Le
dimanche 30 octobre 2016, la France a mis un terme à l’Opération Sangaris lancée au mois de décembre 2013 pour mettre fin aux massacres commis par la Séléka[1]. Aujourd’hui,
le chaos centrafricain n’a pas cessé et le pays est largement aux mains de
cette même Séléka et de ses divers
chefs de guerre, souvent des Soudanais. L’échec est donc total[2] et il
doit être imputé aux dirigeants politiques français qui ont constamment donné
aux militaires des ordres aberrants. Rappel
des faits et exposé des responsabilités socialistes.
Dans
le dossier de la RCA, François Hollande a constamment tergiversé et accumulé
les erreurs :
1) La
première date de la fin de l'année 2012 (voir mes communiqués de l’époque)
quand, avec peu de moyens, il eut été possible de « traiter »
rapidement et efficacement les coupeurs de route de la Séléka. Mais, harcelé par le Quai d’Orsay, François Hollande
hésita.
2) Au
mois de mars 2013, alors que tous les connaisseurs du pays le pressaient
d'agir, il laissa la Séléka prendre
Bangui. La Centrafrique sombra alors dans le chaos cependant que les chrétiens
- 95% de la population de souche -, étaient persécutés.
3) Début
2014, face au désastre humanitaire dont ses hésitations étaient la cause,
François Hollande décida finalement d’intervenir mais en précisant toutefois
que l'entrée en scène des forces françaises n'avait pas de but
militaire... Nos troupes ne reçurent
donc pas d'ordres clairs puisque ni l’ « ami », ni l’ « ennemi »
ne furent désignés, Paris demandant simplement à nos soldats de jouer les
« bons samaritains ». Pour cette intervention, nos forces n’ont donc
pas eu d’objectif clair. Entre l’humanitaire et le désarmement des
milices, quelle fut leur mission? On l’ignore toujours…
4) Le
déploiement de notre contingent se fit d'une manière totalement contraire à
toute tactique militaire cohérente. Alors que l'objectif militaire prioritaire
aurait en effet dû être le verrou de Birao dans l'extrême nord du pays[3] afin
de couper la Séléka de sa base
soudanaise, il fut au contraire décidé d'enliser les forces françaises à Bangui
dans une mission d'interposition relevant de la gendarmerie mobile. L'intérieur
de la Centrafrique fut donc laissé à la Séléka
qui eut tout le loisir d'y poursuivre ses massacres. L'actuelle situation
catastrophique est clairement la conséquence de ce choix militairement
incompréhensible. Ce dernier s’explique probablement parce qu’il ne fallait pas
« choquer » l’opinion musulmane en paraissant intervenir aux côtés
des chrétiens…
5) Dès
le début de l’Opération Sangaris,
au lieu de leur demander de détruire les
bandes de la Séléka, Paris ordonna donc
à nos soldats de simplement séparer agresseurs et agressés, bourreaux et
victimes. Alors qu’il fallait leur donner les moyens de sidérer l’adversaire et
de saturer l’objectif, les chiches moyens alloués à nos troupes ne leur
permirent que de lancer des patrouilles, non de quadriller et de tenir le
terrain. Comment prétendre en effet rétablir la paix dans un pays plus vaste
que la France avec seulement 1600 hommes dont plusieurs centaines affectés à la
seule garde de l’aéroport ? L’impression d’impuissance fut accentuée par
le fait qu’à Bangui, au lieu d’être désarmée, la Séléka voulut bien accepter d’être cantonnée...en conservant ses
armes et en gardant ses gains territoriaux à travers le pays.
6) Alors
que la solution était d'abord militaire, le Quai d’Orsay ne
cessa d'affirmer que la résolution de la crise se ferait par la reconstruction
de l’Etat à travers le mirage électoral de 2016. Or, le président
Faustin-Archange Touadéra a naturellement été incapable de reconstituer un
« Etat » centrafricain, lequel n'a d'ailleurs jamais existé; sauf
peut-être à l'époque de Bokassa.
Aujourd’hui,
les massacres sont quotidiens et le pays est coupé en deux. Aucun
administrateur sudiste n’ose en effet s’aventurer dans le nord où il s’y ferait
massacrer, cependant que les fonctionnaires nordistes ne sont guère volontaires
pour venir se faire lyncher à Bangui… Quant aux bandes de la Séléka et à leurs diverticules, elles tiennent
plus de la moitié du pays.
Les
malheureuses populations occupées sont ainsi revenues aux temps des raids à
esclaves lancés depuis le Soudan et dont leurs grands-parents avaient été
délivrés par la colonisation. Elles avaient naïvement cru que les troupes
françaises étaient venues pour les libérer. Leur amertume est donc grande car
l'Elysée n'avait en réalité décidé qu'une gesticulation humanitaire sous
habillage militaire.
Bernard Lugan
30/10/2016
[1] « La Séléka, une nébuleuse
criminelle (…) une internationale criminelle organisée et
prospère ». Rapport de la fédération internationale des droits de l’homme du mois de septembre 2013 intitulé
« RCA : un pays aux mains des criminels de guerre de la Séléka ».
[2] Je l’avais annoncé et même décrit.
Voir à ce sujet les numéros de l’Afrique
Réelle et mes communiqués des années 2013-2015.
[3] Cette position clé avait été évacuée le 30 mars 2010 sur
ordre du président Sarkozy.
Le problème etait qu'en fin d'année 2012, ce brave président Hollande voulait "se faire une guerre" est hésité entre la Centrafrique et le Mali.
RépondreSupprimerAprès avoir fait déployé le 2ème REP sur Bangui il les a fait partir sur le Mali
Sauf omission de ma part,
RépondreSupprimertous les candidats à "la primaire de la droite et du centre" sont totalement muets sur cet échec patent de la politique étrangère de F.Hollande en RCA.
Ca en dit long sur leur degré d'analyse du bilan du président sortant.
Bonjour, je suis toujours très intéressé par vos descriptions des situations réelles en Afrique, qui apportent un éclairage plus vraisemblable que certaines visions fantasmées. Toutefois il me semble que dans vos interventions vous avez tendance à exagérer le rôle des pays occidentaux. Ne pensez-vous pas que dans la plupart des pays africains, ils n'ont besoin de personne pour créer le désordre, ils le font très bien tous seuls ?
RépondreSupprimerQue nous venions par la suite nous greffer plus ou moins maladroitement sur certaines situations existantes, je ne dirais pas le contraire, mais ça me semble assez marginal. Et d'ailleurs faut-il culpabiliser ? Nous avons peut-être tort de ne pas en profiter davantage au contraire. Si un jour certains pays africains viennent à étendre une influence en dehors du continent, ils ne feront certainement pas autant de sentiment.