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jeudi 25 juin 2015
dimanche 14 juin 2015
François Hollande en Algérie : entre realpolitik et auto humiliation
Lundi 15 juin, durant quelques heures, François
Hollande sera en Algérie, pays en état de pré-faillite, "dirigé" par
un président moribond et gouverné par l' "alliance des baïonnettes et des
coffres-forts"[1].
L'Algérie
est en effet au bord du précipice économique, politique, social et moral. Elle
est dévastée par des avalanches successives
de scandales comme ceux des détournements de fonds du programme de
l'autoroute trans-algérienne (5 milliards de dollars de dessous de table pour
un chantier de 17 milliards...), de la Sonatrach ou encore de la banque
Khalifa ; or, il ne s'agit là que des plus médiatisés.
L’équilibre
politique algérien repose sur un modus
vivendi entre plusieurs clans régionaux et politiques qui se partagent les
fruits du pouvoir au sein des deux piliers de l’Etat qui sont l’ANP (Armée
nationale populaire) et la DRS (Département du renseignement et de la
sécurité). Quant à l'ordre social national, il résulte d'un singulier
consensus :
- à l'intérieur,
les dirigeants qui vivent de la
corruption et des trafics en tous genres achètent le silence d'une population
qui n'ignore rien de leurs agissements, par de multiples subventions,
-
à l'extérieur, ils entretiennent des mercenaires, journalistes et hommes
politiques stipendiés, qui font fonctionner d'efficaces réseaux de
communication permettant de donner une image rassurante du pays.
Or,
ce système qui fonctionnait grâce à la rente pétrogazière est aujourd'hui
bloqué par l'effondrement des cours du pétrole. En un an, le prix du Sahara blend algérien est ainsi passé de
110 dollars le baril à moins de 60 ; or,
selon le FMI (mai 2015), dans l'état actuel de l'économie de l'Algérie, le
prix d'équilibre budgétaire de son pétrole devrait être de 111 dollars le
baril.
Résultat :
au premier trimestre 2015, les recettes cumulées du budget de l'Etat ont baissé de 13% par rapport à la même
période de 2014 ; quant aux recettes de la fiscalité pétrolière, leur recul fut
de 28%. Dans ces conditions, les 200 milliards de dollars de réserves de change
dont disposait l'Algérie avant la chute des cours du pétrole fondent comme
neige au soleil et le Fonds de régulation
des recettes (FRR) alimenté par les ventes des hydrocarbures et dans lequel
l'Etat puise pour tenter de prolonger la paix sociale n'est plus alimenté.
La
situation est donc gravissime[2].
D'autant plus que les parts de marché de la Sonatrach
en Europe vont baisser en raison de la
concurrence de Gazprom qui fournit le
gaz russe entre 10 à 15% moins cher que celui produit par l'Algérie. Sans
compter que depuis 2014, devenu autonome grâce à ses gisements non
conventionnels, le client américain qui représentait entre 30 et 35% des recettes de la Sonatrach a disparu...
Autre
phénomène angoissant pour les autorités algériennes, le prix du gaz naturel
liquéfié lié au prix du pétrole et des produits raffinés va de plus en plus
être aligné sur le prix du gaz naturel américain, ce qui, selon les experts
devrait mettre le GNL algérien entre 30 et 40% de ses prix antérieurs.
L'Algérie est donc bien au bord du précipice.
Dans
ces conditions, face au double phénomène de baisse de la production et de
baisse des cours, l'Etat-providence algérien est condamné à prendre des mesures
impopulaires: suspension des recrutements de fonctionnaires, abandon de projets
sociaux indispensables, de projets transport comme de nouvelles lignes de
tramway ou la réfection de voies ferrées. Il est également condamné à rétablir les licences d'importation afin de
limiter les achats à l'étranger, ce qui va encore amplifier les trafics. Le
coût des produits importés n'est en effet plus supportable ; d'autant que, même
les productions traditionnelles (dattes, oranges, semoule pour le couscous)
étant insuffisantes, leur volume d'importation est toujours en augmentation.
Pour ce qui est des seuls biens de
consommation, la facture est ainsi passée de 10 milliards de dollars en 2000 à
une prévision de plus de 65 milliards de dollars pour 2015. Quant aux
subventions et aux transferts sociaux, ils atteignent 70 milliards de dollars
par an, soit environ 30% du PIB.
L'Algérie
va donc devoir procéder à des choix économiquement vitaux mais politiquement
explosifs. Le matelas de 80 milliards de dollars de son fonds de régulation
(FFR) et ses réserves de change qui
étaient tombées à un peu plus de 180 milliards de dollars au mois de janvier
2015, ne lui permettront en effet de faire face que durant deux années puisque
les dépenses inscrites au budget 2015 sont de 100 milliards de dollars...
L'Algérie
est donc dans la nasse car, elle qui ne produit rien est pourtant condamnée à
continuer d'importer afin de nourrir, soigner et habiller sa population. Comme
dans les années 1980, l'explosion sociale semble donc inévitable. Avec en toile
de fond les incertitudes liées à la succession du président Bouteflika.
C'est
donc dans un pays en faillite dans lequel les islamistes sont en embuscade et
dont l'équilibre est vital pour notre sécurité, que se rend François Hollande,
porteur d'un singulier message rédigé par des associations dont la
représentativité prêterait à sourire si elles ne constituaient pas le noyau dur
de l'actuel régime français. Pour l'Association des anciens appelés en
Algérie et leurs amis contre la guerre (4ACG), pour l'Association
nationale des pieds-noirs progressistes et leurs amis (ANPNPA) et pour l'Association
des réfractaires non violents (ARNV) " le moment est venu pour la
France de reconnaître, du plus haut niveau politique (...) les crimes et les
horreurs commis pendant les 132 ans que dura la colonisation de
l'Algérie".
Au
mois de décembre 2012, lors de son précédent voyage à Alger, François Hollande
était déjà allé à Canossa mais, comme les Bourgeois de Calais, il avait tout de
même gardé sa chemise. La conservera-t-il aujourd'hui alors que, candidat aux
prochaines élections présidentielles, il est prêt à tout afin de tenter de
regagner les précieux suffrages des électeurs franco-algériens qui s'étaient
détournés de lui avec le « mariage pour tous »?
NB : Les
rentiers de l'indépendance qui forment le noyau dur du régime prélèvent, à
travers le ministère des anciens combattants, 6% du budget de l'Etat algérien,
soit plus que ceux des ministères de l'Agriculture (5%) et de la Justice
(2%)...
Bernard Lugan
14/06/2015
[1] L'expression est d'Omar Benderra (Algeria-Watch, décembre 2014). En ligne.
[2] Pour plus de détails, on se reportera au dossier contenu dans le numéro du mois de mars 2015 de l'Afrique réelle que l'on peut se procurer en s'abonnant à la revue.
[1] L'expression est d'Omar Benderra (Algeria-Watch, décembre 2014). En ligne.
[2] Pour plus de détails, on se reportera au dossier contenu dans le numéro du mois de mars 2015 de l'Afrique réelle que l'on peut se procurer en s'abonnant à la revue.
mercredi 3 juin 2015
L'Afrique Réelle N°66 - Juin 2015
Actualité :
Mali : un accord de paix qui ne règle rien
Economie :
La « classe moyenne » africaine, réalité ou fantasme ?
Dossier : Burundi
- Des Tutsi minoritaires et divisés
- Du pouvoir hima au premier intermède hutu
- Le retour des Tutsi au pouvoir
- La crise actuelle
Mise en perspective :
L'Afrique et la mer
Editorial de Bernard Lugan
Mieux vaut tard que jamais...
Le quotidien Le Monde et l'hebdomadaire Jeune Afrique viennent semble-t-il de découvrir ce que les abonnés à l'Afrique Réelle connaissent depuis plusieurs mois, à savoir que l'Algérie est au bord du gouffre et que la « lune de miel » entre la Chine et l'Afrique est terminée. Mieux vaut tard que jamais...
Dans son numéro daté du 26 mai 2015, Le Monde Economie publie ainsi un article intitulé « L'Algérie s'inquiète de la chute des cours du pétrole » dans lequel, l'envoyée spéciale de ce journal à Alger, découvre que la chute des cours met l'Algérie dans une situation intenable et que la baisse de ses réserves de pétrole va conduire le pays dans une impasse. Toutes choses que l'Afrique Réelle explique depuis des mois.
Pour en savoir plus, les lecteurs pourront se reporter à mon communiqué en date du 14 novembre 2014 intitulé « L'Algérie est au bord du gouffre », à l'article publié dans le numéro de février 2015 intitulé « Algérie : l'effondrement des cours du pétrole menace la paix sociale » et à celui du mois de mars 2015 dont le titre est « L'Algérie produira-t-elle encore du pétrole et du gaz en 2030 ? »
Dans son numéro daté du 24 mai 2015, l'hebdomadaire Jeune Afrique consacre quant à lui un dossier à la « Chine-Afrique » dans lequel nous retrouvons, là encore, des analyses « parentes » de celles publiées dans l'Afrique Réelle.
Avec cinq mois de retard, Jeune Afrique semble ainsi découvrir ce qui était écrit dans le numéro de l'Afrique Réelle du mois de janvier 2015 dans un dossier intitulé « La Chine et l’Afrique » et portant en exergue un proverbe africain : « La sagesse du lion n'est pas celle de l'antilope », proverbe illustrant la réalité profonde des relations entre la Chine et l'Afrique.
Dans ce numéro j'écrivais que : « Quasiment inexistants dans les années 1980, les échanges entre la Chine et l'Afrique ont ensuite connu une accélération spectaculaire. Ce mouvement ne doit cependant pas cacher une réalité qui est que la Chine ne va pas « développer » l'Afrique à elle seule. Elle n'en a ni les moyens ni l'intention. De plus, ses méthodes y posant de plus en plus de problèmes, la déception ou même l'hostilité commencent à y devenir réelles ». Suivait un autre article intitulé « La lune de miel est terminée », qui s'ouvrait par les lignes suivantes : « La lune de miel entre Pékin et l'Afrique semble terminée. En réaction à l'agressivité commerciale chinoise en Afrique, de plus en plus nombreuses sont en effet les études qui délivrent un message alarmiste dénonçant un néocolonialisme chinois, un « cauchemar africain », un « pillage du continent », des « liens de dépendance » ou même un « système cleptocratique ».
Dans un troisième article consacré, celui-là, à « La nouvelle politique chinoise », il était écrit : « Après l' « essaimage » qui lui permit de prendre pied en Afrique et d'y faire illusion en hypnotisant en quelque sorte les Africains, la nouvelle politique chinoise consiste désormais à cibler ses secteurs d'intervention. Comme les Etats-Unis, mais sur une échelle plus importante, la Chine va donc pratiquer une économie de comptoir, c'est à dire de pillage des matières premières africaines, loin de toute idée de développement ».
Le Monde et Jeune Afrique venant de faire les mêmes analyses, il est donc « réconfortant » de constater que la « lucidité » finit parfois par s'imposer aux journalistes quand ils disposent de bonnes sources...