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vendredi 31 décembre 2010

Côte d’Ivoire : une seule solution : la partition

En ce 1er janvier, mes vœux vont à la Côte d’Ivoire où les élections ont provoqué une situation de quasi guerre civile qui menace d’embraser une partie de l’Afrique de l’Ouest et où, par son refus de prise en compte de la réalité ethnique, la « communauté internationale » s’est délibérément placée dans une impasse. Voilà en effet un président « démocratiquement » élu, M. Alassane Ouattara, qu’elle a adoubé, mais qui est incapable de s’installer au pouvoir par ses propres moyens. Face à lui, M. Laurent Gbagbo, électoralement battu mais auto proclamé président, a réussi le coup de génie d’apparaître comme un résistant au diktat international. Chaque jour qui passe, sa stature de chef ne pliant pas devant les injonctions étrangères se renforce cependant que M. Ouattara apparaît de plus en plus comme une sorte de fondé de pouvoir du nouvel ordre mondial, comme un agent comptable du FMI coupé des forces vives du continent. La « communauté internationale » est désormais prise à son propre piège pour avoir obstinément refusé de voir que LA Côte d’Ivoire n’existe pas. Trois zones ethniques sont en revanche bien vivantes : celle du Nord avec les Malinké, les Dioula, les Senoufo, les Lobi et les Kulango ; celle du centre avec les Baoulé et celle du Sud, où l’alliance entre les Kru de l’Ouest et les peuples dits « Lagunaires » de l’Est assure une solide base à M. Gbagbo. Aucune solution d’avenir ne pourra s’abstraire de cette réalité. 
Ceci étant, quelles options peuvent désormais être envisagées pour faire respecter le verdict des urnes et l’ordre mondial démocratique ?

1) Celle du verbe à l’image de l’ultimatum de huit jours que le président français a fixé à Laurent Gbagbo pour quitter le pouvoir.
2) Celle de sanctions économiques aussi inutiles qu’inapplicables.
3) Celle d’un embargo qui ne sera pas suivi d’effet et qui ne pénalisera que la population.
4) Celle de la menace de futures poursuites devant la CPI ; mais qui va venir arrêter Laurent Gbagbo ?
5) Celle d’une intervention militaire pour installer M.Ouattara au pouvoir.

Les quatre premières options ont pour corollaire le maintien de M. Gbagbo à la Présidence, du moins dans l’immédiat, donc la reconnaissance de la réussite de son coup de force. L’option militaire pose quant à elle deux grands problèmes :

1) Qui pourrait intervenir ? Une expédition militaire de l’ONU est difficilement envisageable car il faudrait pour cela, d’abord un consensus politique, puis ensuite trouver des Etats volontaires pour fournir des contingents dont la disparité ne serait pas un gage d’efficacité. Il faudra en effet éviter d’y incorporer des contingents « blancs » pour ne pas prêter le flanc au développement d’une campagne anti néo-colonialiste. La Cedao (Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest) semblerait, dit-on, prête à une action militaire. Peut-être, mais son seul contingent « opérationnel » étant celui du Nigeria, deux autres questions se posent immédiatement :
2) Serait-il de taille à combattre l’armée ivoirienne chez elle? Rien n’est moins certain.
3) Comment réagirait le grand rival du Nigeria qu’est l’Angola ? N’y aurait-il pas un risque de régionalisation puis d’internationalisation du conflit ?
4) Même et à supposer que M. Ouattara soit installé au pouvoir à la suite d’une expédition militaire internationale, il sera dans tous les cas incapable de s’imposer dans le sud du pays où il apparaîtra toujours comme étant l’homme de l’étranger.

Au moment où ces lignes sont écrites, à savoir le 31 décembre 2010, cinq points sont établis :
 
1) Couverts de sang et gavés de leurs rapines, les partisans de M. Gbagbo ne rendront pas le pouvoir pacifiquement.
2) Chaque jour qui passe renforce Laurent Gbagbo car, contrairement à ce que ne cessent d’affirmer les butors de la sous culture mediatico-africaniste, il est loin d’être isolé. En Afrique, si, pour le moment, seul l’Angola s’est rangé dans son camp, plusieurs autres pays sont prêts à le faire. De plus, il dispose de soutiens partout dans le monde là où la résistance au « diktat impérialiste » est vue avec sympathie.
3) M. Gbagbo tient le Sud utile avec ses ports, ses puits de pétrole, son café et son cacao et il peut très bien se passer du Nord déshérité comme il le fait d’ailleurs depuis 2002.
4) M. Ouattara est certes assuré du soutien du FMI, de la Banque mondiale et des présidents Obama et Sarkozy, mais il vit retranché dans l’hôtel du golf sous la fragile protection de l’ONU. Coupé du monde, ravitaillé par hélicoptère, il n’y est en quelque sorte qu’un « roi de Bourges » qui aura du mal à trouver sa Jeanne d’Arc chez les casques bleu népalais ou sri lankais…
5) M. Gbagbo sait qu’il doit éviter de s’en prendre à la communauté française car, à la faveur d’une intervention de secours et d’évacuation, les troupes envoyées par Paris seraient, elles, en mesure de neutraliser militairement ses forces.

Ceci étant, une sortie de crise est possible, mais à la condition de prendre enfin en compte la seule réalité qui tienne, à savoir la nécessaire adéquation entre une terre et un peuple. C’est pourquoi la solution réaliste serait une forme de partition car M. Gbagbo ne cherche pas à prendre le contrôle du Nord, tandis que M.Ouattara n’est pas en mesure de s’imposer au Sud. Au Soudan, après un demi siècle de guerre, la partition est apparue comme la seule issue raisonnable. Combien de décennies de souffrances faudra t-il encore à la malheureuse Côte d’Ivoire pour que la « communauté internationale » fasse le même constat ?  

Bernard Lugan
01/01/2011

8 commentaires:

  1. Cher Bernard, fidèle à votre réputation, vos analyses ont la finesse de vos moustaches.

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  2. Bonjour,

    Bien que cela soit difficile à admettre, je crains fort que vous ayez raison. Il est proprement stupéfiant qu'aucun journaliste, à ma connaissance, ne reprenne votre grille de lecture de cette crise ni ne fasse mention de son existence. Je n'en suis pas étonné mais je le regrette vivement. Elle seule (votre grille) donne une explication cohérente de la situation actuelle et témoigne de l'impasse dans laquelle la communauté internationale s'est fourvoyée. Par ailleurs, la présence auprès de Laurent Gbago d'un ancien ministre de la république (et pas un des moindres) relance mes interrogations quant à la position officieuse de la diplomatie française. Vu les postes qu'il a occupés dans l'appareil d'état, j'ai du mal à imaginer qu'il soit parti là-bas de son propre chef.
    Bien qu'elle soit plutôt une conséquence qu'une cause, je pense qu'il nous faut également admettre que nous nous dirigeons vers un choc religieux des plus violents. La RCI qui était restée, bon gré mal gré, un havre de tolérance de ce point de vue, va devenir, à son corps défendant, un des champs clos où vont s'affronter d'un côté un extrémisme islamique d'autant plus violent qu'il n'a aucune légitimité historique dans cette région de l'Afrique, en l'occurrence le nord, avec un sud chrétien déchiré entre l'influence catholique (soutenue par la France laïque. N'oublions pas le symbole fort qu'est la basilique de Yamoussoukro) et protestante (avec l'appui des américains et des anglo-saxons à travers les multiples et agissantes missions évangéliques).

    Pour répondre à votre dernière question, comme Laurent Gbagbo ne rendra pas le pouvoir et en l'absence de solution militaire ou politique, la Côte d'Ivoire s'achemine sûrement vers cinquante années de chaos.

    Bonne soirée.

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  3. Merci beaucoup pour votre analyse fine de ce territoire que vous semblez bien connaître.
    Je me pose juste une question : Dans l'hypothèse d'une séparation de la Côte d'Ivoire en deux nations distinctes Nord et Sud, que deviendrait la Côte d'Ivoire du Nord de M.Ouattara puisque M. Gbagbo contrôle l'ensemble des ressources du pays ?

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  4. Avec des analyses aussi précises je ne sais pas pourquoi on n'entend pas plus parler de vous en Afrique. J'ai le détachement de mon histoire personnelle pour vous donner entièrement raison. Je suis Français d'origine Ivoirienne né d'un père de l'Ouest de la CI et d'une mère du Centre et du Sud, je ne suis jamais arrivé à comprendre l'animosité que réflètaient les commentaires de mes différentes tantes et grands-parents sur les Ivoiriens des différentes régions, j'étais partagé et meurtri. Le travail titanesque, et je pose mes mots, commencé par le 1er Président qui consistait à faire vivre tous les Ivoiriens et les "Etrangers" dans un joyeux MeltingPot, ce travail aurait du être poursuivi, afin d'aider les Ivoiriens à mieux de connaître et accepter. Malheureusement les successeurs n'ont rien compris, et, le pays est devenu un vaste champ de bataille où chacun se demande comment "bouffer". Le pire c'est que personne ne se soucie des populations qui vont grandir la horde des NOIRS tendant la main pour quémander quelques miettes de nourriture, la horde de NOIRS crevant de maladies et de misère. Personne ne tente de comprendre et d'analyser comment et pourquoi les Africains crèvent de faim dans des contrées à la Nature généreuse. Vous vous le faites et je vous en remercie, car vous m'aider à affiner mes analyses sur ce contient où se trouve mes racines, mais sur lequel je ne pourrai même plus bientôt me rendre par la faute de l'AVEUGLEMENT ETHNIQUE. MERCI MONSIEUR

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  5. Analyse brillante mais peut être pas si fine que ça.
    En particulier, le "sud" ce sont certes les ports, le pétrole et le gaz, mais certainement pas tout le café et le cacao (la boucle cacao s'étend sur une zone bien plus vaste).
    De plus les vraies richesses à venir (le vieux Houphouet avait souhaité les préserver) sont les régions agricoles de la bande nord, convoitées par les producteurs de bio carburant, et la zone montagneuse frontalière de la Guinée, qui regorge de fer.
    Le Président sortant ne contrôle véritablement en fait qu'Abidjan et Yamoussoukro, et son "armée" a largement prouvé ... ses faiblesses. Il ne tient en fait que par la terreur inspirée par ses milices aux civils. Lesquelles milices ont aussi démontré que, dès lors qu'elles sont confrontées à autre chose que des malheureux désarmés, elles prennent la fuite en abandonnant armes et uniformes sur place.
    Au final, cette "partition", envisagée par beaucoup, aurait à très court terme une conséquence beaucoup plus grave :
    la radicalisation et la militarisation à outrance du nord, avec une probable campagne militaire pour verrouiller la boucle cacao et la voie ferrée vers Ouagadougou, sans lesquelles le sud resterait sans ressources.
    La conséquence, à tout aussi court terme, pourrait donc être un conflit militaire ouvert dans lequel pourrait bien s'impliquer l'influent voisin qui n'a jamais cessé de se mêler de la situation, à savoir le BF.
    Celui-ci aurait là une bien belle occasion de s'assurer, très rapidement, un accès côtier en aidant son nouvel ami, le nord sécessionniste. Il ne fait en effet aucun doute que celui-ci viserait rapidement le contrôle du port de San Pedro, réglant en chemin les "vieux comptes" avec les ethnies bété, guéré et didas, fidèles à Laurent Gbagbo mais que celui-ci ne pourra protéger sans prendre le risque de perdre le contrôle de Yamoussoukro et d'Abidjan.

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  6. @H

    Je vous rassure. L'Afrique noire sub-sahélienne est animiste, mâtinée de christianisme ou d'islam,qui ne sont qu'une sorte de sparadrap mal collé.

    Les haines raciales/tribales sont plus fortes que la foi.

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  7. Bonjour,

    Que pensez-vous des positions sur le sujet de Jean-François Probst, Philippe Evanno, Roland Dumas, Didier Julia, etc., telles qu'exprimées sur ce site http://www.kernews.fr/ ? J'ai l'impression qu'avec leur position gaulliste (ou soi-disant telle), ils se trompent autant que les autres...

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  8. Bonjour Mr.Lugan ;

    J'ai toujours pensé que le partage des zones africaines lors des décolonisations européennes avaient été une sorte de vengeance occidentale, instillant ainsi un poison tenace.

    Bonjour Mr.Lugan ;

    J'ai toujours pensé que le partage des zones africaines lors des décolonisations européennes avaient été une sorte de vengeance occidentale, instillant ainsi un poison tenace.

    Le jour où vos thèses prendront la direction de l'Afrique, associé à des rentes agricoles assurées car détachées du marché international et de la bourse, l'Afrique ira beaucoup mieux, et les africains ne se suicideront plus en méditerranée en voulant atteindre les côtes européennes.

    J'aimerai que l'on vous entende davantage, mais cela ne se fera pas, car immédiatement on remettrait en cause dans son sillage le multiculturalisme en Europe, et même si Angela Merkel nous a dit que le "multikulti" était fini en Allemagne, il reste encore beaucoup de chose à faire pour que ce ne soit pas qu'une idée électoraliste.

    Pour revenir sur la Côte-d'Ivoire, que pensez-vous des moyens de subsistance de la zone nord après la partition ??

    Vous priant de croire en l'expression de mes salutations distinguées.

    Seb.

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