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samedi 29 octobre 2011

La Libye sous le pouvoir des milices islamistes. Point de situation.

Les nouvelles images du lynchage du colonel Kadhafi qui commencent à être diffusées sur le net annoncent un « hiver libyen » plein de douceurs et de mièvreries… Mais au-delà de la mort atroce de l’ancien chef de l’Etat libyen, quelle est la situation sur le terrain au moment où ces lignes sont écrites ?

Plus que jamais, le CNT ne représente que lui-même et c’est d’ailleurs pourquoi il  demanda avec une grande insistance, mais en vain, que l’Otan maintienne sa présence. Ce pseudo gouvernement sait en effet qu’il porte un péché originel : celui d’avoir été mis en place par l’Otan, donc par les « impérialistes » et les « mécréants ». Ses lendemains vont donc être difficiles. D’autant que ses principaux dirigeants, tous d’anciens très hauts responsables de l’ancien régime et donc des « résistants de la dernière heure », commencent à être mis en accusation par certains de ces chefs de guerre qui détiennent désormais les vrais pouvoirs.

Le président du CNT, Mustapha Abd el Jalil, a déclaré que la charia serait désormais la base de la Constitution ainsi que du droit, que la polygamie, interdite sous Kadhafi, serait rétablie et que le divorce, autorisé sous l’ancien régime, était désormais illégal. Enfermé dans leur européocentrisme, les Occidentaux ont considéré que ces déclarations étaient « maladroites ». Leur erreur d’analyse était une fois de plus totale car ces propos à but interne étaient destinés à amadouer les milices islamistes auxquelles le pouvoir du CNT est suspendu. Pour mémoire, Mustapha Abd el Jalil, l’ami de BHL, était le président de la Cour d’appel de Tripoli qui, par deux fois, confirma la condamnation à mort des infirmières bulgares et en 2007, le colonel Kadhafi le nomma ministre de la Justice. En dépit de son passé kadhafiste, Abd el Jalid est pourtant respecté par certains islamistes car il est proche des Frères musulmans, mais son pouvoir ne dépasse pas son tapis de prière.

La Libye est en effet éclatée entre plusieurs zones contrôlées par des chefs de guerre jaloux de leur autonomie et prêts à s’entre-déchirer, comme en Somalie. Ces territoires ont tous une ouverture sur la mer et une profondeur vers l’intérieur pétrolier ou gazier, ce qui fait que, comme je le disais il y a déjà plusieurs semaines déjà, le pays est aujourd’hui découpé en « touches de piano ».

Benghazi est sous le contrôle de plusieurs milices islamistes, elles-mêmes éclatées en un grand nombre de petits groupes plus ou moins autonomes, mais c’est à Tripoli que se joue l’unité de la Libye.
Dans la capitale, le chef du CNT, Mustapha Abd el Jalid s’appuie sur le TMC (Tripoli Military Council) qui engerbe plusieurs milices islamistes pouvant mobiliser entre 8000 et 10 000 combattants. Le chef du TMC, originaire de Tripoli, est Abd el-Hakim Belhaj dit Abu Abdullah Assadaq. Ayant combattu en Afghanistan, ce partisan du califat supra frontalier fonda le Libyan Islamic Fighting Group dans les années 1990. Ayant fui la répression anti islamique du régime Kadhafi, il retourna en Afghanistan où il fut arrêté en 2004 puis remis à la police libyenne avant d’être libéré au mois de mars 2010, à la veille de l’insurrection de Benghazi.
Durant la guerre civile, le TMC fut armé et encadré par les services spéciaux du Qatar et il reçut une aide « substantielle » de la part de certaines unités « spécialisées » de l’Otan. Ce fut lui qui prit d’assaut  le réduit de Bab al-Aziya à Tripoli. Plusieurs autres milices islamistes se partagent la ville et n’acceptent pas le leadership reconnu au TMC par Mustapha Abd el Jalil. Pour encore compliquer l’embrouille locale, le 2 octobre, fut fondé le Tripoli Revolutionists Council ou TRC, par Addallah  Ahmed Naker al-Zentani, originaire de Zentan mais indépendant des milices berbères de cette dernière ville.

A Misrata, les milices se considèrent comme l’élite des révolutionnaires et leur prestige est immense depuis qu’elles ont capturé le colonel Kadhafi. Ce furent certains de leurs hommes, gentils démocrates si chers aux médias français, qui lynchèrent et sodomisèrent vivant l’ancien guide et qui, comme « trophée », emportèrent son corps dans leur ville.
Misrata est sous le contrôle du Misurata Military Council (MSR), qui engerbe plusieurs milices dont la principale est la Misurata Brigade. La situation est cependant confuse car les combattants sont divisés en plusieurs dizaines de groupes commandés par des chefs indépendants rassemblant au total plusieurs milliers d’hommes. A la différence du TMC, le MSR n’a pas besoin d’aide étrangère car il dispose d’énormes quantités d’armes pillées dans les arsenaux de l’ancienne armée.
Les miliciens de Misrata ont une forte tendance à l’autonomie et ils ne semblent pas vouloir accepter de se soumettre au CNT. De plus, ils se méfient des originaires de Benghazi. Pour pouvoir espérer prendre le contrôle de la ville, le CNT devra donc, comme à Tripoli, s’appuyer sur certaines milices contre les autres, ce qui promet bien des « incidents ». Des tentatives de rapprochement ont été faites en direction de Salim Joha, chef de l’Union on Libya’s Revolutionary Brigades, mais rien de concret ne s’est produit pour le moment. Le CNT pourrait également tenter d’amadouer Misrata en nommant Abdul Rahman Swehli Premier ministre, ce qui lui permettrait du même coup d’échapper à la main-mise des clans de Benghazi.

Autre zone ayant échappé au contrôle du CNT, le pays berbère de Zentan avec sa puissante milice ancrée sur djebel Nefuza. Ce furent les Berbères qui permirent l’assaut sur Tripoli en prenant à revers les forces de Kadhafi, opération préparée par les forces spéciales de l’Otan.
Zentan  est contrôlée par le Zentan Military Council (ZMC), dont les milices arborent le drapeau amazigh. Militairement, les milices berbères sont les mieux formées de toute la Libye, leurs cadres étant d’anciens officiers libyens. Les deux principales unités berbères sont la Zentan Brigade commandée par Muktar al-Akdhar et la Kekaa Brigade, chacune forte d’environ 1000 combattants. Ces milices ont refusé de quitter Tripoli en dépit des ordres du CNT, ce qui provoqua de graves tensions. Le 3 octobre, après un ultimatum du CNT, la Brigade Kekaa se livra même à une véritable tentative d’intimidation, paradant dans Tripoli et attirant la réplique des islamistes. La guerre civile fut alors évitée de justesse, mais ce n’est que partie remise…

Ceux qui, poussés par BHL, décidèrent d’intervenir en Libye et de s’immiscer dans une guerre civile qui ne concernait en rien la France, vont désormais porter la très lourde responsabilité des évènements dramatiques qui s’annoncent et qui vont se dérouler à quelques heures de navigation de nos côtes.

Bernard Lugan
29/10/11

11 commentaires:

  1. « M[o]ustapha Abd el Jalid » ou « M[o]ustapha Abd el Jalil » ?

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  2. Youssef Aït Lahbib29 octobre 2011 à 16:48

    Zentan est contrôlée par le Zentan Military Council (ZMC)

    1) Zenten

    2) Adrar Néfoussa (pas de z, pour ne pas atrabiser en utilisant Djébel).

    3) Pourquoi utiliser des noms anglais inconnus et sans doute peu officiels. Optez pour la facilité la traduction (les anglophones n'hésitent pas à la faire avec des acronymes francophones en Afrique) ou la précision et l'authenticité : donner les noms en arabes ou en berbères.

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  3. Brillante analyse, comme toujours M. Lugan.

    Nos politiques devraient réfléchir à deux fois avant de jouer aux les va-t-en guerre.

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  4. C'est la première fois que je lis qu'en plus d'avoir été lynché Kadhafi ait été violé par ceux qui l'avaient capturé. Je suis curieux de savoir sur quels témoignages est basée cette information?

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  5. M. Lugan, merci pour cet excellent éclairage sur la situation Libyenne !

    En complément, un texte sur la mort de Kadhafi sur le blog de Y.M. Laulan :

    http://www.laulan.fr/2011/la-mort-de-kadhafiretour-a-la-barbarie/

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  6. Sodomisé, étant vivant, ce n'est qu'un viol...donc pas de nécrophilie, rien de si grave, nous sommes habitués à pire.

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  7. @Ramir : il y a des photos. Sodomisé avec un bâton et dénudé sur une autre vidéo

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  8. quoiqu;il en soit le kadhafi a finance des annees durant des milices terroristes d'extreme gauche au Liban pour assassiner la resistance chretienne et je ne survole meme pas les attentats..lockerby et autres.. la barbarie ne revient pas...elle continue avec d'autres visages...

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  9. Entretien avec le president Libyen de notre organization internationale Amazighe.

    A lire:
    >
    >http://www.depechedekabylie.com/evenement/101379-abdeljelil-nest-plus-lhomme-de-la-situation.html
    >

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  10. monsieur Lugan , vous devriez reprendre au début , Leclercq conquiert le fezzan , Conrad Killian , explorateur souverain , découvre seul par son génie l'immense potentiel pétrolier du fezzan et du sahara . Leclercq est assassiné,K illian est assassiné, l'intelligence service déclenche la guerre d'algérie... vous connaissez la suite ...

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  11. Même si c'est un dictature, mais qui a donner une vie meilleur a ces peuples, je ne pense pas qu'il mérité tout ça. On le tue parce qu'il n'aime pas les États-Unis. Mais on est pas oblige d'aimer ces pays voyous?

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