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jeudi 21 avril 2016

Pourquoi Manuel Valls a-t-il « twitté » une photo du président Bouteflika grabataire ?

La photo d’Abdelaziz Bouteflika prostré et quasi moribond rendue publique par Manuel Valls sur son compte twitter officiel a fait l’effet d’une bombe en Algérie. Jusque-là, tous les Algériens savaient bien que leur président était malade, mais les images soigneusement filtrées par son entourage le montraient, certes diminué et sur une chaise roulante, mais intellectuellement capable de tenir une réunion avec ses visiteurs étrangers, donc de gouverner le pays.
Sur l’image en question, la scène qui apparaît est pathétique, avec d’un côté un Manuel Valls en pleine forme et de l’autre, un Bouteflika hagard, absent et quasi momifié. Or, depuis plusieurs mois, la société civile algérienne demande l’application de l’article 88 de la Constitution qui permet de constater la vacance du pouvoir. Au contraire, le clan présidentiel affirme contre toute évidence qu’Abdelaziz Bouteflika n’a qu’un problème de locomotion…

Pourquoi le Premier ministre français a-t-il publié cette photo qui fait exploser l’argumentaire officiel algérien et qui fragilise encore plus l’actuel pouvoir?

Il y a trois explications à cela :

1) Celle de la légèreté et de l’inconscience de Manuel Valls ne convainc pas.
2) Le désir du Premier ministre de « venger » le journal Le Monde dont les journalistes avaient été privés de visa par Alger, pas davantage.
3) Reste alors l’intervention volontaire et directe dans le jeu politique algérien. Mais pourquoi et au profit de qui?

Clés de compréhension et d’explication :

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mercredi 13 avril 2016

Algérie : l’heure de vérité approche pour le clan Bouteflika

La visite que le Premier ministre français, M. Manuel Valls, vient d’effectuer à Alger, fut l’occasion de constater ce que les lecteurs de l’Afrique Réelle n’ignoraient pas, à savoir que l’Algérie est « dirigée » par un président moribond.

Depuis son accident vasculaire cérébral survenu le 27 avril 2013, Abdelaziz Bouteflika, paralysé, sourd et quasiment muet, n’apparaît plus en public que très rarement, et sur un fauteuil roulant. Ses trois frères, sa sœur -tous quatre conseillers à la présidence-, et leurs affidés, savent qu’ils vont vivre des moments difficiles dans les heures qui suivront son trépas. Il ne doit donc pas mourir tant que les clans qui, dans l’ombre, dirigent l’Algérie, ne seront pas parvenus à un accord permettant une succession contrôlée.

Acculée, l’équipe au pouvoir a épuré l’armée au profit du général Ahmed Gaïd Salah, chef d'Etat-major et vice-ministre de la Défense. Est-ce pour autant un gage de survie ?
Il est permis d'en douter car, lesquels parmi les généraux, notamment chez les nouvellement promus, voudront en effet apparaître liés aux profiteurs du régime quand la rue grondera dans un dramatique contexte économique et social aggravé par l'effondrement du prix des hydrocarbures[1] ? L'Odjak des janissaires[2] pourrait alors être tenté de se refaire une "vertu" à bon compte en donnant au peuple la tête de Saïd Bouteflika et celles de ses proches, avant de placer l'un des siens aux commandes.

En Algérie, l’agonie présidentielle avec les mensonges et les tractations qui l’entourent, est ressentie comme une humiliation nationale. De plus en plus nombreux sont donc ceux qui demandent l’application de l’article 88 de la Constitution qui permet de constater la vacance du pouvoir. Pour l’entourage du président Bouteflika, la situation est donc devenue intenable.

Quant à la France, sorte de vaisseau ivre tanguant entre repentance et ethno-masochisme, son président a soutenu l’aberrant quatrième mandat d’un Bouteflika grabataire, espérant ainsi acheter la paix sociale dans les banlieues. Cette mise en dhimmitude mentale ne l’empêchera cependant pas de subir  directement les conséquences des évènements majeurs qui risquent de se produire bientôt en Algérie. Peut-être même à court terme.

Bernard Lugan
13/04/2016

[1] Voir à ce sujet les dossiers consacrés à cette question dans les numéros de mai, de juillet, d'août et d’octobre 2015 ainsi que les numéros de l’année 2016 de l'Afrique Réelle
[2] Commandement des Janissaires. Lire ici l'Etat-major de l'armée.

dimanche 3 avril 2016

L'Afrique Réelle N°76 - Avril 2016


























Numéro spécial : Le jihadisme en Afrique

- Les fronts du jihad africain
- Afrique de l’Ouest : islam arabo oriental contre islam africain
- Pourquoi le royaume saoudien soutient-il les fondamentalistes musulmans en Afrique comme ailleurs ?
- La subversion saoudo-wahhabite bute sur l’Algérie
- L’Algérie, cible principale d’Aqmi
- Le Maroc est-il menacé par l'islamisme ?

A travers la presse
Les Saoudiens vont-ils détruire le mausolée du prophète Mohamed ?


Editorial de Bernard Lugan : Connaître le jihadisme africain pour mieux le combattre

Le jihadisme contemporain est l’héritier politique, doctrinal et spirituel, à la fois des Frères musulmans et du wahhabisme. Les premiers sont au pouvoir en Turquie, le second l’est en Arabie saoudite et au Qatar.
Depuis qu’ils ont été renversés par l’armée égyptienne, les Frères musulmans ne contrôlent plus en Afrique du Nord que la ville libyenne de Misrata d’où ils entretiennent le chaos avec l’appui de la Turquie. Quant aux wahhabites, ils sont à la manœuvre au sud du Sahara. 

Quatre mouvements jihadistes mènent des actions terroristes sur le continent africain. Il s’agit des Shabaab en Somalie, de Boko Haram dans le nord du Nigeria, de Daesh-Etat islamique (EI) dans une partie de la Libye et d’Al-Qaïda qui fédère plusieurs groupes opérant au Maghreb, au Sahara, au Sahel et jusqu’en Côte d’Ivoire.

Les Shabaab somaliens et Boko Haram sont ancrés sur des revendications locales ou régionales. Leurs possibilités d’extension sont donc limitées.
Il n’en est pas de même d’Al-Qaïda (Aqmi), et de Daesh qui ont montré de remarquables facultés d’adaptation à divers terrains.

Daesh qui, il y a quelques mois a semblé menaçant en Libye, n’a guère progressé depuis. Sa puissance en Irak et en Syrie reposait sur une opposition chiites-sunnites qui n’existe pas en Libye où l’organisation se heurte aux profondes identités tribales.
Pendant que Daesh occupait l’avant-scène, Al-Qaïda-Aqmi refaisait ses forces et redéfinissait sa stratégie en s’efforçant  de ne pas trop s’en prendre directement aux membres de la Umma, tout en se greffant avec opportunisme sur des revendications locales. Si le mouvement a un objectif mondial, il tient en effet compte des aspirations des populations qu’il tente de rallier, qu’il s’agisse des Touareg ou de certaines fractions du monde peul. 

Sur le terrain, face à cette entreprise de subversion à grande échelle, la France est militairement seule. Le dispositif Barkhane ayant rendu les espaces nordistes du Mali et du Niger de plus en plus hostiles aux terroristes , ces derniers ont décidé d’opérer plus au sud, à l’abri de la toile wahhabite tissée par l’Arabie saoudite et par le Qatar[1]. La tentation est donc grande chez certains décideurs civils français, de redéployer Barkhane vers le sud. 
L’erreur serait grande car, détourner nos forces en les faisant basculer sur des positions plus sudistes ferait le jeu des jihadistes qui attendent de nous voir relâcher notre étau sur les zones limitrophes de la Libye et de l’Algérie. De plus, cette bascule d’effort ne serait pas suffisamment significative pour interdire des actions terroristes ponctuelles par des groupes jihadistes au sein desquels les Peul semblent jouer un rôle croissant[2] . 

Enfin, comment prétendre lutter contre le jihadisme menaçant les équilibres africains sans dénoncer son support idéologique qui est le wahhabisme, la religion d’Etat de l’Arabie saoudite et du Qatar ? Or, la France socialiste est de plus en plus liée à ces deux monarchies…

[1] Voir mon communiqué en date du 20 janvier 2016 intitulé « La critique de Barkhane procède d’une erreur d’analyse ».
[2] L’attaque de Ouagadougou le 16 janvier 2016 a été menée par le FLM (Front de libération du Macina), un mouvement peul. Sur les trois terroristes  identifiés de Grand Bassam, deux étaient  Peul d’après leurs noms, Hamza al-Fulani et Rahman al-Fulani.