Les résultats définitifs officiels du second tour des élections présidentielles guinéennes n’étaient pas encore connus que des affrontements éclataient dans le pays, évènements hélas prévisibles, le premier tour, sondage ethnique grandeur nature, ayant exacerbé les tensions. Une fois encore en Afrique, la démocratie reposant sur le « one man, one vote », a donc débouché sur l’ethno mathématique. En Guinée, elle a amplifié les problèmes car la géographie physique y est juxtaposée à l’ethnopolitique[1]. Le pays est en effet composé de quatre grandes régions naturelles peuplées par chacune des quatre grandes ethnies :
1) La Guinée maritime est le territoire des Soso (+- 15 % de la population de la Guinée).
2) La Moyenne Guinée, région des hautes terres du Fouta Djalon qui couvre environ 1/3 de la superficie du pays, est le homeland des Peul (entre 35 et 40% de la population), ethnie persécutée à l’époque de Sekou Touré et constamment écartée du pouvoir depuis l’indépendance.
3) La Haute Guinée, région de savanes recouvrant presque la moitié du pays, est la patrie des Malinké (un peu plus de 30% de la population).
4) La Guinée forestière, région montagneuse couverte par la sylve est habitée par de nombreuses tribus rassemblées sous le nom d’ « ethnies forestières »[2] (entre 5 et 9% de la population), dont les principales sont les Kpélé-Guerzé, les Loma et les Kissi.
Le 27 juin 2010, lors du premier tour, une vingtaine de candidats briguèrent certes les suffrages des électeurs guinéens, mais d’abord ceux de leur propre ethnie. Le principal candidat peul, Cellou Dalein Diallo, obtint ainsi 39,72% des voix, arrivant largement en tête ; les deux principaux candidats malinké rallièrent un peu moins de 30% des suffrages (Alpha Condé 20,67% et Lansana Kouyaté 7,75%) ; Sidya Touré, un Diakanké allié aux Soso obtint 15,60% des voix et Papa Koly Kouroumah, d’ethnie kpélé-guerzé, 4,83%. Le second tour qui s’est déroulé dimanche 7 novembre, soit cinq mois après le premier tour, opposa Cellou Dalein Diallo, le candidat des Peul, à Alpha Condé, celui des Malinké. Si, comme il le prétend, Alpha Condé l’a emporté, c’est qu’il aura obtenu le soutien des Soso, plus celui des « Forestiers ». Les Peul considéreront alors que la victoire leur a été volée, mais comme l’armée est très majoritairement composée de Malinké, ils seront mis à la raison. Du moins à Conakry, car leur région, la Moyenne Guinée va se trouver en état de partition ethnique.
Bernard Lugan
15/11/2010
[1] Pour l’historique de la question ethnique guinéenne ainsi que pour tout ce qui concerne l’histoire politique de la Guinée depuis 1958, il sera utile de se reporter au numéro 1 (janvier 2010) de l’Afrique Réelle.
[2] Les Malinké composent 35% de la population de la région.
1) La Guinée maritime est le territoire des Soso (+- 15 % de la population de la Guinée).
2) La Moyenne Guinée, région des hautes terres du Fouta Djalon qui couvre environ 1/3 de la superficie du pays, est le homeland des Peul (entre 35 et 40% de la population), ethnie persécutée à l’époque de Sekou Touré et constamment écartée du pouvoir depuis l’indépendance.
3) La Haute Guinée, région de savanes recouvrant presque la moitié du pays, est la patrie des Malinké (un peu plus de 30% de la population).
4) La Guinée forestière, région montagneuse couverte par la sylve est habitée par de nombreuses tribus rassemblées sous le nom d’ « ethnies forestières »[2] (entre 5 et 9% de la population), dont les principales sont les Kpélé-Guerzé, les Loma et les Kissi.
Le 27 juin 2010, lors du premier tour, une vingtaine de candidats briguèrent certes les suffrages des électeurs guinéens, mais d’abord ceux de leur propre ethnie. Le principal candidat peul, Cellou Dalein Diallo, obtint ainsi 39,72% des voix, arrivant largement en tête ; les deux principaux candidats malinké rallièrent un peu moins de 30% des suffrages (Alpha Condé 20,67% et Lansana Kouyaté 7,75%) ; Sidya Touré, un Diakanké allié aux Soso obtint 15,60% des voix et Papa Koly Kouroumah, d’ethnie kpélé-guerzé, 4,83%. Le second tour qui s’est déroulé dimanche 7 novembre, soit cinq mois après le premier tour, opposa Cellou Dalein Diallo, le candidat des Peul, à Alpha Condé, celui des Malinké. Si, comme il le prétend, Alpha Condé l’a emporté, c’est qu’il aura obtenu le soutien des Soso, plus celui des « Forestiers ». Les Peul considéreront alors que la victoire leur a été volée, mais comme l’armée est très majoritairement composée de Malinké, ils seront mis à la raison. Du moins à Conakry, car leur région, la Moyenne Guinée va se trouver en état de partition ethnique.
Bernard Lugan
15/11/2010
[1] Pour l’historique de la question ethnique guinéenne ainsi que pour tout ce qui concerne l’histoire politique de la Guinée depuis 1958, il sera utile de se reporter au numéro 1 (janvier 2010) de l’Afrique Réelle.
[2] Les Malinké composent 35% de la population de la région.