dimanche 6 mai 2012

L'Afrique Réelle N° 29 - Mai 2012


























Sommaire :

Actualité
- La nouvelle guerre du Soudan
- Le Mali entre enlisement et partition
- Le Maroc au milieu du gué 

Dossier : Le rapport d'expertise sur l'attentat qui coûta la vie au président Habyarimana a-t-il une valeur scientifique ?

- Révélations explosives sur l'expertise communiquée aux parties civiles par le juge Trévidic
- Les limites, les insuffisances et les contradictions d'une expertise
- Les doutes du colonel Marchal 

Editorial de Bernard Lugan : Bilan de la politique africaine de Nicolas Sarkozy

En Afrique, à l’exception peut-être de M. Ouattara, personne ne regrettera le président Sarkozy dont la partie africaine du quinquennat débuta le 26 juillet 2007 par le maladroit et inopportun « Discours de Dakar ».
En déclarant devant les élites sénégalaises que « Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire », Nicolas Sarkozy qui avait peut-être voulu prononcer son « Discours de la Baule », donna en effet de lui une image d’arrogance européocentrée dont il n’est plus parvenu à se détacher. D’ailleurs, de quelle « Histoire » voulait-il parler ? Si c’est de celle des droits de l’homme et de la démocratie, à ce compte là, la Chine multimillénaire n’y est pas davantage entrée que l’Afrique...

L’autre image que Nicolas Sarkozy laissera en Afrique  est celle d’un président qui n’aura cessé d’abandonner ou de trahir ses « amis ». Après avoir reçu Mohammar Kadhafi avec une pompe et un faste indécents, il lui déclara ensuite la guerre. De même, les pays riverains rechignant devant son projet d’Union pour la Méditerranée, il courtisa le chef de l’Etat syrien, M.Bachar el Assad, pour l’engager à participer au sommet de Paris au mois de juillet 2008. L’Union y naquît grâce au soutien des présidents Moubarak et Ben Ali. Or, dès que le vent mauvais médiatique eut tourné, il les traita tous trois comme des pestiférés.

En revanche, le président français fut d’une rare « compréhension » avec Paul Kagamé qui ne cessa pourtant jamais d’insulter la France et son armée. Certes, une normalisation avec le Rwanda était souhaitable, mais pas au prix d’une humiliation permanente s’expliquant à la fois par une totale méconnaissance du dossier et par le rôle exorbitant et insolite tenu au sein même de l’appareil d’Etat par de hauts responsables acquis aux thèses de Kigali.

Après les fautes comportementales et morales, deux grandes erreurs furent commises durant ce quinquennat incohérent en matière africaine. Il s’agit des interventions en Côte d’Ivoire et en Libye qui furent des réussites sur le plan technique grâce au professionnalisme d’une armée française dont les moyens avaient pourtant été rognés.
En Côte d’Ivoire, Nicolas Sarkozy intervint pour un camp contre un autre en donnant à nos forces l’ordre d’en finir avec le régime Gbagbo. Aujourd’hui, les affaires ont certes repris à Abidjan mais le pays, rongé par le banditisme, est plus que jamais coupé en deux. Quant à Alassane Ouattara, déjà considéré par beaucoup comme le « commis » des institutions financières internationales, il n’arrive pas à s’imposer car il souffre d’avoir été mis au pouvoir par l’ancien colonisateur.

En Libye, où, sous la pression de bateleurs médiatiques, la France s’immisça dans une guerre civile qui ne la concernait en rien et dans laquelle ses intérêts vitaux n’étaient pas menacés, son intervention provoqua l’anarchie que nous observons aujourd’hui dans tout le Sahel. Et pourtant, les Services avaient littéralement « noyé » Nicolas Sarkozy sous les notes, le mettant très précisément en garde contre les conséquences désastreuses de l’opération qu’il s’apprêtait à décider. 
Les Africains savent bien que cette guerre fut bâtie sur un mensonge et que la «  protection des civils de Benghazi » ne fut qu’un prétexte pour arracher à l’ONU le droit d’imposer une zone d’exclusion aérienne. Forte de cet « accord », la France outrepassa clairement son mandat et réduisit à néant les défenses libyennes ; puis, devant l’incapacité des rebelles à entamer la résistance du régime, Nicolas Sarkozy ordonna à l’armée française d’intervenir directement au sol, notamment à Misrata et dans le Djebel Nefusa.

9 commentaires:

  1. Je n'ai pas une virgule à changer à cet éditorial.

    RépondreSupprimer
  2. Tres interessant, mais on voudrait approfondir:

    "les affaires ont certes repris à Abidjan mais le pays, rongé par le banditisme, est plus que jamais coupé en deux. "

    "Nicolas Sarkozy ordonna à l’armée française d’intervenir directement au sol, "

    "les Services avaient littéralement « noyé » Nicolas Sarkozy sous les notes, le mettant très précisément en garde contre les conséquences désastreuses de l’opération qu’il s’apprêtait à décider."

    Ou peut-on avoir des details ? Merci.

    RépondreSupprimer
  3. bonsoir,

    Dans le discours de Dakar, j'ai surtout lu une invitation à la réconciliation et à une prise en charge des "peuples africains" par eux-mêmes. Ceci a le mérite de reconnaître implicitement la relation schizophrène entre la France et les anciennes colonies: de la défiance et pourtant de la dépendance.

    De plus, les abandons de Moubarak, Ben Ali et Assad correspondent à la morale qui domine toute la presse depuis des décennies, qui décrie la collaboration avec ces (ex-)chefs d'état, qu'on put aussi nommer tyrans.

    Ces deux caractères de la politique africaine de M Sarkozy ont un mérite, ils mettent la France devant ses contradictions. Le président a exprimé la pensée majoritaire de la France. Tant que la France sera une démocratie respectant les libertés d'expression et de pensée et tant qu'elle ne s'affranchira pas de son fantasme de l'universalité de son modèle comparable à l'Eden biblique, ce type de politique ne pourra que se reproduire et s'amplifier.

    RépondreSupprimer
  4. Une petite précision sur le discours de Dakar, souvent très mal compris :

    "L'Homme africain n'est pas assez rentré dans l'Histoire" = l'Homme africain vit dans la mémoire sans regard critique sur son passé car ce passé est aussi son présent. L'opposition entre Histoire et Mémoire est un classique de philosophie.

    Ce qui ne signifie nullement que l'Histoire n'intègre pas l'Homme africain, sens dans lequel a souvent été compris ce discours.

    Il faut donc bien comprendre la remarque du Pr Lugan comme la critique d'une vision européo-centrée de la modernité. Pour le Pr Lugan, l'Homme africain (s'il ne devait y en avoir qu'un) est autre, donc sa modernité ne peut être nôtre. Sa vocation n'est pas d'être un européen à la peau noire.

    RépondreSupprimer
  5. le cultivateur de patates13 mai 2012 à 21:03

    Je pense à toutes les victimes libyennes du colonel Mohammar Kadhafi, soit disant "ami de la France" ainsi que celles de l'attentat de Lockerbie, ainsi que tous ceux qui devaient être masscrés comme des chiens. Pour une fois l' ingérence, ça a du bon...regardons la boucherie en Syrie.

    Quant au Rwanda, Mr Lugan a une meilleure connaissance du dossier surement. Mr Kagame est une grenouille qui veut surpasser le boeuf... combien de divisions, aurait dit Staline.

    Pour la Côte d' Ivoire, Mr Bagbo ne sera pas regretté vu qu il a ruiné l'économie ivoirienne. il est toujours mieux de pérorer sur la stratégie politique, le ventre plein et le salaire viré à la fin du mois avec l'argent de l'afd ou les budgets de la coopération ou autres donateurs.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. il est clair que vous ne connaissez pas l'histoire de la Côte d'Ivoire. juste vous dire que quand on ne connait pas un truc on se renseigne et pour te dire un truc sache que quand le président GBAGBO était au pouvoir la Côte d'Ivoire ne connaissait la crise économique donc arrête de raconter des mensonges .

      Supprimer
  6. Je ne comprends pas très bien votre position monsieur Lugan. Vous avez l'air de prôner l'existence de pays en Afrique basé sur lé réalité ethnique au lieu des frontières artificielles actuelles. Par contre, dans cet article, vous sembler mécontent quand l'action du président Sarkozy, à tort ou à raison, est aller dans le sens de la partition ethnique de la Libye et de la Côte d'Ivoire.

    Personnellement, dans le cas de la Libye, même si je suis sensible à la possible islamisation du pays, je pense qu'il est plus sain d'avoir plusieurs petits pays ou une fédération à cet endroit plutôt qu'un pays uni sous la coupe d'un dictateur fantasque et cruel. Vous semblez mettre les problèmes des voisins de la Libye sur le dos de cet intervention, mais dans votre article sur le Mali, vous parlez surtout de l'influence algérienne ...

    RépondreSupprimer
  7. vous dites:En Côte d’Ivoire, Nicolas Sarkozy intervint pour un camp contre un autre en donnant à nos forces l’ordre d’en finir avec le régime Gbagbo. Aujourd’hui, les affaires ont certes repris à Abidjan mais le pays, rongé par le banditisme, est plus que jamais coupé en deux. Quant à Alassane Ouattara, déjà considéré par beaucoup comme le « commis » des institutions financières internationales, il n’arrive pas à s’imposer car il souffre d’avoir été mis au pouvoir par l’ancien colonisateur.
    Ce n'est pas la Licorne en tant force française qui est intervenue en cote d'ivoire c'est sous la bannière de l’ONU que cette force est intervenue. Votre insinuation rend vos propos partiaux. Et je comprends votre attitude.Si vous en avez après Sarkozy du fait de vos divergences politiques c'est d' accord mais que vous fermiez les yeux sur l'attitude de Laurent Gbagbo refusant de céder le pouvoir au nom de la démocratie qui vous permet de vous étaler,cela vous discrédite. Je vis entre abobo et anyama pour votre information. J'ai vu tout le tout le cotege d'armes que les populations d'andokoua recevaient.Alors s'il vous plait respectez-nous

    RépondreSupprimer
  8. La position de M. Lugan sur le Rwanda est connue, documentée, dans la lignée Péan, Védrine, Onana: tout est de la faute au FPR et aux Tutsi, à leurs alliés anglo-saxons, pour créer un tutsiland, empire Hima, auteur de trois génocides (responsable de celui des Tutsi (attentat de Habyarimana), de celui des Hutu, et de celui des Congolais avec l'intox des 4 -6 millions de morts.
    M LUGAN EST UN TÉMOIN-EXPERT du tribunal de Arusha (et non un expert, un statut qui n'existe pas au TPIR), mais un témoin expert de la Défense des génocidaires, son "expertise" étant invoquée pour dédouaner la responsabilité des accusés.
    Sa position nest plus tenable , sur l'attentat (avec le rapport des experts français), sur le coup d'Etat (que M Lugan nie), sur le génocide lui même (dans une tribune , il ose avancer la notion de génocide spontané, non planifié… un oxymore.
    Sur la RDC, (please consulter l'étude de l'ADDRAS sur le siteur, des démographes qui ont travaillé en 2006 dans le contexte de l'organisation des élections et conclut à une surmortalité dû au conflit et à la détérioration des conditions de vie après 40 ans de mobutisme) à 200 000 morts, ce qui est déjà énorme), l'enfer des Kivus est la conséquence de l'exfiltration au Zaire de l'armée de habyarimana et des milices interhamwe par Turquoise (voir l'article de Raid, organe de la Légion Etrangère sur l'opération), et de l'absence d'Etat et d'armée congolaise; il y a plus de 20 groupes armés/milices qui ravagent la région, oppriment les populations civiles, contrôlent des mines (coltan, or, cassitérite…): le M23 en est une parmi d'autres. Que le Rwanda les soutiennent, c'est possible, compte tenu de l'existence de minorités rwandophones "tutsi" en RDC, minorités menacés (30 000 réfugiés au Rwanda depuis 1994).
    Non M. Lugan, le Rwanda n'occupe pas l'Est de la RDC, que Kigali soit particulièrement vigilant et ait eu avec kinshasa une coop militaire , yes et c'es connu, mais passer sous silence les FDLR (avatar des génocidaires) qui continue à professer l'idéologie et la pratique génocidaire, est une forfaiture intellectuelle à laquelle vous nous avez habituée.

    RépondreSupprimer