aujourd’hui le départ de Barkhane, ne voyant pas que le nouvel
ordre régional qui suivra ne se fera pas en leur faveur car les Touareg, les
Maures et les Peul auront en effet vite fait de les remettre sous leur coupe… comme
avant qu’ils en aient été libérés par l’ « odieuse »
colonisation…
Au lieu de continuer à chercher dans les jihadistes un « ennemi de
confort », regardons plutôt la réalité en face.
Au Sahel, nous ne sommes pas dans l’Indochine de 1953, avec la descente
de divisions entières du Vietminh vers Hanoï. Ici, nous avons face à nous
quelques centaines de combattants qui se meuvent dans un vivier de quelques
milliers de trafiquants abritant leur « négoce » derrière l’étendard
du Prophète. La frontière entre jihadistes « authentiques » et jihadistes
« opportunistes » est donc plus que floue. Quant aux alliances de
circonstance nouées entre les groupes,
elles sont cloisonnées par d’énormes fossés ethno-raciaux empêchant
l’engerbage.
Placées à la confluence de l’islamisme, de la contrebande, des rivalités
ethniques et des luttes pour le contrôle des ressources, Barkhane percute régulièrement les constantes et les dynamiques
locales, bloquant ainsi toute possibilité de recomposition politique et
territoriale.
Notre départ permettrait donc la
reprise de ce vaste mouvement des Maures,
des Touareg et des Peul bloqué hier par la colonisation. Comme je ne cesse de
le dire et de l’écrire depuis des années, et comme je l’explique dans mon livre
Les Guerres du Sahel des origines à nos jours, les nomades
guerriers touareg, maures ou peul, n’accepteront jamais que
l’ethno-mathématique électorale les soumette au bon vouloir des agriculteurs
sédentaires que leurs ancêtres razziaient. Or, depuis les indépendances, l’introduction
de la démocratie a fait qu’étant électoralement les plus nombreux, les sédentaires
sudistes ont voulu prendre une revanche historique.
Seul notre départ et l’abandon de notre
protection militaire leur fera - certes tragiquement -, comprendre qu’ils ne sont
pas de taille à vouloir dicter leur loi à ceux qui, avant la colonisation
libératrice, réduisaient leurs aïeux en esclavage.
Ces problématiques régionales millénaires étant à la source des
problèmes actuels, tout règlement de la crise sahélienne passe donc par leur
prise en compte et non par leur négation.
Une telle politique devrait impérativement passer par le recentrage de
notre ligne de défense sur la Méditerranée. D’où un renforcement de nos
capacités maritimes, ce qui ne devrait pas poser de problèmes financiers
puisque les 10 milliards d’euros que nous donnons annuellement aux pays du
Sahel représentent le coût de trois porte-avions.
Cette politique serait ancrée sur
un nouveau paradigme impliquant l’établissement de partenariats avec les pays
de l’Afrique du Nord qui seraient les premiers à subir les vagues migratoires
venues du sud. Dans ces conditions, la priorité serait de vider l’abcès libyen en
aidant les forces du général Haftar à prendre le contrôle du pays.
dimanche 8 décembre 2019
La France va-t-elle continuer à faire tuer ses soldats pour défendre des pays dans lesquels ils sont insultés?
Au
Sahel, alors que des soldats français tombent pour la défense de pays menacés
par le jihadisme, des manifestations désormais quasi quotidiennes accusent la
France de « néocolonialisme » et exigent le départ de l’armée
française… Une telle indécence a
conduit le président Macron à « convier » les chefs des cinq Etats du
G5 Sahel à une réunion d’ « éclaircissement »
qui se tiendra 16 décembre à Pau, base du 5e Régiment d’Hélicoptères de Combat, unité qui vient de subir de lourdes pertes
au Mali.
Lors
de ce sommet de la dernière chance, trois points devront être abordés :
1) Les
accusations de « néocolonialisme » portées contre la France doivent
cesser car :
- L’armée française ne combat pas au
Sahel pour des intérêts économiques puisque la région totalise moins de 0,25%
du commerce extérieur de la France. Elle ne combat pas davantage pour son
uranium. Sur les 63.000 tonnes extraites de par le monde, le Sahel n’en
produit en effet que 2900... Quant à l’or du Burkina Faso et du Mali, il est
extrait par des sociétés canadiennes, australiennes et turques. Au point de vue
économique, le Sahel est donc inexistant pour la France.
- La France consacre 0,43% de son PIB à
l’APD (Aide publique au développement), soit un peu plus de 12 milliards
d’euros en 2018 (7,8 mds de dons et 4,3 de prêts dont tout le monde sait qu’ils
ne seront jamais remboursés…). Les trois-quarts le sont à destination du Sahel,
soit 9 milliards d’euros directement pris dans la poche des contribuables
français. Soit le prix de trois porte-avions. Employée en France, cette somme colossale
aurait permis de régler définitivement la question du financement des hôpitaux
et de la Justice, tout en effaçant la dette de la SNCF…
Cependant, paraissant davantage
préoccupé par le sort des habitants du Zambèze que par celui de ses
compatriotes de la Corrèze, le gouvernement vient de décider, par oukase, de porter cette APD à 0,55% du
PIB de la France d’ici 2022… Les « restos du cœur » n’auront donc qu’à
s’adresser à la générosité publique…cependant que les « porteurs de
valises » continueront à parler de « néocolonialisme » !!!
2) L’armée
française n’a pas pour vocation de combattre à la place des Africains. C’est
ainsi que des dizaines de milliers de Maliens en âge de porter les armes vivent
en France, notamment à Montreuil, « deuxième ville du Mali ». Touchant
des subventions et percevant des allocations généreusement versées par le
« néocolonialisme » français, ils laissent nos soldats se faire tuer pour
eux… et à leur place. Le comble est
qu’au sein de cette diaspora, des blogs très suivis déversent quotidiennement des
tombereaux de haine sur la France et son
armée.
S’il
veut être crédible, le président Macron devra donc annoncer que les animateurs
de ces blogs, ainsi que leurs contributeurs les plus virulents seront expulsés de
France et remis à l’armée malienne pour incorporation éventuelle.
3) Trois
questions devront ensuite être posées aux chefs des Etats du G5 Sahel, plus particulièrement à ceux du Mali et du
Burkina Faso, le cas du Tchad étant différent car l’armée tchadienne a
loyalement et efficacement combattu aux côtés de nos forces :
- Combattons-nous le même ennemi ?
Si oui, vous devez en fournir rapidement la preuve.
- Désirez-vous le maintien d’une présence
militaire qui coûte à la France plus d’un million d’euros par jour ? Si
oui, il n’est plus question de tolérer les indécentes manifestations anti-françaises
qui se déroulent à Bamako et à Ouagadougou.
- Quels sont vos buts de guerre ?
S’il s’agit du retour à l’état antérieur, quand, adossés à l’ethno-mathématique
électorale, vous exploitiez vos minorités ethniques (Touareg et Peul), ce qui a
provoqué la guerre actuelle, alors, votre combat n’est pas le nôtre.
Les
guerres du Sahel ont en effet des causes historiques, politiques et anthropologiques
(voir à ce sujet mon livre Les Guerres du Sahel des origines à nos jours). Quant à l’actuel islamisme, il est d’abord la surinfection
de plaies ethno-raciales que les responsables politiques des pays du Sahel
refusent de fermer. Barkhane ne peut évidemment le faire à leur place, sa
présence n’ayant qu’un but : éviter la désintégration régionale.
dimanche 1 décembre 2019
L'Afrique Réelle n°120 - Décembre 2019
Sommaire
Actualité :
Vladimir Poutine enterre le « discours de la Baule »
- Le grand retour de la Russie en Afrique
- Une stratégie de désencerclement qui a commencé en Méditerranée
- La realpolitique russe en Afrique ne date pas d'aujourd'hui
Dossier :
Le suicide démographique de l'Afrique
- L’exception démographique africaine
- Le planning familial ou l’apocalypse
- Quand la démographie bloque le développement
- Le cas du Sahel
- Radiographie de l’explosion démographique de l’Afrique
Editorial de Bernard Lugan
Les derniers échos qui nous parviennent de Libye montrent que le retour de la Russie s’accélère et qu’il semble même se faire en « fanfare ».
Après ses succès en Syrie, la Russie parait en effet vouloir s’impliquer directement dans la question libyenne. Deux indices permettent de le penser :
1) Moscou vient d’envoyer des « conseillers militaires » afin d’épauler les forces du général Haftar. Vladimir Poutine aurait en effet très mal pris l’intervention des forces spéciales turques qui, il y a quelques semaines, avait empêché son allié de prendre Tripoli, la capitale libyenne. Depuis, via Misrata, Ankara a acheminé des chars, des drones et des hélicoptères.
2) Second indice, plusieurs responsables de Misrata, ville étroitement liée à la Turquie, auraient compris que l’intervention russe allait donner la victoire au général Haftar. Or, Misrata est détestée par les tribus kadhafistes qui combattent aux côtés du général. Ces dernières n’ont en effet pas oublié que ce furent les milices de cette ville qui lynchèrent ignominieusement le colonel Kadhafi après l’avoir sodomisé avec une baïonnette. Voilà pourquoi, Fathi Bachaga, ministre de l’Intérieur du GUN (Gouvernement d’union nationale) installé à Tripoli, et homme chargé de la défense de la capitale, aurait décidé de changer de camp et d’abandonner le GUN pour traiter avec le général Haftar. Afin de sauver l’autonomie, et peut-être même l’existence de la cité-Etat. Ce changement de politique sera-t-il accepté par les Frères musulmans qui dominent à Misrata et par leurs soutiens turcs ?
Si ces indices étaient confirmés, la Russie serait donc en position de « faiseur de paix ». Loin des palabres de la communauté internationale, elle aurait en effet décidé de trancher le nœud gordien en faisant éclater la baudruche GUN soutenue par l’ONU, l’UE et les Etats-Unis, pour la remplacer par un régime fort, seul capable de mettre au pas les centaines de milices qui se partagent la Tripolitaine. Une tâche ardue…
Les conséquences d’un tel renversement de situation se feraient alors sentir en Europe car les trafics de migrants à partir des ports libyens cesseraient. Mais également au Sahel où les jihadistes ne seraient plus ravitaillés en armes par la Turquie via Misrata. La tâche de Barkhane s’en trouverait alors simplifiée.
Prise dans le cercle hostile que l’OTAN tentait de refermer sur elle, en butte à des sanctions de la part des pays européens, la Russie brise donc peu à peu son isolement. En Afrique, elle se place au cœur des véritables structures de pouvoir et d’influence, à savoir les forces armées. Par la fourniture d’armes et des techniciens chargés de leur maintenance, Moscou prend le contrepied du diktat démocratique imposé à l’Afrique à la suite du discours prononcé à la Baule par François Mitterrand en 1990.
La recette de la Russie est simple : partir du réel, donc des vrais rapports de force, en tournant le dos à l’irréaliste préalable démocratico-humanitaire. La réalpolitique en un mot. Loin des jérémiades morales et des a-priori d’une classe politique européenne moribonde car corsetée dans les paradigmes imposés par les ONG, les médias, l’Otan et autres archipels de la « bien-pensance ».