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jeudi 4 novembre 2010

Côte d’Ivoire : les élections confirment la fracture ethnique

Reportées plusieurs fois depuis 2005 et finalement organisées à grands frais par la communauté internationale, les élections ivoiriennes, loin de permettre une sortie de crise, compliquent tout au contraire une situation politique aussi complexe qu’explosive. Avec ce scrutin qui n’a rien résolu, la démonstration vient une fois de plus d’être faite que la démocratie africaine est d’abord une ethno mathématique. Ce sondage ethnique grandeur nature a d’abord confirmé que la Côte d’Ivoire est bien composée de trois blocs ethniques donc politiques.
- Pour le président sortant, M. Laurent Gbagbo, un Bété, élu en 2000 à la suite d’un vaste trucage électoral, le résultat de cette consultation est particulièrement cruel. Lui qui affirmait avec assurance qu’il allait triompher dès le premier tour n’a en effet rassemblé sur son nom qu’entre 36 et 37% des suffrages et a été mis en ballottage. La seule bonne nouvelle pour lui est qu’il a rassemblé au-delà de son noyau ethnique (+-12 %). L’analyse du scrutin montre en effet que les sous groupes akan, notamment les petites ethnies dites Lagunaires (+- 10 %) auxquelles appartient son épouse Simone, ont en partie voté pour lui, ainsi que l’électorat détribalisé de la région d’Abidjan qui s’est reconnu dans son discours nationaliste et ses positions anti-françaises. Laurent Gbagbo n’a cependant qu’une faible assise nationale car il n’atteint 50% des suffrages que dans 4 régions sur 19. Il réalise des scores médiocres dans le centre du pays et ses résultats dans les régions administratives du Nord sont dérisoires puisqu’il n’y obtient qu’entre 2 et 9 % des votes.
- L’ancien président Henri Konan Bédié, d’ethnie Baoulé (+- 25%), premier successeur de Félix Houphouët-Boigny, et qui occupa le fauteuil présidentiel de 1995 à 1999 est le second perdant de ce premier tour. Lui qui fut jadis le champion de l’ «Akanité », espérait rassembler sur son nom la grande majorité des 40% d’Akan ; or, il n’a recueilli que 25% des suffrages nationaux. Comme il a fait le plein des voix au centre du pays, dans les deux régions baoulé des Lacs et de N’zi-Comoé, ce résultat signifie clairement que les Akan non Baoulé se sont détournés de lui et qu’ils ont voté pour Laurent Gbagbo. Outre les Lagunaires, il a ainsi perdu l’électorat akan de la région du Sud Comoé où il n’obtient que 20% des voix. Dans l’Ouest, en zone Kru, il réalise en revanche des scores honorables là où des planteurs baoulé ont colonisé la terre des indigènes, notamment dans le Bas-Sassandra où il totalise 41% des suffrages. Ses résultats sont en revanche insignifiants dans le Nord avec moins de 5% des voix.
- Avec 33% des voix, Alassane Ouattara qui a coagulé sur son nom les votes des ethnies nordistes et musulmanes (Malinké, Dioula, Sénoufo, Kulango ou Lobi etc.,), est le grand vainqueur de ce premier tour puisqu’il met le président sortant en ballottage. Sa domination est écrasante dans 4 régions administratives nordistes où il obtient entre 73 et 93% des suffrages. Dans le Sud, ses résultats qui sont honorables ne sont que le simple décalque des noyaux de peuplement résultant des migrations internes et de l’immigration sahélienne ; dans la région d’Abidjan, il obtient ainsi 33% des voix.

En totalisant moins de 3% des suffrages à eux tous, les 11 autres candidats n’ont fait que de la figuration, ce qui signifie que la clé du second tour est détenue par l’électorat baoulé d’Henri Konan Bédié. Comme ce dernier a conclu un accord électoral avec Alassane Ouattara, en pure logique électorale européenne, Laurent Gbagbo qui est en ballottage défavorable devrait donc mathématiquement être battu. Les jeux sont cependant loin d’être faits et cela pour deux grandes raisons :

1) La première est le poids du contentieux opposant Henri Konan Bedié et Alassane Ouattara, le premier ayant jadis écarté le second en l’accusant d’être Burkinabé et non Ivoirien.
2) Laurent Gbagbo n’est pas homme à abandonner facilement un pouvoir qu’il a eu tant de mal à conquérir et son clan qui porte la responsabilité de multiples exactions sait qu’il a tout à redouter de l’arrivée au pouvoir de ses anciennes victimes nordistes. Le président sortant dispose de l’appareil de l’Etat, il tient la région d’Abidjan - bien qu’il y soit minoritaire avec 45% des suffrages -, il contrôle les zones cacaoyères de l’Ouest et le littoral riche en hydrocarbures, il est assuré du soutien de l’armée et de la gendarmerie et il a montré qu’il sait tenir la rue grâce à ses milices. Sa position est donc forte mais pour l’emporter au second tour, il doit impérativement séduire l’importante fraction Baoulé qui voit en Alassane Ouattara l’homme qui a provoqué ou inspiré le putsch du général Guei le 24 décembre 1999 et donc le renversement d’Henri Konan Bédié. Il va donc radicaliser la situation pour en revenir, d’une manière ou d’une autre, au concept de l’ «ivoirité » se présentant comme le « candidat des patriotes » contre « le candidat de l’étranger, homme à la nationalité douteuse ». Les passions qui vont être exacerbées vont donc élargir encore davantage la fracture ivoirienne.

La cartographie de cette élection est traitée en détail dans le numéro 11 (novembre 2010) de l’Afrique réelle qui sera envoyé par PDF aux abonnés dans les jours prochains.

Bernard Lugan
04/11/2010

13 commentaires:

  1. À votre avis, j'ai un peu connu la CI, les libanais qui sont bi-nationaux, ont-ils eu le droit de voter? Si oui, pour qui? Pour ADO car musulmans, même si les libanais de là-bas sont autant chrétiens que musulmans ou bien Gbagbo qu'ils connaissent car comme eux il vit à Abidjan.

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  2. héé oui encore un blanc qui croit connaitre l'afrique mieux que nous .... et vous oubliez tout le passé de militants et de leader de l'opposition ivoirienne du Président laurant Gbagbo. Si nous parlons d'élection aujourd'hui c'est bien parce que les institutions ont résisté. Vue la diversité ethnique de la CI, tout ivoirien doit oueuvré pour la construction d'une véritable nation au dessus de toute passion ethnique. Comme vous pouvez le constater à la suite de ces élections, le seul enCI cappable de construire cette nation modèle est bien le président Gbagbo.car bien qu'étant issue d'un groupe minoritaire (bété à peine 12%) il est soutenu par le peuple lagunaire , une bonne partie du groupe akan ( Agni et ABRON ) et le groupe des mandé du sud ( à l'ouest montagneuse). malheureusement ce sont toujours les même groupe ethnique baoulé et dioula tres enraciné dans l'ethnisicisme et le radicalisme réligieux pour les derniers qui confirme qu'il n'ont toujours pas changé 10 après une guerre qu'il ont soutenu et quia détruit leur région au détriment du sud protégé par l'armée régulière.
    Si vous voulez vraiment aidez les africains enseigner leur plutot ce qui se passe chez vous en démocratie, dites leur que jamais le peuple blanc européen n'accepterait une prise du pouvoir législative par les armes, par un coup d'état, par des meutriers. dites leur pour une fois cette vérité bien de chez vous et qui est la base du systéme démocratique.
    les africains ne sont pas des sous hommes malgré leur couleur noir, le sang dans leur veine est rouge comme le vôtre. alors si vous voulez les aider dites leur la VERITE, pas DE REBELLION, DONC PAS DE GUERRE, PAS DE VICTIMES INNOCENTES....

    MERCI

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  3. si vous êtes impartiale ayez lecourage d'afficher mon commentaire...

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  4. Vous avez raté une belle occasion de vous taire. Votre soi disant analyse est truffée de contre vérités puantes et nauséabondes. Vous étalez votre ignorance manifeste de la Côte d'ivoire et de son histoire. Laurent Gbagbo n'as pas été élu à la suite d'"un vaste trucage électoral". Il a participé à une élection qu'il n'a pas organisée et il l'a gagnée. Le gagnant de ce 1er tour c'est bien lui, car il a montré que son action politique dépasse largement les clivages ethniques.
    Et arrêtez de voir tout sous le prisme des ethnies. Ce sont des gens comme vous, de pseudos experts, qui passent leur temps sur les plateaux de television en Europe pour distiller des idées erronées sur les pays africains. Si vous voulez parler de fracture concentrez vous sur la Belgique... Il y a surement beaucoup à dire de ce coté. A bon entendeur salut!

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  5. Bernard, ne prenez pas la peine de répondre à ces abrutis qui vous traite de raciste et d'homme blanc qui ne comprend rien à l'Afrique comme si cette compréhension été hors de portée, n'importe quoi, putain qu'est-ce qu'ils sont cons, ils ne méritent pas de réponse.

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  6. Selon les commentaires malveillants précédents, il semblerait que les ivoiriens de France soutiennent activement Gbagbo. Avez-vous une explication à donner ? Peut-être parce que les migrants demeurent parfois le temps d'une génération dans la région détribalisée d'Abidjan.
    A moins que les supporters de Gbagbo soient simplement mieux initiés à l'usage des blogs.

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  7. Kinta :

    Vous êtes le seul à parler de sous-hommes et d'infériorité raciale. Si vous êtes contre l'analyse de M.Lugan faites le savoir sans raconter n'importe quoi, merci de ne pas tout ramener à ce genre d'idées. Votre propos vous discrédite complètement.

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  8. Merci monsieur lugan , pour cette analyse qui à l'avantage d'être très réaliste. evidemment elle ne peut peut plaire à tout le monde. surtout à ceux qui sont atteints de cécité intellectuelle au nom du nationalisme. je vis en côte d'ivoire, je suis ivoirien et je travaille dans l'administration à un niveau assez élevé, et donc à même de confirmer ce que vous avez dit.
    les gens devraient appprendre à accepter de prendre en compte ce que les autres leur apportent et qu'eux avaient perçu différemment, et essayer d'apporter des corrections. Parce qu'au fond Bernard lugan n'est pas à ce que je sache ivoirien et n'a donc pas unj intérêt direct dans la crise ivoirienne . son analyse peut donc être classée comme neutre, ne faisant la part belle à personne, sinon simplement nous faire comprendre à nous autres ivoiriens qu'il ya un problème sérieux à résoudre pour aller à la "nation" si chère au président houphouët dont tout le monde se réclame, même le pdt gbagbo qui l'a combattu au point de lui manqué très souvent de respect.mais comme disait le vieux houphouët et je cite en m'excusant d'avance pour la durété du propos "seuls les imbéciles ne changent pas".

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  9. t'a touché combien d'euros du Mekhzen pour raconter des ânneries et dire que Bechar et Tindouf étaient marocaine espece de mytho ? quelle est la preuve historique à part tes bla bla ? t'en as aucune et je te lance un défi devant tous le monde, quand on touche l'histoire il suffit pas de venir raconter des histoires à dormire debout, l'Algérie était et restera une épine dans les gorges des connards de ton espece , l'Afrique au africains les merçenaires au diable

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  10. analyse objective qui a le mérite de la clarté !

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  11. je suis effrayé par tant de violence!

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  12. Bonjour Maître ,
    vous savez bien ce que disent les chinois :"quand on montre la lune ,l'imbécile regarde le doigt".
    Je suis vos travaux depuis une petite année maintenant,c'est tout à fait passionnant,et je vous confirme que vous n'avez absolument rien à regretter du rejet du système français,c'est des bouffons.
    A propos de vos travaux il me vient un vieux proverbe qui dit que la taupe est aveugle mais elle creuse dans une direction bien déterminée lol.Il y a eu l'Érythrée,ce mois ci le sud Soudan,j'ai bon espoir même si ça va prendre du temps.
    Je me permet de profiter de la tribune pour vous signaler ce site admirable d'un jeune africain de 18 ans,je pense qu'il mérite largement un contact de votre part.Merci de ce que vous ferez pour lui.
    Bien à vous.

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  13. Analyse lumineuse à la lumière de ce qui s'est passé par la suite. La prédiction est un art difficile, mais pas pour tout le monde !

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