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dimanche 25 novembre 2012

Pourquoi cette nouvelle guerre au Kivu ?

Changement de formule :


Depuis 2010,  l’Afrique Réelle publie un numéro par mois à l’intention de ses abonnés, ainsi que des analyses et des notes de situation sous forme de  communiqués. Ces documents qui n’ont pas d’équivalent sont le produit d’un important travail. Jusqu’à présent, ils étaient publiés gratuitement sur le site Internet de la revue et envoyés, tout aussi gratuitement, à un fichier de plusieurs milliers d’internautes. Les analyses qu’ils contiennent ont, durant ces dernières années, servi de base de données à de nombreux utilisateurs qui les ont reprises à leur compte sans naturellement citer la source. Désormais, ces analyses seront réservées aux seuls abonnés à l’Afrique Réelle qui les recevront au cas par cas en plus des 12 numéros de la revue. Le site Internet de la revue annoncera leur publication et leurs anciens destinataires gracieux seront avisés par e-mail. Pour continuer à recevoir ces fiches, il devient donc, à partir d’aujourd’hui, nécessaire de souscrire un abonnement à l’Afrique Réelle. 

20 000 Casques bleus sont stationnés en RDC dans le cadre de la Monusco (Mission des Nations Unies au Congo). Leur entretien coûte 1 milliard de dollars par an à la communauté internationale (trois fois plus que la Finul). Sur cette somme, la France participe pour 1,84 million de dollars en versement direct, plus sa quote-part dans les 16,8 millions de dollars versés par la Commission européenne...
Pourquoi ces « soldats de la paix » n’ont-ils rien tenté pour s’opposer à l’actuelle offensive du Rwanda dans le nord Kivu ? La réponse est simple : le Rwanda a reçu le feu vert des Etats-Unis dans sa politique visant à faire du Kivu un protectorat. 

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vendredi 23 novembre 2012

Mali : l’indécision française peut-elle déboucher sur la création d’un « Sahélistan » ?


Au  mois de janvier 2012, au Mali, la résurgence d’une crise née au moment des indépendances, imposait de fixer l’abcès afin d’éviter sa dissémination et pour ensuite le traiter en profondeur à travers trois volets :

- Politique, en prenant en compte la légitime revendication des populations nordistes, notamment celle des Touareg,
- Diplomatique, en faisant comprendre à l’Algérie que si ses intérêts régionaux n’étaient à l’évidence pas ceux de la France, les nôtres ne s’effaceraient pas devant les siens,
- Militaire, en appuyant les Touareg contre les groupes islamiques qui, à l’époque, totalisaient moins de 300 combattants qui avaient commis l’erreur de sortir de la clandestinité désertique pour se rassembler à Gao et à Tombouctou.

Au lieu de cela, dans la plus totale indécision doublée d’un manque absolu de vision géostratégique, la France :

- S’est réfugiée à l’abri du principe de l’intangibilité des frontières,
- A cédé devant les exigences algériennes de non intervention,
- A camouflé sa pusillanimité derrière l’argument d’une « action » de la CEDEAO, ce « machin », ce « volapuk », cette tour de Babel, dont l’efficacité militaire relève de la méthode Coué,
- A laissé les islamistes liquider militairement les Touareg.

Le résultat de cette addition de démissions décisionnelles est qu’un incendie limité pouvant être rapidement éteint, notamment au moyen d’une de ces opérations « discrètes » que nos forces savent encore si bien mener, est aujourd’hui devenu un foyer régional de déstabilisation. En effet :

1) Le Mnla ayant été militairement défait et repoussé vers la frontière algérienne, les islamistes qui ne risquent  plus d’être pris à revers sur leur flanc nord ont désormais toute la profondeur saharienne pour manœuvrer. Quant à leur flanc ouest, il semble également s’ouvrir car au sein des tribus arabes de Mauritanie, certains, de plus en plus nombreux, commencent à se poser des questions…

2) Sur le flanc oriental la situation leur devient également de plus en plus favorable car le chaos en retour se fait sentir en Libye où tout le sud du pays est mûr pour devenir un nouveau Mali. Quant au sud de la Tunisie, la contamination y a largement commencé.

3) La contagion n’est plus qu’une question de temps au Tchad et au Darfour cependant qu’un continuum fondamentaliste est en passe de s’établir avec les islamistes de Boko Haram du nord Nigeria.

Ainsi donc, le « Sahélistan », fantasme il y a encore quelques  mois, devient-il peu à peu réalité. L’une de ses forces est qu’il s’agit d’une résurgence historique  ramenant directement aux jihad sahéliens du XIX° siècle qui enflammèrent la totalité de la région depuis le Soudan à l’Est jusqu’au Sénégal à l’Ouest[1]. Or, l’islamisme sahélien de 2012 s’abreuve à cette « fontaine de rêve » fermée par la colonisation. Comment cette réalité inscrite dans la longue durée peut-elle être  comprise par des journalistes ou des politiciens esclaves de l’immédiateté et de leur inculture ? Comment pourrait-elle l’être par ces « africanistes » élyséens dont la principale activité semble être de torpiller les informations que les militaires font « remonter » depuis le terrain ?

Dans le Sahel, au cœur de ce qui fut notre « pré carré », ceux qui inspirent la politique de la France ont donc laissé s’écrire le même scénario que celui que nous avons connu dans la région des Grands Lacs et qui peut être exposé en quatre points :

1) Une erreur d’analyse reposant sur la priorité donnée aux postulats idéologiques aux dépens des réalités géographiques, anthropologiques et historiques.

2) L’absence de toute véritable stratégie de défense.

3) Le tropisme de l’abandon de nos alliés ou amis.

4) La place laissée libre à des acteurs extérieurs. Dans le cas présent, l’Algérie et les Etats-Unis qui attendent le moment propice pour intervenir, mais à leur manière. Les conséquences de l’incompétence hexagonale seront alors camouflées sous l’alibi facile de « complot anglo-saxon » contre les intérêts français...

Alors que tout ce qui se passe dans la zone concernée nous est connu, alors que nous savons tout, et au-delà, de ceux qui la déstabilisent, alors que nous y disposons de tous les réseaux utiles, alors enfin que, parfaitement immergées, nos forces auraient pu rapidement « régler » le problème, l’Elysée a laissé la situation lui échapper.
Faut-il s’en étonner quand la tête de l’Etat  dodeline  entre indécision et repentance ?

Bernard Lugan
23/11/12


[1] Voir à ce sujet  les pages 431-452 ainsi que les cartes de mon Histoire de l’Afrique des origines à nos jours. 1246 pages, Ellipses, 2010. L’ouvrage peut être directement commandé ici.

mercredi 14 novembre 2012

Mali : soit nous intervenons, soit nous n’intervenons pas. Mais si nous intervenons, alors faisons le vraiment…


Dans sa conférence de presse du mardi 13 novembre, François Hollande a marché sur des œufs quand il a parlé de la question du Mali. Il sait en effet très bien que si nous intervenons, nos malheureux otages seront assassinés mais que, si nous n’intervenons pas, nous perdrons le peu d’influence qui nous reste encore sur le continent...

Face à ce dilemme, son choix peut ainsi être résumé: nous n’intervenons pas mais nous allons former ceux qui vont intervenir…en espérant que cette argutie permettra d’éviter de froisser les Algériens qui ne veulent pas entendre parler d’une action française...

Or, ce que le président de la République ne semble pas avoir compris c’est qu’une opération militaire ne se construit pas comme une synthèse entre divers courants, à l’image de ce qui se fait lors des congrès du parti socialiste. En la matière, alors qu’il faut des objectifs clairs et des moyens adaptés, nous sommes au contraire dans le flou. En effet:

1) Si l’expédition de la CEDEAO a pour seul but d’en revenir à la situation antérieure, c'est-à-dire permettre au sud Mali de continuer à coloniser le nord Mali, rien ne sera réglé. Une intervention qui ne serait pas précédée du règlement politique de la question  touareg ne ferait en effet que reporter le problème tout en l’amplifiant. Or, rien n’a été décidé  quant à la nécessaire réorganisation administrative du Mali après la reconquête de ses villes du nord car les responsables français ont été incapables d’imposer à Bamako un véritable fédéralisme ou mieux, un confédéralisme, en échange de l’intervention militaire.

2) Sans un étroit « coaching » français, la force de la CEDEAO qui va se lancer à la « reconquête » du nord Mali sera militairement incapable de mener l’opération à son terme, c'est-à-dire jusqu’à l’éradication des groupes gangstéro-islamistes qui occupent la région.
Entendons-nous bien : reprendre Tombouctou et Gao ne posera aucun problème à ce mini corps expéditionnaire ; d’autant plus que les terroristes refuseront un choc frontal et se replieront dès le début de l’offensive pour se diluer dans le désert. Comme leur poursuite n’est pas à la portée des troupes de la CEDEAO, le problème aura simplement été déplacé ; notamment vers le Nord, et c’est très précisément ce que ne veut pas l’Algérie.

Pour que l’expédition qui se prépare soit une réussite, pour éviter que les groupes terroristes contaminent tout le Sahara et toute la bande sahélienne, il est donc impératif de les fixer afin de pouvoir les éliminer. C’est pourquoi les forces françaises doivent être directement engagées. Sans compter que, même pour la reprise des villes du Nord, leur présence effective est une nécessité, ne serait-ce que pour donner un minimum de cohésion à des forces disparates, pour éventuellement être en mesure de les « engerber » et de leur fournir une colonne vertébrale.

Le président de la République ayant clairement déclaré lors de sa conférence de presse que tout cela était hors de question, il est donc d’ores et déjà possible d’annoncer que la question du terrorisme sahélien fera encore l’actualité dans les prochaines années. 

Bernard Lugan
14/11/12

samedi 3 novembre 2012

L'Afrique Réelle N°35 - Novembre 2012


























Sommaire :

Actualité :
- Où en est l'indépendance de l'Azawad ?
- Fin de règne en Algérie
- Au coeur de l'anarchie libyenne

Dossier : Vérités sur les traites esclavagistes
- La traite européenne
- La traite arabo-musulmane

Histoire :
- Le premier conflit mondial en Afrique Orientale
- Quand l'Allemagne a honte de ses héros coloniaux

Editorial de Bernard Lugan : Qui va intervenir au Mali ?

Au Mali, l’option militaire étant en théorie « dans le tube », il convient de ne pas perdre de vue que toute intervention qui ne serait pas précédée du règlement politique de la question touareg ne serait qu’un coup d’épée dans l’eau.
Quant au « traitement » des groupes gangstero-islamistes qui occupent les villes du nord Mali - quelques dizaines, voire deux ou trois centaines d’hommes, - il est à la portée de l’armée française. Le seul problème, mais il est de taille, est que ce n’est pas la France qui doit directement mener l’opération, mais les 15 Etats composant la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest). On voit mal comment cette tour de Babel sera capable de fournir la force de 3000 hommes qui lui est demandée car les volontaires ne se bousculent pas.
A ce jour, seuls trois pays ont en effet répondu présent :
- La Côte d’Ivoire qui n’a plus d’armée et dont les quelques unités « opérationnelles » ne parviennent pas à sécuriser la frontière avec le Liberia.
- Le Nigeria dont l’armée est déjà engagée à l’intérieur même de ses frontières pour tenter d’y ralentir une guerre ethno religieuse qui risque de déboucher à moyen ou long terme sur une partition nord-sud. De plus, cette armée ne fut guère convaincante lors de ses interventions passées en Sierra Leone et au Liberia.
- Le Burkina Faso qui ne pourra fournir qu’un contingent à la mesure de ses moyens.

Les 12 autres Etats membres de la CEDEAO sont sur « l’arrière-main ». Le Niger et le Ghana sont partisans d’une négociation, le Sénégal et le Togo n’enverront que des détachements symboliques d’une centaine d’hommes au maximum, et le Bénin est incapable de projeter une force conséquente. Quant à la Sierra Leone, au Libéria, à la Guinée, à la Guinée Bissau, au Cap Vert et à la Gambie, autant ne pas en parler… cependant que l’armée malienne a montré de quoi elle était capable au mois de janvier dernier ! En définitive, les deux seules armées régionalement opérationnelles appartiennent à deux pays non membres de la CEDEAO, à savoir la Mauritanie et le Tchad. Or, Nouakchott a annoncé qu’elle n’interviendrait pas, cependant que N’Djamena se fait prier…

Il va de plus être nécessaire d’apaiser les « inquiétudes » algériennes. Alger qui a une frontière de plus de 1000 km avec le Mali et qui abrite sur son sol une importante fraction du peuple touareg, est en effet à la recherche d’une solution politique quand Paris pousse, au contraire, à une intervention militaire. Sa crainte est de voir Aqmi, prolongement du GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat) qui ensanglanta le pays par le passé, être repoussé vers le Nord. C’est pourquoi la ligne constante suivie par l’Algérie est un dialogue avec ceux des groupes maliens qui, selon elle, ont des revendications pouvant être considérées comme légitimes. Depuis des mois, et avec des fortunes diverses, Alger tente donc de couper ces derniers des narcotrafiquants et des terroristes. L’Algérie qui craint qu’une intervention militaire ait pour conséquence de renforcer la cohésion de ces groupes aux objectifs différents, considère donc que l’activisme français nuit à ses propres intérêts de sécurité.
Tout cela fait que l’Algérie ressent mal les pressions françaises destinées à engager les hostilités dans le seul but de permettre à Bamako de récupérer l’Azawad et d’en revenir en fait à la situation antérieure.
La visite annoncée de François Hollande en Algérie permettra-t-elle de rapprocher les points de vue des deux pays ? Peutêtre si le président français arrive les bras chargés de cadeaux comme des facilités de circulation encore plus grandes pour les Algériens désireux de se rendre en France ou d’autres annonces sur la repentance à sens unique.