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lundi 22 avril 2024

Niger : après les Français, les Américains priés de quitter le pays…

Vendredi 19 avril, au terme de plusieurs mois de négociations accompagnées de promesses sonnantes et trébuchantes, puis de menaces, les Etats-Unis ont été finalement contraints d’accepter de devoir retirer leurs troupes du Niger. Après les Français, les voilà donc eux aussi, chassés d’un pays qui, jusque-là, n’avait rien à leur refuser.

Avec ce départ exigé par les autorités de Niamey au pouvoir depuis le coup d’Etat du 26 juillet 2023, les Etats-Unis vont perdre leur importante base d’Agadez spécialisée dans l’écoute et dans la guerre électronique. Une emprise qui leur permettait de surveiller toute la bande sahélienne, la profondeur saharienne libyenne, ainsi que toute la région péri-tchadique. Cette base qui leur avait coûté plus de 100 millions de dollars abritait également les drones utilisés dans la lutte contre les groupes jihadistes.

Les Etats-Unis avaient pourtant pensé que, contrairement à la France, n’étant pas l’ancienne puissance coloniale, ils allaient donc pouvoir rester au Niger, d’autant plus que, jusque-là, ce pays parmi les plus pauvres du monde, n’avait jamais résisté aux « arguments » du dollar…
Mais les temps ont changé. Avec l’émergence de nouvelles puissances -Russie, Chine ou encore Inde-, les pays africains peuvent désormais se permettre de ne plus être de simples correspondants acquiesçant docilement aux diktats, notamment démocratiques, des « Occidentaux ». Ou bien d’apparaître comme d’obéissants vassaux contraints de reconnaître les nouvelles normes morales occidentales -« théorie du genre » ou « singularités » LGBT-, nouveautés totalement incompréhensibles en Afrique où un homme est un homme… une femme… une femme…

Le 16 mars, le Niger avait déjà annoncé la rupture « avec effet immédiat » de l’accord militaire le liant aux Etats-Unis, vu comme un « accord imposé ». Parmi les raisons de ce divorce, le colonel Amadou Abdramane évoqua à la télévision nationale la « condescendance » de madame Molly Phee, secrétaire d’Etat adjoint aux Affaires africaines. Cette dernière avait en effet déclaré avec une arrogante suffisance que les Etats-Unis étaient prêts à reprendre leur coopération à condition que le Niger rétablisse la démocratie et cesse d’entretenir des relations avec la Russie.

De telles exigences furent naturellement jugées inacceptables par les militaires au pouvoir à Niamey et ils refusèrent donc cette mise en demeure qui déniait « au peuple nigérien souverain le droit de choisir ses partenaires ».
Les centaines de millions de dollars engloutis par les Etats-Unis dans d’aussi multiples qu’inutiles programmes d’aide au développement n’auront donc pas suffi, Washington n’ayant en effet pas compris que le temps des ingérences et de l’alignement était terminé. Au même moment, le Niger s’ouvrit avec enthousiasme à la Russie. Qu’en adviendra-t-il ? L’avenir le dira…

Quoiqu’il en soit, les premiers conseillers militaires russes ont débarqué à Niamey le 10 avril dernier avec une importante quantité de matériel. Cette nouvelle coopération nigéro-russe a été illustrée à la fin du mois de mars par un long et chaleureux entretien téléphonique entre le président Poutine et le général Abdourahamane Tiani, chef de la junte. L’homme auquel, avec un grand sens des réalités adossé à une fine connaissance des mentalités africaines, le président Macron avait, tel un maître à son valet, ordonné, sous menace d’intervention ( !!!), de rendre sur le champ le pouvoir à son protégé, le président Bazoum, dont le poids ethnique, donc politique, est de moins de 0,5% de la population...

Le plus grave est qu’au lieu de tirer les leçons de ces échecs, ceux qui prétendent faire la politique africaine de la France tentent maintenant de dégager leurs responsabilités en criant au complot russe et chinois. Une attitude pathétique qui ne trompe personne car c’est bien leur incompétence, leur aveuglement et leur arrogante volonté d’imposer leurs « nuées » sociétales aux Africains, qui ont ouvert les portes du continent à ces nouveaux acteurs. Et si ces derniers y sont bien accueillis, c’est parce qu’ils n’y viennent pas pour y donner des leçons de « bonne gouvernance », pour y demander aux populations de croire qu’un homme peut accoucher ou que la démocratie individualiste est la solution pour des pays à structures communautaires…

En Afrique, la redistribution géostratégique est donc en cours d’achèvement. Au Sahel, après s’être fait mettre à la porte du Mali, du Niger et du Burkina Faso pour avoir obstinément décidé d’ignorer les avis des connaisseurs de la région, les « décideurs » français assistent aujourd’hui impuissants au développement d’un mouvement qui s’étend désormais au Tchad et au Sénégal. Bientôt sera donc définitivement fermée une parenthèse africaine française ouverte à la fin du XIX° siècle dans ces « Terres de soleil et de sommeil » si chères à Ernest Psichari.

Devant un tel désastre, que l’on ne s’étonne donc pas que certains, à la suite du grand historien qu’était René Grousset (1885-1952), en arrivent à dire que : « Quand le destin a inutilement prodigué à une société (…) tous les avertissements, et qu’elle s’obstine dans le suicide, sa destruction n’est-elle pas une satisfaction pour l’esprit ? »

Pour en savoir plus, voir mon livre Histoire du Sahel des origines à nos jours

dimanche 7 avril 2024

Monsieur le président Macron, en avril 1994, c’était aux 2539 soldats de l’ONU commandés par général canadien Roméo Dallaire de s’opposer au génocide…Non aux forces françaises qui avaient quitté le Rwanda depuis le mois d’octobre 1993…

La seule question qui se pose est en effet celle de la responsabilité de l’ONU. Pourquoi le général Roméo Dallaire qui avait tous les moyens de le faire, ne fit-il rien de sérieux pour empêcher le génocide ?

Devant le TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda), loin du héros médiatique, « capitaine courageux » face à l’indicible génocidaire, c’est tout au contraire le portrait d’un homme désemparé qui est ressorti des longues audiences. Ses fautes de commandement, ses atermoiements, ses hésitations, son absence de décision sur le terrain ainsi que ses initiatives politiques aberrantes, et parfois même incohérentes, prises en violation de la chaîne de commandement de l’ONU, font que nous sommes désormais devant l’alternative suivante :
- Soit le général Dallaire commandant des Forces de la Mission d’assistance des Nations Unies au Rwanda fut dépassé par les évènements.
- Soit, comme l’a écrit son supérieur, M. Booh-Booh[1], il avait reçu pour ordre de faire gagner le général Kagamé et le FPR[2].
 
En application des accords de paix d’Arusha, l’ONU devait en effet garantir la Transition démocratique. La Résolution 872 (1993) du Conseil de Sécurité du 5 octobre 1993 porta ainsi création de la Mission des Nations Unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR).
Le chef de cette mission était M. Jacques Roger Booh-Booh, nommé Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU au Rwanda. Il avait sous ses ordres le général canadien Roméo Dallaire qui était le chef militaire de la mission. Or, ce dernier était un officier qui n’avait aucune expérience du commandement opérationnel. De plus, il ne connaissait rien de l’Afrique.
 
Après l’attentat du 6 avril 1994, le général Dallaire ne fit rien pour s’opposer à la reprise des hostilités par les forces du général Kagame.
Alors qu’il se devait de sécuriser au moyen de ses 2539 hommes et de ses blindés, l’axe menant du centre-ville de Kigali à l’aéroport, au lieu de montrer sa force, il la replia tout au contraire dès la nuit du 6 au 7 avril, en commençant par abandonner cet axe vital pourtant sous sa garde et que le FPR coupa…
Plus largement, dès la reprise des hostilités, le général Dallaire aurait dû imposer un couvre-feu et déclarer qu’il ferait tirer sur quiconque le violerait. Le général Kagamé aurait alors hésité à lancer son offensive. Avec la compagnie para-commando belge, il disposait d’une excellente unité qui pouvait sans problèmes majeurs remplir une telle mission. Il lui aurait également fallu, avec ses blindés, occuper en ville les points stratégiques dont la tenue aurait freiné l’extension des massacres et des débordements, ce qu’il n’a pas davantage fait.
 
Le 7 avril, quand le FPR eut unilatéralement rouvert les hostilités, le général Dallaire ne condamna pas cette violation gravissime des accords d’Arusha. Encore plus insolite, au lieu d’agir sur la partie qui avait déclenché la reprise de la guerre, il somma au contraire les forces gouvernementales de rester dans le cadre des Accords d’Arusha, leur interdisant de fait de simplement se défendre.
 
Les manquements du général Dallaire qui présida au plus grand échec militaire de l’ONU depuis sa création sont à ce point nombreux qu’il est licite de demander si une telle incompétence est concevable chez un officier général, ou si l’explication de tels errements ne se trouve pas dans l’hypothèse de M. Booh-Booh, à savoir la « connivence » avec le général Kagamé.
 
Ce général canadien aurait-il donc été nommé à la tête de la MINUAR afin de permettre la réalisation du plan américain visant à évincer la France du Rwanda puis du Zaïre, et pouvoir faire main basse sur les richesses du Kivu ? 
 
Page 123 de son livre qui a pour sous-titre éloquent « Révélations sur les dérives d’un général de l’ONU au Rwanda », J.R. Booh-Booh qui était donc le supérieur hiérarchique de Roméo Dallaire écrit ainsi sans détours que :
 
« Dallaire n’était pas neutre : il était plutôt de connivence avec le FPR. Voilà la clé qui permet de comprendre cette situation ».
 
Tant que François Mitterrand eut la capacité de gouverner, ce plan anglo-saxon fut mis en échec. Mais, après les élections législatives de 1993, et la « cohabitation » qui s’en suivit, le suivisme atlantiste des dirigeants français fit que tout fut bouleversé.
Ces évènements provoquèrent même une totale redistribution des cartes en Afrique centrale au profit du Rwanda, principal allié de Washington qui reçut un blanc-seing pour mettre l’est de la RDC (l’ex-Zaïre), à savoir le Kivu, en coupe réglée.
 
Monsieur le président Macron étiez-vous informé de cela, avant de faire porter la responsabilité des évènements sur votre propre pays et sur son armée… ?

[1] Booh-Booh, P-R., (2005) Le patron de Dallaire parle. Révélations sur les dérives d’un général de l’ONU au Rwanda. Paris.
[2] Pour tous les détails concernant l’attitude et les responsabilités du général Dallaire, on se reportera au chapitre VIII de mon livre « Rwanda, un génocide en questions »

mardi 2 avril 2024

L'Afrique Réelle N°172 - Avril 2024

Sommaire

Actualité :
- Algérie : quel avenir pour les exportations de gaz naturel ?
- Le Rwanda et la RDC

Dossier :
Génocide du Rwanda 30 ans plus tard

- Les faits, rien que les faits…
- Assassinat du président Habyarimana : l’enquête interdite
- Un non-lieu qui pose bien des questions…
- Ces Tutsi qui accusent le FPR d’avoir assassiné le président Habyarimana


Editorial de Bernard Lugan :

Génocide du Rwanda : 30 ans plus tard

Il y a trente ans le 6 avril 1994, était assassiné le président hutu Juvénal Habyarimana, attentat qui, selon le TPIR (Tribunal pénal international du Rwanda) fut le déclencheur du « génocide du Rwanda » ou « génocide des Tutsi du Rwanda ».

Depuis, les médias répètent l’histoire officielle écrite par le régime de Kigali, à savoir que ce génocide fut « programmé »  et « planifié » par les « extrémistes » hutu. 

Or, ce postulat a volé en éclats devant le TPIR. 
Ce tribunal créé par le Conseil de sécurité de l’ONU et qui siégea à Arusha, en Tanzanie, de 1995 à 2016, a en effet, et dans tous ses jugements concernant les « principaux responsables du génocide », que ce soit en première instance ou en appel, clairement établi qu’il n’y avait pas eu « entente » pour le commettre. 

Si ce génocide n’était pas programmé, c’est donc qu’il fut provoqué... Aujourd'hui nous savons que ce qui le déclencha ce fut l’assassinat du président Habyarimana. 

Or, spécialement créé pour juger les responsables du génocide, le TPIR fut interdit par les Etats-Unis et par la Grande-Bretagne de rechercher les auteurs de l’acte terroriste qui en fut la cause !!! 
Ce faisant, Washington et Londres protégèrent donc de facto ceux qui assassinèrent le président Habyarimana. 

Quant à la justice française, la seule ayant véritablement enquêté sur cet attentat, après 21 ans d’enquête, paralysée par d’incessantes interventions et manœuvres politico-médiatiques, elle a finalement renoncé à en identifier les auteurs. Certains prétendent que cela aurait pu être sur ordre du pouvoir politique français...

De fait, la France courtise  le régime de Kigali qui n’a pourtant jamais cessé de la vilipender et qui a effacé le français au profit de l’anglais. 

Cela n’a pas empêché le président Macron de faire nommer à la tête de l’Organisation de la Francophonie, une des plus proches du président Kagamé… 

A telle enseigne que, de reniement en reniement et de lâcheté en lâcheté, en Afrique, la France est quasiment considérée comme l’alliée du Rwanda… Ce qui n’est pas pour rien dans le mépris dont elle est aujourd’hui l’objet sur le continent…

Pour un bilan de la question on se reportera à mon livre : Rwanda : un génocide en questions et à mes expertises devant le TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda).